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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3985/2021

DCSO/104/2022 du 17.03.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3985/2021-CS DCSO/104/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 MARS 2022

 

Plainte 17 LP (A/3985/2021-CS) formée en date du 22 novembre 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Cédric Duruz, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me DURUZ Cédric

RIVARA WENGER CORDONIER & AMOS

Rue Robert-Céard 13

1204 Genève.

- B______

c/o Me PANARIELLO Marine

Canonica Valticos de Preux & Ass

Rue Pierre-Fatio 15

Case postale 3782

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A.           a. Le 2 septembre 2021, statuant sur la requête formée par B______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre de la part saisissable de tous les revenus du travail, y compris les primes, les gratifications ainsi que le treizième salaire versé à A______ par la société C______ SA, pour les montants de 3'043 fr. 89 (contrevaleur de 2'811.34 euros), de 25'985 fr. 28 (contrevaleur de 24'000 euros) et 27'068 fr. (contrevaleur de 25'000 euros), intérêts en sus, et la somme de 1'980 fr., le titre de la créance étant "ordonnance de non-conciliation exécutoire du 30 avril 2015 et jugement définitif et exécutoire du 11 septembre 2017 du Tribunal de grande instance de D______".

b. Par décision du 22 septembre 2021, l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a fait porter le séquestre sur la totalité du salaire net du plaignant dès lors que ce dernier ne lui avait pas transmis les informations nécessaires au calcul de son minimum vital.

c. Le plaignant ayant finalement accepté de collaborer, par décision du 23 septembre 2021, l'Office a arrêté le montant de la quotité saisissable à toute somme supérieure à 3'641 fr.

L'Office a retenu que le minimum vital du plaignant s'élevait à 3'641 fr., comprenant le montant de base OP compte tenu d'une réduction de 15% puisque celui-ci résidait en France (1'020 fr.), les frais liés à l'exercice de son droit de visite sur les enfants (182 fr.), ses intérêts hypothécaires (453 fr., contrevaleur de 418 euros), la taxe d'habitation (126 fr., contrevaleur de 116 euros), la taxe foncière (121 fr., contrevaleur de 112 euros), les frais d'électricité (108 fr., soit 99 euros), les frais de consommation d'eau (50 fr., contrevaleur de 46 euros), la prime d'assurance-maladie (157 fr., contrevaleur de 145 euros), les frais de repas (242 fr.), les frais de transports TPG (97 fr.) et les pensions alimentaires (1'085 fr., contrevaleur de 1'000 euros).

d. Par acte expédié le 1er octobre 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 23 septembre 2021, notamment en tant qu'elle ne retenait qu'une somme de 453 fr. au titre de frais de logement, soit les intérêts à l'exception des frais d'amortissement de son emprunt immobilier.

Cette plainte, toujours en cours, fait l'objet de la procédure A/1______/2021.

e. Le 10 novembre 2021, l'Office a été informé par B______ de ce que A______ ne s'était pas acquitté de la contribution due à l'entretien de ses enfants pour les mois d'octobre et novembre 2021. A______ l'avait en outre informée le 30 octobre 2021 qu'il ne s'acquitterait plus de la pension alimentaire tant qu'elle n'aurait pas demandé une modification des sommes demandées dans l'ordonnance de séquestre.

f. Par décision du 11 novembre 2021, l'Office a arrêté le montant de la quotité saisissable du salaire de A______ à toute somme supérieure à 2'556 fr. par mois dès l'entrée en force de la décision.

L'Office a retenu que le minimum vital du plaignant s'élevait à 2'556 fr., soit les charges retenues dans la décision du 23 septembre 2021 sous déduction du montant de 1'085 fr. qui avaient été admis au titre de contribution à l'entretien des enfants, puisque le plaignant ne s'en acquittait plus.

B. a. Par acte expédié le 22 novembre 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 11 novembre 2021 en tant qu'elle a supprimé des charges relevant de son minimum vital la somme de 1'085 fr. par mois relative au paiement de la contribution alimentaire due à ses enfants. Il a rappelé avoir d'ores et déjà porté plainte contre la décision de l'Office du 23 septembre 2021 en tant qu'elle limitait ses frais de logement à 453 fr. par mois, ce qui était toujours le cas dans cette nouvelle décision. Il a conclu à ce qu'il soit tenu compte de la somme de 1'085 fr. dans son minimum vital insaisissable et à ce que celui-ci soit porté à 4'763 fr. compte tenu également de la totalité de sa charge hypothécaire.

