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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3777/2023

DCSO/48/2024 du 15.02.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.206.al1; LP.206.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3777/2023-CS DCSO/48/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 FEVRIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/3777/2023-CS) formée en date du 13 novembre 2023 par A______, représenté par Me Sabrina KHOSHBEEN, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me KHOSHBEEN Sabrina

c/o Etude de Me Olivier WASMER

Grand'Rue 8

Case postale 221

1211 Genève 28.

- B______

c/o Me Jérôme GUEX

CHAUDET BOVAY WYLER

MUSTAKI & ASSOCIES

Case postale 271

1001 Lausanne.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La faillite de A______, exploitante en raison individuelle d'un bureau de tabac/journaux/épicerie, a été déclarée le ______ mars 2023. Elle est liquidée en la forme sommaire par l'Office cantonal des faillites.

b. Par réquisition adressée le 17 octobre 2023 à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), la B______ a engagé à l'encontre de A______ une poursuite ordinaire en recouvrement d'un montant total de 72'781 fr. 70 allégué être dû au titre de "Facture 1______ du 24.04.2023 CHF 4'281.90 échéance 16.05.2023 Facture 2______ du 01.05.2023 CHF 4'902.35 échéance 16.05.2023 Facture 3______ du 08.05.2023 CHF 55'389.85 échéance 16.05.2023 Facture 4______ du 15.05.2023 CHF 108.00 échéance 19.05.2023 Facture 5______ du 05.06.2023 CHF 225.00 échéance 09.06.2023 Facture 6______ du 12.06.2023 CHF 3'003.00 échéance 16.06.2023 Facture 7______ du 19.06.2023 CHF 2'506.50 échéance 23.06.2023 Facture 8______ du 03.07.2023 CHF 135.00 échéance 07.07.2023 Facture 9______ du 18.09.2023 CHF 2'230.10 échéance 22.09.2023".

c. Le commandement de payer établi par l'Office conformément à cette réquisition de poursuite, poursuite n° 10_____, a été notifié le 1er novembre 2023 à A______.

Par courrier de son conseil adressé le 13 novembre 2023 à l'Office, la poursuivie a déclaré former opposition à la poursuite. Dans ce même courrier, stipulé valoir plainte sur ce point, elle a par ailleurs reproché à l'Office de ne pas avoir refusé de donner suite à la réquisition de poursuite du la B______ et renvoyé celle-ci à s'adresser à l'Office cantonal des faillites.

B. a. Simultanément, soit par lettre adressée le 13 novembre 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a déclaré former une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la poursuite n° 10_____. On comprend de cet acte, qui ne comporte aucune conclusion et renvoie pour sa motivation au courrier adressé le même jour à l'Office, que la poursuivie estime que l'Office aurait dû refuser de donner suite à la réquisition de poursuite du 17 octobre 2023 en application de l'art. 206 al. 1 LP.

b. Dans ses observations du 11 décembre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a relevé que les factures mentionnées comme titre de la créance en poursuite dans la réquisition du 17 octobre 2023 étaient postérieures à la déclaration de faillite, de telle sorte qu'il convenait d'appliquer l'art. 206 al. 2 LP.

c. Par détermination du 11 décembre 2023, la B______ a également conclu au rejet de la plainte. Elle a expliqué être liée à A______ par un contrat "de dépositaire d'un terminal multifonctionnel" permettant à celle-ci de vendre des titres de participation à certains jeux gérés par la B______, à charge pour elle de lui verser régulièrement les produis encaissés sous imputation d'une commission. L'art. 38 dudit contrat prévoit une période de compte hebdomadaire et, selon l'art. 40, la facture est adressée au dépositaire dans la semaine qui suit la période de compte. En l'occurrence, les factures faisant l'objet de la poursuite étaient datées du 24 avril au 18 septembre 2023 : elles étaient donc postérieures à la déclaration de faillite, de telle sorte que l'art. 206 al. 1 LP ne faisait pas obstacle à l'engagement et à la conduite d'une poursuite tendant à leur recouvrement.

d. En l'absence de réplique spontanée de la part de la plaignante, la cause a été gardée à juger le 23 janvier 2024.

