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Décisions | Chambre civile

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C/5125/2021

ACJC/196/2022 du 28.01.2022 sur JTPI/10109/2021 ( SDF ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5125/2021 ACJC/196/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 28 JANVIER 2022

 

Entre

 

Madame A______, domiciliée ______ [VD], appelante et intimée d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 août 2021, comparant par Me Daniel MEYER, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], appelant et intimé, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/10109/2021 du 9 août 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a constaté que A______ et B______ vivaient séparés depuis le 31 octobre 2020 (ch. 1 du dispositif), condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d’avance, 480 fr., à compter du mois de mars 2021 au titre de contribution à son entretien (ch. 2), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal sis 1______, [à] E______ [GE] (ch. 3), prononcé ces mesures pour une durée indéterminée (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacun des époux, a condamné B______ à verser 100 fr. à A______ (ch. 5), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 6), condamné A______ et B______ à respecter et à exécuter les dispositions du jugement (ch. 7) et débouté ceux-ci de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 23 août 2021 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 11 août 2021, dont elle sollicite l'annulation du chiffre 2 du dispositif. Cela fait, elle conclut à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, la somme de 900 fr. à titre de contribution d'entretien à compter du mois de mars 2021 et au partage des frais et dépens entre les parties.

b. Par réponse du 1er octobre 2021, B______ conclut au rejet de l'appel de A______, sous suite de frais de première et seconde instance.

C. a. Par acte expédié à la Cour le 23 août 2021, B______ forme également appel contre ce jugement, qu'il a reçu le 13 août 2021, sollicitant l'annulation du chiffre 2 du dispositif. Cela fait il conclut à ce qu'il soit dit qu'il ne doit verser aucune contribution à l'entretien de A______, sous suite de frais.

b. Par arrêt présidentiel du 3 septembre 2021, la Cour a rejeté la requête formée par B______ tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, et dit qu'il sera statué sur les frais liés à la décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Par réponse du 6 septembre 2021, A______ a conclu à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par B______ et, sur le fond, repris les conclusions de son appel du 23 août 2021.

d. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour du 25 octobre 2021 de ce que la cause était gardée à juger.

D. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure.

a.    B______ et A______ ont contracté mariage le ______ 2001 à C______ [GE].

Une enfant est issue de cette union, D______, née le ______ 2001, aujourd'hui majeure.

b.   Les époux vivent séparés depuis le 31 octobre 2020, date à laquelle A______ a quitté le domicile conjugal.

D______ est restée vivre avec son père. Elle est étudiante et est à la charge financière de ses parents.

c.    Le 18 mars 2021, A______ a formé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale.

Elle a conclu, s'agissant du point litigieux en appel, à la condamnation de B______ à lui verser, au titre de la contribution à son entretien, 900 fr. par mois à compter du dépôt de la requête, sous suite de dépens.

d.   Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 5 mai 2021, A______ a persisté dans ses conclusions.

B______ s'est opposé au versement d'une contribution à l'entretien de celle-ci.

e.    S'agissant de leurs situations financières, les époux sont copropriétaires du logement conjugal, attribué à B______, ce qui n'est pas remis en cause, situé 1______, à E______ [GE].

Durant la vie commune, les époux partageaient les frais de la famille sans établir de pro rata en fonction des revenus de chacun.

f.                       A______ est laborantine en chimie chez F______ SA.

Avant le mariage, elle travaillait en cette qualité à 100%. A la naissance de l'enfant, elle a cessé d'occuper un emploi, qu'elle a repris à 100% en 2004 jusqu'en 2007, année où elle a passé à 80%. A partir de 2020, elle a augmenté son taux d'occupation à plein temps. Elle perçoit actuellement un salaire mensuel net de 4'667 fr. versé 13 fois l'an (mensualisé : 5'056 fr.).

Devant le Tribunal, elle a exposé avoir déménagé à G______ dans le canton de Vaud, ce qui avait généré des frais supplémentaires car elle avait dû prendre l'abonnement général des CFF.