Il a fait valoir qu'il n'avait pas pu honorer le paiement de la pension alimentaire courante de 1'000 euros par mois dès lors que l'Office ne lui avait pas laissé de disponible suffisant pour acquitter sa charge hypothécaire totale de 1'575 fr. par mois. Il était donc nécessaire que l'amortissement du prêt hypothécaire soit inclus dans ses charges pour qu'il puisse reprendre le paiement de la contribution à l'entretien de ses enfants.

b. Dans son rapport du 13 décembre 2021, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte en tant qu'elle portait sur la prise en compte de la totalité des charges hypothécaires dans le calcul du minimum vital dès lors que ce grief faisait déjà l'objet d'une plainte en cours d'examen. S'agissant de la prise en compte de la somme de 1'085 fr. relative à pension alimentaire des enfants, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a relevé avoir été informé qu'à de nombreuses reprises des débiteurs frontaliers dans la même situation que le plaignant avaient obtenu de leur créancier hypothécaire une suspension du remboursement de l'amortissement en capital de leur prêt pendant une durée d'une année. Le plaignant n'était en tout cas pas légitimé à privilégier le paiement d'une dette au détriment du paiement de la pension alimentaire de ses enfants.

c. Dans ses observations du 14 décembre 2021, B______ a conclu au rejet de la plainte.

d. La cause a été gardée à juger le 15 décembre 2021, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP; 125 et 126 al. 1 let. a et al. 2 let. c LOJ) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution d'un séquestre ou la communication d'un procès-verbal de séquestre.

Par mesure de l'Office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'Office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes. Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise. Une "décision" de l'Office refusant de revenir sur une mesure prise antérieurement par lui n'est pas le point de départ d'un nouveau délai de plainte et ne constitue pas une nouvelle décision susceptible de plainte (ATF 142 III 643 consid. 3; ATF 129 III 400 consid. 1.1; 128 III 156 consid. 1c; ATF 116 III 91 consid. 1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n° 12 et 13 ad
art. 17-21 LP, n° 16 ad art. 8 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 17 LP).

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). La plainte est en outre recevable en tout temps lorsque la mesure attaquée porte atteinte au minimum vital du débiteur et qu'elle le place dans une situation intolérable (art. 22 LP; ATF 114 III 78 consid. 3, JdT 1990 II 162).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (ERARD, Commentaire Romand, op. cit., n. 25 et 26 ad art. 17 LP; DIETH/WOHL, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 11 et 12 ad art. 17 LP).

1.2 En l'espèce, la plainte est formellement recevable – pour avoir été formée par le débiteur, dans le délai légal de dix jours, contre une décision de l'Office susceptible de porter atteinte à son minimum vital, et selon la forme prescrite par la loi – en tant qu'elle fait grief à l'Office d'avoir écarté des charges du plaignant la somme de 1'085 fr. au titre de contribution à l'entretien de ses enfants.

En revanche, elle est irrecevable en tant que le plaignant se plaint de ce que l'Office a écarté une partie de ses frais hypothécaires dès lors qu'il s'agit d'une question qui fait l'objet d'une première décision rendue le 23 septembre 2021 qui fait l'objet d'une plainte et que la décision querellée ne fait que reprendre le contenu de la décision du 23 septembre 2021.

2. Le plaignant reproche à l'Office d'avoir écarté de ses charges le montant de 1'085 fr. dû à titre de contribution à l'entretien de ses enfants.

2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, tous les revenus du travail peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) – l'office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après: NI-2018, RS/GE E 3 60.04; OCHSNER, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; COLLAUD, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture et les frais de vêtement (OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.
NI-2019), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2019), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI-2019) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI-2019), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP).

3.1.3 Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_426/2016 du 2 novembre 2016 consid. 4.2). L'Office peut toutefois retenir intégralement la charge impayée si le débiteur démontre qu'il entend désormais assumer celle-ci régulièrement et qu'il a déjà effectué au moins un premier versement (OCHSNER, Commentaire romand, op. cit., n. 82 et 83 ad art. 93 LP; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 119 ss, p. 127; Collaud, op. cit., p. 309; Nicolet/VanHove/Woessner/Guillard, Jurisprudence de l’Autorité de surveillance des Offices de poursuite et de faillites du Canton de Genève de 1995 à 1998, in SJ 2000 II p. 199 ss, p. 213).

Le débiteur peut demander une révision de la saisie à partir du moment où il établit qu’il paie effectivement les charges que l'Office a écartées faute d'être acquittées (ATF 121 III 20 consid. 3b, in JdT 1997 II p. 163).

3.2 En l'espèce, le plaignant ne conteste pas ne plus s'acquitter de la contribution à l'entretien de ses enfants depuis le mois d'octobre 2021, et il ne fait pas valoir qu'il recommencera à s'en acquitter prochainement.

Par conséquent, c'est à juste titre que l'Office a écarté cette charge de son minimum vital. La plainte est ainsi infondée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 22 novembre 2021 par A______ contre la décision de l'Office des poursuites du 11 novembre 2021 fixant la retenue sur son salaire à toute somme supérieure à 2'556 fr.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.