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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/409/2021

DCSO/356/2021 du 17.09.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Carence organisationnelle de la SA; liquidation selon les règles de faillite; sort du reliquat de liquidation; ayants-droits; modification ou révocation par l'Office de ses décisions exécutoires.
Normes : co.731b.al1; cc.57.al1; co.660.al1; co.745.al1; lp.268; lp.17.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/409/2021-CS DCSO/356/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/409/2021-CS) formée en date du 4 février 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Thierry ULMANN, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me ULMANN Thierry

Reymond, Ulmann & Associés

Route des Jeunes 4

1227 Les Acacias.

- FAILLITE DE B______

c/o OFFICE CANTONAL DES

FAILLITES

Route de Chêne 54

Case postale

1211 Genève 6.

 

 


EN FAIT

A.           a. B______ est une société anonyme ayant son siège à Genève, fondée en 1961, au capital de 110'000 fr. divisé en 220 actions nominatives de 500 fr.

A teneur des art. 7 al. 3 et 33 de ses statuts, en cas de liquidation, chaque actionnaire a droit, après extinction du passif et remboursement du capital, à une part du solde du produit de liquidation proportionnelle au nombre d'actions qu'il détient.

A______ a été administrateur unique de B______ de 2002 à sa dissolution. Il allègue en outre détenir 10 % du capital-actions.

b. Par jugement du 28 juillet 2016, le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) a ordonné la dissolution de B______ et sa liquidation par l'Office cantonal des faillites (ci-après l'Office) selon les règles de la faillite en raison de carences organisationnelles (art. 731b CO).

c. Le 16 novembre 2016, le Tribunal a ordonné la liquidation sommaire selon les règles de la faillite de B______.

d. L'inventaire, complété en dernier lieu le 26 janvier 2017, faisait état d'actifs à hauteur de 32'129 fr. 05 constitués essentiellement de liquidités. Il comportait une note selon laquelle la liquidation ferait certainement apparaître un reliquat à verser aux ayants droit actionnaires.

Ce document a été signé par A______ le 26 janvier 2017.

e. L'état de collocation déposé le 31 janvier 2017 mentionnait un passif total de 4'853 fr. 40.

f. Il ressortait du compte des frais et tableau de distribution déposé le 21 août 2017 "un reliquat" de liquidation de B______ "en faveur des ayants-droit" de 23'959 fr. 03

g. Par courrier adressé le 8 mars 2018 par courrier recommandé à A______, l'Office a invité ce dernier à lui communiquer d'ici au 16 mars 2018 un numéro de compte afin de lui verser ce montant "en faveur des actionnaires" de B______, à charge pour lui, conformément à une discussion antérieure, de le distribuer entre les différents ayants droit. A défaut d'indications dans le délai susmentionné, ce montant serait "versé en faveur de l'Etat de Genève".

A______ n'a pas retiré ce courrier à la Poste, lequel a été retourné à l'Office à l'issue du délai de garde.

h. L'Office a requis le 30 avril 2018 du Tribunal le prononcé de la clôture de la liquidation de B______. Dans sa requête, il a indiqué que le reliquat de 23'959 fr. 03 avait été "consigné", conformément au tableau de distribution.

i. Le Tribunal a prononcé la clôture de la liquidation selon les règles de la faillite de B______ par jugement du 14 mai 2018.

j. Le registre du commerce a procédé à la radiation d'office de la société, laquelle a été publiée dans la FOSC le ______ 2018.

k. Par courriel du 4 décembre 2020, A______ a envoyé à l'Office ses coordonnées bancaires en présentant ses excuses pour le retard.

l. Il ressort d'un échange de courriel du 8 décembre 2020 entre l'Office et A______ que le premier envisageait de demander la "déconsignation" du reliquat de la liquidation de B______ et son versement sur le compte du second.

m. L'Office a toutefois répondu le 18 décembre 2020 que, faute de réponse dans le délai fixé le 8 mars 2018 au 16 mars 2018 afin de permettre le versement du reliquat aux actionnaires, cette somme avait été dévolue à l'Etat de Genève suite à la clôture de la liquidation et la radiation de la société. Elle ne pouvait donc plus être restituée.

n. Par courrier du 8 janvier 2021, A______ a formellement requis la remise du montant litigieux.

o. L'Office a rendu une décision le 21 janvier 2021 confirmant l'attribution à l'Etat de Genève du reliquat de liquidation de B______ et refusant son versement à A______. Il motivait sa position par le fait qu'une fois la liquidation close et la société radiée, elle n'existait plus et que ses éventuels actifs résiduels ne pouvaient plus être soumis à un processus d'exécution forcée, mais uniquement remis à la corporation publique dont elle relevait, en application de l'art. 57 CC.

