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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2631/2020

DCSO/353/2021 du 16.09.2021 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Notification simplifiée; commandement de payer; résidence pour étudiants; courrier A+
Normes : lp.72; lp.74; ord-covid19
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2631/2020-CS DCSO/353/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2631/2020-CS) formée en date du 1er septembre 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Denis Mathey, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me MATHEY Denis

Rue du Grand-Chêne 4

1003 Lausanne.

- B______

c/o C______

______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 22 juin 2020, B______ [assurance-maladie] a engagé à l'encontre de A______, domiciliée au foyer pour étudiants D______ à Genève, une poursuite ordinaire en recouvrement de 2'575 fr. 30, plus intérêts à 5% dès le 23 juin 2020, de 73 fr. 30 et 120 fr., montants allégués dus au titre de primes LAMal pour la période de juin à décembre 2019.

b. Le même jour, l'Office a rédigé un commandement de payer, poursuite n° 1______ qu'il a remis à la Poste pour notification. Après quatre tentatives de distribution les 7, 9, 10 et 13 juillet 2020, le commandement de payer a été retourné à l'Office non distribué.

c. Le 3 août 2020, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé à A______, par courrier A+, un avis d'une notification simplifiée d'un acte de poursuite selon l'Ordonnance fédérale COVID-19 justice et droit procédural.

d. Par pli A+ adressé le 10 août 2020 à A______, distribué le 12 août 2020 par la Poste suisse, l'Office a procédé à la notification simplifiée du commandement de payer considéré.

e. Par courrier daté du 26 août 2020, expédié par pli recommandé le 1er septembre 2020 à l'Office, A______ a déclaré qu'elle formait opposition totale au commandement de payer, poursuite n° 1______. Elle demandait à toutes fins utiles la restitution du délai d'opposition, exposant qu'elle avait eu connaissance du commandement de payer "aujourd'hui" (le 26 août 2020) et qu'elle avait été empêchée d'agir avant.

B. a. Par acte posté le 1er septembre 2020 à la Chambre de surveillance, A______ a fait valoir qu'elle résidait dans un foyer pour étudiants, dans lequel les permanences de distribution du courrier étaient la plupart du temps fermées depuis le confinement. De manière générale, la distribution du courrier connaissait des retards. Elle a sollicité la restitution du délai pour former opposition et l'octroi de l'effet suspensif.

b. Dans son rapport du 9 octobre 2020, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Les conditions pour procéder à une notification simplifiée au sens de l'art. 7 de l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le Coronavirus (Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural du 16 avril 2020) avaient été respectées.

Pour ce qui était de la demande de restitution du délai d'opposition, que l'Office n'avait pas traitée, au vu du dépôt de la plainte, il y avait lieu de la rejeter, dès lors que A______ ne fournissait aucun élément étayant ses allégations selon lesquelles elle n'avait eu connaissance du commandement de payer que le 26 août 2020.

c. A l'audience du 7 septembre 2021, le conseil de A______ a indiqué que sa cliente, qui avait été gravement malade, était retournée vivre en France. Elle avait annoncé son départ à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 2 septembre 2021.

L'Office a exposé qu'il ignorait si le foyer Saint-Justin, où avait résidé la plaignante, disposait de boîtes à lettres individuelles pour chaque résident.

d. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), comme la notification d'un acte de poursuite.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 Quand bien même elle est intitulée demande de restitution de délai, la plainte vise les circonstances ayant entouré la notification simplifiée du commandement de payer litigieux, qui relèvent de la compétence de la Chambre de céans. Elle émane d'une personne ayant qualité pour la déposer, est dirigée contre un acte pouvant être contesté par cette voie et respecte les exigences de forme résultant de la loi.

Déposée dans les dix jours à compter de la prise de connaissance alléguée du commandement de payer, la plainte est recevable à la forme.

2. 2.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise physique en main du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en main d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP), de l'acte à notifier, et ce sous forme ouverte (et non sous pli fermé), de manière à ce que le récipiendaire puisse immédiatement en prendre connaissance et, dans le cas du commandement de payer, former opposition (art. 74 al. 1 LP; Malacrida/Roesler, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 2 ad art. 72 LP; Wuthrich/Schoch, in BAK SchKG I, 2ème éd., n. 10 et 11 ad art. 72 LP).

La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b). C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière du commandement de payer (ATF 120 III 117 consid. 2).

2.1.2 Selon l'art. 7 al. 1 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural en vigueur au moment de la notification litigieuse, un acte de poursuite peut être notifié contre une preuve de notification n'impliquant pas la remise d'un reçu lorsqu'une première tentative de notification par la voie ordinaire a échoué et que le destinataire a été informé de la notification au plus tard le jour la précédant. La preuve de la notification remplace l'attestation visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le commentaire officiel de l'art. 7 de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, repris par l'Instruction n° 8 du Service de haute surveillance LP du 28 septembre 2020, précise que la notification par pli A+ est conforme aux exigences posées par cette disposition.

2.1.3 La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

En cas de notification irrégulière d'un commandement de payer, le délai d'opposition court dès le jour où le débiteur a effectivement eu connaissance du commandement de payer.

Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF
128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF
128 III 101 consid. 2).

2.2 En l'espèce, les conditions pour procéder à une notification simplifiée du commandement de payer, au sens de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, étaient réunies, l'Office ayant préalablement tenté en vain de le notifier selon la procédure ordinaire puis adressé à la plaignante un avis de notification simplifiée.

Il est par ailleurs établi par le "Track and Trace" de la Poste, dont la force probante n'est en tant que telle pas remise en cause, que le commandement de payer a été expédié par courrier A+ le 10 août 2020 et a été distribué le 12 août 2020.

Toutefois, la plaignante, qui résidait dans un foyer pour étudiants, a allégué qu'il y avait des problèmes de distribution du courrier au sein la résidence, ce qui laisse penser qu'il y avait un système centralisé de gestion du courrier voire des boîtes à lettres partagées par des personnes ne faisant pas ménage commun, comme à la Cité universitaire de Genève (cf. DCSO/20/2021 du 21 janvier 2021). Aussi, le "Track and Trace" ne saurait dans le cas d'espèce valoir preuve du dépôt du commandement de payer par l'agent postal directement dans la boîte à lettres de la plaignante. Dans la mesure où c'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification du commandement de payer, l'incertitude qui entoure la notification profite à la poursuivie.

A défaut d'autres éléments au dossier, il convient de considérer que la plaignante a eu connaissance du commandement de payer querellé le 26 août 2020, conformément à ses allégations, de sorte qu'en formant opposition par pli recommandé du 1er septembre 2020, elle a agi en temps utile.

Il sera donc ordonné à l'Office d'enregistrer l'opposition formée le 1er septembre 2020 au commandement de payer, poursuite n° 1______, et de la consigner sur l'exemplaire du commandement de payer destiné à la poursuivante, de manière à ce que celle-ci puisse si elle le souhaite agir pour qu'elle soit écartée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 1er septembre 2020 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet dans le sens des considérants de la présente décision.

Donne acte à A______ de ce qu'elle a valablement formé opposition le 1er septembre 2020 au commandement de payer, poursuite n° 1______.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites d'enregistrer ladite opposition et de la consigner sur l'exemplaire du commandement de payer destiné à la créancière poursuivante.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.