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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/13166/2010

AARP/446/2012 du 07.12.2012 sur JTDP/129/2012 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; VIOLATION D'UNE OBLIGATION D'ENTRETIEN ; FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.217; CP.169; CP.47;
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13166/2010 AARP/446/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du vendredi 7 décembre 2012

 

Entre

X______, comparant par Me Claude ULMANN, avocat, place Claparède 1, 1205 Genève,

 

appelant,

 

contre le jugement JTDP/129/2012 rendu le 6 mars 2012 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA), rue Ardutius-de-Faucigny 2, case postale 3429, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

 

intimés.

 

 

 


EN FAIT

A. a. Par lettre du 7 mars 2012, X______ a annoncé appeler du jugement rendu par le Tribunal de police à la date du 6 mars 2012, notifié le 3 avril 2012, dans la cause P/13166/2010, par lequel le tribunal de première instance l'a reconnu coupable de violation d'une obligation d'entretien et de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice, a révoqué le sursis qui lui avait été accordé le 3 mai 2011 par la même juridiction à une peine de 20 jours-amende à CHF 30.– le jour et l’a condamné à une peine d'ensemble de 350 heures de travail d'intérêt général et aux frais de la procédure.

b. Par acte du 19 avril 2012, X______ conteste sa culpabilité « en droit », tout en reconnaissant les faits et conclut, à titre subsidiaire, à une diminution de la peine qui lui a été infligée.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. Selon le procès-verbal de saisie (série n. 1______) du 26 juin 2009, X______ a déclaré le 23 juin 2009 des gains mensuels à hauteur de CHF 6'130.–, la retenue mensuelle étant fixée à CHF 2'240.–.

b. Le 10 août 2010, la banque A______ S.A., de siège à Lugano (la banque) a déposé une plainte contre X______ du fait de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice au sens de l'article 169 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0) pour un montant à recouvrer de CHF 7'378,90, à teneur d'un procès-verbal constatant le non-versement de gains saisis émis par l’Office des poursuites le 26 juin 2010 (série n. 1______). Des créanciers privilégiés de première et de deuxième classe, soit l’institution supplétive au sens de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP ; RS 831.40) et l’assureur-maladie, participaient à la série ; le total des sommes qui n'avaient pas été versées s'élevait à CHF 7'480.–.

La banque a retiré sa plainte le 7 janvier 2011, X______ ayant payé la somme due.

b. Le service cantonal d'avances et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) a déposé le 22 septembre 2010 une plainte pénale pour violation d'une obligation d'entretien au sens de l'article 217 CP : X______ n'avait pas versé à son ex-épouse les sommes dues au titre de contribution à son entretien pour la période de juin à septembre 2010, soit un montant total de CHF 16'000.–, dont il convenait de déduire un paiement unique de CHF 2’000.–.

c. Le 24 novembre 2010, X______ a été renvoyé en jugement par acte d'accusation du Ministère public ; il lui était reproché d'avoir disposé d'une valeur patrimoniale saisie à hauteur de CHF 7'480.– et d'avoir omis de payer la pension due à son ex-épouse.

d. Lors de son audition par le Tribunal de police le 6 mars 2012, X______ à exposé avoir cessé de pratiquer en qualité d'avocat, car il avait été radié le 14 décembre 2009 du registre par la commission du barreau ; il avait toutefois continué à travailler en qualité de juriste indépendant, écrivant des articles et étant actif dans le marketing ; les locaux qu’il louait lui servaient tant de domicile professionnel que privé. Il reconnaissait l'intégralité des faits. Il a déposé des lettres circulaires en langue anglaise émanant d'une certaine « The FairFund Federation », datant des années 2010 et 2011 et faisant état de transactions financières à venir, la copie d’une reconnaissance de dette établie sous seing privé par une tierce personne le 7 janvier 2010, portant sur un montant de CHF 500'000.–, ainsi que la copie de sa déclaration d'impôts concernant les revenus 2010, comportant un revenu net total de CHF 21'109.– pour des produits d'exploitation totaux à hauteur de CHF 78'769.40.

