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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3416/2022

DCSO/492/2023 du 09.11.2023 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.46; lp.48; lp.50
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3416/2022-CS DCSO/492/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/3416/2022-CS) formée en date du 17 octobre 2022 par A______, représenté par Me Malek Adjadj, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

c/o Me ADJADJ Malek

AAA Avocats SA

Rue du Rhône 118

1204 Genève.

- B______

p.a. Andrea HANHART, avocate

Minervastrasse 99

8032 Zürich.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Il ressort du Registre du commerce du canton de Genève que la société à responsabilité limitée C______ SARL, ayant son siège rue 1______ no. ______, c/o D______ SA [société fiduciaire], [code postal] Genève, exploite un commerce d'œuvres d'art.

A______ en est l'unique associé et unique gérant, avec signature individuelle. Il est mentionné au Registre du commerce comme domicilié à E______. Il est l'unique titulaire de la signature pour cette société.

b. A______ a été officiellement domicilié de 2011 à 2017 à E______ (VD), rue 2______ no. ______, selon attestation du Contrôle de l'habitant de la commune du 20 février 2018. Il a annoncé son départ de la commune le 31 juillet 2017 pour le Portugal à l'adresse 3______, largo 3______ no. ______, [code postal] F______.

c. A______ est inscrit dans l'annuaire téléphonique "local.ch" avec les mentions suivantes "A______; adresse : rue 1______ no. ______, [code postal] Genève; téléphone : 4______ [no. fixe suisse]".

d. [La banque] B______ a requis la poursuite de A______, "rue 1______ no. ______, c/o D______ SA, [code postal] Genève", pour une créance de 50'691 fr. à titre de "Bordereau de dépôt, communauté d'héritiers G______; Montant et Intérêts : accour de prêt Nr. 5______; Facture; Résiliation et facture du 6.12.1999".

La réquisition de poursuite était accompagnée d'une lettre indiquant que "Monsieur A______ sembl[ait] vivre au Portugal mais [que la banque avait] reçu l'information que ce n'[était] pas le cas. (…) Il habit[ait] rue 1______ no. ______, [code postal] Genève (www.local.ch). C______ SARL [était] aussi enregistrée à cette adresse. Monsieur A______ [était] directeur général de cette entreprise. En plus, A______ a[vait] une exposition au "H______" à Genève jusqu'au 2 octobre 2022. [Comme] il n'[avait] pas un séjour permanent le for de la poursuite [était] où il se trouv[ait] ou au siège de son établissement".

e. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a fait notifier un commandement de payer, poursuite n° 6______, au débiteur à l'adresse susmentionnée, lequel a été réceptionné le 7 octobre 2022 par "I______, employé" qui y a fait opposition totale.

B. a. Par acte expédié le 17 octobre 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la notification de ce commandement de payer, concluant à son annulation. Il a allégué être domicilié au Portugal et ne pouvoir faire l'objet d'une poursuite à Genève. A titre de preuve de ce domicile, il a produit une facture de consommation de gaz et d'électricité à son nom de 23 euros 99 pour la période du 1er janvier au 31 mars 2022 concernant un logement à J______ [Portugal], rua 7______ no. ______, 8______, [code postal] J______. L'adresse mentionnée dans la réquisition de poursuite ne correspondait qu'à une fiduciaire auprès de laquelle était domiciliée sa société C______ SARL.

b. Le plaignant a requis préalablement à ce que l'effet suspensif soit octroyé à sa plainte, lequel lui a été refusé, opposition ayant été formée au commandement de payer.

c. Dans ses observations du 26 octobre 2022, l'Office s'en est rapporté à l'appréciation de la Chambre de surveillance pour déterminer le domicile du débiteur au sens de l'art. 46 al. 1 LP. Il a expliqué avoir constaté que, nonobstant le fait que A______ n'avait jamais figuré dans les registres de l'Office cantonal genevois de la population et des migrations (ci-après OCPM) comme domicilié à Genève, il était mentionné dans l'annuaire téléphonique "local.ch" à l'adresse rue 1______ no. ______ à Genève, ce qui avait permis une notification.

d. Dans ses observations du 1er décembre 2022, B______ a contesté que A______ dispose d'un domicile au Portugal. La facture de gaz et d'électricité produite ne correspondait pas à la consommation d'un logement habité de manière permanente. Aucun document officiel n'était produit par le plaignant prouvant un domicile au Portugal. B______ avait tenté, sans succès, d'atteindre son débiteur dans ce pays, à F______, à l'adresse susmentionné, et à J______, à une adresse dont elle disposait : rua 9______ no. ______, 3° esq. [code postal] J______. Par ailleurs, A______ ne pouvait plus être atteint rue 2______ no. ______, [code postal] E______ [VD], où l'Office des poursuites de K______ (VD) n'avait pu notifier d'actes de poursuite en mars 2022. Il fallait en déduire que l'intéressé se trouvait à Genève où il exploitait son entreprise par le truchement de sa société C______ SARL qui disposait d'employés selon le procès-verbal de notification du commandement de payer.

