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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/873/2023

DCSO/369/2023 du 31.08.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Minimum vital; loyer admissible; quotité saisissable
Normes : LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/873/2023-CS DCSO/369/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 31 AOÛT 2023

 

Plaintes 17 LP (A/873/2023; A/1838/2023 et A/1543/2023) formées en dates des
10 mars, 5 mai et 30 mai 2023 par A______, représenté par Me Philippe Currat, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me CURRAT Philippe

Currat & Associés, Avocats

Rue de Saint-Jean 73

1201 Genève.

- B______ SA

______

______ [VS].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait notamment l’objet des poursuites nos 1______, 2______ et 3______ engagées à son encontre par B______ SA, et formant la série n° 4______.

b. Par courriers séparés des 14 et 26 octobre 2022, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé à A______ deux avis de saisie le convoquant pour le 15 novembre 2022 en ses locaux pour être interrogé sur sa situation patrimoniale dans le cadre des poursuites nos 1______ et 2______.

Ces courriers recommandés ont été retournés à l’Office, faute d’avoir été retirés au guichet postal.

c. Le 29 novembre 2022, l’Office a adressé des avis de créances à différents établissements bancaires de la place, ainsi qu’à la Banque C______.

d. Le 3 décembre 2022, [la banque] D______ a bloqué le compte ouvert au nom du poursuivi en ses livres, lequel présentait un solde de 783 fr. 32.

e. Le 5 décembre 2022, A______ a été auditionné par l’Office.

Le protocole d’audition, signé par le débiteur, indique que celui-ci est administrateur de E______ SA, ainsi que des sociétés inactives F______/5______ SA et F______/6______ SA, et qu’il réalise un revenu mensuel net de 8'522 fr. 75. Ce montant a été déterminé sur la base d’une évaluation antérieure de la situation financière du poursuivi, l’Office ayant fait une moyenne des sommes perçues sur son compte D______ de mars à septembre 2021. Un délai au 12 décembre 2022 a été accordé à A______ pour fournir les justificatifs de paiement du loyer et des assurances-maladie de la famille des trois derniers mois, ainsi que ses décomptes bancaires des douze derniers mois.

f. Le 3 janvier 2023, A______ a fait parvenir à l’Office la preuve du paiement de son loyer de septembre à décembre 2022 depuis un compte ouvert à la Banque d’Aarau, le dernier versement ayant eu lieu le 2 décembre 2022. Il a également transmis un décompte de débits intervenus sur son compte D______ et le relevé des mouvements survenus sur ce compte du 18 décembre 2020 au 15 février 2022, dont seule est produite à la procédure la période du 4 novembre 2021 au 15 décembre 2022.

Le relevé D______ présente des versements sur le compte, effectués par A______ ou des tiers, de montants variant entre 50 fr et 5'000 fr. Le motif de ces paiements est inconnu, à l’exception de deux remboursements effectués par l’assurance-maladie les 25 et 31 août 2022 (626 fr. 70 et 252 fr. 30) et d’un remboursement de billets de spectacle du 29 juillet 2022 (48 fr.). Le total des sommes versées – pour des raisons inconnues – s’élève à 63'202 fr. 45 du 1er décembre 2021 au 30 novembre 2022.

g. Par courrier du 10 janvier 2023, l’Office a fait notifier au poursuivi un avis de saisie de gains en ses mains d’un montant de 1'443 fr. par mois dès janvier 2023.

h. Par courrier recommandé du même jour, reçu par A______ le
19 janvier 2023, l’Office a invité celui-ci à réduire ses frais de logement avant le 1er juillet 2023, le loyer mensuel de son appartement de sept pièces, en 3’880 fr, étant excessif. Passé ce délai, l’Office n’aurait pris en compte, dans le calcul de son minimum vital, que la somme de 2'523 fr. par mois au titre de frais de logement.

i. Le procès-verbal de saisie, n° 4______, a été adressé à A______ le 23 février 2023 par courrier recommandé et par pli simple.

Ses gains d'indépendant étaient saisis en ses mains à hauteur de 1'443 fr. par mois et de "toutes sommes lui revenant à titre de primes, gratifications et/ou
13ème salaire
", pour la période allant du 3 mai 2023 au 30 juin 2023, puis à hauteur de 2'798 fr. et de "toutes sommes lui revenant à titre de primes, gratifications et/ou 13ème salaire" jusqu’au 10 janvier 2024.

