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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/157/2021

DCSO/98/2021 du 18.03.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.67.al1.ch2; LP.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/157/2021-CS DCSO/98/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 MARS 2021

 

Plainte 17 LP (A/157/2021-CS) formée en date du 15 janvier 2021 par A______, élisant dans les bureaux de B______ SA.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 18 mars 2021
à :

-       A______

c/o B______ SA

Att. Me F______

Route ______

______ [VD]

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Selon les registres tenus par le Service de la population de la Ville de C______ (VD), D______, né le ______ 1952, y réside depuis le 3 décembre 2019 à l'adresse sise 1______.

Selon le Registre du commerce de Genève, D______ est par ailleurs administrateur, aux côtés de deux autres personnes domiciliées à Genève, de la société de droit suisse E______ ayant son adresse à la rue 2______ à Genève.

b. Le 23 décembre 2020, A______ a adressé à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) une réquisition de poursuite dirigée contre D______ et portant sur un montant de 14'950 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 15 septembre 2020, réclamé au titre de loyers pour les mois de juillet à novembre 2020 selon contrat de bail du 19 novembre 2019.

La rubrique "débiteur" de la réquisition de poursuite était remplie de la manière suivante :

"D______, pour adresse E______ SA, rue 2______, ______ Genève"

c. Par décision du 4 janvier 2021, reçue le 6 janvier 2021 par la mandataire de la poursuivante, l'Office a rejeté la réquisition de poursuite du 23 décembre 2020 au motif qu'elle ne mentionnait pas le domicile du poursuivi.

B. a. Par acte adressé le 15 janvier 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 4 janvier 2021, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de donner suite à sa réquisition de poursuite du 23 décembre 2020.

A l'appui de ces conclusions, A______ a expliqué qu'elle avait été la bailleresse du logement sis 1______ à C______, occupé jusqu'au
30 novembre 2020 par le poursuivi et indiqué par ce dernier comme son adresse aux autorités communales vaudoises. Bien qu'il n'ait pas effectué les démarches nécessaires auprès desdites autorités communales, D______ n'habitait toutefois plus l'appartement en question depuis le 1er décembre 2020. Il y avait donc lieu de considérer, d'une part, qu'il n'avait plus de domicile fixe à compter de cette date et, d'autre part, qu'il se trouvait, au sens de l'art. 48 LP, à l'adresse de la société E______ dont il était administrateur.

b. L'Office a conclu dans ses observations du 27 janvier 2021 au rejet de la plainte, considérant que le fait que le poursuivi soit administrateur d'une société ayant son siège et des bureaux dans le canton de Genève ne permettait pas de retenir qu'il y séjournerait effectivement au sens de l'art. 48 LP.

c. En l'absence de réplique spontanée de la part de la plaignante, la cause a été gardée à juger le 11 février 2021.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. La décision de rejet du 4 janvier 2021 est fondée sur un vice de forme affectant ladite réquisition - l'absence d'indication du domicile du poursuivi - et non sur l'absence de for de poursuite à Genève. Cette motivation initiale, critiquée à tout le moins implicitement par la plaignante, sera examinée sous ch. 3 ci-dessous.

Tant la plaignante que l'Office ont par ailleurs présenté des argumentations opposées sur l'existence à Genève d'un for spécial de poursuite au sens de l'art. 48 LP. Cette question, susceptible de régler à elle seule le sort de la plainte, sera examinée sous chiffre 4 ci-dessous.

3. 3.1 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit indiquer le nom et le domicile (dans le texte allemand : "Wohnort") du débiteur ainsi que, le cas échéant, de son représentant légal. En référence au texte allemand, il faut comprendre par l'indication du domicile celle de l'adresse à laquelle un acte de poursuite peut être notifié au poursuivi selon les art. 64 et 65 LP, soit en principe, pour une personne physique, celle de sa demeure (Kofmel Ehrenzeller, in BAK SchKG I, N 31 ad art. 67 LP et références citées; Ruedin, in CR LP, N 25 ad art. 67 LP). Il ne s'agira donc pas nécessairement du domicile au sens de
l'art. 23 CC (dans le texte allemand : "Wohnsitz"), lequel détermine le for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP).

L'absence, le caractère erroné ou le manque de clarté des indications devant permettre d'identifier le débiteur a en principe pour conséquence la nullité de la réquisition de poursuite. Si toutefois la personne du débiteur peut être sans autre reconnue, l'acte doit être rectifié, respectivement complété, et la poursuite continuée (ATF 102 III 63 consid. 2; Penon/Wohlgemuth, in Kommentar SchKG, 4ème édition, 2017, N 18 ad art. 67 LP). Les informations nécessaires à ce complètement doivent être demandées par l'Office au poursuivant avant l'établissement et la notification du commandement de payer (ATF 109 III 4 consid. 1b).

3.2 En l'occurrence, il faut considérer avec l'Office que les indications données par la poursuivante sur le domicile du poursuivi étaient insuffisantes. Il n'en ressort en effet pas que ce dernier aurait sa demeure à l'adresse indiquée ni même qu'il y exercerait son activité professionnelle, la mention "pour adresse" impliquant seulement que des courriers et communications destinés au poursuivi peuvent lui être envoyés à ladite adresse.

Il n'apparaît pas cela étant que cette insuffisance serait susceptible de laisser subsister un doute sur l'identité du poursuivi; dans ces circonstances, le rejet immédiat de la réquisition de poursuite apparaît excessif dans la mesure où il pouvait être attendu de l'Office qu'il requière dans un premier temps de la poursuivante les précisions nécessaires sur l'adresse du poursuivi. La question n'a toutefois pas d'importance pratique dans le cas d'espèce, la décision de rejet de l'Office devant en tout état être confirmée (cf. consid. 4.2 ci-dessous).

