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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4341/2020

DCSO/315/2021 du 12.08.2021 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : Minimum vital; charges; paiement régulier
Normes : LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4341/2020-CS DCSO/315/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 AOÛT 2021

 

Plainte 17 LP (A/4341/2020-CS) formée en date du 22 décembre 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Vincent SOLARI, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 12 août 2021
à :

-       A______

c/o Me SOLARI Vincent

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8-10

Case postale

1211 Genève 4.

- B______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. En date des 4 et 12 août 2020, A______ a requis la continuation des poursuites n° 1______ et 2______ engagées contre B______, en recouvrement de 121'500 fr. et 14'539 fr. 15, hors intérêts et frais, pour des arriérés de contributions d'entretien.

Ces deux poursuites participent à la même saisie et forment la série n° 3______.

b. Le 13 octobre 2020, l'Office a établi un procès-verbal de saisie, série n° 3______, qui a été communiqué au conseil de A______ par pli recommandé distribué le 15 octobre 2020.

Il en ressort que l'Office avait saisi en mains de l'employeur de B______ toute somme supérieure à 3'570 fr. par mois, et ce du 27 août 2020 au 18 août 2021, une saisie antérieure étant valable jusqu'au 26 août 2020.

Se fondant sur un précédent constat du 10 avril 2019, l'Office a retenu dans son calcul du minimum vital du débiteur, des revenus à hauteur de 4'473 fr. pour des charges de 3'562 fr. 15, soit 1'200 fr. d'entretien de base, 1'620 fr. de loyer, 430 fr. 15 de prime d'assurance-maladie, 242 fr. de frais de repas extérieurs et 70 fr. de frais de transport. La quotité mensuelle saisissable s'élevait ainsi à 910 fr. 85.

A______ n'a pas formé plainte contre le procès-verbal de saisie du 13 octobre 2020 dans la série n° 3______.

c. Le 30 novembre 2020, l'Office a établi un nouveau calcul du minimum vital de B______, qui prenait en considération, dans les charges, le versement d'une contribution d'entretien en faveur de A______ de 1'000 fr. par mois.

d. Le 14 décembre 2020, l'Office a établi un nouveau procès-verbal de saisie, série n° 3______, qui déclarait B______ insaisissable à compter du mois de novembre 2020, dès lors que ses charges étaient supérieures à ses revenus, compte tenu de la prise en considération de la contribution d'entretien en faveur de A______. Le précédent calcul du minimum vital était pour le surplus maintenu.

B. a. Par acte adressé le 22 décembre 2020 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de saisie du 14 décembre 2020 qu'elle avait reçu le 16 décembre 2020 dans la série n° 3______.

Elle fait valoir que B______ avait cessé depuis plusieurs années de lui verser les contributions d'entretien auxquelles elle avait droit, de sorte qu'elle contestait la décision de l'Office d'admettre dans les charges de l'intéressé le versement en sa faveur d'un montant de 1'000 fr. par mois. En 2020, B______ n'avait effectué qu'un seul versement de 1'000 fr. en décembre 2020.

Elle conteste aussi le fait que l'Office ait établi le calcul du minimum vital en se fondant sur un constat antérieur, sans actualiser les charges et les revenus du débiteur. Il semblait d'ailleurs que l'Office n'avait opéré aucune saisie entre août et octobre 2020, alors que la saisie précédente avait pris fin en août 2020.

b. Dans son rapport du 20 janvier 2021, l'Office a indiqué que B______ avait fourni la preuve du paiement de 1'000 fr. à A______ à fin novembre 2020. C'est la raison pour laquelle la saisie, à hauteur d'environ 900 fr. par mois, avait été levée, sous condition que le poursuivi apporte chaque mois à l'Office la preuve du versement de 1'000 fr. à A______.