L’Office a retenu que A______ était administrateur de « E______ SA » [recte : E______ SA], ainsi que des sociétés inactives F______/5______ SA (devenue en décembre 2022 I______ SA) et F______/6______ SA, et qu’il réalisait un revenu mensuel de 8'522 fr. 75. Les charges du ménage qu'il formait avec sa compagne (qui ne percevait aucun revenu) et leurs deux enfants, âgés alors de 14 et 10 ans, totalisaient 7’080 fr. 50 par mois, comprenant l'entretien de base de la famille (1'700 fr. pour le couple + 1’200 fr. pour les enfants), le loyer (3'880 fr.), les frais d’un animal domestique (50 fr.) et les frais d’assurance-maladie des enfants (125 fr. 25 x 2).

Le procès-verbal de saisie mentionne en outre, pour chaque poursuite, le montant de la créance (8'383 fr. 25 pour la poursuite n° 1______, 2'104 fr. 70 pour la poursuite n° 2______ et 2'104 fr. 50 pour la poursuite n° 3______), les intérêts échus à la date de l’établissement du procès-verbal, ainsi que les frais encourus à cette date, à l’exclusion de ceux liés à l’établissement et à l’envoi dudit procès-verbal et de ceux relatifs à l’exemplaire débiteur.

Le 27 février 2023, l’intéressé a reçu l’avis de retrait à l’office postal du courrier recommandé comportant l’avis de saisie. Il a retiré ledit courrier le 27 mars 2023, après avoir demandé une prolongation du délai de garde.

B. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 10 mars 2023, A______ forme plainte contre le procès-verbal de saisie du 23 février 2023. Il invoque le fait que la saisie porte sur des revenus d’indépendant alors qu’il est salarié et qu’il ne perçoit qu’un salaire de 4'472 fr. 50 par mois. La réduction des frais de logement n’était en outre pas justifiée, dès lors que le couple ne faisait pas chambre commune en raison de problèmes de santé de sa compagne et que lui-même devait disposer d’une pièce supplémentaire pour y exercer son activité professionnelle. Enfin, les frais de la poursuite n’étaient pas détaillés dans le procès-verbal de saisie et le total des retenues prévues dépassait largement la somme nécessaire pour couvrir la série litigieuse. L’intéressé conclut à l’annulation du procès-verbal et au renvoi de la cause à l’Office afin de revoir ces éléments.

Pour établir ses revenus, A______ produit un certificat de salaire établi en sa faveur par E______ SA pour l’année 2022, présentant un salaire annuel net de 46'656 fr., ce qui réparti sur douze mois représente un revenu mensuel de 3'888 fr.

b. Dans son rapport du 12 avril 2023, l’Office s’en est rapporté à justice sur la recevabilité de la plainte. Sur le fond, il a constaté que le plaignant était insaisissable du 10 janvier au 30 juin 2023, dit qu’il reconsidérait la saisie à hauteur de 1'208 fr. par mois à compter du 1er juillet 2023 et conclu au rejet de la plainte pour le surplus. D’après les statuts de E______ SA, publiés sur internet, le plaignant était l’actionnaire de la société, de sorte qu’il se justifiait de l’assimiler à un indépendant. Ses explications au sujet de ses revenus étaient douteuses, le salaire allégué de 4'472 fr. par mois suffisant à peine à assumer son loyer de 3'880 fr. De plus, selon un courriel de l’Administration fiscale du 17 mars 2023 - annexé au rapport -, l’intéressé était taxé d’office depuis 2014. L’Office s’était ainsi fondé, dans le procès-verbal litigieux, sur une évaluation précédente des revenus du débiteur, calculée sur la base des sommes perçues sur compte D______ de mars à septembre 2021. Toutefois, sur la base des nouveaux relevés D______ fournis le 3 janvier 2023, la somme des montants reçus sur ce compte s’élevait à 64'679 fr. 30. Il y avait lieu d’ajouter à ces revenus 15’520 fr. (3'880 fr. x 4 mois), dès lors que le loyer du ménage avait été réglé, de septembre à décembre 2022, depuis un autre compte bancaire. Les revenus moyens du débiteur étaient donc actuellement de 6'683 fr. par mois ([64’679 fr. 30 + 15'520 fr.] / 12 mois). Ce montant ne suffisait pas à couvrir ses charges. Dès juillet 2023, le minimum vital de la famille se chiffrerait néanmoins à 5'475 fr., compte tenu de la réduction des frais de logement à 2'523 fr. par mois et faute pour le débiteur d’avoir fourni les justificatifs de paiement des assurances-maladie des enfants. Les gains du débiteur étaient ainsi saisissables dès cette date à hauteur de 1'208 fr. par mois. Un avis dans ce sens avait été adressé au plaignant le 17 avril 2023. Les frais de logement admissibles avaient été estimés en fonction des loyers appliqués pour un appartement de cinq pièces en loyer libre, loué à de nouveaux locataires, et comprenant des charges de 200 fr. par mois. S’agissant des frais de la poursuite, ils ne devaient pas être détaillés dans le procès-verbal de saisie. Ils étaient en outre pleinement justifiés, selon les états de frais établis jusqu’au 15 mars 2023 pour chaque poursuite et déposés à la procédure.

