Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/21/2025 du 06.02.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3470/2024-CS DCSO/21/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 6 FEVRIER 2025 |
Plainte 17 LP (A/3470/2024-CS) formée en date du 21 octobre 2024 par A______, représenté par Me Lucien FENIELLO, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 10 février 2025
à :
- A______
c/o Me FENIELLO Lucien
Budin & Associés
Rue De-Candolle 17
Case postale 166
1211 Genève 12.
- B______
______
______.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Le 30 août 2024, B______ a requis une poursuite à l'encontre de A______, avec pour adresse de domicile le chemin 1______ no. ______, [code postal] Genève, à hauteur de 2'000'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2019, réclamé au titre d'escroquerie, vol, abus de confiance, calomnies, compensation.
A______ a vécu au chemin 1______ no. ______ jusqu'au 1er août 2016, date à laquelle il a déménagé au chemin 2______ no. ______ à Genève.
b. Le 6 septembre 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi le commandement de payer, poursuite N° 3______.
Après plusieurs tentatives de notification, ce commandement de payer a été notifié le 10 octobre 2024 aux guichets de l'Office à C______, au bénéfice d'une procuration dressée par le poursuivi le 24 septembre 2024, à l'entête "Monsieur & Madame A______ & D______, Chemin 1______ no. ______, [code postal] E______ GE".
C______ y a fait opposition.
B. a. Par acte déposé le 21 octobre 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP, concluant à l'annulation du commandement de payer notifié le 10 octobre 2024 dans la poursuite N° 3______ et à l'annulation de cette poursuite.
Il se prévaut de l'absence de for de poursuite en Suisse au sens de l'art. 46 al. 1 LP, au motif qu'il est domicilié depuis le 1er janvier 2018 à F______ (Israël), 4______ Street no. ______.
A l'appui de sa plainte, il a notamment produit une attestation de départ établie par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 1er novembre 2024, faisant état de ce qu'il avait résidé à Genève depuis le 21 avril 1985, en dernier lieu au chemin 2______ no. ______, [code postal] Genève, puis avait annoncé son départ à destination de F______ pour le 31 décembre 2016.
b. B______ ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
c. Dans son rapport établi le 23 octobre 2024, l'Office a fait valoir qu'il ne disposait pas d'élément justifiant de refuser de donner suite à la réquisition de poursuite. Rappelant les fors prévus par les art. 46 et 48 LP, l'Office a relevé que selon le registre de l'OCPM, le poursuivi avait quitté le canton de Genève le 31 décembre 2016 pour F______, soit une année avant la date de départ mentionnée par le plaignant, que celui-ci n'avait apporté aucun élément démontrant la constitution d'un domicile en Israël, que le facteur et l'agent notificateur avaient été mesure de déposer des avis pour retrait et une convocation, ce qui tendait à démontrer que le nom du plaignant figurait sur la boîte aux lettres située à l'adresse indiquée par le poursuivant, que le plaignant avait dressé une procuration quelques jours après le dépôt de l'avis pour retrait en mentionnant son adresse genevoise au chemin 1______ no. ______ et qu'enfin, un acte de poursuite destiné au plaignant avait pu être notifié à l'épouse de ce dernier le 13 juin 2024 à la rue 5______ no. ______ à Genève.
d. Par réplique spontanée du 3 décembre 2024, le plaignant a persisté dans ses conclusions. L'inexactitude au sujet de la date à laquelle il avait quitté la Suisse n'était pas pertinente, puisqu'elle était antérieure à l'établissement et la notification du commandement de payer en cause. L'adresse figurant sur la procuration au chemin 1______ no. ______ était une ancienne adresse, à laquelle le plaignant et son épouse n'habitaient plus. La notification d'un autre acte de poursuite en juin 2024 à son épouse était sans pertinence, puisqu'il n'avait jamais été domicilié à la rue 5______ no. ______ à Genève.
e. Par courrier du 23 décembre 2024, les parties et l'Office ont été avisés de ce que l'instruction de la cause était close.
1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire.
1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).
