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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2647/2021

DCSO/434/2021 du 11.11.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Mention du domicile du débiteur dans la réquisition de poursuite; For de la poursuite; Rejet de la réquisition de poursuite par l'OP.
Normes : aaLPPCI.67.al1.ch2; lp.46
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2647/2021-CS DCSO/434/21

 

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 NOVEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2647/2021-CS) formée en date du 13 août 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Thomas BARTH, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 18 novembre 2021
à :

-       A______

c/o Me BARTH Thomas

BARTH & PATEK

Boulevard Helvétique 6

Case postale

1211 Genève 12.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ a obtenu le 9 juillet 2021, à l'encontre de B______, sans domicile connu, le prononcé, par la Justice de Paix du District C______ [VD], du séquestre de tous avoirs, espèces, liquidités, loyers, biens, revenus, valeurs, titres, créances, comptes bancaires, soit sur le compte auprès de la BANQUE D______, IBAN 1______, appartenant à B______, à concurrence 170'000 fr. plus intérêts.

Elle invoquait à l'appui du séquestre une créance en contribution d'entretien, impayée depuis le mois de février 2020, fixée dans un jugement de divorce du
24 septembre 2013.

b. L'Office des poursuites C______ a exécuté l'ordonnance de séquestre le
13 juillet 2021 et établi un procès-verbal le même jour, lequel a été reçu par la créancière le 14 juillet 2021.

c. Me Lisa LOCA, avocate inscrite au barreau de Genève, a formé opposition au séquestre au nom et pour le compte de B______, lequel faisait élection de domicile en son Etude.

d. A______ a requis le 26 juillet 2021 une poursuite en validation du séquestre contre B______ auprès de l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office).

La réquisition de poursuite mentionnait, sous la rubrique "débiteur" : Monsieur B______, c/o Me Lisa LOCA, promenade du Pin 1, 1204 Genève, élection de domicile selon procès-verbal de séquestre du 13 juillet 2021".

e. L'Office a rendu le 5 août 2021 une décision refusant de donner suite à la réquisition de poursuite au motif que le domicile du débiteur n'y était pas indiqué. Il recommandait à la poursuivante de se renseigner auprès de l'Office cantonal de la population pour obtenir l'adresse du débiteur et, dans le cas où cette dernière devait être inconnue ou hors canton, de mentionner expressément sur la réquisition de poursuite qu'il était fait usage d'un for spécial au sens des articles 50, 51 ou 52 LP.

Cette décision a été reçue par la débitrice le 5 août 2021.

B. a. Par acte déposé le 13 août 2021 au guichet universel du Pouvoir judiciaire à l'attention de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites
(ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la décision de l'Office du 5 août 2021, concluant à son annulation et à ce que l'Office soit invité à donner suite à la réquisition de poursuite par la notification d'un commandement de payer. La plaignante faisait grief à l'Office d'avoir appliqué de manière arbitraire l'art. 67 LP car, le débiteur ayant quitté Genève le 31 décembre 2017 pour s'installer en Iran à une adresse inconnue, selon l'Office cantonal de la population, il convenait d'autoriser la mention d'un domicile élu à Genève auprès d'un avocat constitué pour l'opposition au séquestre. Par ailleurs, le rejet de la réquisition consacrait un usage inopportun de son pouvoir d'appréciation par l'Office, car il mettait à néant la démarche en séquestre entreprise à C______ [VD], faute de validation.

b. Dans ses observations du 17 septembre 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que l'art. 67 LP imposait au poursuivant de mentionner le domicile personnel du débiteur dans la réquisition de poursuite et non pas un domicile élu auprès d'un avocat. Cette mention avait pour but de permettre à l'Office de déterminer s'il y avait un for de poursuite et était par conséquent impérative. En l'occurrence, en l'absence de domicile genevois du débiteur, il n'y avait aucun for de poursuite dans le canton et l'Office était incompétent pour enregistrer une réquisition de poursuite. De surcroît, la réquisition de poursuite ayant pour fonction de valider un séquestre prononcé à C______, l'office des poursuites de ce district aurait été compétent et la réquisition aurait pu lui être transmise par l'Office genevois en application de l'art. 32 LP, si la validation du séquestre avait été mentionnée; mais tel n'était pas le cas en l'occurrence. Enfin, l'Office observait que la plaignante n'ignorait rien du fait que le débiteur avait quitté son domicile genevois en 2017 pour l'Iran, car elle avait déjà tenté une poursuite par le passé à l'ancienne adresse de B______ au chemin 2______ à E______ (GE), dans le cadre de laquelle ces circonstances avaient déjà été instruites.

c. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
21 septembre 2021 que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP), au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3). Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. L'intention de la personne concernée doit se manifester de façon objective et reconnaissable pour les tiers (ATF 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2003 du 8 janvier 2004 consid. 4; décision de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.1.1).

Les attestations de la police des étrangers constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile au lieu que ces documents indiquent, mais la présomption de fait en résultant peut être renversée par des preuves contraires (ATF 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.3; décision de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.1.1).

L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP. S'il n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse (ATF 120 III 110 consid. 1 119 III 54 consid. 2a; décision de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.1.1).

Si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2).