c. Par courrier du 1er mai 2023, A______ se prévaut du fait que l’Office a admis s’être trompé dans le calcul de ses revenus. En toute hypothèse, cette manière de procéder reposait uniquement sur la division de la somme des crédits reçus sur son compte pour la période concernée, sans aucun examen quant à la source desdits crédits, qui ne pouvaient être considérés sans autre analyse comme des revenus tirés d’une activité indépendante. Le montant du salaire retenu par l’Office était donc arbitraire. Par ailleurs, le montant des loyers était payé depuis un compte ouvert à la Banque de H______ [AG]au nom de G______ SA, dont il était administrateur. La société l’avait en effet autorisé à payer le loyer depuis son compte commercial, à charge pour lui de lui rembourser ces montants ultérieurement. Il était par ailleurs administrateur unique de E______ SA, de F______/6______ SA et de F______/5______ SA, transformée en 2023 en I______ SA. Il ne percevait toutefois des revenus que de E______ SA, F______/6______ SA et I______ SA n’ayant pas d’actifs ni d’activité en l’état.

d. Par courriers du 17 mai 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

C. a. Dans l’intervalle, dans la cadre de la série n° 4______, l’Office a adressé, le 19 avril 2023, à A______ un avis de modification de la saisie de gains en ses mains, laquelle s’élevait désormais à 1’208 fr. par mois dès juillet 2023, étant précisé qu’il était insaisissable du 10 janvier au 30 juin 2023. Cet acte a été reçu par l’intéressé le 25 avril 2023.

b. Le 19 mai 2023, l'Office a notifié à A______ un nouveau procès-verbal de saisie, établi le 11 mai 2023, dans la série n° 4______, tenant compte, à la suite d’un nouvel examen, de revenus de 6'683 fr. 25 par mois.

Les gains d’indépendant du débiteur étaient insaisissables jusqu’au 30 juin 2023, puis saisis en ses mains à hauteur de 1'208 fr. par mois et de "toutes sommes lui revenant à titre de primes, gratifications et/ou 13ème salaire" jusqu’au
10 janvier 2024.

Ses charges mensuelles étaient de 5’475 fr. par mois, dont l'entretien de base de la famille (1'700 fr. pour le couple + 1’200 fr. pour les enfants), le loyer (2’525 fr.) et les frais d’un animal domestique (50 fr.).

D. a. Par actes expédiés par messagerie sécurisée le 5 mai 2023, respectivement le
30 mai 2023, A______ forme deux plaintes, la première contre l’avis de saisie du 19 avril 2023 (cause A/1543/2023), et la deuxième contre le procès-verbal de saisie du 11 mai 2023 (cause A/1838/2023), concluant à l’annulation de ces actes.

b. Dans ses rapports des 30 mai 2023 (A/1543/2023) et 5 juin 2023 (A/1838/2023), l’Office se réfère aux écritures déposées dans le cadre de la cause A/873/2023 et conclut au rejet de la plainte.

c. Par courrier du 10 juillet 2023, dans la cadre de la cause A/1838/2023, A______ a indiqué avoir fourni à l’Office de nouvelles pièces – non précisées - pour réévaluer sa situation, dont ce dernier n’avait pas voulu tenir compte. Ces éléments ne sont pas produits.

d. Par courriers des 5 juin (A/1543/2023) et 4 août 2023 (A/1838/2023), les parties ont été informées que les causes étaient gardées à juger.

 

EN DROIT

1. L'art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu de l'art. 9 al. 4 LaLP, permet, d'office ou sur requête, de joindre des procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.

