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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1236/2025

DCSO/375/2025 du 26.06.2025 ( PLAINT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1236/2025-CS DCSO/375/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 26 JUIN 2025

 

Plainte 17 LP (A/1236/2025-CS) formée en date du 7 avril 2025 par A______.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 4 novembre 2024, A______ a requis la poursuite de B______, c/o C______, route 1______ no. ______, [code postal] D______ [GE], en paiement de 15'000 fr., 18'461 fr. 95 et 6'110 fr. 50 réclamés en relation avec une procédure pénale P/2______/18.

b. Le commandement de payer, poursuite n° 3______, établi le 14 novembre 2024 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office), n'a pas pu être notifié à l'adresse indiquée sur la réquisition de poursuite, B______ étant introuvable à cette adresse.

c. L'Office a établi un second commandement de payer, poursuite n° 3______, le 25 novembre 2024, qu'il a fait notifier à B______, chez E______, chemin 4______ no. ______, [code postal] F______ [GE]. L'acte a été retourné par la Poste avec les indications "non réclamé" et "domiciliation postale".

d. Par courrier A+ du 2 janvier 2025 envoyé à cette dernière adresse, B______ a été sommé de se présenter à l'Office pour retirer le commandement de payer. A défaut, il serait fait appel à la police ou à un agent communal voire procédé par voie de publication. Selon le "track and trace" de la Poste, le courrier a été distribué le 4 janvier 2025.

e. Le 20 janvier 2025, l'Office a établi un nouvel exemplaire du commandement de payer, complété de l'adresse, "B______ c/o G______, route 5______, [code postal] H______ [GE]", qui n'a pas pu être notifié, le destinataire étant introuvable.

f. Par courrier du 28 janvier 2025, l'Office a informé A______ de ce qu'il n'avait pas été en mesure de notifier le commandement de payer à B______. Selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), l'intéressé avait quitté le canton de Genève le 11 octobre 2019. Les tentatives de notification à trois adresses distinctes n'avaient pas abouti. A______ était invitée à communiquer à l'Office une nouvelle adresse du débiteur. A défaut, une décision de non-lieu de notification serait prononcée.

g. Par courrier du 4 février 2025, A______ a répondu qu'elle n'avait pas d'autres adresses à communiquer à l'Office. Toutefois, B______, qui avait été condamné à une peine privative de liberté ferme, ne pouvait pas quitter Genève. Il avait d'ailleurs été aperçu à J______ [GE]. Elle demandait à ce que l'Office procède par voie édictale.

h. Le 17 février 2025, un collaborateur de l'Office a effectué une tentative de notification à l'adresse de la route 5______ à H______. Le nom de B______ et celui de son logeur G______ ne figuraient pas sur la boîte à lettres.

i. Par courrier A+ du 19 février 2025, distribué le 20 février 2025, l'Office a invité G______ à faire savoir à partir de quelle date, le cas échéant, B______ n'était plus domicilié chez lui et à communiquer sa nouvelle adresse.

j. Le 26 mars 2025, l'Office a informé A______ qu'il était dans l'impossibilité de notifier le commandement de payer. Le poursuivi était introuvable aux anciennes adresses connues, n'était plus officiellement domicilié à Genève et n'était vraisemblablement plus au bénéfice d'un permis de séjour valable.

k. Dans une autre poursuite introduite par A______ à l'encontre de B______, l'Office a établi un procès-verbal de non-lieu de saisie, au motif que les investigations effectuées n'avaient pas permis de localiser le débiteur ou ses biens. Le procès-verbal de non-lieu de saisie a été distribué à A______ le 14 avril 2025.

l. Selon un extrait du registre de l'OCPM à la date du 28 janvier 2025, B______ est arrivé en Suisse le 15 février 2015 et a été domicilié à l'adresse Chemin 6______ 8 à H______ jusqu'au 11 octobre 2019, date de son départ. Un extrait du même registre à la date du 25 novembre 2024 indique que B______ a résidé au Chemin 6______ 16 à H______ du 15 février 2015 au 10 décembre 2019, au chemin 6______ 8 du 10 décembre 2019 au 24 mars 2021, puis à la route 1______ no. ______ à D______ à compter du 24 mars 2021.

Toujours selon le registre de l'OCPM, B______ s'est marié avec A______ le ______ 2014 en Egypte. Le couple a divorcé à Genève le ______ mai 2022. Selon les extraits de jugements pénaux produits par A______, B______ a été condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, dont 12 mois fermes, et à l'expulsion du territoire suisse pendant cinq ans, après exécution de la partie ferme de la peine, par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 20 octobre 2023. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de B______ contre cet arrêt le 7 août 2024.

B. a. Par acte posté le 7 avril 2025, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre la décision de l'Office du 26 mars 2025, qu'elle a reçu le 28 mars 2025. Elle fait valoir qu'il existe bien un for de la poursuite à Genève et que B______ se cacherait pour éviter de purger sa condamnation pénale. Aucun élément ne prouvait qu'il avait quitté la Suisse. Son avocat dans la procédure pénale avait bien fourni une adresse "route 5______ no. ______, [code postal] H______" dans le cadre du recours formé au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 20 octobre 2023. Elle a sollicité que le commandement de payer soit notifié par voie édictale, ce qui avait déjà été fait par le passé.

b. Aux termes de son rapport, l'Office s'en est rapporté à justice quant à l'issue de la plainte. B______ n'était plus inscrit dans les registres de l'OCPM et n'avait pu être atteint à aucune de ses précédentes adresses, nonobstant les recherches effectuées, de sorte qu'il était douteux qu'il ait conservé un domicile à Genève. Quand bien même l'Office procèderait à la publication du commandement de payer, en admettant l'existence d'un for de la poursuite, il serait dans l'impossibilité de procéder à une saisie.

c. A______ s'est déterminée spontanément en date des 20 avril, 24 avril et 23 mai 2025. Elle a notamment exposé que l'un de ses voisins avait vu B______ le 23 mars 2025 dans le quartier de I______ au milieu de la nuit.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), à savoir une décision de non-lieu de notification, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 46 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur.

Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC : une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6;
136 II 405 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.1; 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.1; 5A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).

Pour démontrer un changement de son domicile, le débiteur ne peut se limiter à produire sa déclaration faite à l'OCPM, car il s'agit d'un simple indice devant encore être conforté par des faits manifestant de façon objective et reconnaissable pour les tiers la volonté du débiteur de rester à l'étranger et de faire de sa nouvelle ville le centre de ses relations et de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 7B_207/2003 du 25 septembre 2003, consid. 3.2).

2.1.2 Le débiteur qui n’a pas de domicile fixe peut être poursuivi au lieu où il se trouve (art. 48 LP).

Ainsi, si le débiteur est sans domicile fixe en Suisse ou à l'étranger, il peut être poursuivi au for spécial de son lieu de séjour en Suisse (ATF 119 II consid. 2a et 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1; 7B.174/2005 du 31 octobre 2005 consid. 4.2 et 4.3).

2.1.3 La loi crée un for fictif pour le cas où un débiteur soumis à la faillite se soustrait à la poursuite par la fuite. Dans ce cas, la faillite est ouverte au lieu de son dernier domicile connu (art. 54 LP, art. 24 al. 1 CC).

Si le débiteur n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse. La loi connaît en effet la notion de "for fictif" au dernier domicile connu pour le cas où un débiteur se soustrait à la poursuite par la fuite. Le for de l'art. 54 LP, prévu pour la faillite, s’applique également au débiteur en fuite qui n’est pas soumis à la faillite (Stoffel/Chabloz, Poursuite pour dettes et exécution spéciale, 2016, p. 92, n° 112). En effet, si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B_241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2; DCSO/598/2024 du 29 novembre 2024; DCSO/73/2019 du 8 février 2019 et la référence citée).

2.2. La notification se fait par publication lorsque le débiteur n'a pas de domicile connu (art. 66 al. 4 ch. 1 LP).

La notification d'un commandement de payer par voie édictale constitue une ultima ratio; il ne peut y être recouru que si le créancier et l'Office ont effectué toutes les recherches adaptées à la situation de fait pour trouver une adresse à laquelle la notification au débiteur pourrait intervenir (ATF 136 III 571 consid. 5, SJ 2011 I 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2009 du 10 juillet 2009 consid. 3; ATF 129 III 556 consid. 4, JdT 2004 II 26; 119 III 60 consid. 2a; 112 III 6).

Lorsque ni le débiteur ni l'une des personnes de remplacement prévues par l'art. 64 al. 1 LP ne peut être atteinte, l'acte de poursuite doit être remis à un fonctionnaire communal ou à un agent de la police, à charge de le notifier au débiteur (art. 64 al. 2 LP).

2.3.1 En l'espèce, il résulte du dossier que le poursuivi s'est établi dans le canton de Genève en 2015, suite à son mariage avec la plaignante. Selon une extraction de la base de données de l'OCPM effectuée le 25 novembre 2024, il était encore domicilié dans le canton cette date et ce depuis le mois de novembre 2021, alors qu'il aurait quitté Genève en 2019 selon les indications enregistrées ultérieurement. Par ailleurs, une adresse genevoise est mentionnée sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 7 août 2024 confirmant sa condamnation.

Au vu de ces éléments, et en l'absence en l'état d'autres constatations de fait, il convient de retenir que jusqu'en novembre 2024, le poursuivi avait fait de Genève le centre de ses intérêts, partant qu'il y avait son domicile au sens de l'art. 46 al. 1 LP et pouvait donc y être poursuivi.

Depuis lors, le poursuivi n'a, en tout état, pas indiqué où il était domicilié ni rapporté la preuve de la constitution d'un nouveau domicile hors du canton ou à l'étranger. Le fait que l'Office rencontre désormais des difficultés à le localiser n'est pas décisif et peut s'expliquer aussi bien par une négligence administrative que parce que l'intéressé veut se soustraire à ses créanciers, voire à l'exécution de la peine privative de liberté ferme à laquelle il a été condamné et qui doit être exécutée avant son expulsion de Suisse.

Il existe en conséquence un for de poursuite à Genève.

2.3.2 En ce qui concerne la notification par voie de publication, il sera observé que l'Office a procédé à de nombreuses tentatives pour notifier à l'intimé le commandement de payer, poursuite n° 3______. Aussi, il appartiendra à l'Office de s'adresser à un fonctionnaire communal ou à un agent de police (art. 64 al. 2 LP) pour une notification au dernier domicile connu, à la route 1______ no. ______ à D______, puis de procéder, en dernier ressort, à une notification par voie édictale.

La plainte doit ainsi être admise et la décision rendue par l'Office le 26 mars 2025 annulée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 7 avril 2025 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 26 mars 2025, dans la poursuite n° 3______.

Au fond :

L'admet.

Annule la décision entreprise.

Invite l'Office cantonal des poursuites à poursuivre la procédure de notification dans le sens des considérants de la présente décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.