4. 4.1 L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent l'existence d'un for de la poursuite, lequel désigne l'organe de poursuite territorialement compétent à qui le créancier doit s'adresser pour introduire la poursuite. La LP définit le for ordinaire de la poursuite, au domicile du débiteur (art. 46 LP), ainsi qu'un nombre limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP).

Le domicile au sens de l'art. 46 LP correspond à celui défini par
l'art. 23 al. 1 CC ou, le cas échéant, par l'art. 20 LDIP, qui se réfère à la même notion : une personne physique a son domicile au lieu ou dans l'Etat où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels.

L'art. 24 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite (ATF 119 III 51 consid. 2a).

Le débiteur qui n'a pas de domicile fixe peut toutefois être poursuivi au for spécial du lieu où il se trouve (art. 48 LP). La présence physique ("Aufenthalt") requise par cette disposition implique un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits. Un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard ne suffit pas (ATF 119 III 54 consid. 2d). Plus que pour le domicile, il faut se baser sur l'apparence extérieure, tels la présence d'effets personnels, plutôt que sur des éléments subjectifs tels que la volonté
(ATF 119 III 54 consid. 2d). Le fait qu'un acte de poursuite ait effectivement pu être remis au poursuivi à un endroit donné ne permet pas à lui seul d'admettre l'existence du for prévu par l'art. 48 LP (ATF 119 III 54 consid. 2d).

Le recours au for spécial de l'art. 48 LP suppose l'absence de domicile, soit que le débiteur ne dispose d'aucun domicile au sens de l'art. 46 LP en Suisse ou à l'étranger. Cette condition n'a toutefois pas à être établie ou rendue vraisemblable par le créancier lors du dépôt d'une réquisition de poursuite : c'est au contraire au débiteur, dans le cadre d'une procédure de plainte, d'établir qu'il disposait au moment de la mesure contestée d'un domicile (Schmid, in BAK SchKG I, N 11 ad art. 48 LP; ATF 120 III 110 consid. 2b).

De la même manière, l'Office saisi d'une réquisition de poursuite n'a pas à rechercher le domicile du débiteur. Il doit toutefois vérifier sa compétence - fondée le cas échéant sur l'art. 48 LP - sur la base des indications données par le créancier dans la réquisition de poursuite (ATF 120 III 110 consid. 2a).

4.2 Dans le cas d'espèce, l'examen de la compétence à raison du lieu de l'Office doit se faire à la lumière des explications complémentaires données par la poursuivante dans sa plainte, lesquelles auraient pu voire dû être requises par l'Office lui-même au vu du caractère insuffisant des indications figurant sur la réquisition de poursuite (cf. consid. 3.2 ci-dessus).

Selon ces explications, une poursuite au for ordinaire n'était plus possible du fait que le poursuivi avait quitté son précédent domicile situé à C______ (VD) le
30 novembre 2020 et, à la connaissance de la plaignante, ne s'en était pas créé un nouveau. Comme indiqué ci-dessus, l'Office n'a pas à rechercher si ce point de vue est exact dès lors que c'est au débiteur poursuivi, s'il conteste la compétence à raison du lieu de l'Office, d'établir l'existence d'un domicile.

La plaignante expose ensuite qu'il faudrait retenir que le poursuivi "se trouve" dans le canton de Genève, au sens de l'art. 48 LP, dès lors qu'il occupe une fonction d'administrateur au sein d'une société ayant son siège à Genève. Ce point de vue est toutefois mal fondé, ce que l'Office, tenu de vérifier sa compétence au regard des indications données dans la réquisition de poursuite, devait constater. Le fait qu'une personne occupe des fonctions d'administrateur au sein d'une société ne préjuge en effet en rien de son lieu de séjour. Le droit des sociétés laisse à cet égard aux administrateurs de sociétés une grande liberté quant à la manière dont ils se partagent entre eux et exercent les devoirs de leur charge. Rien ne s'oppose ainsi à ce que des personnes domiciliées à l'étranger, parfois dans des pays lointains, assument de telles fonctions; l'exiguïté du territoire genevois a au demeurant pour conséquence que même les administrateurs se rendant régulièrement dans les bureaux genevois d'une société résident fréquemment dans le canton de Vaud ou en France voisine; l'activité propre aux administrateurs d'une société n'est par ailleurs pas nécessairement exercée au siège de la société, les moyens de communication modernes permettant à cet égard à des personnes se trouvant en différents endroits de participer à une même séance; de nombreuses personnes sont membres du conseil d'administration de plusieurs sociétés, dont les sièges peuvent être situés en divers endroits, en Suisse et à l'étranger; enfin, la gestion quotidienne des affaires sociales peut être déléguée à un ou plusieurs administrateurs ou à des tiers, les autres membres du conseil d'administration en étant déchargés.

Le seul fait que le poursuivi soit membre du conseil d'administration de E______ ne permet ainsi pas de retenir qu'il séjournerait pour une certaine durée à Genève, et la plaignante ne fournit aucun autre élément - notamment aucune adresse de lieu de séjour - accréditant l'existence d'un tel séjour. Il en résulte que l'Office, s'il n'avait pas rejeté d'emblée, pour vice de forme, la réquisition de poursuite déposée par la plaignante et avait procédé à un examen de sa compétence au regard des indications - dûment complétées - figurant dans ladite réquisition, aurait dû constater son absence de compétence à raison du lieu. La décision de rejet doit ainsi être confirmée et la plainte rejetée.

5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 15 janvier 2021 par A______ contre la décision de rejet de réquisition de poursuite rendue le 4 janvier 2021 par l'Office cantonal des poursuites.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.