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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1520/2021

DCSO/292/2021 du 08.07.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : cc.2.al2; lp.22.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1520/2021-CS DCSO/292/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUILLET 2021

 

Plainte 17 LP (A/1520/2021-CS) formée en date du 3 mai 2021 par A______, en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du

à :

-       A______

______

Genève.

- B______

______

Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 26 février 2021, B______ a déposé auprès de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) une réquisition de poursuite dirigée à l'encontre de A______ tendant au recouvrement d'un montant de 90'000 fr. plus intérêts au taux de 4,9% l'an à compter du 1er janvier 2020. On pouvait comprendre de la description de la cause de l'obligation figurant dans cette réquisition de poursuite, bien que difficilement lisible et confuse, que le poursuivant avait conclu avec le poursuivi un contrat d'association portant sur l'exploitation d'une pâtisserie et que le montant réclamé correspondait à diverses sommes dont le poursuivi aurait dû s'acquitter en vertu dudit contrat.

b. Le 2 mars 2021, l'Office a établi un commandement de payer, poursuite
n° 1______, conforme à la réquisition de poursuite sous réserve de la description de la cause de l'obligation déduite en poursuite, abrégée comme suit : "Arcade pour une pâtisserie // litige".

Cet acte a été notifié le 5 mars 2021 à A______, qui a formé opposition totale à la poursuite.

c. A la demande de A______, l'Office, par courrier du
11 mars 2021, a invité le poursuivant à présenter les moyens de preuve afférents à la créance déduite en poursuite. Dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, B______ a remis à l'Office copie d'un contrat de bail relatif à l'arcade où était exploitée une pâtisserie ainsi qu'une convention censée le lier au poursuivant, expliquant que ce dernier devait payer le loyer, lui rembourser la moitié du dépôt de garantie et lui verser la moitié de son investissement, ce qu'il n'avait pas fait.

d. Le 9 avril 2021, A______ a déposé auprès du Ministère public une plainte pénale contre B______ du chef de tentative de contrainte, voire contrainte, expliquant en substance que les prétentions invoquées par le poursuivant ne reposaient sur aucun fondement factuel ou juridique, qu'il avait payé le loyer de l'arcade pour le premier semestre 2020 et que le poursuivant l'avait empêché d'accéder à l'arcade à compter de la fin de l'été 2020.

Le 30 avril 2021, A______ a déposé auprès du Ministère public une nouvelle plainte pénale, dirigée cette fois contre B______ et son épouse, pour gestion déloyale, leur reprochant d'avoir sollicité de la bailleresse et de l'Etat de Genève une exonération du loyer de l'arcade pour le mois d'avril 2020 alors qu'ils ne disposaient pas du pouvoir de signature pour le faire.

Le sort réservé à ces plaintes ne résulte pas du dossier.

B. a. Par acte adressé le 3 mai 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la poursuite
n° 1______, concluant à son annulation (recte : à la constatation de sa nullité) ainsi qu'à sa radiation du Registre des poursuites. Selon lui, ladite poursuite était abusive dès lors que les prétentions de son "ancien associé", qui l'avait évincé de l'arcade à la fin de l'été 2020, étaient sans fondement.

b. Dans ses observations du 7 juin 2021, l'Office s'en est rapporté à justice.

c. Dûment interpellé, le poursuivant ne s'est pas déterminé.

d. La cause a été gardée à juger le 23 juin 2021.

 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 La plainte, dirigée contre une mesure de l'office ne pouvant être attaquée par la voie judiciaire, émane en l'espèce du débiteur poursuivi, soit d'une personne touchée ou exposée à l'être dans ses intérêts protégés, et respecte les exigences de forme découlant de la loi. Déposée plus de dix jours après la notification du commandement de payer, elle est certes tardive; ce vice ne porte toutefois pas à conséquence dès lors que l'unique grief soulevé conduirait, s'il devait être considéré comme bien fondé, à la nullité de la poursuite.

Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2. 2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481
consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3). En revanche, celui qui poursuit son débiteur dans le seul but d'interrompre la prescription ne commet en principe pas d'abus de droit, la notification d'un commandement de payer représentant un moyen légal pour ce faire (art. 135 ch. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 5A_250/2015 précité consid. 4.2 in fine; Peter, Interrompre la prescription par une poursuite, in BlSchK 2018
p. 175 ss, 179 in fine).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.2 Dans le cas d'espèce, la raison pour laquelle la poursuite litigieuse serait abusive réside selon le plaignant dans l'absence de fondement des prétentions invoquées par le poursuivant. Ce dernier, avec lequel le plaignant admet avoir conclu un contrat d'association portant sur l'exploitation d'une pâtisserie, prétendrait en effet à tort qu'il n'aurait pas payé des montants dus selon ce contrat et lui aurait interdit sans droit l'accès aux locaux à compter de la fin de l'été 2020.

Il s'agit cependant là de moyens dirigés contre la prétention elle-même, dont l'examen est réservé, conformément aux principes rappelés ci-dessus, au juge ordinaire. Ni l'Office lors de l'établissement du commandement de payer ni la Chambre de céans dans le cadre d'une procédure de plainte ne sauraient pour leur part se prononcer sur des questions de droit matériel relatives à l'existence, au montant et à l'exigibilité des prétentions déduites en poursuite.

Le plaignant n'explique pas pour le surplus quel élément du dossier permettrait de retenir qu'en introduisant la poursuite litigieuse à son encontre l'intimé aurait poursuivi un but sans aucun rapport avec la procédure de poursuite, cherchant par exemple à le tourmenter délibérément, lui nuire, détruire sa réputation ou exercer sur lui une forme de contrainte sans relation avec les prétentions invoquées. Il résulte au contraire du dossier que les parties à la procédure de poursuite entretiennent ou ont entretenu des relations d'association en vue de l'exploitation d'une entreprise commerciale et sont en désaccord sur le respect ou la violation de leurs obligations mutuelles, notamment pécuniaires. Une telle situation est de nature à expliquer que l'un des partenaires engage à l'encontre de l'autre une procédure d'exécution forcée à hauteur des prétentions dont il estime disposer à son encontre, que ce soit dans l'espoir d'en obtenir le paiement, comme prélude à une procédure au fond ou encore pour interrompre un délai de prescription.

Faute d'éléments permettant d'admettre l'existence d'un abus de droit de la part du poursuivant, la poursuite n'est ainsi pas atteinte de nullité. La plainte doit dès lors être rejetée dans la mesure de sa recevabilité.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 3 mai 2021 par A______ contre la poursuite n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.