En l'occurrence, les plaintes portent sur la même problématique, à savoir la saisie de gains opérée au profit de la série n° 4______, et opposent les mêmes parties, de sorte qu'il se justifie de joindre les causes A/873/2023, A/1543/2023 et A/1838/2023 sous le numéro de cause A/873/2023.

2. Déposées en temps utile (art. 17 al. 2, 31 LP; art. 138 al. 3 let. a, 142 al. 3 CPC) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre de mesures de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), les plaintes sont recevables, étant précisé, en ce qui concerne celle formée à l’encontre de l’avis de saisie, que le plaignant y fait valoir une atteinte à son minimum vital (DCSO/202/2023 consid. 1.1.2; DCSO/203/2019 cons. 1.2).

3. A la suite de la plainte du 10 mars 2023, l’Office a annulé le procès-verbal de saisie du 23 février 2023 et l’a remplacé par un nouveau procès-verbal du
11 mai 2023.

3.1. La plainte a un effet dévolutif, c'est-à-dire que la mesure attaquée devient de la compétence de l'autorité de surveillance, qui peut soit annuler une décision de l'Office, soit astreindre ce dernier à accomplir l'acte refusé (art. 21 LP). Mais cet effet dévolutif est limité tant que le délai pour porter plainte n'est pas échu (ATF 97 III 3, JdT 1971 II 108) et, en cas de plainte, jusqu’à l’envoi par l’Office à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte (art. 17 al. 4 LP). L'Office peut en effet procéder à un nouvel examen de la décision attaquée pendant ce laps de temps et la modifier (art. 17 al. 4 LP). Si l'Office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP deuxième phrase).

Si l'Office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance déclarera la plainte sans objet si le plaignant a obtenu le plein des conclusions formulées dans la plainte par la nouvelle décision de l'Office. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de surveillance reste saisie dans la mesure où le plaignant n'a pas obtenu satisfaction par la nouvelle décision de l'Office
(ATF 126 III 85, SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 60, 61, 64 à 66 ad art. 17 LP).

Une nouvelle décision prise par l'Office après l'envoi de sa réponse est nulle (ATF 78 III 49, JdT 1952 II 140; Erard, op. cit., 2005, n° 64 ad art. 17 LP).

En outre, l'Office ne peut pas révoquer une décision déjà entrée en force (ATF 109 III 37; BlSchK 1984, p. 207), à moins qu'elle ne soit manifestement nulle et ne soit par conséquent jamais entrée en force (Erard, op. cit., n° 65 ad art. 17 LP).

3.2. Aux termes de son rapport du 12 avril 2023, l'Office a admis que le procès-verbal du 23 février 2023 était erroné et qu’un nouvel avis serait adressé au plaignant.

L’avis et le procès-verbal modifiant la saisie n’ont été envoyés à celui-ci qu’en date des 19 avril et 11 mai 2023, soit en dehors du délai prévu par l'art. 17 al. 4 LP pour ce faire. L'Office ayant annoncé dans le rapport adressé à la Chambre de surveillance son intention de procéder en ce sens, lesdits avis et procès-verbal ne sauraient toutefois être déclarés nuls, sous peine de formalisme excessif.

Il s'ensuit que la plainte du débiteur s'avère partiellement sans objet en tant qu'elle vise la saisie devant s’exécuter du 10 janvier au 30 juin 2023, l’Office ayant admis l’insaisissabilité de ses gains durant cette période. Par ailleurs, le total des retenues prévues, de l’ordre de 7'000 fr. (soit 1'208 fr. pendant moins de six mois), ne suffira pas à solder les poursuites formant la série litigieuse. Le plaignant n’a donc plus d’intérêt concret à l’examen du grief relatif à une retenue excessive eu égard aux montants des poursuites. Partant, la présente décision se limitera à traiter des arguments liés à ses revenus, au calcul de son minimum vital et aux frais non-détaillés dans le procès-verbal de saisie du 23 février 2023.

4. Dès le 1er juillet 2023, l’Office a considéré que le plaignant disposait d’une quotité mensuelle saisissable de 1'208 fr., ce que celui-ci conteste.

