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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3564/2020

DCSO/22/2022 du 13.01.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : covid-19.7; covid-19.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3564/2020-CS DCSO/22/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 13 JANVIER 2022

 

Plainte 17 LP (A/3564/2020-CS) formée en date du 6 novembre 2020 par A______ SA, élisant domicile en l'étude de Me Michel SCHMIDT, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 13 janvier 2022
à :

-       A______ SA

c/o Me SCHMIDT Michel

SJA AVOCATS SA

Place des Philosophes 8

1205 Genève.

- B______

c/o Me FABJAN Andreas

Muller & Fabjan

Rue Ferdinand-Hodler 13

1207 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La société A______ SA, dont le siège est à Genève, exerce son activité dans le domaine immobilier. Elle n'emploie pas de personnel, sa gestion – sous réserve de la tenue de la comptabilité – étant entièrement assumée par son administratrice unique C______.

L'adresse postale de A______ SA (rue 2______ à Genève) est celle du logement de C______. La société et son administratrice unique disposent de deux boîtes aux lettres séparées, que C______ relève elle-même, en même temps.

b. Le 30 juin 2020, B______ a engagé à l'encontre de A______ SA une poursuite ordinaire en paiement d'un montant de 29'000 fr. allégué être dû au titre de "non paiement d'une partie de la commission de courtage dans le cadre d'une vente immobilière signée le 30/04/20 chez notaire".

c. Le commandement de payer (poursuite n° 1______) établi le 6 juillet 2020 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) conformément aux indications figurant sur la réquisition de poursuite a fait l'objet de deux tentatives de notification par la Poste, la première le 8 juillet 2020 par le dépôt dans la boîte aux lettres de la poursuivie d'une invitation à retirer l'acte au bureau de poste et la seconde, par voie de distribution spéciale, le 5 août à 12h10.

Ces tentatives s'étant soldées par un échec, l'Office a décidé de recourir à la notification simplifiée prévue par l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural.

d. Le 25 août 2020, l'Office a adressé sous pli A+ à C______, en sa qualité d'organe de la poursuivie au sens de l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP, un avis l'informant qu'un acte de poursuite lui serait prochainement notifié de la même manière. Selon l'extrait du système "track&trace" de la Poste produit au dossier, cet envoi a été déposé le 27 août 2020 à 9h12 dans la boîte aux lettres de C______.

Le 31 août 2020, l'Office, toujours sous pli A+, a adressé à C______ le commandement de payer lui-même accompagné d'un courrier attirant son attention sur la possibilité d'y former opposition dans les dix jours de sa réception. Selon l'extrait "track&trace" figurant au dossier, cet envoi a été déposé le
2 septembre à 10h54 dans la boîte aux lettres de C______.

e. C______ a indiqué ne jamais avoir reçu l'avis du 25 août 2020 et n'avoir reçu le pli expédié le 31 août 2020, contenant le commandement de payer ainsi qu'un courrier d'accompagnement, que le 25 septembre 2020.

Selon ses explications, elle s'était absentée de Genève pour raisons familiales du 15 juillet au 4 septembre 2020 sans prendre de dispositions pour que sa boîte aux lettres et celle de A______ SA soient relevées. Elle n'avait pris possession du courrier qui s'était accumulé dans ces deux boîtes aux lettres qu'à son retour et, selon elle, il ne s'y trouvait aucun pli reçu de l'Office. Elle avait ensuite régulièrement relevé son courrier et celui de A______ SA pendant le mois de septembre 2020. Ce n'était que le 25 septembre 2020 qu'elle avait trouvé dans son courrier le pli de l'Office contenant le commandement de payer et son courrier d'accompagnement. Elle n'avait toutefois effectivement pris connaissance de ces actes que le mardi 29 septembre 2020, au retour d'un week-end prolongé, et s'était alors immédiatement rendue dans les locaux de l'Office pour y former opposition.