C. a. L'appel porte sur la réalisation des infractions qui lui sont reprochées, l'appelant considérant ne pas avoir « arbitrairement disposé » de valeurs patrimoniales, au sens de l'article 169 CP, car il ne disposait même pas de revenus correspondant au minimum vital ; il en allait de même de l'infraction à l'article 217 CP, vu l'impossibilité de trouver du travail du fait de son âge et de la sanction administrative qui le frappait. À titre subsidiaire, il conclut à la réduction de la peine qui lui a été infligée en première instance et au maintien du sursis qui lui avait été accordé le 3 mai 2011.

b. Le Tribunal de police, le Ministère public et le Scarpa concluent au rejet de l'appel.

D. Né le ______1956, l'appelant s'est remarié au mois de mai 2011. Il continuait à exercer la profession de juriste de manière indépendante et assurait en outre des traductions. Lors de son audition par le Tribunal de police le 6 mars 1012, il a expliqué avoir reconnu réaliser un revenu mensuel net de CHF 3’000.– lors d'une audition par l'Office des poursuites, alors qu'il était en pleine dépression.

Son casier judiciaire comporte une condamnation pour détournement de valeurs patrimoniales à une peine de 20 jours-amende à CHF 30.– le jour, assortie d'un délai de trois ans, selon un jugement du Tribunal de police de 3 mai 2011.

 

EN DROIT

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

L'appelant ne conteste pas les faits, mais il considère ne pas remplir certaines des conditions des deux infractions qui lui sont reprochées.

2. L'article 169 CP vise à punir celui qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura notamment arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie, ce qui est le cas de la personne indépendante qui omet de verser à l'Office des poursuites les gains qu’elle réalise (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 2e éd., Bâle 2007, n. 11-12 ad art. 169).

Il n'appartient pas au juge pénal de revoir la décision prise par les autorités de poursuite. Si le gain effectif réalisé par la personne condition indépendante est inférieur aux prévisions, il lui revient d'examiner si l'intéressé avait les moyens, d'honorer, même partiellement, la saisie ordonnée (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 19 ad art. 169).

En choisissant de s’acquitter de sa dette auprès de la banque, l’appelant rend superflue toute discussion sur l’adéquation entre les gains réalisés en 2010 et ceux déclarés à l’Office des poursuites le 23 juin 2009. Le juge pénal ne saurait en effet reprendre les éléments à la base des calculs de l’Office des poursuites lorsque le débiteur, s’acquittant d’une dette au détriment des autres créanciers, démontre avoir eu à tout le moins à sa disposition les liquidités requises pour ce versement. Ce paiement a en outre pour effet de désavantager les autres créanciers participant à la série, ce qui leur cause un dommage au sens de l’article 169 CP. L’appelant a ainsi disposé arbitrairement d’une valeur saisie par l’Office des poursuites en violation des règles prévues par la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP ; RS 281.1) et le caractère intentionnel de cet acte de disposition est incontestable : l’ensemble des éléments constitutifs de la disposition précitée est réalisé.

3. L'article 217 al. 1 CP punit, sur plainte, celui qui n'aura pas fourni les aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoi qu'il en eût les moyens ou pût les avoir.

L'obligation d'entretien est violée, d'un point de vue objectif, lorsque le débiteur ne fournit pas, intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit de la famille. Pour déterminer si l'accusé a respecté ou non son obligation d'entretien, il ne suffit pas de constater l'existence d'une obligation d'entretien résultant du droit de la famille, mais il faut encore en déterminer l'étendue. La capacité économique de l’accusé de verser la contribution d'entretien se détermine par analogie avec le droit des poursuites relatif au minimum vital (art. 93 LP ; ATF 121 IV 272 consid. 3c p. 277). Le débiteur ne peut pas choisir de payer d'autres dettes en dehors de ce qui entre dans la détermination de son minimum vital (arrêt du Tribunal fédéral 6S.208/2004 du 19 juillet 2004 consid. 2.1). On ne peut reprocher à l'auteur d'avoir violé son obligation d'entretien que s'il avait les moyens de la remplir, ou aurait pu les avoir. Par là, on entend celui qui ne dispose pas de moyens suffisants pour s'acquitter de son obligation, mais également celui qui ne saisit pas les occasions de gain qui lui sont offertes et qu'il pourrait accepter (ATF 126 IV 131 consid. 3a p. 133 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_509/2008 du 29 août 2008 consid. 2.1). Il incombe en effet à celui qui doit assurer l'entretien de sa famille de se procurer de quoi satisfaire à son obligation. Le cas échéant, il doit changer d'emploi ou de profession, pour autant qu'on puisse l'exiger de lui. Le droit de choisir librement son activité professionnelle trouve ses limites dans l'obligation du débiteur alimentaire d'entretenir sa famille (ATF 126 IV 131 consid. 3a/aa p. 133).

Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'article 217 CP doit être commise intentionnellement (ATF 70 IV 166 p. 169). L'intention suppose que l'auteur a connu les faits qui fondent son obligation d'entretien ou qu'il en a accepté l'éventualité.

L’appelant a exercé la profession d’avocat jusqu’à sa radiation du tableau et il fait état, à tout le moins implicitement, de possibilités de gains qui n'auraient pas été réalisées en produisant notamment une copie d'une reconnaissance de dette sous seing privé, établie en sa faveur. Il a déclaré au premier juge avoir poursuivi une activité de juriste indépendant. Il ne prétend pas avoir cherché d'autres opportunités de gain, par exemple en occupant un emploi, même au prix de sa qualité d'indépendant. Ce faisant, il n'a pas fourni tous les efforts que l'on pourrait attendre de lui. Il a donc lieu de retenir qu'il aurait pu être en mesure de satisfaire à ses obligations. En outre, le seul fait d'avoir privilégié le règlement d'une autre créance que celle d'aliments est déjà constitutive d'une violation de l'article 217 CP.

Sur ce point également, le jugement entrepris ne souffre pas la critique.

4. 4.1 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Comme sous l'ancien droit, le facteur essentiel est celui de la faute.

4.2 En cas d'échec de la mise à l'épreuve, le juge peut révoquer le sursis antérieurement accordé, modifier le genre de peine et fixer une peine d'ensemble (art. 46 et 49 CP). Les deux infractions entrent en concours (art. 49 CP). La peine plafond envisageable est de quatre années et demie de privation de liberté.

4.3 Le premier juge a considéré avec justesse que l’infliction d'une peine pécuniaire pour sanctionner une violation de l'article 169 CP était particulièrement inadéquate, le condamné se trouvant généralement impécunieux. Le caractère inexécutable de la peine pécuniaire est le reflet de la situation financière obérée de l'appelant qui doit néanmoins être puni pour n'avoir pas respecté les règles fondées sur le droit de la poursuite et celui de la famille.

Il convient de tenir compte des antécédents de l'appelant, qui ne comporte qu'une condamnation, intervenue en 2011, pour des faits identiques. Sa situation personnelle, à tout le moins d'un point de vue économique, est certainement difficile. Les actes dont il s'est rendu coupable sont d'autant plus graves d'un point de vue subjectif que le prévenu dispose de toutes les connaissances lui permettant d'apprécier exactement ses obligations. Les motivations sont égoïstes, qu'il s'agisse de désintéresser un créancier qui n'est pas privilégié au détriment d'un créancier d'aliments ou de ne pas payer à ce dernier les sommes dues sans avoir épuisé toutes les possibilités d'occuper un emploi rémunéré.

Le choix d'une peine sous forme de travail est judicieux ; encore faut-il que la quotité de la sanction soit adaptée. Or une peine de 350 heures de travail d'intérêt général correspond à 87.5 unités pénales ; elle est excessive au regard des circonstances de l'espèce et devra être réduite à 50 unités pénales, soit 200 heures de travail d'intérêt général.

5. L'appel ayant été partiellement admis, l’appelant sera condamné à la moitié des frais la procédure, comprenant un émolument d’arrêt d'appel de CHF 1'000.– (art. 428 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit l'appel formé par X______ contre le jugement JTDP/129/2012 rendu le 6 mars 2012 par le Tribunal de police dans la procédure P/13166/2010.

Annule ce jugement dans la mesure où il condamne X______ à une peine d'ensemble de 350 heures de travail d'intérêt général.

Et statuant à nouveau :

Condamne X______ à une peine d'ensemble de 200 heures de travail d'intérêt général.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Condamne X______ à la moitié des frais de la procédure de première instance et d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.–.

Siégeant :

M. François PAYCHÈRE, président, M. Jacques DELIEUTRAZ et Mme Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, juges.

 

La greffière :

e.r. Joëlle BOTTALLO

Dorianne LEUTWYLER

 

Le président :

François PAYCHÈRE

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

P/13166/2010

ÉTAT DE FRAIS

AARP/446/2012

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'090.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

----

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

200.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

----

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'275.00

Total général (première instance + appel) condamne X______ à la moitié des frais de procédure de première instance et d'appel : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

2'365.00