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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1631/2021

DCSO/409/2021 du 21.10.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre; actifs au nom d'un tiers; ayant droit économique
Normes : LP.275
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1631/2021-CS DCSO/409/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 OCTOBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/1631/2021-CS) formée en date du 11 mai 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Valentin SCHUMACHER, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 21 octobre 2021
à :

-       A______

c/o Me SCHUMACHER Valentin

Bvd de Pérolles 21

Case postale 656

1701 Fribourg.

- B______

c/o Me PRETOT Didier O.

Rue de la Croix d'Or 10

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Par décision rendue le 11 février 2021, sur requête de A______, le Tribunal de première instance a ordonné, à hauteur de 292'914 fr. 30, plus intérêts à 5% dès le 1er décembre 2006, le séquestre du compte 1______ détenu par C______ [services de facturation] auprès de la banque D______ et sur lequel se trouvaient des avoirs de propriété de B______, débiteur séquestré, ainsi que les créances futures, d'une valeur alléguée de 320'000 fr. par an, que le précité détenait envers C______.

Selon la requête de séquestre, des avoirs appartenant à B______ se trouvaient sur le compte de C______, aux côtés des avoirs propriété d'autres [clients], de sorte qu'il appartiendrait à C______ d'indiquer lesquels étaient la propriété de l'intimé.

b. Le 11 février 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé un avis concernant l'exécution du séquestre n° 2______ à D______. Il a aussi envoyé un avis d'exécution du séquestre à C______, laquelle était invitée à bloquer en ses mains la totalité des sommes dues à son employé, B______, au titre de salaire, commissions et gratifications.

c. Par courrier du 11 février 2021, D______ a fait savoir à l'Office qu'elle avait réservé en sa faveur le solde du compte de C______, en 142'794 fr. 64.

d. Par courrier du 16 février 2021, C______ a sollicité de l'Office qu'il lève rapidement le séquestre opéré sur son compte bancaire auprès de D______, dont elle était seule titulaire, et sur lequel aucun avoir appartenant à B______ n'était déposé. Le précité n'était nullement bénéficiaire dudit compte.

Aux termes d'un courrier séparé du 17 février 2021, C______ a par ailleurs indiqué à l'Office que B______ n'était pas son employé et ne l'avait jamais été. Elle n'avait du reste aucun lien avec B______.

e. Le 17 février 2021, l'Office a informé D______ de ce que le séquestre n° 2______ était levé.

f. En date du 16 avril 2021, l'Office a adressé à C______ un nouvel avis concernant l'exécution du séquestre n° 2______, portant sur les créances futures, d'une valeur alléguée de 320'000 fr. par an, que B______ détenait envers C______, à concurrence de 292'914 fr. 30.

g. C______ a répondu à l'Office par lettre du 19 avril 2021 qu'elle n'entretenait aucune relation contractuelle avec B______ dans le canton de Genève et qu'elle n'effectuait aucun versement sur un compte bancaire ou postal au nom de ce [client].

h. Selon un échange d'e-mails entre C______ et l'Office, intervenu le 27 avril 2021, B______ était salarié d'une société à responsabilité limitée, elle-même cliente de C______. C'était donc la société qui était la bénéficiaire des paiements.

i. Le 28 avril 2021, l'Office a établi un procès-verbal de non-lieu de séquestre. Le séquestre n'avait porté ni en mains de D______, le compte visé étant celui de C______, ni en mains de cette dernière, B______ n'étant pas client de C______, mais salarié d'une société à responsabilité limitée, elle-même cliente de C______.

B. a. Par acte posté le 10 mai 2021, A______ a porté plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre reçu le lendemain, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'exécuter le séquestre conformément aux termes de l'ordonnance du Tribunal de première instance.

Pour A______, l'Office n'avait pas la compétence pour se prononcer sur l'existence des actifs séquestrés et ne pouvait prononcer un non-lieu de séquestre, sur la base des seules allégations, non étayées, de C______.

Par ailleurs, même si C______ devait verser la rémunération résultant de la pratique [professionnelle] de B______ à une personne morale, cela ne signifiait pas pour autant que le séquestre ne pouvait être exécuté. En effet, dans cette hypothèse, B______ était le seul bénéficiaire effectif des montants versés par C______.

B______ était titulaire d'un numéro de code créancier pour l'activité [professionnelle] exercée à Genève, lequel était indispensable pour facturer des prestations à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Selon ses indications, c'était le compte de C______ qui devait recevoir les montants versés par les assureurs en remboursement des prestations fournies par lui à la charge de l'assurance obligatoire des soins.

b. Dans son rapport, l'Office a indiqué que les biens à séquestrer devaient appartenir au débiteur. Lorsque le séquestre visait des biens dont le détenteur formel était un tiers, mais dont le débiteur était l'ayant droit économique, la requête, respectivement l'ordonnance de séquestre devait expressément désigner le tiers. En l'espèce, l'ordonnance de séquestre désignait C______ comme étant le tiers débiteur des créances de B______, alors que dans les faits le tiers débiteur était une société à responsabilité limitée. Partant, A______ aurait dû requérir le séquestre des créances de B______ envers la Sàrl voire des créances de la Sàrl envers C______, en cas d'identité économique entre la société et le débiteur. Tel n'avait pas été le cas de sorte que c'était à juste titre que l'Office avait refusé d'exécuter le séquestre.

