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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1308/2020

DCSO/356/2020 du 08.10.2020 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Séquestre; exécution; biens dont le détenteur formel est un tiers; séquestre générique
Normes : LP.275
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1308/2020-CS DCSO/356/20

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 OCTOBRE 2020

 

Plainte 17 LP (A/1308/2020-CS) formée en date du 6 mai 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Andrea VISANI et Me Davor VADLJA, avocats.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 8 octobre 2020
à :

-       A______

c/o Me VISANI Andrea et Me VADLJA Davor

BMA BRUNONI MOTTIS & ASSOCIATI STUDIO LEGALE SA

Case postale 5272

6901 Lugano.

- B______ [banque]

c/o Me LOMBARDINI Carlo

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8-10

Case postale 5715

1211 Genève 11.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Sur requête de BANQUE B______ SA, le Tribunal de première instance a ordonné le 22 avril 2020 à l'encontre de A______, à hauteur de 10'107'261 fr, plus intérêts à 5% l'an à compter du 24 mars 2020, le séquestre de "tous les comptes, avoirs et autres actifs, y compris les coffres dont M. A______ est titulaire ou ayant-droit économique en mains de [la banque] C______."

Le séquestre était fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, la cause de l'obligation étant une "créance du 24 mars 2020 / responsabilité délictuelle (art. 41 CO)".

b. Le 22 avril 2020, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a exécuté le séquestre, n° 1______, en mains de C______. L'avis de l'Office adressé à cette dernière reprend, s'agissant des actifs séquestrés, le texte de l'ordonnance de séquestre, à savoir : "tous les comptes, avoirs et autres actifs, y compris les coffres dont M. A______ est titulaire ou ayant-droit économique en mains de C______."

c. Le 23 avril 2020, la BANQUE C______ SA a accusé réception de l'avis d'exécution du séquestre et fait savoir qu'elle se déterminerait sur la portée du séquestre, une fois l'ordonnance de séquestre devenue définitive et exécutoire.

B. a. Par acte adressé le 6 mai 2020 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'avis d'exécution du séquestre, qu'il avait reçu de [la banque] C______ le 29 avril 2020.

A______ fait en substance valoir que la mention toute générique, dans la rubrique relative aux actifs séquestrés de l'avis d'exécution du séquestre, de "ou ayant droit économique", est contraire au principe selon lequel le requérant du séquestre doit désigner avec précision les biens à séquestrer et donc le propriétaire de ces biens.

Il conclut, à titre principal, à l'annulation de l'avis d'exécution du séquestre. A titre subsidiaire, il requiert la modification de l'avis de séquestre comme suit : "Actifs séquestrés : tous les comptes, avoirs et autres actifs, y compris les coffres dont M. A______ est titulaire en mains de C______."

b. Dans sa détermination du 11 juin 2020, l'Office a rappelé que l'avis d'exécution du séquestre reprenait mot pour mot le texte de l'ordonnance de séquestre, laquelle prononçait un séquestre "générique". S'agissant des biens dont le débiteur serait l'ayant droit économique, l'ordonnance de séquestre omettait effectivement d'énoncer l'identité des titulaires, ce qui n'était pas correct. L'Office proposait ainsi d'admettre les conclusions subsidiaires de la plainte et de supprimer la mention de "ayant droit économique" dans la description des actifs séquestrés.

c. [La banque] B______ a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

D'une part, les griefs soulevés par A______ concernant la désignation des actifs séquestrés relevaient de la procédure d'opposition à séquestre et non pas de la procédure de plainte.

D'autre part, la désignation des biens séquestrés dans l'ordonnance de séquestre, dont le contenu avait été repris dans l'avis d'exécution du séquestre était conforme aux exigences posées par la jurisprudence.

d. Par avis du 16 juin 2020, les parties et l'Office ont été informés de ce que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), tel l'avis d'exécution d'un séquestre.

En l'espèce, il convient de considérer que la plainte a été formée en temps utile - le plaignant ayant reçu l'avis d'exécution du séquestre par la banque de sorte avant que le procès-verbal du séquestre lui soit notifié - et respecte les formes prévues par la loi (art.17 al. 2 LP; 9 LaLP et 65 LPA). Elle est donc recevable à ces égards.

Il reste à examiner si le grief soulevé dans la plainte, qui a trait à la désignation des actifs à séquestrer, relève de la procédure de plainte ou de la procédure d'opposition à séquestre.

2. 2.1.1 Selon la jurisprudence, l'ordonnance de séquestre est rendue sur la base de la seule requête du créancier (art. 272 LP). Elle doit être entreprise par la voie de l'opposition (art. 278 al. 1 LP), dont le but est de permettre au juge de vérifier le bien-fondé du séquestre après avoir entendu le débiteur. De son côté, l'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP). Sa décision doit être entreprise par la voie de la plainte (art. 17 LP) auprès de l'autorité de surveillance.