1.1.3 L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).
L'inobservation des règles sur le for de la poursuite n'entraîne la nullité de plein droit des actes dont il s'agit que dans le cas où elle lèse l'intérêt public ou les intérêts de tiers; la notification d'un commandement de payer par un office des poursuites incompétent ne satisfait pas à cette condition (ATF 96 III 89 consid. 2; 88 III 7 consid. 3; 82 III 63 consid. 4; 69 II 162 consid. 2b; arrêt 5A_362/2013 du 14 octobre 2013 consid. 3.2). Un commandement de payer délivré par un office incompétent à raison du lieu ne peut ainsi qu'être annulé à la suite d'une plainte formée en temps utile (arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 3.1; 5A_108/2018 du 11 juin 2018 consid. 3; 5A_333/2017 du 4 août 2017 consid. 3.2, publié in SJ 2017 I 469; 5A_30/2013 du 7 mai 2013 consid. 3; 7B_132/2002 du 4 octobre 2002 consid. 1 et les arrêts cités).
1.2 En l'espèce, le plaignant, débiteur poursuivi, a qualité pour former plainte et la notification d'un commandement de payer est un acte de poursuite sujet à plainte.
La plainte, formée le 21 octobre 2024 selon les formes prévues par la loi, et dans le délai prescrit, est recevable.
2. Le plaignant sollicite l'annulation du commandement de payer, poursuite N° 3______, ainsi que ladite poursuite, au motif qu'il n'existe aucun for de poursuite à Genève.
2.1.1 Selon l'art. 46 LP, le for de la poursuite est au domicile du débiteur.
Ce domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC : une personne physique a son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6;
136 II 405 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.1; 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.1; 5A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).
Dans son arrêt 7B.207/2003 du 25 septembre 2003, le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le débiteur ne pouvait pas rapporter la preuve du changement de son domicile uniquement au moyen sa déclaration faite à l'OCPM, car il s'agit d'un simple indice devant encore être conforté par des faits manifestant de façon objective et reconnaissable pour les tiers la volonté du débiteur de rester à l'étranger et de faire de sa nouvelle ville le centre de ses relations et de ses intérêts (consid. 3.2).
2.1.2 Le débiteur qui n’a pas de domicile fixe peut être poursuivi au lieu où il se trouve (art. 48 LP).
2.1.3 Si le débiteur a un domicile fixe à l'étranger, la poursuite en Suisse est en principe exclue; demeurent réservés les lieux de poursuite spéciaux selon les art. 50 à 54 LP (arrêts du Tribunal fédéral 5A_937/2020 du 24 juin 2021 consid. 2.1; 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.1; arrêt 7B.143/2006 du 5 octobre 2006 consid. 2.2). L'office des poursuites doit uniquement vérifier les indications du créancier en ce qui concerne sa compétence, mais il ne doit pas rechercher lui-même le domicile du débiteur.
2.2 En l'espèce, il convient de déterminer s'il existait à Genève un for de la poursuite dirigée contre le plaignant lorsque le commandement de payer, poursuite N° 3______, lui a été notifié le 10 octobre 2024 à l'adresse chemin 1______ no. ______ à Genève.
A l'appui de sa plainte, le plaignant se prévaut de ce qu'il avait annoncé à l'OCPM son départ de Suisse à destination de F______/Israël pour fin décembre 2016. Cette seule déclaration aux autorités administratives ne permet pas de retenir que le plaignant a effectivement changé de domicile en quittant la Suisse pour s'installer en Israël. S'il a certes, dans sa plainte, précisé avoir une nouvelle adresse à F______ (4______ Street no. ______), il s'est en revanche limité à se prévaloir de l'attestation dressée par l'OCPM le 1er novembre 2024 faisant mention de son départ au 31 décembre 2016 pour F______, sans produire aucune pièce ni indice permettant de retenir qu'il y a effectivement transféré son centre de vie personnel et professionnel, quand bien même il affirme y vivre depuis au moins sept ans.
Il ressort au contraire du dossier que la Poste et les agents notificateurs ont été en mesure de déposer les avis de retrait et convocation à se présenter à l'Office à l'adresse chemin 1______ no. ______, indiquée par le poursuivant dans sa réquisition de poursuite, et que cette adresse figurait par ailleurs sur la procuration donnée par le plaignant à C______ lorsque celle-ci s'est rendue aux guichets de l'Office pour recevoir le commandement de payer.
Au regard de ces circonstances et en l'absence de tout élément justifiant de la constitution effective par le plaignant d'un domicile à F______, il convient de retenir que ce dernier réside toujours à Genève.
C'est, partant, à raison que l'Office a retenu un for de poursuite à Genève.
La plainte, infondée, sera dès lors rejetée.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 21 octobre 2024 par A______ contre le commandement de payer, poursuite N°° 3______, et ladite poursuite.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame
Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
La présidente : La greffière :
Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.