La créancière précisait qu'elle n'avait pas choisi de poursuivre A______ à Genève parce qu'il y aurait été domicilié, mais parce qu'il était sans domicile fixe, qu'il y exploitait un établissement, y avait un avocat qui gérait ses affaires depuis plusieurs années et s'y trouvait à tout le moins au moment de la réquisition de poursuite puisqu'il organisait une exposition au "H______".

e. A______ a répliqué le 19 décembre 2022 et persisté dans ses conclusions. Il a produit une facture de livraison de meubles pour son logement de J______, rua 7______ n° ______ et ______.

f. La Chambre de surveillance a ordonné le 19 mars 2023 à A______ de produire un ensemble de pièces permettant d'emporter la conviction sur l'existence d'un domicile au Portugal et ordonné la comparution personnelle des parties.

g. Lors de l'audience du 15 juin 2023, A______, ressortissant suisse, a déclaré vivre au Portugal, depuis 2018 avec le statut de résident fiscal ce qui impliquait qu'il habite au minimum six mois par an dans ce pays. Il y développait une activité d'organisation d'expositions et de ventes de tableaux, voire l'édition d'ouvrages d'art, par le truchement de la société L______ LDA. Cette dernière déployait son activité dans la maison qu'il louait à J______, depuis le 2 février 2022, rua 7______ n° ______ et ______. Elle était d'ailleurs signataire du bail.

Pour développer son activité professionnelle, il disposait de locaux professionnels dans sa maison de J______, où travaillaient deux employés qu'il avait engagés. Il faisait appel à un avocat et à un comptable pour encadrer son activité. Il n'avait pas de galerie; en revanche, il disposait d'une vitrine située à M______ (BE) en Suisse.

La société C______ SARL à Genève était modérément active. La rue 1______ no. ______ était une pure adresse postale destinée à recevoir du courrier, dans les locaux d'une fiduciaire servant de domiciliation. A la connaissance du plaignant, il n'y avait que des bureaux dans l'immeuble. C______ SARL ne disposait d'aucuns locaux et n'avait aucun employé. Le plaignant n'était pas conscient du fait que sa qualité d'unique organe doté de la signature de C______ SARL impliquait qu'il soit domicilié en Suisse; il était en train de régulariser la représentation de la société pour qu'elle soit conforme au droit suisse. Il a contesté avoir organisé une exposition au "H______" à Genève. Il n'était généralement que de passage à Genève, pour voir un client en Suisse. S'il y séjournait, c'était uniquement une nuit, à l'hôtel ou chez des connaissances.

Il n'avait pas connaissance d'une inscription le concernant dans l'annuaire suisse du téléphone "local.ch". Interpellé sur le fait que le numéro de téléphone indiqué était précédé de l'indicatif de E______, il était incapable de se souvenir de son numéro de téléphone fixe lorsqu'il y habitait. Il entendait également régulariser cette inscription. Actuellement, il disposait, en Suisse, d'un numéro de portable précédé de l'indicatif 079.

A______ n'avait jamais vécu à Genève, à l'exception de quelques mois alors qu'il était âgé de 18 ans. Il n'y avait jamais été domicilié ni n'y avait jamais payé d'impôts. Il n'y avait aucun parent. Il était né à N______ [ZH] où il avait vécu avec sa famille et suivi sa scolarité. Il avait ensuite étudié à O______ [France], puis avait vécu en Angleterre et aux Etats-Unis. Il était revenu en Suisse vers 2011-2012 pour y prospecter le marché de l'art en Europe. Il avait finalement jeté son dévolu sur le Portugal pour sa qualité de vie, le coût de la vie bon marché et l'activité, notamment culturelle, intéressante, avec la présence d'un important milieu d'expatriés. Il y avait une compagne ainsi qu'un réseau d'amis et de relations. Il entendait y rester durablement.

Le plaignant avait plusieurs fois changé de logement au Portugal, entre F______ et J______ – ce qui expliquait les diverses adresses au Portugal figurant à la procédure –, avant de se fixer dans la maison qu'il louait actuellement rua 7______ no. ______, dans laquelle il entendait vivre et travailler durablement. Le bail était d'ailleurs de longue durée.