Cette décision a été notifiée àA______ par pli recommandé daté du
21 janvier 2021, posté le 22 janvier 2021 et reçu le 25 janvier 2021 par le destinataire.

B. a. Par acte remis à la poste le 4 février 2021, A______ a formé une plainte contre cette décision auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites. Il a articulé les conclusions suivantes :

Préalablement

1.       Déclarer la présente plainte recevable.

Cela fait :

2.       Ordonner à l'Office de produire le détail du bénéfice de liquidation existant dans le cadre de la faillite de B______.

3.       Ordonner à l'Office de produire toutes les explications au sujet du sort réservé audit bénéfice de liquidation.

Principalement

4.       Annuler la décision du 21 janvier 2021 de l'Office refusant le versement du solde de liquidation à A______.

5.       Ordonner à l'Office de procéder au versement du solde de liquidation à A______ avec intérêt à 5 % depuis le 22 mai 2018.

Subsidiairement

6.       Constater la nullité de la décision du 21 janvier 2021.

7.       Ordonner à l'Office de procéder au versement du solde de liquidation à A______ avec intérêt à 5 % depuis le 22 mai 2018.

Plus subsidiairement

8.       Impartir un délai au plaignant pour requérir la réinscription de B______.

9.       Suspendre la procédure de plainte jusqu'à droit jugé sur la requête de réinscription.

En tout état

10.    Constater la gratuité de la procédure de plainte.

11.    Débouter l'Office de toutes autres conclusions.

12.    Condamner l'Etat de Genève aux dépens.

A l'appui de la plainte, il alléguait ne jamais avoir reçu le courrier recommandé de l'Office du 8 mars 2018. Aucun autre actionnaire n'avait été informé de l'existence d'un reliquat à distribuer. Dans la mesure où le courrier du 8 mars 2018 avait vraiment existé, il invoquait la nullité de la fixation d'un délai dont l'échéance tombait le dernier jour du délai de garde par la Poste. En outre, il contestait l'application de l'art. 57 CC en l'occurrence, les art. 660 al. 2 et 745 al. 1 CO réglant de manière exhaustive la distribution du reliquat de liquidation aux actionnaires de la société anonyme; il était ainsi en droit réclamer à tout le moins un montant de 2'398 fr. à titre personnel. La solution retenue par l'Office était constitutive de formalisme excessif ainsi que d'arbitraire dans l'application du droit et portait atteinte à la garantie du droit à la propriété en spoliant des actionnaires de leurs droits dans la liquidation de la société au profit de la corporation publique.

b. Dans ses observations du 5 mars 2021, l'Office a contesté ne pas avoir notifié le courrier du 8 mars 2018; il ressortait de son dossier que ce courrier lui avait été retourné par la Poste à l'issue du délai de garde, faute d'avoir été retiré par le destinataire; il produisait à cet égard l'enveloppe avec les mentions de la Poste. Le plaignant devait donc se voir opposer la notification fictive du courrier du 8 mars 2018. La plainte visant en réalité une décision contenue dans ce courrier, dont la décision du 21 janvier 2021 n'était que la reprise, elle devait être considérée comme tardive. En outre, la qualité pour agir du plaignant était douteuse, dans la mesure où il semblait avoir déposé la plainte en sa qualité d'actionnaire. Sur le fond, l'Office considérait que les avoirs d'une société dont la dissolution avait été close et la radiation effectuée n'étaient plus soumis à l'exécution forcée et revenaient à la corporation publique en application de l'art. 57 CC, conformément à la jurisprudence de l'autorité de surveillance (DCSO/255/2007 du 31 mai 2007).

c. Les parties ont été informées par courrier du 8 mars 2021 du greffe de la Chambre de surveillance que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 La plainte doit être déposée sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.1.3 Par mesure de l'Office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'Office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes. Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions ou un avis. Une "décision" de l'Office refusant de revenir sur une mesure prise antérieurement par lui n'est pas le point de départ d'un nouveau délai de plainte et ne constitue pas une nouvelle décision susceptible de plainte (ATF 142 III 643 consid. 3; ATF 129 III 400 consid. 1.1; 128 III 156 consid. 1c; ATF 116 III 91 consid. 1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999,
n° 12 et 13 ad art. 17-21 LP, n° 16 ad art. 8 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 17 LP).

