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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4374/2022

DCSO/252/2023 du 08.06.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Minimum vital; saisie de gains; frais de logement raisonnables
Normes : LP.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4374/2022-CS DCSO/252/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Plainte 17 LP (A/4374/2022-CS) formée en date du 22 décembre 2022 par A______, comparant en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 12 juin 2023 à :

-       A______

c/o SPAD

Mme B______

Bd Georges-Favon 28

Case postale 107

1211 Genève 8.

- LES HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE - HUG

Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4

1205 Genève.


 

- ETAT DE GENEVE, SERVICE DES CONTRAVENTIONS

Chemin de la Gravière 5

1227 Les Acacias.

 

- INSTITUTION DE MAINTIEN, D'AIDE ET DE SOINS A DOMICILE

Avenue Cardinal-Mermillod 36

1227 Carouge.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1952, est domicilié rue 1______ no. ______ depuis 1995 dans un appartement dont le loyer est 2'559 fr. par mois, plus 150 fr. de charges et 430 fr. 80 pour deux places de parking.

b. Il est retraité d'une organisation internationale et bénéficie d'une rente versée par la CAISSE DES PENSIONS C______ (ci-après C______) d'un montant mensuel moyen de 5'900 fr., variant en fonction du taux de change du dollar états-unien.

c. Le Service de protection de l'adulte (ci-après SPAD) a été désigné curateur de représentation et de gestion de A______ par ordonnance du 4 mai 2021 du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant suite à un constat d'état d'abandon, d'isolement social, d'absence de suivi administratif, de diabète non traité, d'alcoolisme et d'un syndrome de Diogène. L'intéressé se trouvant dans le déni de sa situation et ne collaborant pas, la mesure de curatelle a été étendue à la représentation thérapeutique par ordonnance du 13 septembre 2022.

d. A______ a été incarcéré le 13 octobre 2022 en raison de conversion d'amendes en 150 jours de détention. Cette mesure a été levée suite à l'intervention du SPAD en raison de l'irrégularité de la notification d'actes procéduraux.

e. Objet de plusieurs poursuites et de saisies de ses revenus en ses mains en raison de l'immunité d'exécution dont jouit C______, il n'a pas respecté la retenue de gain qui lui était imposée depuis plusieurs années de sorte qu'il a fait l'objet de condamnations pour détournement de gain saisi. La dernière dénonciation pénale a toutefois été classée le 6 décembre 2022 suite à l'intervention du SPAD.

f. A______ fait actuellement l'objet de quatre poursuites pour un total de 13'831 fr. 50 qui ont été réunies dans la série 2______ au stade de la saisie. Les créanciers sont l'ETAT DE GENEVE (SDC), l'IMAD et les HUG.

g. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a établi le 12 décembre 2022 un procès-verbal de saisie portant sur les revenus du débiteur lui imposant une retenue de 3'200 fr. par mois du 3 juin 2023 au 1er novembre 2023, en ses mains compte tenu de son statut de retraité d'une organisation internationale.

La quotité saisissable des revenus du débiteur a été calculée sur la base d'un revenu constitué de sa rente de retraite de 5'900 fr. par mois et d'un minimum vital mensuel composé du montant de base d'entretien de 1'200 fr. et d'un loyer de 1'500 fr.

B. a. Par acte expédié le 22 décembre 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), le SPAD a formé une plainte contre ce procès-verbal de saisie, au nom et pour le compte de A______, concluant à son annulation et à ce que la quotité saisissable de ses gains soit arrêtée à 340 fr. par mois.

Il reprochait à l'Office de ne pas avoir retenu les frais effectifs de logement du débiteur, ni des frais médicaux non remboursés à hauteur de 1'500 fr. par mois.

b. Dans ses observations du 13 janvier 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte sous réserve du montant des frais de logement, s'en rapportant à l'appréciation de la Chambre de surveillance s'agissant du montant du loyer de l'appartement. S'agissant des frais médicaux non pris en charge par une assurance, il considérait qu'ils étaient excessifs et en tous les cas non justifiés par pièces; l'Office soulignait que le débiteur bénéficiait d'une large couverture de ses frais médicaux par l'assurance de son ancien employeur.

c. Dans ses observations du 25 janvier 2023, les HUG s'en sont rapporté à justice.

Les autres créanciers n'ont pas déposé d'observation.

d. La Chambre de surveillance a avisé les parties par courrier du 1er février 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP). La garantie du minimum vital prévue par l'art. 93 LP ne vise pas à permettre au débiteur de préserver un train de vie correspondant aux standards communément admis, mais à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, le menace dans sa vie ou sa santé ou lui interdise tout contact avec l'extérieur (ATF 134 III 323 consid. 2; décision de la Chambre de surveillance DCSO/308/18 du 24 mai 2018 consid. 3).

2.1.2 Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF
112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.3 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr. (art. 1 NI).

2.1.4 D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI) doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; ATF 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; ATF 112 III 19, JdT 1988 II p. 118; OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP).