Il affirmait qu'il recevrait un acte judiciaire qui lui serait notifié à cette adresse.

Finalement, A______ a expliqué que la créance en poursuite devait être une dette de son père, consécutive à la dénonciation d'un emprunt hypothécaire par B______. Il en avait entendu parler pour la première fois en 2020.

h. Le plaignant a déposé les pièces suivantes à l'appui de ses explications :

-      une attestation émise le 28 mars 2023 par l'Autorité fiscale et douanière de J______ certifiant qu'il était résident fiscal au Portugal sous numéro d'identification fiscal 10______;

-      un contrat de bail portant sur un appartement situé rua 11______ no. ______ à J______, conclu pour un an, renouvelable, dès le 1er novembre 2021, signé à son nom personnel;

-      deux factures d'abonnement de télévision et de fourniture d'eau à son nom concernant cet appartement, de novembre et décembre 2021;

-      un contrat de bail portant sur une maison située rua 7______
nos. ______-______ à J______, conclu pour une durée de 5 ans dès le 1er février 2022, signé par la société L______ LDA, afin d'y loger ses collaborateurs; le bail était cosigné par A______ en qualité de garant et principal payeur;

-      des factures de fourniture d'eau et d'évacuation des ordures pour la période de juillet à décembre 2022 libellées au nom de L______ LDA concernant l'adresse rua 7______ no. ______ (juin 76 euros 50, juillet 60 euros 35, août 25 euros 99, septembre 37 euros 43, octobre 30 euros 12, novembre 22 euros 56; consommation mensuelle moyenne d'eau : 2-3'000 l. par mois, avec une pointe à 14'000 l. en juillet 2022);

-      des photographies de son logement actuel rua 7______ no. ______, ainsi que des tickets de caisse pour des achats à J______.

i. B______ a déclaré que la banque avait décidé de poursuivre le débiteur à Genève en se fondant essentiellement sur les inscriptions figurant dans les annuaires et registres publics et sur les quelques informations déjà mentionnées dans ses observations du 1er décembre 2022. Elle ne disposait pas d'éléments permettant de soutenir l'existence d'un domicile du plaignant à Genève. En revanche, en l'absence de domicile fixe connu du débiteur, il y avait un for de poursuite au lieu où il se trouvait, en application de l'art. 48 LP, soit à Genève selon les informations dont elle disposait au moment de requérir la poursuite.

Les représentants de B______ présents à l'audience n'étaient pas en mesure d'expliquer à quoi correspondait la dette en poursuite.

j. L'Office a déclaré être allé de l'avant dans la notification à l'adresse rue 1______ no. ______, parce que l'annuaire "local.ch" y mentionnait le débiteur et que lors d'un passage sur place il avait pu constater qu'il y avait quelques appartements dans l'immeuble. Il n'avait pas considéré qu'il y avait une domiciliation à cette adresse, mais que le débiteur devait certainement s'y trouver effectivement.

k. A l'issue de l'audience, les parties ont brièvement plaidé et persisté dans leurs conclusions. B______ a par ailleurs conclu nouvellement à l'irrecevabilité des pièces rédigées en portugais; le plaignant s'y est opposé au motif que cet argument était invoqué tardivement. La Chambre de surveillance a gardé la cause à juger.

l. A______ a fait parvenir le 22 juin 2023 à la Chambre de surveillance une traduction partielle des pièces essentielles qu'il avait produites à toute bonne fin, persistant à considérer que l'argument était tardif.

Il a également déposé les contrats de travail de deux collaboratrices engagées par L______ LDA en mars et avril 2023, signés par lui-même au nom de l'employeuse – mentionnant l'adresse rua 12______ no. ______ à J______ comme siège de la société L______ LDA et lieu de travail –, ainsi que deux attestations des employées susvisées confirmant qu'elles exerçaient leur activité également au domicile et lieu de travail de A______, rue 7______ no. ______ à J______.

Ces pièces ont été communiquées aux autres parties le 27 juin 2023, lesquelles n'ont pas répliqué.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP). Le domicile au sens de l'art. 46 LP correspond à celui défini par l'art. 23 al. 1 CC ou, le cas échéant, par l'art. 20 LDIP, qui se réfère à la même notion : une personne physique a son domicile au lieu ou dans l'Etat où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. L'art. 24 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite (ATF 119 III 51 consid. 2a).