f. Entendu en qualité de témoin, l'employé postal assurant la distribution du courrier destiné aux résidents de l'immeuble habité par C______ a exposé le mode de distribution des plis A+, expliquant en particulier enregistrer le code apposé sur le pli au moment où il le déposait dans la boîte aux lettres de son destinataire, avec pour conséquence que la distribution et son heure étaient intégrées au système "track&trace". Une erreur de distribution – par exemple le dépôt du pli dans une boîte aux lettres autre que celle du destinataire – n'était pas inconcevable mais extrêmement rare, de l'ordre d'une par année ou tous les deux ans. Des facteurs comme un nombre élevé de boîtes aux lettres ou l'existence d'homonymes étaient de nature à favoriser de telles erreurs, mais ils ne se retrouvaient pas dans l'immeuble de C______, qui ne comportait qu'un petit nombre de boîtes aux lettres et qu'il connaissait bien.

g. Le 29 septembre 2020, C______, en sa qualité de représentante de la poursuivie, a d'une part formé opposition à la poursuite n° 1______ et d'autre part requis la restitution du délai pour ce faire.

h. Par décision du 26 octobre 2020, l'Office a rejeté pour cause de tardiveté la demande de restitution de délai formée par la poursuivie, Il résulte des considérants de cette décision que l'Office a considéré de manière erronée que la demande de restitution de délai n'avait été formée que le 9 octobre 2020, soit plus de dix jours après la date à laquelle C______ admettait avoir reçu le pli contenant le commandement de payer.

Cette décision a été reçue le 27 octobre 2020 par la poursuivie.

B. a. Par acte adressé le 6 novembre 2020 à la Chambre de surveillance, A______ SA a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 26 octobre 2020, concluant à son annulation et à l'admission de l'opposition formée le 29 septembre 2020. C'était selon elle à tort que l'Office avait tenu sa demande pour tardive dès lors qu'elle s'était rendue dans les locaux de l'Office immédiatement après avoir reçu le commandement de payer.

b. Par ordonnance du 10 novembre 2020, la Chambre de surveillance, faisant droit à une conclusion préalable de la plaignante, a octroyé l'effet suspensif à la plainte.

c. Dans ses observations du 1er décembre 2020, l'Office a admis que la demande de restitution de délai avait, contrairement à ce qu'il avait retenu dans la décision contestée, été formée moins de dix jours après la fin alléguée de l'empêchement invoqué, de telle sorte qu'elle n'était pas tardive. Cette décision devait toutefois être confirmée dans son résultat – et la plainte rejetée – dès lors que la plaignante n'établissait pas s'être trouvée dans l'impossibilité, sans faute de sa part, de prendre connaissance du commandement de payer valablement notifié le
2 septembre 2020.

d. Par détermination du 9 décembre 2020, B______ a elle aussi conclu au rejet de la plainte. Selon elle, le commandement de payer avait été valablement notifié en application de l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural et il aurait incombé à la plaignante de prendre les mesures d'organisation nécessaires à sa prise de connaissance en temps utile.

e. Par réplique du 11 janvier 2021, A______ SA a persisté dans les conclusions de la plainte formée le 6 novembre 2020. Selon elle, l'Office n'aurait pas dû procéder à une notification simplifiée dès lors qu'aucune notification ordinaire n'avait été tentée. Réitérant pour le surplus que – pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas – les plis que lui avait adressés l'Office les 25 et 31 août 2020 ne se trouvaient pas dans le courrier qu'elle avait relevé le 4 septembre 2020, elle confirmait n'avoir pris connaissance du commandement de payer que le
29 septembre 2020, et s'être ainsi trouvée dans l'impossibilité non fautive de former opposition dans le délai de l'art. 74 al. 1 LP.

Au titre de mesures d'instruction, elle a sollicité l'audition de l'Office concernant, notamment, d'éventuelles erreurs constatées par le passé concernant le suivi des plis A+.

f. Dans sa duplique du 21 janvier 2021, l'Office a donné des explications sur les tentatives de notification ordinaire du commandement de payer ayant précédé le recours à la notification simplifiée.

g. Par duplique du 22 janvier 2021, B______ a persisté dans ses conclusions.

h. La Chambre de surveillance a tenu une audience le 4 mai 2021. A cette occasion, C______ a évoqué pour la première fois son impression qu'une partie de son courrier était dérobée. Elle a expliqué à cet égard être en litige avec un entrepreneur général au terme d'un chantier particulièrement éprouvant et avoir, dans ce contexte, déposé une plainte pénale. Celle-ci ne portait cependant pas sur le vol de son courrier.

i. Par détermination du 26 mai 2021, B______ a persisté dans ses conclusions.