4.1.1. Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Le revenu tiré d'une activité professionnelle indépendante comprend toutes les prestations que le débiteur reçoit en contrepartie de celles qu'il apporte dans le cadre de cette activité, que ces contreparties soient en argent ou en nature (Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 10 ad art. 93 LP). Pour établir ce revenu brut, l'Office doit interroger le débiteur sur le genre d'activité qu'il exerce ainsi que le volume et la nature de ses affaires. Lorsque l'instruction menée par l'Office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition. Si le débiteur ne tient pas de comptabilité régulière ou que les éléments comptables fournis ne sont pas fiables, le produit de son activité indépendante doit être déterminé par comparaison avec d'autres activités semblables, au besoin par appréciation. Le salarié qui est employé d'une société dont il est l'actionnaire ou l'animateur principal doit être assimilé à un indépendant (ATF 126 III 89; 121 III 20, JdT 1997 II 163; 120 III 16, JdT 1996 II 179;
83 III 63; arrêts du Tribunal fédéral 5A_976/2018 du 27 mars 2019; 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; Ochsner, Commentaire Romand LP, 2005, n. 25 ss et 82 ss ad art. 93 LP et les références citées).

4.1.2. Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de
l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie déjà, et non au stade de la procédure de plainte (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, N 65 ad art. 93 LP).

4.1.3. Le caractère irrégulier des revenus d'un débiteur indépendant ne fait pas obstacle à la saisie d'un montant mensuel fixe, déterminé sur la base d'un revenu mensuel moyen. L'Office, qui encaisse les mensualités fixes, ne pourra toutefois procéder à leur distribution en faveur des créanciers participant à la saisie qu'à la péremption de celle-ci et après détermination du montant effectivement saisissable (ATF 112 III 19 cons. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 5.4.1; 5A_16/2011 du 2 mai 2011 consid. 2.2).

4.2. En l’espèce, le plaignant soutient que la saisie n’aurait pas dû être exécutée en ses mains, puisqu’il est salarié et non indépendant. Dans la mesure où il ne conteste ni être l’actionnaire de E______ SA, ni être administrateur de cette société, ou encore tirer des revenus de cette activité, on ne saurait reprocher à l’Office de l’avoir assimilé à un indépendant.

Le plaignant se prévaut de son certificat de salaire 2022 pour contester les revenus de 6'683 fr. 25 fr. 75 retenus par l’Office. A teneur de ce document, il aurait perçu un salaire de 3'900 fr. en 2022, ce qui apparaît peu crédible au vu du train de vie de la famille, dont le loyer seul s’élève à 3'880 fr. par mois. De plus, ce certificat n’ayant pas été fourni à l’Office au moment de l’exécution de la saisie, il ne peut en tout état de cause être pris en considération dans le cadre de la présente procédure. Il résulte par ailleurs du dossier que le plaignant est taxé d’office par l’Administration fiscale cantonale depuis 2014, de sorte qu’on ne pourrait pas se fonder sur ses taxations fiscales pour déterminer ses revenus.

Faute pour le plaignant d’avoir fourni d’autres pièces probantes, on ne saurait faire grief à l’Office d’avoir estimé ses ressources en faisant une moyenne des sommes reçues sur son compte D______. L’intéressé ne donne aucune précision sur l’origine ou la cause des montants perçus sur ce compte pour exclure qu’il s’agisse de revenus. Il a en outre signé le protocole d’audition du 5 décembre 2022, signifiant ainsi son accord avec la manière de procéder de l’Office qui a considéré les montants crédités sur le compte comme étant des revenus.

Après s’être basé sur la moyenne des revenus perçus sur ledit compte de mars à septembre 2021, l’Office a reconsidéré sa décision et calculé les revenus moyens reçus sur ce même compte pour, vraisemblablement, la période du
1er décembre 2021 au 15 décembre 2022. Les relevés produits portent la mention d’une moyenne effectuée sur douze mois, bien que le calcul semble avoir tenu compte des revenus perçus sur une plus grande période.