2.1.2 Le débiteur qui n'a pas de domicile fixe peut être poursuivi au lieu où il se trouve (art. 48 LP).

La présence physique requise par cette disposition implique un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits. Un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard ne suffit pas
(ATF 119 III 54 consid. 2d). Plus que pour le domicile, il faut se baser sur l'apparence extérieure, notamment la présence d'effets personnels, plutôt que sur des éléments subjectifs tels que la volonté (ATF 119 III 54 consid. 2d). Le fait qu'un acte de poursuite ait effectivement pu être remis au poursuivi à un endroit donné ne permet pas à lui seul d'admettre l'existence du for prévu par l'art. 48 LP (ATF 119 III 54 consid. 2d). Le seul fait que le débiteur soit administrateur d'une société ayant son siège à Genève n'est pas suffisant pour soutenir qu'il s'y trouverait au sens de l'art. 48 LP (décision de la Chambre de surveillance DCSO/98/2021 du 18 mars 2021 consid. 4.2).

Le recours au for spécial de l'art. 48 LP suppose l'absence de domicile, soit que le débiteur ne dispose d'aucun domicile au sens de l'art. 46 LP en Suisse ou à l'étranger. Cette condition n'a toutefois pas à être établie ou rendue vraisemblable par le créancier lors du dépôt d'une réquisition de poursuite : c'est au contraire au débiteur, dans le cadre d'une procédure de plainte, d'établir qu'il disposait au moment de la mesure contestée d'un domicile (Schmid, Basler Kommentar, SchKG I, N 11 ad art. 48 LP; ATF 120 III 110 consid. 2b).

2.1.3 En application de l'art. 50 al. 1 LP, le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci.

2.1.4 Les actes de poursuite sont notifiés au débiteur dans sa demeure ou à l'endroit où il exerce habituellement sa profession. S'il est absent, l'acte peut être remis à une personne adulte de son ménage ou à un employé (art. 64 al. 1 LP).

L'employé du débiteur est autorisé à recevoir des actes de poursuite sur le lieu de travail du débiteur, en l'absence de ce dernier. En revanche, parce qu'il manque ce lien de subordination, le collègue de travail ou la personne chargée simplement de vider la boîte aux lettres du débiteur ne sont pas des employés du débiteur (Jeanneret / Lembo, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 25 ad art. 64 LP).

La notification à une société de domiciliation et la remise à des employés de cette dernière qui transmettent l'acte à l'organe de la société de domiciliation vaut notification valable à l'équivalent d'un fondé de procuration (arrêt du Tribunal fédéral du 7B.51/2002 du 22 mars 2002 consid. 2; ATF 120 III 64 consid. 3 = JdT 1997 II 26; ATF 119 III 57 = JdT 1995 II 137; SJ 2000 II p. 210).

2.2.1 En l'espèce, le plaignant a contesté l'existence d'un for de la poursuite à Genève en niant y être domicilié, puisqu'il vivait au Portugal. L'Office s'en est rapporté à justice s'agissant du domicile du débiteur à Genève, faute d'éléments suffisants à disposition.

Ce faisant, le plaignant et l'Office ont fondé leurs observations sur l'existence ou l'inexistence d'un for de poursuite ordinaire à Genève, au domicile du débiteur, selon l'art. 46 LP, et sont par conséquent partis d'une prémisse erronée puisque la poursuivante a spécifié dans la lettre d'accompagnement de la réquisition de poursuite qu'elle se prévalait d'un for de poursuite spécial au lieu de séjour du débiteur, correspondant à celui de l'art. 48 LP, voire du for de l'établissement suisse d'un débiteur domicilié à l'étranger, correspondant à celui de l'art. 50 LP. Elle a confirmé cette position dans ses observations et à l'audience. Elle n'a jamais prétendu que le débiteur était domicilié à Genève au sens de l'art. 46 LP, mais uniquement qu'il y séjournait et qu'elle entendait lui faire notifier un commandement de payer au cours de ce séjour.

L'inexistence d'un domicile genevois du débiteur n'est par conséquent pas litigieuse entre le débiteur et la créancière. L'Office s'en est rapporté à justice sur cet objet, admettant ne pas disposer de suffisamment d'éléments pour retenir un domicile genevois du débiteur. Les explications fournies par le plaignant sur le déroulement de sa vie et de ses activités professionnelles permettent d'exclure définitivement un éventuel domicile genevois.

2.2.2 La créancière a évoqué la présence d'un établissement du débiteur à Genève, ce qui pourrait laisser penser qu'elle envisageait un for de poursuite au sens de l'art. 50 LP.

Ce dernier peut toutefois être écarté du seul fait que la créance en poursuite n'est à l'évidence pas en lien avec les affaires de cet établissement.

2.2.3 Reste à déterminer si un for de la poursuite existe au sens de l'art. 48 LP, fondé sur le séjour à Genève du débiteur au moment de la réquisition de poursuite.