1.1.4 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP – condition de recevabilité devant être examinée d'office (GILLIERON, Commentaire LP, n. 140 ad art. 17 LP) – est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219
consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3, JT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3). Selon la jurisprudence, les créanciers ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi. En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable (ATF 139 III 384 consid. 2.1).

1.2.1 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme et de délai prévues par la loi dans la mesure où elle vise la décision du 21 janvier 2021. Elle a été déposée devant l'autorité compétente. Elle est donc, à ces égards, recevable.

1.2.2 En se fondant sur une ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 88 III 79 consid. 2d, JdT 1962 II 107) et sur le Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite de Gilliéron (n° 163 ad art. 17 LP), l'Office conteste la qualité pour agir par la voie de la plainte de l'actionnaire de la société liquidée par l'Office selon les règles de la faillite, faute d'intérêt personnel.

L'Office omet toutefois de préciser queGilliéron cite également un arrêt du Tribunal fédéral plus récent qui relativise la solution retenue dans l'arrêt susmentionné et souligne que la question mérite un nouvel examen. En tout état, la situation du présent cas n'est pas celle de l'arrêt précité car, dans l'affaire soumise au Tribunal fédéral, la plainte portait sur un objet touchant directement aux intérêts de la faillie, soit la réalisation d'un immeuble lui appartenant, et uniquement indirectement aux intérêts de ses actionnaires. En l'occurrence, le plaignant fait valoir son droit personnel à la remise du reliquat de liquidation en sa qualité d'actionnaire. Il dispose par conséquent d'un intérêt direct et personnel à la plainte. Partant, la qualité pour agir doit lui être reconnue.

1.2.3 L'Office soutient que sa décision du 21 janvier 2021 n'est en réalité qu'une confirmation d'une décision déjà prise par le passé, contenue dans le courrier du
8 mars 2018, et qu'elle n'ouvrait pas un nouveau délai de plainte. Le plaignant aurait par conséquent dû agir contre la décision du 8 mars 2018.

1.2.3.1 Les parties s'opposent déjà sur la question de savoir si la décision du
8 mars 2018 de l'Office a bien été envoyée au plaignant et si elle doit être considérée comme valablement notifiée.

1.2.3.1.1 La notification d'une décision de l'Office s'effectue par communication écrite au sens de l'art. 34 LP, soit par pli recommandé. En vertu de l'art. 138 al. 3 let. a CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP, l'acte envoyé par recommandé et non retiré est réputé notifié à l'expiration d'un délai de garde de sept jours à compter de l'échec de la remise, pour autant que le destinataire dût s'attendre à recevoir la notification (arrêt du Tribunal fédéral 5A_677/2013 du 6 décembre 2013 consid. 2.1).

1.2.3.1.2 En l'espèce, l'Office prouve par la production de l'enveloppe qui lui a été retournée que le courrier du 8 mars 2018 a bien été envoyé en pli recommandé au plaignant, lequel ne l'a pas retiré dans le délai de garde auprès de la Poste. Le courrier doit par conséquent être considéré comme valablement reçu le dernier jour du délai de garde.

Le fait que ce jour correspondait au dernier jour du délai imparti au plaignant pour informer l'Office de ses coordonnées bancaires – mettant ainsi le plaignant dans l'impossibilité de les fournir à temps – est certes problématique, mais sans incidence sur l'issue de la plainte, si bien qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les conséquences d'une telle situation.

1.2.3.2 Etant acquis que la décision du 8 mars 2018 a bien été valablement notifiée au plaignant, il convient de déterminer si la décision du 21 janvier 2021 n'est qu'une confirmation de cette première décision, ainsi que le soutient l'Office.