A______ SA en a fait de même par détermination du 18 mai 2021, ajoutant demander l'audition du collaborateur de l'Office traitant le dossier et à ce qu'un délai lui soit imparti pour produire les plaintes pénales qu'elle avait déposées contre les gérants d'une entreprise générale et son précédent conseil. Dans un courrier subséquent du 4 juin 2021, elle a indiqué renoncer à produire la plainte pénale dirigée contre son précédent conseil mais persister à requérir qu'un délai lui soit imparti pour produire celle dirigée contre les gérants de l'entreprise avec laquelle elle était en litige. Selon elle en effet, les faits exposés dans cette plainte permettraient d'envisager la possibilité que lesdits gérants soient venus prélever du courrier dans la boîte aux lettres de C______ et l'y aient ensuite remis.

j. Par communication du greffe du 24 juin 2021, les parties et l'Office ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

k. B______ a encore adressé le 2 novembre 2020 un courrier à la Chambre de surveillance, lequel a été communiqué le 3 novembre 2020 à l'Office et à la plaignante, sans susciter de réaction de leur part.

 

EN DROIT

1. 1.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

1.2.1 L'autorité de surveillance constate les faits d'office, apprécie librement les preuves et ne peut, sous réserve de l'art. 22 LP, aller au-delà des conclusions des parties (art. 20a al. 2 ch. 2 et 3 LP). Celles-ci ont néanmoins une obligation de collaborer (art. 20a al. 2 ch. 2 2ème phrase LP), qui implique en particulier qu'elles décrivent l'état de fait auquel elles se réfèrent et produisent les moyens de preuve dont elles disposent (ATF 112 III 79 consid. 2).

1.2.2 La plaignante a en l'occurrence sollicité deux mesures d'instruction supplémentaires, soit l'audition d'un représentant de l'Office et la production de la plainte pénale qu'elle affirme avoir déposée contre les gérants d'une entreprise générale avec laquelle elle serait en litige.

On ne voit cependant pas sur quel fait pertinent pourrait porter l'audition d'un représentant de l'Office, étant précisé – s'agissant du mode de traitement des envois A+ - qu'il a été procédé à l'audition de l'employé postal ayant dans le cas d'espèce assuré la distribution des plis litigieux.

De la même manière, la production de la plainte pénale déposée par la plaignante contre des tiers (dont on ne voit au demeurant pas pour quelle raison elle n'aurait pu être produite spontanément) ne paraît pas de nature à établir des faits utiles à la solution du cas d'espèce, la plaignante expliquant elle-même que cette mesure d'instruction visait à faire comprendre la situation "tendue" existant à l'époque, permettant à son sens d'envisager la possibilité que les tiers incriminés aient dérobé du courrier dans sa boîte aux lettres.

La cause est donc en état d'être jugée.

2. 2.1 L'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, dans sa teneur applicable au moment des notifications litigieuses, prévoit, en dérogation aux
art. 64 al. 2 et 72 al. 2 LP, la possibilité de notifier des actes de poursuite
(et notamment des commandements de payer) "contre une preuve de notification qui n'implique pas la remise d'un reçu" (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) à deux conditions cumulatives. D'une part, cette notification doit avoir été précédée d'une tentative infructueuse de notification ordinaire, ou il faut admettre, au vu des circonstances particulières, qu'une telle tentative serait vouée à l'échec (art. 7 al. 1 let. a Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020); d'autre part, le destinataire doit avoir été informé de la notification par communication téléphonique au plus tard le jour précédant la notification ou on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (art. 7 al. 1 let. b Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020). Pour autant que ces conditions soient réalisées, la preuve de notification mentionnée à l'al. 1 remplace le procès-verbal de notification prévu par l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

Lorsqu'elle est donnée par écrit, l'information relative à la notification prochaine d'un acte de poursuite est considérée comme notifiée lorsqu'elle se trouve dans la sphère de puissance du destinataire, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci réceptionne effectivement l'envoi ou en prenne connaissance. Dans le cas d'un courrier envoyé sous pli A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la Poste au moment du dépôt de l'envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire constitue un indice que la distribution est effectivement intervenue à ce moment-là, et donc que l'avis est entré dans la sphère de puissance de son destinataire. Même si une erreur de distribution ne peut d'emblée être exclue, elle ne doit être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances : si le destinataire, dont la bonne foi est présumée, se prévaut d'une erreur de distribution, il lui appartient d'exposer de manière claire les circonstances permettant d'admettre avec une certaine vraisemblance cette hypothèse, des considérations purement hypothétiques n'étant pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.4 et 4.5 et références citées).