L'application de l'art. 48 LP présuppose en premier lieu que le débiteur soit sans domicile connu, en Suisse ou à l'étranger. En l'espèce, il ressort des différents éléments réunis à la procédure, puis des explications du plaignant lors de sa comparution personnelle, que celui-ci s'est passablement déplacé au cours des dix dernières années, mais n'a jamais été sans domicile fixe ou connu. Il a ainsi été domicilié à E______ de 2011 à 2018, ce qui ressort des inscriptions dans les registres administratifs et n'est pas réellement contesté. Il est désormais acquis qu'il a ensuite déménagé au Portugal où il a d'abord habité à F______, puis à J______, dans divers logements, avant de se fixer en février 2022 dans sa maison actuelle. Si la créancière a échoué dans ses tentatives de trouver le débiteur aux diverses adresses dont elle a disposé, c'est essentiellement parce qu'elle les a utilisées alors qu'elles n'étaient plus d'actualité et non pas parce qu'elles n'auraient pas été réelles. A ce stade de la procédure, il doit être retenu que le débiteur a prouvé son domicile à J______ depuis 2021, d'abord à la rua 11______ no. ______, puis à la rua 7______ no. ______. Si les premières factures de consommation d'énergie et d'achat de meubles produites par le débiteur étaient en effet insuffisantes à prouver son domicile à J______, l'ensemble des pièces produit ultérieurement permet de le retenir avec suffisamment de certitude, notamment les baux, les factures d'eau et l'attestation de résidence fiscale. En outre, les explications données par le débiteur à l'audience sont cohérentes et trouvent appui dans les pièces produites. Le débiteur disposant d'un domicile fixe établi, l'une des conditions à l'application de l'art. 48 LP n'est pas réalisée.

En second lieu, l'application de l'art. 48 LP implique que le débiteur séjourne à Genève, au sens décrit ci-dessus, ce qu'il appartient à la créancière d'établir. Celle-ci allègue que le plaignant se serait trouvé à Genève au moment de la réquisition de poursuite pour organiser une exposition au "H______". Le débiteur le conteste. La créancière ne produit pas le moindre indice en ce sens et ses seules allégations sont insuffisantes pour retenir de telles circonstances. En outre, l'organisation d'une exposition temporaire est un événement trop ponctuel pour créer un séjour au sens de l'art. 48 LP qui se caractérise par une certaine permanence. Le seul lien d'une certaine intensité établi par la procédure entre le débiteur et Genève est la société à responsabilité limitée dont il est associé gérant et unique titulaire de la signature. Si le plaignant serait en principe tenu d'être domicilié en Suisse pour assurer une organisation valable à cette société, en tant qu'unique titulaire de la signature (art. 814 al. 3 CO), ce seul élément n'est pas suffisant à retenir qu'il serait durablement installé à Genève. Pour le surplus, le seul fait d'être organe d'une société n'est pas constitutif d'un séjour au siège de ladite société. De même, l'inscription dans l'annuaire "local.ch" mentionnant l'adresse de la rue 1______ no. ______ sous le nom du débiteur a vraisemblablement pour but de renseigner sur une adresse postale du plaignant et non pas de son lieu de domicile; cette inscription est de surcroît vraisemblablement obsolète puisqu'elle se réfère encore à un numéro de téléphone fixe du débiteur à E______, inactif depuis 2018. On ne peut rien tirer non plus du fait que le commandement de payer destiné au débiteur a pu être notifié à la rue 1______ no. ______ à un "employé"; la personne qui a signé n'est à l'évidence pas un employé du débiteur, puisque seule la société C______ SARL est domiciliée à cet endroit et pourrait y être atteinte par une notification en mains d'un de ses employés – respectivement en mains d'un employé de la fiduciaire où elle est domiciliée; on ne saurait donc prétendre sur cette base que le débiteur séjourne à l'adresse rue 1______ no. ______ parce qu'un commandement de payer y aurait été reçu par un tiers. En conclusion, la créancière ne parvient pas à établir que le débiteur séjourne à Genève au sens de l'art. 48 LP.

Il découle de ce qui précède qu'il n'existe pas de for de la poursuite fondé sur l'art. 48 LP en l'occurrence.

2.2.4 En l'absence de for de poursuite à Genève, que ce soit sur la base des art. 46, 48 ou 50 al. 1 LP, la plainte du débiteur sera admise et la poursuite annulée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte de du 17 octobre 2022 de A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 6______, notifié le 7 octobre 2022 sur réquisition de B______.

Au fond :

Annule la poursuite n° 6______ et le commandement de payer notifié le 7 octobre 2022 à A______ sur réquisition de B______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.