Dès que l'Office a constaté, dans le cadre de l'inventaire, que la liquidation générerait un reliquat, il a évoqué sa remise à A______ en vue de répartition entre actionnaires. Il l'a répété à plusieurs reprises et confirmé dans le courrier du 8 mars 2018. L'Office a ainsi exprimé sa décision de remettre le reliquat de liquidation aux actionnaires. Le courrier du 8 mars 2018 précisait certes que faute d'indication d'un compte bancaire où transférer ce reliquat, celui-ci serait "versé" à l'Etat. Cette précision n'apparaissait toutefois pas comme une décision d'attribution du reliquat à l'Etat, mais constituait une modalité d'exécution de la décision sous la forme d'une consignation du montant qui n'avait pu être versé faute d'indication d'un compte bancaire. La teneur de la requête en clôture de la liquidation adressée au juge de la faillite le 30 avril 2018 le confirmait, en mentionnant que le montant du reliquat avait été "consigné" en mains de l'Etat. Cette manière de procéder était d'ailleurs correcte (cf. Jeandin / Casonato, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 264 LP). Le
8 décembre 2020, l'Office évoquait encore, dans un mail au plaignant, la "déconsignation" du reliquat en sa faveur. Ainsi, lorsque, dans la décision du
21 janvier 2021, l'Office a refusé de verser le reliquat au plaignant au motif qu'il avait été attribué à l'Etat, il a rendu une nouvelle décision, contraire à celle du
8 mars 2018. Cette nouvelle décision ne saurait donc être considérée comme une confirmation d'une décision déjà prise et entrée en force et la voie de la plainte est ainsi bien ouverte contre elle.

2. L'Office a ainsi statué deux fois sur le même objet, à deux ans d'intervalle, dans un sens différent.

2.1.1 L'Office ne peut pas révoquer ou reconsidérer une décision entrée en force, à moins qu'elle ne soit manifestement nulle et ne soit par conséquent jamais entrée en force. Il ne peut donc reconsidérer ou révoquer une de ses décisions après que le délai pour porter plainte a expiré, sous peine de nullité de la décision de reconsidération ou de révocation. Si une plainte est déposée contre une décision de l'Office, ce dernier peut encore la modifier jusqu'à l'envoi de sa réponse à la plainte; une nouvelle décision prise par l'Office après cet envoi est nulle (art. 17 al. 4 LP; ATF 109 III 37; ATF 97 III 3 consid. 2, JdT 1971 II 108 ; ATF 78 III 49, JdT 1952 II 140; arrêt du Tribunal fédéral 5A_65/2008 du 15 décembre 2008 consid. 3.2; BlSchK 1984, p. 207; décision de la commission de surveillance DCSO/60/2007 du 22 février 2007 consid. 2b; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 64 s ad art. 17 LP).

2.1.2 Par ailleurs, le jugement de clôture de la liquidation de la faillite, prononcé sur requête de l'Office (art. 268 LP), met un terme à la procédure de faillite et, plus particulièrement, au pouvoir de l’administration de la faillite de disposer des biens de la masse. En d’autres termes, une procédure de faillite clôturée ne peut plus être reprise par l’Office, à l’exception des cas de figure envisagés par
l’art. 269 LP. Aux termes de cette dernière disposition, lorsque, la faillite clôturée, l’on découvre des biens qui ont échappé à la liquidation, l’Office en prend possession, les réalise et en distribue le prix sans autre formalité entre les créanciers perdants, suivant leur rang. L’art. 269 LP est inapplicable lorsque l’administration de la faillite savait que le failli possédait ces biens, ou si elle a renoncé à comprendre ceux-ci dans la faillite (DCSO/255/2007 consid. 3.a et les références citées : ATF 90 III 41 consid. 1 et 3, SJ 1965 p. 68 ; ATF 58 III 3, p. 5; arrêt du Tribunal fédéral 7B.97/2004 du 7 septembre 2004 consid. 4; Jeandin,
op. cit. n° 14, 16 ad art. 268 LP et n° 8 s ad art. 269 LP; Stoffel, Voies d’exécution, § 11 n° 143, p. 332).

2.2 En l'espèce, la décision de l'Office du 21 janvier 2021 revient sur une décision en force depuis 2018. Elle a été en outre rendue alors que la clôture de la faillite avait été prononcée et que les conditions de l'art. 269 LP n'étaient pas réunies. Elle est donc radicalement nulle, ce que la Chambre de surveillance peut constater d'office, même en l'absence de grief du plaignant (art. 22 LP).