Le Tribunal a arrêté ses charges à 4'673 fr., comprenant 1'645 fr. de loyer, 445 fr. d'assurance-maladie, 116 fr. de prévoyance santé LCA, 150 fr. d'assurance-vie, 1'200 fr. d'impôts, 282 fr. d'abonnement général annuel CFF (3'385 fr. / 12), 1'200 fr. de montant de base OP et 500 fr. de pension pour sa fille D______, lui laissant un disponible de 383 fr.

g.    B______ bénéficie d'une retraite depuis le 1er août 2019 et perçoit des rentes mensuelles de 6'584 fr. (rente de base + rente pont).

Il a estimé sa charge fiscale mensuelle après scission à 1'300 fr. (au lieu de 1'556 fr. 40), grâce à la calculette de l'Etat de Genève.

Le Tribunal a arrêté ses charges à 5'235 fr., lui laissant un disponible de 1'349 fr.

Celles-ci sont composées de 636 fr. de charges hypothécaires, 599 fr. de charges de copropriété, 350 fr. d'assurance-maladie, 424 fr. d'assurance vie, 302 fr. d'IFD, 1'300 fr. d'acomptes provisionnels ICC (3'622 fr. /12), 70 fr. de frais de transport, 388 fr. de frais d'assurance pour D______, 66 fr. de frais ______ [opérateur téléphonique] pour D______ et 1'100 fr. de montant de base OP (pour tenir compte du fait qu'il vit avec sa fille qui perçoit des revenus).

h.   L'enfant D______ perçoit 500 fr. par mois de sa mère et une rente mensuelle de 383 fr., à quoi doivent s'ajouter encore des allocations d'études que le Tribunal a estimées à 400 fr. par mois, soit un total de 1'283 fr.

i. La cause a été gardée à juger au terme de l’audience de plaidoiries du 5 mai 2021, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

E. Dans la décision querellée, et s'agissant du seul point contesté en appel, le Tribunal, tenant compte des revenus et charges susmentionnés des parties, a partagé par moitié entre les époux l'excédent total de 1'732 fr. (383 fr. + 1'349 fr.). Après déduction du montant de son propre solde disponible, A______ avait ainsi droit à une contribution mensuelle arrondie à 480 fr. (866 fr. – 383 fr.). Les frais ont été répartis entre les parties compte tenu de la nature familiale du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices – qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC – dans les causes non patrimoniales ou dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC).

1.2 En l'espèce, les appels ont été introduits en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC). Ils sont donc recevables.

A______ sera désignée comme l'appelante, et B______ comme l'intimé.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), sa cognition étant toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_762/2013 du 27 mars 2014 consid. 2.2).

La fixation de la contribution d'entretien du conjoint dans le cadre de mesures protectrices de l'union conjugale est soumise à la maxime de disposition (art. 58 CPC; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2015 du 21 janvier 2016 consid. 6.2.3).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu au titre de l'abonnement général CFF la somme de 282 fr. au lieu de 322 fr. (3'860 fr. / 12, montant arrondi). Elle subirait dès lors un déficit de 522 fr. par mois. Après couverture de ce dernier, elle a droit à la moitié de l'excédent. Elle soutient qu'il est notoire que la charge fiscale de l'intimé sera inférieure à 1'300 fr., en tenant compte de la contribution d'entretien.

L'intimé reproche au Tribunal d'avoir procédé à la répartition de l'excédent, alors qu'il a 64 ans, que l'appelante n'a que 50 ans et qu'elle pourrait trouver un emploi mieux rémunéré, qu'il paie la nourriture de sa fille et ne réclame à celle-ci aucun montant au titre de loyer. L'appelante dispose d'une voiture de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du prix d'un abonnement général CFF, le montant retenu à ce titre par le Tribunal étant au demeurant correct.

2.1 D'après l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l'autre. Tant que dure le mariage, les conjoints doivent donc contribuer, chacun selon ses facultés (art. 163 al. 1 CC), aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages. Chaque époux peut prétendre à participer d'une manière identique au train de vie antérieur (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa; arrêts du Tribunal fédéral 5A_304/2013 du 1er novembre 2013 consid. 4.1; 5A_710/2009 du 22 février 2010 consid. 4.1, non publié aux ATF 136 III 257). Le montant de la contribution d'entretien se détermine en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Le législateur n'a pas arrêté de mode de calcul à cette fin. L'une des méthodes préconisées par la doctrine et considérée comme conforme au droit fédéral en cas de situations financières modestes ou moyennes et tant que dure le mariage (art. 176 al. 1 ch. 1 CC en relation avec l'art. 163 al. 1 CC), est celle dite du minimum vital, avec répartition de l'excédent (arrêt du Tribunal fédéral 5A_547/2012 du 14 mars 2013 consid. 4.1).