2.1.2 Selon l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite doit énoncer les nom et domicile du débiteur; c'est en premier lieu au poursuivant – et non à l'office des poursuites – qu'il incombe de rechercher l'adresse du débiteur, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur; pour sa part, l'office des poursuites saisi doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend; si ces indications se révèlent inexactes ou insuffisamment précises, l'office doit impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaires (ATF 141 III 173 consid. 2.4 et les références citées; 120 III 110 consid. 1a; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 116 ad art. 67 LP; Malacrida/Roesler, KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 5 ad art. 69 LP; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020, consid. 2.1.2; DCSO/436/20 du 18 novembre 2020).

La compétence de l'office des poursuites est en principe acquise si le domicile du débiteur, qui correspond au for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP), se trouve dans son ressort. Si ce n'est pas le cas, la compétence territoriale de l'office des poursuites saisi peut découler de l'un des fors spéciaux limitativement prévus par les art. 48 à 52 LP. Les débiteurs domiciliés à l'étranger peuvent ainsi être poursuivis en Suisse, notamment, s'ils y possèdent un établissement stable (art. 50 al. 1 LP) ou s'ils ont élu domicile en Suisse pour l'exécution de l'obligation faisant l'objet de la poursuite (art. 50 al. 2 LP). S'il lui apparaît que sa compétence territoriale ne résulte ni de l'art. 46 LP ni de l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP, l'office des poursuites saisi doit rejeter la réquisition de poursuite (Malacrida/Roesler, op. cit., n° 5 ad art. 69 LP) (décision de la Chambre de surveillance DCSO/247/2020 du 6 août 2020 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, la plaignante a requis la poursuite du débiteur auprès de l'Office de Genève en mentionnant un domicile élu du débiteur auprès d'un avocat à Genève dans le cadre d'une procédure de séquestre se déroulant à C______ [VD].

Or, elle n'ignorait pas que le débiteur n'habitait plus à Genève, mais en Iran, puisqu'elle avait déjà tenté de le poursuivre une année auparavant à son ancienne adresse genevoise, contexte dans lequel il était apparu que B______ avait annoncé son départ pour l'Iran en 2017 déjà.

La mention d'un domicile élu auprès d'un avocat n'était pas conforme aux principes rappelés ci-dessus, puisque le domicile et l'adresse réelle du débiteur ne ressortait pas de la réquisition de poursuite et ne permettait donc pas à l'Office de déterminer s'il était compétent à raison du lieu.

La plaignante n'a pas non plus invoqué un for spécial au sens des art. 48 à 52 LP, ni mentionné de circonstances permettant de justifier l'application de l'une ou l'autre de ces exceptions. L'Office n'avait donc pas à envisager ces hypothèses.

On ne saurait non plus reprocher à l'Office de ne pas avoir fixé un délai à la créancière poursuivante pour corriger une réquisition de poursuite qui était à l'évidence viciée en ne mentionnant que le domicile élu du débiteur auprès d'un avocat. En effet, l'Office savait que la plaignante était pleinement informée du domicile iranien de son débiteur et de l'absence de chances de succès d'une poursuite intentée à Genève, pour avoir déjà échoué un an auparavant dans une démarche similaire.

En tout état, même s'il avait autorisé la plaignante à compléter sa réquisition de poursuite, l'Office aurait également refusé d'y donner suite faute de compétence à raison du lieu. Le domicile iranien du débiteur est en effet acquis depuis plus de trois ans et il ne saurait être envisagé de poursuite à son ancien domicile genevois.

La décision de l'Office était ainsi en toutes hypothèses justifiée.

3. 3.1 A teneur de l'art. 32 al. 2 LP, un délai est observé lorsqu'une autorité incompétente est saisie en temps utile; celle-ci transmet la communication sans retard à l'autorité compétente.

L'art. 32 al. 2 suppose que l'autorité incompétente soit en mesure d'identifier l'autorité compétente à qui elle doit transmettre l'acte qu'elle a reçu, au vu du contenu de cet acte; elle n'a pas à demander un complément d'informations à l'expéditeur (ATF 101 III 9, JdT 1976 II 118; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 32 LP).

3.2 En l'occurrence, l'Office a mentionné dans ses observations que cette possibilité aurait été ouverte s'il avait été informé du fait que la poursuite avait pour but de valider un séquestre prononcé à C______ [VD] et que l'Office de ce district était compétent en application de l'art. 52 LP pour entreprendre une poursuite. Or tel n'avait pas été le cas et ce n'était qu'après que la plaignante avait expliqué la situation dans sa plainte que l'Office avait réalisé qu'une telle issue aurait été possible.

A cet égard, il aurait été possible à l'Office de transférer la poursuite en application de l'art. 17 al. 4 LP. Il serait par ailleurs également possible que la Chambre de céans l'ordonne en raison de l'effet dévolutif de la plainte (art. 20a et 21 LP).

Il n'en demeure pas moins que cette démarche sera vraisemblablement vouée à l'échec, faute de validité formelle de la réquisition de poursuite, ce que l'Office des poursuites de District C______ aurait également constaté (absence de mention du domicile du débiteur et de l'invocation d'un for spécial).

4. S'agissant des arguments en opportunité invoqués par la plaignante, ils ne sauraient se substituer aux règles sur la validité formelle d'une réquisition de poursuite, même si, en l'occurrence, l'absence de validation du séquestre par une poursuite valable peut conduire à la perte du bénéfice de cette mesure conservatoire. La plaignante peut toutefois la renouveler si nécessaire.

5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 août 2021 par A______ contre la décision de l'Office du 5 août 2021, rejetant sa réquisition de poursuite contre B______ dans le cadre de la poursuite n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseur(e)s; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.