3. Même si elle avait été valable, la décision du 21 janvier 2021 se serait révélée infondée pour les motifs suivants.

Le plaignant réclame le versement du reliquat de liquidation de B______ en application des art. 660 al. 1 et 745 al. 1 CO, alors quel'Office estime que ce reliquat revient à l'Etat de Genève en application de l'art. 57 CC.

3.1.1 Lorsque la dissolution et la liquidation d'une personne morale interviennent dans le cadre d'une faillite, l'Office des faillites établit l'inventaire des biens de la faillie, les estime, en assure la conservation et détermine la procédure de liquidation en fonction des actifs disponibles (art. 221 ss LP). Il invite les créanciers à produire dans la faillite et établit l'état de collocation (art. 232 ss et 244 ss LP). Il procède ensuite à la liquidation de la masse en réalisant les actifs et en désintéressant les créanciers au moyen d'un dividende issu du produit de réalisation (art. 252 ss LP). Un éventuel surplus d'actifs après désintéressement complet des créanciers, qu'il s'agisse de biens non réalisés ou d'un produit de réalisation non distribué, entre à nouveau dans le pouvoir de disposition du débiteur; si le failli est une personne morale, destinée à être radiée du registre du commerce, les liquidateurs de la personne morale, intervenant dans cette hypothèse postérieurement à la procédure de faillite, auront la charge de distribuer ce surplus aux ayants droit, selon les règles de liquidation propres à la personne morale en cause (Jeandin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005,
n° 15 ad art. 268 LP).

3.1.2 A teneur de l'art. 731b al. 1 CO, le Tribunal peut, à la requête d'un actionnaire, d'un créancier ou du préposé au registre du commerce, prendre les mesures nécessaires lorsque l'organisation de la société présente une carence organisationnelle (un des organes prescrits fait défaut, un organe prescrit n'est pas composé correctement; la société n'a plus de domicile à son siège, etc.). Le Tribunal peut notamment ( ) prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite (art. 731b al. 1b ch. 3 CO). Si l'actif ne couvre plus les dettes, les personnes mandatées pour liquider la société selon les dispositions applicables à la faillite en informent le Tribunal et celui-ci prononce la faillite (art. 731b al. 4 CO).

La décision de dissoudre puis liquider "selon les règles de la faillite" une société présentant des carences organisationnelles selon l'art. 731b al. 1b ch. 3 CO n'équivaut pas au prononcé de la faillite et n'entraîne qu'une application analogique partielle des règles sur la faillite, tout en permettant de confier la liquidation à l'Office des faillites. Ainsi, notamment, le jugement de dissolution au sens de l'art. 731b CO n'est pas révocable par application analogique de l'art. 195 LP (révocation de la faillite lorsque toutes les dettes sont payées) car la dissolution n'a pas été précédée d'une faillite qui pourrait être révoquée et la dissolution n'est pas justifiée par l'incapacité de la société à faire face à ses créanciers, comme en cas de faillite, mais par une carence organisationnelle dont le juge a estimé qu'elle était incurable (ATF 141 III 43, JdT 2015 II 278).

3.1.3 Dans le cadre de la dissolution et de la liquidation privée d'une société anonyme, les liquidateurs dressent un bilan d'ouverture de liquidation et procèdent à un appel aux créanciers (art. 742 ss CO). Après paiement des dettes, l'actif de la société est, sauf disposition contraire des statuts, réparti entre les actionnaires au prorata de leurs versements et compte tenu des privilèges attachés à certaines catégories d'actions (art. 660 al. 1 et 745 al. 1 CO). Les liquidateurs avisent le préposé du registre du commerce à l'issue de la liquidation en vue de la radiation de la société (art. 746 CO).

3.1.4 En application de l'art. 57 al. 1 CC, sauf disposition contraire de la loi, des statuts, des actes de fondation ou des organes compétents, la fortune des personnes morales dissoutes est dévolue à la corporation publique (Confédération, canton, commune) dont elles relevaient par leur but.