Les griefs concernant les conditions de fond du séquestre doivent donc être soulevés dans la procédure d'opposition et ceux concernant l'exécution du séquestre dans la procédure de plainte (ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3 et les références citées; arrêts 5A_947/2012 du 14 mai 2013 consid. 4.1, in SJ
2014 I p. 86; 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2, in SJ 2013 I p. 270; 5A_812/2010 du 24 novembre 2011 consid. 3.2.2, in Pra 2012 n° 78 p. 531; 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 4.2 et 4.3; 7B_207/2005 du 29 novembre 2005 consid. 2.3.3).

Plus singulièrement, les compétences des offices et des autorités de poursuite portent notamment, en vertu du renvoi de l'art. 275 LP, sur les mesures proprement dites d'exécution, soit celles concernant la saisissabilité des biens (art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss LP). Elles visent aussi le contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre (arrêts 5A_947/2012 du 14 mai 2013 consid. 4.1, in SJ 2014 I p. 86; 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 4.3, in SJ 2013 I p. 463; 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2, in SJ 2013 I p. 270). A cet égard, l'office vérifiera que toutes les mentions prescrites par l'art. 274 al. 2 chiffres 1-4 LP figurent dans l'ordonnance ou encore que la désignation des biens y soit suffisamment précise pour permettre une exécution sans risque de confusion ou d'équivoque (ATF 142 III 291 consid. 2.1).

Ce pouvoir d'examen entre par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire, imprécis ou entaché d'un défaut qui le rend inopérant, ni exécuter un séquestre nul (ATF 136 III 379 consid. 3.1; ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3; arrêts 5A_883/2012 du 18 janvier 2013 consid. 6.1.2, in SJ 2013 I p. 270 et les références doctrinales; 5A_483/2008 du 29 août 2008 consid. 5.3).

L'ordonnance de séquestre est inexécutable lorsqu'elle n'indique pas les noms des tiers auxquels doivent appartenir à titre simplement formel des biens du débiteur (ATF 130 III 579 consid. 2.2.1, 2.2.3 et 2.2.4; Jaques, La saisie et le séquestre des droits patrimoniaux dont le débiteur est l'ayant droit économique, in
ZZZ 2005 p. 307 ss, 346).

2.1.2 Il est admis qu'un séquestre soit ordonné et exécuté sur des biens désignés par leur genre seulement, à la condition toutefois que l'ordonnance indique leur lieu de situation ou la personne qui les détient (ATF 142 III 291 consid. 5.1 et les références). On parle alors de séquestre générique ("Gattungsarrest"). Lorsque le séquestre vise des biens dont le détenteur formel est un tiers, dont le débiteur serait l'ayant droit économique, l'ordonnance de séquestre doit expressément désigner ce tiers (cf. DCSO/232/2020 du 16 juillet 2020). Aussi, dans la mesure où elle n'indique pas les noms des tiers auxquels doivent appartenir à titre simplement formel des biens du débiteur, l'ordonnance de séquestre est inexécutable (ATF 130 III 579 consid. 2.2.1 et 2.2.3 et arrêt du Tribunal fédéral 5A_730/2016 du 20 décembre 2016 consid. 3.2.2).

2.2.1. En l'espèce, au regard des développements qui précèdent, la Chambre de céans est compétente pour examiner si la désignation par leur genre des biens (dans l'ordonnance de séquestre) était suffisamment précise pour permettre le séquestre des biens du débiteur à concurrence du montant de la créance (cf. aussi DCSO/232/2020 du 16 juillet 2020). Dans cette mesure, la plainte est donc recevable.

2.2.2 Sur le fond, la Chambre de céans constate que le juge du séquestre a correctement visé dans son ordonnance les avoirs détenus par le débiteur auprès de [la banque] C______, désignés de manière générique, ce qui est correct. Il a toutefois étendu la mesure à tous les avoirs "dont [M. A______] est ayant-droit économique", retenant en cela la formulation proposée par la requérante en séquestre. Or, un tel mode de faire n'est pas admissible car il étend la mesure de séquestre à des avoirs insuffisamment déterminés, notamment en l'absence de la mention de leur détenteur formel, comme exigé par la jurisprudence susmentionnée. L'Office aurait pu, voire dû, lorsqu'il procédait à ses vérifications d'usage en sa qualité d'autorité d'exécution, remarquer le vice dont souffrait l'ordonnance et rendre une décision de refus partiel d'exécution en tant que celle-ci visait les biens dont le plaignant est l'ayant droit-économique.

La conséquence n'est pas l'annulation de l'avis d'exécution du séquestre, mais, comme le préconise aussi l'Office et le plaignant dans ses conclusions subsidiaires, la modification de l'avis d'exécution en ce sens que la mention "ou ayant-droit économique" est supprimée.

2.2.3 La plainte est ainsi partiellement admise dans le sens qui précède et l'avis d'exécution du séquestre doit être modifié comme suit : "tous les comptes, avoirs et autres actifs, y compris les coffres dont M. A______ est titulaire en mains de C______".

L'Office devra ainsi envoyer à C______ un avis d'exécution d'un séquestre modifié.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 6 mai 2020 par A______ contre l'avis d'exécution du séquestre, n° 1______.

Au fond :

L'admet partiellement.

Enjoint à l'Office cantonal des poursuites d'établir un avis d'exécution du séquestre modifié dans le sens des considérants de la présente décision et de le communiquer à [la banque] C______.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Frédéric HENSLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.