Les frais de logements effectifs sont retenus, soit le loyer et les charges pour les locataires. Toutefois, le principe selon lequel le débiteur qui fait l'objet d'une saisie doit restreindre son train de vie et s'en sortir avec le minimum d'existence qui lui est reconnu s'applique aussi aux frais de logement. C'est ainsi que le besoin de logement du poursuivi n'est pris en compte qu'à concurrence de la somme nécessaire pour se loger d'une manière suffisante; lorsque son logement impose au poursuivi au moment de l'exécution de la saisie des dépenses exagérées, il doit réduire ses frais de location, s'il est locataire, dans un délai convenable, soit en principe le prochain terme de résiliation du bail, délai à l'échéance duquel l'Office pourra réduire le loyer excessif à un montant correspondant à la situation familiale du débiteur et aux loyers usuels du lieu (arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2019 consid. 3.1.2 et les références citées; Ochsner, Le minimum vital, op. cit., p. 134 et 135). L'Office ne peut toutefois contraindre le débiteur à emménager dans un logement plus avantageux. Le débiteur qui, à l'expiration du délai qui lui a été imparti, reste dans le logement dont le coût est exagéré peut compenser la diminution de son minimum vital en rognant d'autres dépenses prises en compte dans le calcul de celui-ci (ATF 129 III 526 consid. 2; 114 III 12 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_252/2011 du 14 juillet 2011 consid. 4).

Le loyer admissible est en général calculé en fonction des statistiques publiées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT). Il convient de prendre en considération la moyenne établie pour les logements à loyer libre dans le canton de Genève et pour l'ensemble des logements neufs ou non. Ces statistiques ne comprenant pas les charges, un montant supplémentaire est ajouté au loyer retenu (SJ 2000 II 214; OCHSNER, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 137 ss). Quant au logement admissible, il consiste dans un appartement qui comprend autant de pièces, voire une pièce de plus que le nombre de personnes y logeant, étant rappelé qu'à Genève, le nombre de pièces se calcule en tenant compte de la cuisine (SJ 2000 II 214; Ochsner, op. cit., p. 137).

Lorsqu'un véhicule privé n'est pas indispensable à l'exercice de sa profession par le débiteur, les frais y afférents ne peuvent être pris en compte que de manière exceptionnelle, par exemple lorsque le débiteur souffre d'un handicap, a besoin d'une voiture pour pouvoir exercer son droit de visite ou conduire ses enfants à l'école ou encore habite dans un endroit très reculé, et que ce besoin ne peut être satisfait d'une manière moins onéreuse (DSCO/622/2017 du 30 novembre 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

2.2 En l'espèce, la plainte sera rejetée en ce qui a trait aux frais médicaux non pris en charge par une assurance, le plaignant n'en ayant justifié ni le montant, ni le paiement. Il appartient au débiteur de faire le nécessaire auprès de l'Office s'il entend obtenir l'incorporation de tels frais dans son minimum vital.

S'agissant de la location de deux parkings, ces frais excèdent ce qui est admissible dans le calcul du minimum vital tel que déterminé ci-dessus. Ils ne sauraient être retenus ni au titre de frais de logement, ni au titre de frais de transports nécessaires – d'ailleurs non allégués ni justifiés par le plaignant. C'est ainsi à raison que l'Office ne les a pas retenus.

Finalement, s'agissant des frais de logement, aucune des parties n'indique le nombre de pièces du logement en question. Le loyer est supérieur à ce que l'on peut exiger d'un débiteur en fonction du loyer admissible pour un débiteur vivant seul, ainsi que le souligne l'Office. Le représentant du plaignant décrit toutefois une situation atypique et nécessitant certains aménagements. Le plaignant souffre d'affections rendant son relogement compliqué dans les circonstances actuelles de déni. Le maintien dans son contexte présente un caractère thérapeutique. Il n'est en tout état pas certain qu'il soit possible de trouver un logement à un loyer sensiblement inférieur. Compte tenu de la marge de manœuvre dont bénéficient les autorités de poursuite dans la fixation du minimum vital du débiteur, il est en l'occurrence justifié de retenir en l'état dans les charges de ce dernier le montant de son loyer et de ses charges pour l'appartement qu'il occupe à hauteur de 2'709 fr. Le montant du minimum vital du débiteur est ainsi arrêté à 3'909 fr. et la saisie de ses gains à 1'990 fr. (5'900 fr. – 2'709 fr.). Il convient de noter que la saisie ainsi déterminée permettra de quasiment éteindre les poursuites de la série. Le procès-verbal de saisie sera modifié en ce sens.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte du 22 décembre 2022 de A______ contre le procès-verbal de saisie du 12 décembre 2022, série n° 2______.

Au fond :

Modifie ce dernier en ce sens que le minimum vital mensuel de A______ est arrêté à 3'909 fr. et la saisie de ses gains à 1'990 fr. par mois.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.