La question de savoir si les art. 57 et 58 CC, relatifs à la suppression de la personnalité des personnes morales, à leur liquidation et au sort de leurs biens, s’appliquent aux corporations du code des obligations fait l’objet d’une controverse. Celle-ci porte surtout sur l’art. 57 al. 3 CC (dévolution au profit d'une corporation publique, nonobstant toute autre disposition, si la personne morale est dissoute parce que son but était illicite ou contraire aux mœurs), les règles spéciales relatives aux corporations du code des obligations étant pour le reste en harmonie avec les dispositions générales. Ainsi, dans le cas des corporations du code des obligations, à l’exception de la société coopérative, la répartition du produit de la liquidation entre les actionnaires ou les associés a lieu selon les règles statutaires et, à défaut de telles règles, selon la loi (art. 660 al. 2 et 745 al. 1, 770 al. 2 et 826 al. 1 CO). Le droit spécial ne laisse donc pas de place à une dévolution à une corporation publique au sens de l’art. 57 al. 1 CC. En définitive, la dévolution à une corporation publique conformément à l’art. 57 al. 1 et 2 CC ne s’applique qu’aux associations et fondations qui n’ont pas déterminé librement la destination de leurs biens. En tout état, les art. 57 et 58 CC ne s’appliquent pas en cas de liquidation soumise aux règles de la faillite (Xoudis, Commentaire Romand, CC I, n° 3, 4, 16 et 21 ad art. 57 et 58 CC).

L’art. 57 CC traite de la destination des "biens" ou de la "fortune" de la personne morale dissoute. Il s’agit de la destination du produit net de la liquidation, soit du solde de l’actif après paiement des dettes (art. 660 al. 1 et 745 al. 1 CO) et, le cas échéant, du remboursement des apports des associés (art. 913 al. 2 CO). L’art. 57 CC s’inscrit dans le cadre de la dernière phase de la procédure de liquidation de la personne morale, soit la liquidation interne (Xoudis, op. cit., n° 13 ad art. 57 et 58 CC).

3.2 En l'espèce, l'Office a été saisi de la liquidation de B______ selon les règles de la faillite suite à une décision du juge de dissoudre la société en application de l'art. 731b al. 1bis ch. 3 CO.

Ainsi que la Chambre de surveillance l'a retenu ci-dessus, l'Office a décidé le 8 mars 2018 que le reliquat de liquidation serait distribué aux actionnaires au prorata de leur participation au capital, par le truchement du plaignant, décision devenue définitive et exécutoire faute d'avoir été contestée. Ce faisant, l'Office a correctement appliqué les principes sus-rappelés, la remise du reliquat de liquidation aux actionnaires ayant lieu dans tous les cas de liquidation, que ce soit suite à une dissolution par faillite, pour carence organisationnelle ou privée.

L'art. 57 CC n'est en principe pas applicable à la société anonyme.

En outre, le "reliquat" dont il est question en l'espèce correspond en réalité à un remboursement du capital aux actionnaires et non pas à la distribution du produit net de liquidation, seul concerné par l'art. 57 CC. En effet, l'état de collocation et le tableau de distribution des deniers permettent de constater que le montant du reliquat litigieux correspond au solde des actifs après déduction des dettes envers les tiers et les frais de liquidation, mais avant remboursement des parts sociales auquel l'Office n'a pas du tout procédé.

L'Office cite certes une jurisprudence ancienne du Tribunal fédéral, reprise dans une décision du 31 mai 2007 de la Chambre de céans (ATF 56 III 189, JdT 1931 II 78; DCSO/255/2007 du 31 mai 2007 consid. 3.c) qui admet l'application de l'art. 57 al. 1 CC aux biens de la société anonyme dont le sort n'a pas été réglé car la faillite a été suspendue faute d'actifs, close sans liquidation en l'absence d'avance de frais, puis la société radiée. Le Tribunal fédéral a considéré qu'une telle société n'étant plus sujet de droit, elle ne pouvait plus être poursuivie et ses biens étaient soustrait à l'exécution forcée. Ils ne pouvaient donc qu'être dévolus à la corporation publique dont la société relevait en l'application de l'art. 57 al. 1 CC. Non seulement, il n'est pas certain que cette jurisprudence soit toujours d'actualité, mais en tous les cas, la présente espèce n'est en rien similaire à celle qui était soumise au Tribunal fédéral et les principes appliqués ne sauraient être transposés en l'occurrence : la liquidation litigieuse n'est pas consécutive à une faillite au sens propre du terme; elle n'a pas fait l'objet d'une suspension faute d'actifs, mais d'une liquidation complète; la liquidation s'est soldée par un produit dont l'Office avait admis qu'il revenait aux actionnaires. Le revirement soudain de l'Office pour justifier une attribution du reliquat de liquidation de B______ à l'Etat dans la décision du 21 janvier 2021 ne saurait donc être fondé sur ce précédent.