Quant à la notification elle-même de l'acte de poursuite, elle peut également, selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, intervenir par courrier A+ (Commentaire des dispositions de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural p. 8; instruction n° 7 du service Haute surveillance LP § 10). Lorsque l'acte à notifier est un commandement de payer, la preuve de notification sans reçu – soit, dans le cas d'une notification par envoi A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la remise du pli dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire – remplace l'attestation de notification visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP commence ainsi à courir à compter de l'entrée du commandement de payer dans la sphère de puissance du débiteur, que celui-ci en ait ou non effectivement connaissance.

2.2 L'art. 65 LP dresse une liste des personnes qui sont réputées être les destinataires directs autorisés à recevoir des actes de poursuite dirigés contre les personnes morales ou les sociétés. Le but de cette disposition est, compte tenu des lourdes conséquences attachées à la notification d'un acte de poursuite, de garantir une notification effective à l'un ou l'autre des représentants autorisés afin qu'il puisse, par exemple pour le commandement de payer, examiner l'opportunité d'y former opposition en pleine connaissance de cause (ATF 118 III 10 consid. 3a, JdT 1994 II 119; 117 III 10 consid. 5a; 116 III 8 consid. 1b).

S'agissant des sociétés anonymes, l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP prescrit que les actes de poursuite doivent être notifiés à leur représentant, c'est-à-dire à un membre de l'administration, à un directeur ou à un fondé de procuration. Est déterminant à cet égard le fait que le représentant soit inscrit ès qualités au registre du commerce, sans qu'il soit nécessaire qu'il dispose d'un pouvoir de signature individuel (Jaques, De la notification des actes de poursuite, in BlSchK 2011
pp. 177 ss., § 4.3).

2.3 Selon l'art. 33 al. 4 LP, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance (ou à l'autorité judiciaire compétente si le délai manqué est un délai pour saisir une autorité judiciaire) qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis. En dérogation à l'art. 33 al. 4 LP, l'office des poursuites compétent décide de la restitution d'un délai qui court depuis la notification visée à l'art. 7 de l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (ci-après : Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) (art. 8 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

L'art. 33 al. 4 LP est applicable, notamment, à la restitution du délai de dix jours pour former opposition à un commandement de payer (art. 74 al. 1 LP).

Pour qu'un empêchement non fautif au sens de l'art. 33 al. 4 LP puisse être retenu, il faut que la partie n'ayant pas respecté le délai se soit trouvée, de manière imprévue et sans aucune faute de sa part, dans l'impossibilité non seulement d'accomplir elle-même l'acte omis mais également de mandater une tierce personne à cette fin (ATF 112 V 255 consid. 2a; 119 II 86 consid. 2a; Russenberger/Minet, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 22 ad art. 33 LP; Nordmann, in BSK SchKG I, n. 11 ad art. 33 LP). Doivent être prises en considération à cet égard non seulement l'impossibilité objective d'agir dans le délai ou de se faire représenter à cette fin, mais aussi l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1). En d'autres termes, est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur consciencieux d'agir dans le délai fixé (ATF 119 II 86 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_149/2013 précité consid. 5.1.1). Sont ainsi susceptibles de constituer un empêchement non fautif, à titre d'exemples, un accident, une maladie grave et soudaine, un service militaire, de faux renseignements donnés par l'autorité ou encore une erreur de transmission (Nordmann, op. cit., n. 11 ad art. 33 LP; Erard, in CR LP, 2005, n. 22 ad art. 33 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_231/2012 du 21 mai 2012 consid. 2). Une maladie de courte durée, une absence ou une surcharge de travail ne sont en revanche pas constitutives d'un empêchement non fautif (arrêts du Tribunal fédéral 7B.190/2002 du 17 décembre 2002; 7B.108/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2.1; 7B.64/2006 du 9 mai 2006 consid. 3).