L'Office a joint à sa détermination le protocole d'audition du débiteur du 10 novembre 2020 et deux relevés bancaires du compte de B______, relatifs à deux versements de 1'000 fr. en faveur de A______ en décembre 2020 et en janvier 2021, avec l'indication "DEC 2020" et "PENSION ALIMENTAIRE JANVIER 2021".

c. A______ a rétorqué, par écriture du 1er février 2021, que l'Office n'avait en tout état de cause aucune raison de lever la saisie pour les mois d'octobre et novembre 2020.

d. Dans sa détermination du 8 février 2021, l'Office a précisé que la saisie de salaire n'avait été levée que le 7 décembre 2020, de sorte que pour les mois de septembre et octobre 2020, la saisie avait été opérée. Entretemps, l'Office avait reçu la preuve du versement de 1'000 fr. par B______ à A______ le 29 janvier 2021 (pour le mois de février 2021).

Selon le relevé du compte bancaire de B______ relatif au mois de septembre 2020, l'intéressé avait reçu le 8 septembre 2020 un montant de 3'570 fr. au titre de salaire du mois d'août 2020.

e. Pour A______, l'Office n'avait effectué aucune saisie en septembre et en octobre 2020.

f. A la demande de la Chambre de céans, l'Office a indiqué qu'il avait reçu deux montants de 895 fr. 30 chacun en date des 6 octobre et 4 novembre 2020, à titre de saisie sur salaire.

Une copie du procès-verbal de saisie du 13 octobre 2020 a également été produit.

g. Dans son écriture du 20 mai 2021, A______ a indiqué qu'elle ignorait ce qu'il était advenu des deux versements de 895 fr. 30 chacun mentionnés par l'Office, sauf à retenir que ce dernier les avait indûment conservés.

h. La cause a été gardée à juger le 18 juin 2021, ce dont les parties ont été avisées.


 

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Le délai de plainte est un délai péremptoire et son observation une condition de recevabilité qui doit être vérifiée d'office par l'autorité de surveillance (ATF
102 III 127, JdT 1978 II 44; Gilliéron, Commentaire LP, n. 222-223 ad art. 17).

1.1.2 En droit des poursuites et faillites, l'autorité de la chose jugée a une portée limitée: elle ne vaut que pour la procédure d'exécution en cause et pour autant que l'état de fait reste le même. La saisie réalisée dans le cadre d'une nouvelle série selon l'art. 110 al. 2 LP est opérée dans une autre procédure d'exécution forcée; elle ouvre la voie de la plainte sans que l'on puisse exciper de l'autorité de chose jugée de décisions rendues dans le cadre de séries précédentes (ATF 133 III 580 consid. 2).

1.2.1 En l'espèce, en tant que le procès-verbal de saisie du 14 décembre 2020 reprend les éléments du calcul du minimum vital du débiteur annexé au procès-verbal de saisie du 13 octobre 2020, dans la même série, il ne constitue pas une nouvelle décision ouvrant la voie de la plainte (ATF 133 III 580 consid. 2 a contrario). La plaignante aurait dû contester ce calcul à réception de ce premier procès-verbal de saisie, ce qu'elle n'a pas fait. Elle ne saurait ainsi remettre en cause, à l'occasion d'une plainte contre un nouveau procès-verbal de saisie, des faits précédemment arrêtés et non contestés.

Aussi, la plainte est irrecevable en tant qu'elle vise les revenus de l'intimé, en 4'473 fr., ainsi que les charges admises dans le calcul annexé à la décision du 13 octobre 2020, à savoir le loyer, la prime d'assurance-maladie, l'entretien de base LP, les frais de transport et de "repas extérieurs", soit des éléments repris d'un constat antérieur.

1.2.2 Le procès-verbal de saisie du 14 décembre 2020 a déclaré le débiteur insaisissable à compter du mois de novembre 2020, motif pris que l'intéressé aurait prouvé s'être effectivement acquitté d'une contribution d'entretien de 1'000 fr. en faveur de la poursuivante à partir de cette date. En tant qu'elle vise ce point, la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable - en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) - l'office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après : Normes d'insaisissabilité [NI-2020], RS/GE E 3 60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture et les frais de vêtement (Ochsner, op. cit., p. 128).