c. B______ a conclu à la confirmation de la décision entreprise, l'Office s'étant conformé aux termes de l'ordonnance de séquestre. Or, il était établi que C______ était seule titulaire du compte visé par le séquestre et qu'elle n'entretenait aucune relation contractuelle avec lui-même. Quant à la société E______ Sàrl, elle n'avait plus d'activité depuis 2016.

d. A______ a répliqué, en date du 23 juin 2021, persistant dans ses conclusions.

e. B______ ayant renoncé à dupliquer, la cause a été gardée à juger le 8 juillet 2021.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), soit une décision de non-lieu de séquestre, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon la jurisprudence, l'ordonnance de séquestre est rendue sur la base de la seule requête du créancier (art. 272 LP). Elle doit être entreprise par la voie de l'opposition (art. 278 al. 1 LP), dont le but est de permettre au juge de vérifier le bien-fondé du séquestre après avoir entendu le débiteur. De son côté, l'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP). Sa décision doit être entreprise par la voie de la plainte (art. 17 LP) auprès de l'autorité de surveillance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_731/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3, publié in SJ 2017 I p. 325; arrêt 5A_150/2015 du 4 juin 2015 consid. 5.2.3, publié in SJ 2016 I p. 138). Les compétences de l'office des poursuites et des autorités de surveillance sont limitées aux mesures proprement dites d'exécution du séquestre, ainsi qu'au contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. A cet égard, l'office vérifiera que toutes les mentions prescrites par l'art. 274 al. 2 ch. 1 à 4 LP figurent dans l'ordonnance ou encore que la désignation des biens y soit suffisamment précise pour permettre une exécution sans risque de confusion ou d'équivoque. Ce pouvoir d'examen entre par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire, imprécis ou entaché d'un défaut qui le rend inopérant, ni exécuter un séquestre nul (ATF
142 III 291 consid. 2.1 et les références). Tel pourrait être le cas si l'ordonnance ne désigne pas les biens à séquestrer avec suffisamment de précision ou qu'elle ne contient pas toutes les informations requises par l'art. 274 LP. En revanche, l'office des poursuites est tenu d'obtempérer à une ordonnance de séquestre régulière en la forme. Il n'a pas la compétence d'en examiner le bien-fondé, notamment de vérifier les conditions justifiant l'octroi de la mesure. C'est ainsi que la question de savoir si le créancier a réussi à rendre vraisemblable que certaines valeurs appartiennent au débiteur malgré l'apparence formelle relève de la compétence du juge du séquestre, respectivement du juge de l'opposition (ATF 130 III 579 consid. 2.2.4 et les références; arrêt 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2.1 et 3.2.2). L'office ne saurait non plus combler d'éventuelles lacunes, notamment en ce qui concerne la désignation des biens (cf. art. 272 al. 1 ch. 3 LP; cf. arrêts 7B.57/2004 du 19 juillet 2004, consid. 2.2.3; 5A_615/2014 du 11 décembre 2014 consid. 3.2 et la référence, publié in SJ 2015 I p. 133).

2.1.2 Lorsque le séquestre vise des biens dont le détenteur formel est un tiers, mais dont le débiteur serait l'ayant droit économique, l'ordonnance de séquestre doit expressément désigner ce tiers (cf. DCSO/356/2020 du 16 juillet 2020). Ainsi, dans la mesure où elle n'indiquerait pas les noms des tiers auxquels doivent appartenir à titre simplement formel des biens du débiteur, une ordonnance de séquestre serait inexécutable (ATF 130 III 579 consid. 2.2.1 et 2.2.3 et arrêt du Tribunal fédéral 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2.2; Jaques, La saisie et le séquestre des droits patrimoniaux dont le débiteur est l'ayant droit économique, in ZZZ 2005 p. 307 ss, 346).

2.2 En l'espèce, il n'est pas litigieux que le débiteur séquestré n'est pas le titulaire du compte auprès de D______ visé par l'ordonnance de séquestre, détenu par C______.

Selon les indications de cette dernière, aucun avoir appartenant au débiteur séquestré ne se trouvait sur le compte précité au moment du séquestre.

Aussi, le séquestre du compte n'ayant pas porté, c'est à juste titre que l'Office a prononcé un non-lieu de séquestre.

La plaignante a certes rendu vraisemblable devant le juge du séquestre que les prestations fournies par le débiteur séquestré à la charge de l'assurance-maladie obligatoire étaient remboursées par les assureurs-maladie à C______, selon les indications de l'intéressé.

Interpellée par l'Office, C______ a toutefois précisé que le débiteur séquestré n'était pas leur client, mais une société à responsabilité limitée.

Or, quand bien même le débiteur séquestré serait dans les faits le bénéficiaire économique des créances envers C______, comme le soutient la plaignante, le séquestre de celles-ci suppose, conformément à la jurisprudence, que l'ordonnance de séquestre mentionne l'identité du tiers disposant de la titularité formelle des droits devant être séquestrés. Or, l'ordonnance de séquestre du 11 février 2021 ne précise pas l'identité de la société cliente susceptible de détenir formellement, dans les livres de C______, des avoirs appartenant en réalité au débiteur séquestré.

La décision de non-lieu rendue le 28 avril 2021 par l'Office était par conséquent bien fondée, ce qui entraîne le rejet de la plainte.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 10 mai 2021 par A______ contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre du 28 avril 2021, séquestre n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.