4. Le plaignant requiert également le paiement d'un intérêt moratoire de 5 % sur le montant du reliquat dès le 22 mai 2018.

4.1 Un intérêt moratoire est dû par le débiteur d'une obligation exigible qu'il n'exécute pas à compter de sa mise en demeure par le créancier ou à compter du terme fixe convenu entre les parties pour l'exécution de l'obligation si tel est le cas (art. 102 et 104 CO).

Le créancier est en demeure lorsqu'il refuse sans motif légitime d'accepter la prestation qui lui est régulièrement offerte, ou d'accomplir les actes préparatoires qui lui incombent et sans lesquels le débiteur ne peut exécuter son obligation
(art. 91 CO). Lorsque le créancier est en demeure, le débiteur a le droit de consigner la chose aux frais et risques du créancier et de se libérer ainsi de son obligation (art. 92 CO).

4.2 En l'espèce, l'Office a valablement informé le plaignant le 8 mars 2018 de sa décision de lui verser le reliquat de liquidation et demandé des coordonnées bancaires à cette fin. Le plaignant n'a pas donné suite à cette requête pendant près de deux ans et ne s'est plus inquiété du versement du reliquat jusqu'en décembre 2020. Le fait qu'il ait vraisemblablement ignoré l'existence de la décision du
8 mars 2018 est sans portée, puisqu'elle lui a été valablement notifiée. En l'absence de réponse à son courrier 8 mars 2018, l'Office était de son côté légitimé à consigner les avoirs auprès de l'Etat de Genève, se libérant par-là de son obligation envers le plaignant. N'ayant pas été interpellé par le créancier avant décembre 2020 et ayant en tout état exécuté sa prestation, il ne pouvait être en demeure et ne doit pas d'intérêts moratoires sur le paiement du reliquat.

5. Le plaignant a pris également une conclusion préalable consistant à ordonner à l'Office de produire le détail du bénéfice de liquidation existant dans le cadre de la faillite de B______.

Cette conclusion ne fait l'objet d'aucune motivation et ne correspond à aucun grief adressé à l'Office. Le plaignant ne critique notamment pas le montant du reliquat. On ne voit donc pas pour quel motif il aurait besoin des informations visées dans ses conclusions préalables.

Il dispose d'ailleurs de ces informations puisqu'il a eu accès à l'inventaire, à l'état de collocation et au compte de frais et tableau de distribution des deniers, lesquels figurent de surcroît dans les pièces produites par l'Office.

En tout état, si cette conclusion devait s'inscrire dans le cadre d'une conclusion implicite du plaignant visant à remettre en cause le montant du reliquat à verser aux ayants droit, il faudrait alors constater la tardiveté et l'irrecevabilité d'une telle conclusion qui aurait dû viser la décision arrêtant le reliquat, soit le compte de frais et tableau de distribution déposé le 21 août 2017.

Pour l'ensemble de ces motifs, cette conclusion préalable doit être rejetée, faute d'objet.

6. En résumé, la plainte est recevable. La décision entreprise du 21 janvier 2021 doit être déclarée nulle. Les conclusions du plaignant visant à ce constat ainsi qu'au versement, sans intérêts, du reliquat de liquidation de B______ sont admises. Ses autres conclusions sont rejetées.

7. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte 4 février 2021 de A______ contre la décision du
21 janvier 2021 de l'Office cantonal des faillites refusant le versement du reliquat de liquidation de la faillite de B______.

Au fond :

Constate la nullité de la décision du 21 janvier 2021.

Ordonne à l'Office cantonal des faillites de prendre les mesures permettant de verser à A______ le reliquat de liquidation de B______ consigné auprès de la Caisse de l'Etat de Genève, en 23'948 fr. 68, sans intérêts.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.