D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI-2020), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2020) ou les pensions alimentaires dues en vertu de la loi (art. II.5 NI-2020), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, in CR-LP, n° 82 ad art. 93 LP).

Les charges doivent en outre être payées régulièrement (Ochsner, in CR-LP, n° 83 ad art. 93 LP).

2.2 En l'espèce, l'Office a décidé de revoir le calcul du minimum vital et d'admettre dans les charges un montant de 1'000 fr. par mois au titre de contribution d'entretien (mentionnée dans la rubrique "Autre"), après que le débiteur ait prouvé avoir effectué un versement de 1'000 fr. en faveur de la plaignante.

Il peut certes sembler quelque peu hâtif, une fois que le calcul du minimum vital a été arrêté, de modifier la quotité saisissable en cours de série et d'y intégrer une charge périodique initialement écartée, après le paiement d'une seule mensualité par le débiteur. La Chambre de céans a du reste constaté, lors de l'examen de plaintes, que l'Office avait attendu trois mois avant de modifier la quotité saisissable et d'inclure une charge dans le minimum vital d'un débiteur, afin de s'assurer de la régularité du paiement (cf. DCSO/23/2020 du 30 janvier 2020 consid. 2.3; DCSO/194/2019 du 2 mai 2019 consid. 3.2; durant ces trois mois l'Office avait à juste titre remboursé au débiteur le montant de la charge payée, sur présentation des preuves idoines).

Toutefois, l'Office dispose d'une large marge d'appréciation dans l'exécution de la saisie et le paiement d'une première mensualité de la charge précédemment impayée peut selon les cas suffire, pour autant que le débiteur démontre qu'il a l'intention de s'en acquitter régulièrement (dans ce sens Ochsner, in CR-LP, n° 83 ad art. 93 LP; quand bien même la preuve de l'intention n'est pas aisée).

Dans le cas d'espèce, la charge intégrée dans le calcul du minimum vital du débiteur profite à la créancière poursuivante, de sorte que le procès-verbal de saisie attaqué ne lèse pas les intérêts de celle-ci, qui a reçu directement du poursuivi un montant supérieur (1'000 fr.) à celui précédemment saisi (895 fr. 30), et ce pour les mois de décembre 2020, ainsi que janvier et février 2021.

La décision entreprise n'est donc pas critiquable, sauf en tant qu'elle déclare le débiteur insaisissable déjà à compter du mois de novembre 2020, alors qu'aucun versement en faveur de la plaignante n'a été opéré par l'intimé pour ce mois-là.

Aussi, la plainte sera partiellement admise et le procès-verbal de saisie modifié en ce sens que le revenu de l'intimé est insaisissable à compter du mois de décembre 2020.

Dans l'hypothèse où le poursuivi aurait cessé ses versements après le mois de février 2021, il appartiendra à l'Office de revoir le montant de la saisie.

Enfin, il sera rappelé que la distribution des deniers a lieu dès que tous les biens compris dans une saisie sont réalisés (art. 144 al. 1 LP), soit en cas de saisie de salaire généralement à la fin de la période maximale de douze mois (art. 93 al. 2 LP). Aussi, le fait que l'Office n'ait pas distribué les sommes saisies après leur encaissement ne signifie nullement qu'il les aurait indûment conservées, comme le soupçonne la plaignante. A supposer qu'il soit recevable, ce grief doit donc être écarté.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 22 décembre 2020 par A______ contre le procès-verbal de saisie établi par l'Office cantonal des poursuites le 14 décembre 2020 dans la série n° 3______.

Au fond :

L'admet partiellement.

Modifie ledit procès-verbal de saisie en ce sens que le revenu de B______ est insaisissable à compter du mois de décembre 2020.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.