 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.1.2 La plainte a en l'occurrence été déposée en temps utile auprès de l'autorité compétente pour en connaître, est dirigée contre une mesure (établissement puis notification d'un commandement de payer) pouvant être contestée par cette voie et émane d'une partie susceptible d'être touchée dans ses intérêts dignes de protection. On peut certes se demander si les autres exigences de forme prévues par la loi sont réalisées : la plainte ne comporte en effet pas de conclusions expresses ni de motivation propre, un simple renvoi à celle – elle-même très sommaire – figurant dans un courrier adressé à l'Office étant à cet égard insuffisant. La question peut toutefois demeurer ouverte au vu des considérants qui suivent.

La plainte sera ainsi déclarée recevable.

1.2 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 123 III 328 consid. 3). Il en est ainsi, notamment, lorsque la partie saisit dans son propre intérêt l'autorité de surveillance ou qu'il s'agit de circonstances qu'elle est le mieux à même de connaître ou qui touchent à sa situation personnelle, surtout lorsqu'elle sort de l'ordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_898/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.2; 5A_253/2015 du 9 juin 2015 consid. 4.1). A défaut de collaboration, l'autorité de surveillance n'a pas à établir des faits qui ne résultent pas du dossier (ATF 123 III 328 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_898/2016 précité consid. 5.2).

2. 2.1 L'art. 206 al. 1 LP prévoit que, sous réserve des exceptions prévues par la loi, les poursuites dirigées contre le failli s'éteignent et qu'aucune poursuite ne peut être faite à son encontre durant la liquidation de la faillite pour des créances nées avant l'ouverture de la faillite. Il n'est donc pas possible, durant la liquidation de la faillite, d'engager à l'encontre du failli une nouvelle poursuite pour une créance née avant l'ouverture de la faillite (Romy, in CR LP, 2005, N 9 ad art. 206 LP). Il s'agit ainsi de préserver le principe même de la faillite, soit une exécution générale portant sur tous les actifs et passifs du débiteur, qui ne saurait s'accommoder de la coexistence avec des procédures d'exécution spéciale simultanées (Romy, op. cit., N 1 ad art. 206 LP).

A l'inverse, l'art. 206 al. 2 LP autorise expressément l'engagement et la continuation, pendant la liquidation de la faillite, de poursuites portant sur des créances nées après l'ouverture de la faillite, et ne participant donc pas à la procédure d'exécution générale. La même disposition prévoit toutefois, pour éviter les complications liées à une possible seconde ouverture de faillite (Romy, op. cit., N 16 ad art. 206 LP), que ces poursuites devront être continuées par voie de saisie (ou le cas échéant de réalisation de gage).

2.2 Il ressort en l'espèce de la description du titre de la créance figurant dans la réquisition de poursuite du 17 octobre 2023, ainsi que des pièces produites par la poursuivante dans le cadre de la procédure de plainte, que la créance faisant l'objet de la poursuite correspond à des factures établies entre les 24 avril et 18 septembre 2023. Dans la mesure où, selon le contrat liant la plaignante et la poursuivante, tel que produit par cette dernière, les factures étaient établies dans la semaine suivant la période de décompte des opérations effectuées au moyen du terminal multifonctionnel mis à la disposition de la première, il faut admettre que les créances visées par ces factures, et donc par la poursuite, sont nées postérieurement à l'ouverture de la faillite le ______ mars 2023.

La plaignante, qui pourtant devrait être à même de déterminer la date de naissance des prétentions invoquées à son encontre, est restée muette sur ce point dans sa plainte. Elle s'est par ailleurs abstenue de contester, dans le cadre d'une réplique spontanée, les explications données à ce sujet par la poursuivante. Il n'y a en conséquence aucune raison de retenir une solution différente de celle ressortant des pièces susmentionnées.

Dès lors qu'il doit être retenu que la poursuite litigieuse porte sur une créance née après l'ouverture de la faillite, c'est à juste titre que, appliquant l'art. 206 al. 2 LP, l'Office a donné suite à la réquisition de poursuite de l'intimée. La plainte sera dès lors rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 novembre 2023 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 10_____.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.