Dès lors que le compte D______ a été bloqué le 3 décembre 2022, il convient de faire une moyenne des revenus perçus sur celui-ci avant cette date. Du 1er décembre 2021 au 30 novembre 2022, le total des sommes reçues au titre de revenu sur ce compte s’élève à 63'202 fr. 45. A l’instar de l’Office, il se justifie de retenir que le plaignant a disposé, de septembre à fin novembre 2022, d’autres revenus de l’ordre de 15'520 fr. lui ayant permis de régler son loyer à l’avance pendant quatre mois. Il résulte en effet des relevés D______ et de l’extrait bancaire du compte ouvert à la Banque de H______ [AG] fourni par le plaignant à l’Office le 3 janvier 2023 que le loyer de 3'880 fr. par mois a été payé d’un autre compte pour les mois de septembre à décembre 2022, étant relevé que le loyer de décembre a été payé à l’avance. Dans le cadre de la présente procédure, l’intéressé a précisé que le loyer avait été réglé depuis le compte de la société G______ SA, dont il était administrateur. Il a allégué qu’il s’agissait d’un prêt de la société, sans toutefois produire de pièce établissant une obligation de rembourser ces sommes. Partant, il se justifie de retenir que celles-ci constituent un revenu. Il y a ainsi lieu d’ajouter la somme de 15'520 fr. (3'880 fr. x 4 mois) au montant de 63'202 fr. 45 perçu sur son compte D______, ce qui porte le total des ressources reçues par le plaignant de décembre 2021 à novembre 2022 à 78'722 fr. 45. Ce montant, réparti sur douze mois, représente un salaire mensuel net de 6'560 fr. Reste à vérifier la quotité saisissable de ce montant.

5. Le plaignant reproche à l'Office d'avoir limité, dans la détermination de son minimum vital, à 2'523 fr. par mois les frais de logement admissibles dès le
1er juillet 2023.

5.1. Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; Ochsner, Le minimum vital, (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, Commentaire Romand, op. cit., n° 82 ad art. 93 LP).

Le principe selon lequel le débiteur qui fait l'objet d'une saisie doit restreindre son train de vie et s'en sortir avec le minimum d'existence qui lui est reconnu s'applique aussi aux frais de logement. C'est ainsi que le besoin de logement du poursuivi n'est pris en compte qu'à concurrence de la somme nécessaire pour se loger d'une manière suffisante; lorsque son logement impose au poursuivi au moment de l'exécution de la saisie des dépenses exagérées, il doit réduire ses frais de location, s'il est locataire, dans un délai convenable, soit en principe le prochain terme de résiliation du bail, délai à l'échéance duquel l'office des poursuites pourra réduire le loyer excessif à un montant correspondant à la situation familiale du débiteur et aux loyers usuels du lieu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du
16 janvier 2019 consid. 3.1.2 et les références citées.). L'office ne peut toutefois contraindre le débiteur à emménager dans un logement plus avantageux. Le débiteur qui, à l'expiration du délai qui lui a été imparti, reste dans le logement dont le coût est exagéré peut compenser la diminution de son minimum vital en rognant d'autres dépenses prises en compte dans le calcul de celui-ci
(ATF 129 III 526 consid. 2; 114 III 12 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2011 du 14 juillet 2011 consid. 4). Selon la jurisprudence, un délai de six mois est un délai raisonnable pour permette au débiteur, qu'il soit propriétaire ou locataire, de réduire sa charge de logement (ATF 129 III 526 consid. 2 et 3). Même s'il n'est pas possible, au cours de la saisie, de résilier le contrat pour une échéance ordinaire, le débiteur peut réduire ses frais de logement par d'autres mesures, par exemple par une restitution anticipée de l'objet loué (art. 264 CO) ou une sous-location totale ou partielle de l'appartement (art. 262 CO)
(ATF 129 III 526 consid. 2.1).

Le loyer admissible est en général calculé en fonction des statistiques publiées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT). Il convient de prendre en considération la moyenne établie pour les logements à loyer libre dans le canton de Genève et pour l'ensemble des logements neufs ou non. Ces statistiques ne comprenant pas les charges, un montant supplémentaire est ajouté au loyer retenu (SJ 2000 II 214; Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 137 ss). Le loyer admissible se calcule en retenant qu'un appartement qui comprend autant de pièces, voire une pièce de plus que le nombre de personnes y logeant, est suffisant, étant rappelé qu'à Genève, le nombre de pièces se calcule en tenant compte de la cuisine (SJ 2000 II 214; Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 137).

5.2 Dans le cas d'espèce, le plaignant soutient qu’un appartement de sept pièces est indispensable au ménage. Il allègue que sa compagne souffrirait de problèmes de santé – non précisés - contraignant le couple à faire chambre à part et qu’il aurait besoin d’une pièce supplémentaire, aménagée comme bureau, dès lors qu’il travaillerait régulièrement à domicile. L’intéressé ne produit néanmoins aucun document pour prouver ses dires, de sorte qu’un appartement de cinq pièces apparaît adéquat pour loger les quatre membres de sa famille.