2.4 Dans le cas d'espèce, il convient préalablement de constater que la notification du commandement de payer est intervenue le 2 septembre 2020 dans le respect des conditions posées par l'art. 7 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural. Elle a en effet été précédée par une tentative de notification par la voie ordinaire ainsi que par un avis de prochaine notification donné, conformément à la jurisprudence, sous forme écrite et par pli A+. Le commandement de payer lui-même a de même été notifié par pli A+, ce qui est admissible.

Le délai de dix jours pour former opposition (art. 74 al. 1 LP) a donc commencé à courir le 3 septembre 2020 pour expirer, sans être utilisé, le 13 septembre 2020. L'opposition formée le 29 septembre 2020 par la plaignante est ainsi effectivement tardive et sa prise en considération supposerait l'admission préalable de la demande de restitution de délai formée le 29 septembre 2020 également.

Sur ce point, l'empêchement non fautif invoqué par la plaignante consiste en son ignorance de l'acte notifié, qu'elle n'aurait reçu que le 25 septembre 2020 et dont elle n'aurait pris connaissance que le 29 septembre 2020.

Conformément aux principes rappelés ci-dessus, cependant, l'enregistrement dans le système "track&trace" du dépôt dans la boîte aux lettres de l'administratrice de la plaignante du pli contenant le commandement de payer constitue un indice de sa distribution effective, et donc de son entrée dans la sphère de puissance de l'intéressée. Ni celle-ci ni la plaignante n'ont allégué de circonstances permettant d'envisager, avec une certaine vraisemblance, une erreur de l'employé postal, de telle sorte qu'il doit être retenu que celui-ci a bien procédé à la distribution du pli incriminé dans la boîte aux lettres de l'administratrice de la plaignante à la date et à l'heure indiquées dans le système "track&trace", soit le 2 septembre 2020.

Il s'ensuit que les affirmations de l'administratrice de la plaignante selon lesquelles le pli contenant le commandement de payer (de même que celui contenant l'avis de prochaine notification) ne se trouvaient pas dans sa boîte aux lettres le
4 septembre 2020, lorsqu'elle l'a relevée à son retour à Genève, ne peuvent pour leur part être admises. Elles supposeraient en effet l'intervention, entre les 2 et
4 septembre 2020, d'une tierce personne ayant volontairement soustrait les plis concernés; or aucun élément du dossier ne permet d'envisager une telle hypothèse, laquelle paraît au demeurant dénuée de vraisemblance, ce d'autant plus qu'elle implique que la personne ayant retiré le pli de la boîte aux lettres l'y aurait remis à la fin du mois de septembre. Les considérations de la plaignante tendant à imputer un tel comportement à des tiers avec lesquels elle se trouve en litige ne constituent pour leur part que de pures suppositions, dont il n'y a pas lieu de tenir compte.

Il convient ainsi de retenir en fait que le pli contenant le commandement de payer est entré le 2 septembre 2020 dans la sphère de puissance de sa destinataire, soit l'administratrice unique de la plaignante, et ne l'a plus quittée par la suite.

Selon ladite administratrice, elle n'aurait toutefois effectivement pris connaissance de cet acte que le 29 septembre 2020. Même à supposer qu'elle soit retenue, cette circonstance demeurerait toutefois sans influence sur le sort de la cause : l'empêchement subjectif d'agir résultant de l'ignorance de l'acte ne pourrait en effet être considéré comme non fautif dès lors qu'il appartenait à la plaignante, en la personne de son administratrice unique, d'adopter les mesures organisationnelles adéquates et d'appliquer la diligence nécessaire pour prendre connaissance en temps utile de son courrier, ce qui n'a manifestement pas été le cas.

Le rejet par l'Office de la demande de restitution de délai formée par la plaignante s'avère ainsi bien-fondé dans son résultat. La plainte sera en conséquence elle aussi rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 6 novembre 2020 par A______ SA contre la décision de rejet de demande de restitution de délai prononcée le 26 octobre 2020 par l'Office cantonal des poursuites dans la poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.