Le Tribunal fédéral a récemment arrêté, pour toute la Suisse, une méthode uniforme de fixation de l'entretien - soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent dite en deux étapes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_311/2019 du 11 novembre 2020; 5A_891/2018 du 2 février 2021 et 5A_800/2019 du 9 février 2021 destinés à la publication).

Selon cette méthode, on examine les revenus effectifs et les besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019 précité consid. 7).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2 et les références).

L'obligation d'entretien du conjoint l'emporte sur celle de l'enfant majeur (ATF 132 III 209 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_36/2016 du 29 mars 2016 consid. 4.1).

La détermination de la quotité de la contribution d'entretien relève du pouvoir d'appréciation du juge, qui applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC).

2.2 En l'espèce, il est exact que l'abonnement général CFF coûte 3'860 fr., alors qu'il était de 3'385 fr. en 2020. Cela étant, l'appelante n'a produit aucune pièce justifiant qu'elle s'est effectivement acquittée de ce montant, de sorte qu'il n'en sera pas tenu compte. L'appelante n'ayant fourni aucune explication sur les raisons de son déménagement à G______, ni sur son lieu de travail et les moyens de transport utilisés, seul un montant de 70 fr. sera pris en compte à titre de frais de transport, montant allégué initialement devant le premier juge. En conséquence, ses charges seront arrêtées à 4'461 fr. (4'673 fr. – 282 fr. + 70 fr.), soit un disponible de 595 fr.

Il n'y a pas lieu à ce stade de tenir compte d'une charge fiscale inférieure pour l'intimé, estimée par ce dernier sur la base de la calculette fournie par l'Etat, l'appelante ne fournissant aucun élément concret à cet égard et ne s'y étant pas opposée en première instance.

C'est en vain que l'intimé soutient que l'appelante pourrait réaliser un revenu plus élevé. Il ne fournit d'ailleurs aucun élément concret à cet égard. En tout état, au stade des mesures protectrices, il y a lieu de s'en tenir à la situation effective des parties.

Enfin, l'entretien du conjoint passe avant celui de l'enfant majeur, de sorte que les arguments de l'intimé pour s'opposer au paiement de toute contribution tombent à faux, étant cependant relevé que le Tribunal a retenu dans les charges de l'intimé certaines de celles de l'enfant majeure, sans que cela soit contesté en appel par l'appelante.

En conclusion, l'excédent des parties totalise 1'944 fr. (595 fr. + 1'349 fr.), soit 972 fr. pour chaque partie. Après déduction du montant de 595 fr., l'appelante a droit à une contribution qui sera arrêtée à 380 fr. (montant arrondi). Le dies a quo n'étant pas remis en cause, il sera confirmé.

Le chiffre 2 du jugement sera annulé et modifié dans ce sens.

3. L'intimé conclut à la mise des frais de première instance à la charge de l'appelante, sans aucune motivation.

La quotité et la répartition des frais de première instance, conforme à la loi, sera dès lors confirmée.

Chaque partie supportera ses frais d'appel, arrêtés à 800 fr. pour l'appelante et à 1'000 fr. pour l'intimé, au vu de la solution et de la nature du litige. Ceux-ci seront compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat.

Pour les mêmes raisons, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés par A______ et B______ contre le jugement JTPI/10109/2021 rendu le 9 août 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5125/2021-1.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement.

Cela fait, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à verser en mains de A______, par mois et d’avance, 380 fr., à compter du mois de mars 2021 au titre de la contribution à son entretien.

Confirme le jugement pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel, mis à la charge de A______, à 800 fr., et ceux de l'appel, mis à la charge de B______, à 1'000 fr. et dit qu'ils sont compensés avec les avances fournies, acquises à l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supportera ses frais judiciaires et ses dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse supérieure à 30'000 fr.