C'est donc à juste titre que l'Office a imparti un délai de près de six mois au plaignant pour diminuer ses frais de logement, manifestement excessifs. D'après le tableau T 05.04.2.02 établi par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT), indiquant le loyer mensuel moyen des logements selon le nombre de pièces, la nature du logement et le statut du bail, le loyer mensuel (loyer libre) d'un appartement de cinq pièces loué à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois était de 2'313 fr. en 2022. Le loyer admissible retenu par l'Office, soit 2'525 fr. par mois, charges comprises, paraît dès lors adéquat.

Le plaignant ne formule aucun autre grief à l’encontre du calcul du minimum vital effectué par l’Office dans les procès-verbal litigieux. Plus particulièrement, il ne conteste pas la non-prise en considération des primes d’assurance-maladie des enfants. A cet égard, l’Office n’en a, à raison, plus tenu compte dans le procès-verbal de saisie du 11 mai 2023, dans la mesure où le débiteur n’a fourni aucun justificatif de paiement de celles-ci malgré la demande de production qui lui avait été faite le 5 décembre 2022.

5.3. Compte tenu de ce qui précède, après déduction du minimum vital en
5'475 fr. par mois, la quotité saisissable des revenus du débiteur s’élève à
1'085 fr., arrondis à 1'080 fr., par mois (6'560 fr. – 5'475 fr.). L’avis de saisie du 19 avril 2023 et le procès-verbal de saisie du 11 mai 2023 seront donc modifiés dans ce sens.

6. Le plaignant se plaint enfin du fait que les frais des poursuites ne sont ni détaillés ni justifiés dans le procès-verbal de saisie du 23 février 2023. Bien qu’il ne formule pas explicitement cette critique contre le procès-verbal du 11 mai 2023, il y a lieu d’examiner cette question, puisque ce dernier document fait mention des mêmes créances que celles figurant dans le procès-verbal du 23 février 2023 et d’intérêts et frais majorés.

6.1. L 'art. 112 LP fixe le contenu du procès-verbal de saisie lequel doit énoncer les noms du créancier et du débiteur, le montant de la créance, le jour et l'heure de la saisie, les biens saisis et leur valeur estimative, ainsi que les prétentions de personnes tierces (al. 1).

6.2. En l’espèce, le plaignant relève que le procès-verbal du 23 février 2023 mentionne trois créances du même créancier, dont le total, intérêts et frais compris, se chiffre à 13'619 fr. 40 (9'039 fr. 50 + 2'333 fr. 10 + 2'246 fr. 80 = 13'619 fr. 40). Or, ces montants ne seraient, selon lui, pas cohérents avec les montants des primes d’assurance dont le paiement était recherché par le créancier et il ne comprenait pas à quoi ils correspondaient.

Le plaignant n’établit pas, ni même ne précise le montant des primes d’assurance visées par les poursuites. Aucun élément au dossier ne permet de retenir que le montant des créances figurant aux procès-verbaux serait erroné. Par ailleurs, si le plaignant avait souhaité davantage de détails sur les frais facturés, il lui eût appartenu de demander à l’Office un décompte des frais détaillés moyennant émolument selon l’art. 3 OELP. L’Office a spontanément produit à la procédure un état des frais au 15 mars 2023 pour chacune des poursuites formant la série litigieuse. Le plaignant n’a émis aucune contestation au sujet de ce détail, de sorte qu’il sera considéré comme admis.

Par conséquent, aucune irrégularité n’affecte les procès-verbaux litigieux. Le grief du plaignant à ce sujet sera ainsi rejeté.

7. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Ordonne la jonction des causes A/873/2023, A/1543/2023 et A/1838/2023 sous le numéro de cause A/873/2023.

Déclare recevables les plaintes formées par A______ les 10 mars 2023,
5 mai 2023 et 30 mai 2023 contre, respectivement, le procès-verbal de saisie du
23 février 2023, l’avis de saisie du 19 avril 2023 et le procès-verbal de saisie du
11 mai 2023, dans le cadre de la série n° 4______.

Au fond :

Constate que la plainte du 10 mars 2023 est devenue partiellement sans objet en raison du nouveau procès-verbal de saisie établi le 11 mai 2023 par l'Office cantonal des poursuites.

Modifie l’avis de saisie du 19 mai 2023 et le procès-verbal de saisie du 11 mai 2023 en ce sens que la saisie des gains d’indépendant est arrêtée à 1'080 fr. par mois.

Rejette les plaintes pour le surplus.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.