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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4098/2020

DCSO/226/2021 du 09.06.2021 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CDP; opposition tardive; décision de rejet de l'opposition; poursuite abusive
Normes : lp.74.al1; Ordonnance COVID-19.7; lp.17.al2; lp.22.al1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4098/2020-CS DCSO/226/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 9 JUIN 2021

 

Plainte 17 LP (A/4098/2020-CS) formée en date du 5 décembre 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Philippe COTTIER, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me COTTIER Philippe

100 Rhône Avocats Cottier Udry

Rue du Rhône 100

1204 Genève.

- B______ SA et C______ SA

c/o Me MEIER Nicola

Hayat & Meier

Place du Bourg-de-Four 24

Case postale 3504

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Depuis l'année 2016, A______ est en litige avec B______ SA et C______ SA, sociétés anonymes de droit luxembourgeois, au sujet d'un contrat d'achat-vente conclu le 11 mai 2016 et portant sur le capital-actions de D______ SA, société anonyme de droit suisse.

Dans ce contexte, plusieurs poursuites ont été diligentées par B______ SA et C______ SA à l'encontre de A______, en dernier lieu les poursuites nos 1______ et 2______ (cf. infra let. b et c.a).

Par demande formée devant le Tribunal de première instance le 25 novembre 2020, B______ SA et C______ SA ont assigné A______ en paiement de divers montants totalisant 901'271 fr. 87 en capital, réclamés au titre de la vente du capital-actions de D______ SA ainsi que de pénalités de retard.

b. Le 8 juillet 2020, B______ SA a requis une poursuite contre A______ en recouvrement des montants suivants : 150'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 2016, à titre de "Contrat achat-vente D______ SA; Solde 2nd acompte sur prix de vente; Renouvellement de la poursuite pour interruption de prescription", 206'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 juillet 2018, à titre de "Pénalités de retard selon contrat du 01.08.16 au 12.07.20" et 35'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2018, à titre de "Dommage complémentaire selon 106 CO".

Le même jour, C______ SA a requis une poursuite contre A______ en recouvrement des montants suivants : 75'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er août 2016, à titre de "Contrat achat-vente D______ SA; Solde 2nd acompte sur prix de vente; Renouvellement de la poursuite pour interruption de prescription", 206'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 juillet 2018, à titre de "Pénalités de retard selon contrat du 01.08.16 au 12.07.20" et 35'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 30 septembre 2018, à titre de "Dommage complémentaire selon 106 CO".

Dans leurs réquisitions de poursuite, B______ SA et C______ SA ont indiqué que A______ était domicilié au chemin 3______ 22, [code postal] E______ (GE).

c.a Les commandements de payer, poursuite n° 1______ (créancière : C______ SA) et poursuite n° 2______ (créancière : B______ SA), ont été établis le 10 juillet 2020 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) conformément aux indications figurant sur les réquisitions de poursuite.

Remis à la Poste en vue d'une notification par un agent postal, ces actes ont été retournés à l'Office le 26 août 2020 avec la mention "non réclamé" et l'indication qu'un agent postal s'était rendu à quatre reprises au chemin 3______ 22, [code postal] E______, sans être en mesure de notifier les actes au débiteur.

c.b Entendu le 11 mars 2021 par la Chambre de surveillance, A______ a expliqué à cet égard qu'il était locataire d'un appartement au chemin 3______ 22, [code postal] E______, depuis l'année 2014. Il ne s'agissait pas de son lieu de domicile ni d'un bureau, mais d'un "appartement administratif" destiné à l'usage de F______ SARL, société sise à la route 4______ [no.] ______, [code postal] G______ (GE), dont il était l'associé-gérant. Le contrat de bail avait été signé à son nom et à celui de la société. Il avait vécu dans ce logement avec son ex-compagne de 2014 à 2016. "Actuellement", l'appartement était utilisé comme pied-à-terre par un ami qui habitait à H______ [France]. N'ayant plus revu cet ami depuis le début de la pandémie de Covid-19, il ignorait à quelle fréquence l'appartement était occupé. A la demande de la régie, il avait laissé le nom "F______-A______" sur la boîte aux lettres, même s'il ne se trouvait plus dans l'immeuble. A______ a affirmé que son domicile effectif se trouvait au chemin 3______ 30, [code postal] E______. Son frère et ses parents étaient également domiciliés à cette adresse. Lui-même habitait chez ses parents, étant toutefois précisé que son nom ne figurait pas sur leur boîte aux lettres. D'autres membres de sa famille résidaient au chemin 3______ ou dans les environs.

A______ a déclaré que plusieurs actes de poursuite - dont des commandements de payer émanant de B______ SA et C______ SA - lui avaient été adressés au chemin 3______ 22. C'est la Police qui l'en avait informé. Il avait également reçu des appels téléphoniques à ce sujet. Il s'était alors rendu au guichet de l'Office pour faire opposition aux poursuites concernées. Il ne relevait jamais sa boîte aux lettres au chemin 3______ 22, car il ne s'y trouvait plus. Il avait informé l'Office qu'il était domicilié au chemin 3______ 30. S'il avait conscience que l'on cherchait à lui notifier des actes de poursuites au chemin 3______ 22, il estimait avoir procédé aux démarches utiles pour remédier à cette situation.

c.c Devant la Chambre de surveillance, l'Office a déclaré qu'à teneur de son dossier, A______ avait mentionné résider au chemin 3______ 22 lors d'un entretien téléphonique du 16 mai 2018. Lors d'un passage au guichet de l'Office le 29 février 2019, le poursuivi avait précisé que son adresse était celle du chemin 3______ 30. L'Office a ajouté que les premières tentatives de notification d'un commandement de payer étaient toujours effectuées à l'adresse indiquée sur la réquisition de poursuite, soit in casu celle du chemin 3______ 22.

d. Par courrier A+ du 3 septembre 2020, expédié au chemin 3______ 30, l'Office a informé A______ qu'il procéderait d'ici quelques jours à une notification simplifiée d'un ou de plusieurs actes de poursuite lui étant destinés, en application de l'art. 7 de l'Ordonnance du Conseil fédéral du 16 avril 2020 instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural.

Selon le suivi des envois de la Poste ("Track & Trace"), ce courrier a été distribué le 5 septembre 2020.

Lors de son audition du 11 mars 2021, A______ a déclaré qu'il n'avait jamais reçu ce courrier.

e.a Par courrier A+ du 9 septembre 2020, expédié au chemin 3______ 30, l'Office a transmis à A______ les commandements de payer, poursuites nos 1______ et 2______.

Selon le suivi postal ("Track & Trace"), ce courrier a été distribué le 11 septembre 2020.

e.b Dans sa plainte (cf. infra let. B), A______ a allégué qu'il avait "fait le pont" pendant le week-end du Jeûne genevois, raison pour laquelle il n'avait relevé son courrier qu'en date du 14 septembre 2020. C'est à ce moment-là qu'il avait pris connaissance des commandements de payer susmentionnés. Il avait téléphoné à l'Office le 17 septembre 2020 pour l'informer de son intention de faire opposition à ces poursuites. Le même jour, il avait "créé, rédigé et envoyé" une déclaration d'opposition à l'attention de l'Office.

Devant la Chambre de surveillance, l'Office a déclaré qu'il n'avait aucune trace dans son dossier d'un éventuel appel téléphonique de A______ le 17 septembre 2020. Le service compétent avait été consulté et aucun collaborateur n'avait souvenir d'un appel de l'intéressé ce jour-là. Si une opposition avait été formée oralement par le poursuivi, celle-ci aurait dûment été enregistrée dans les fichiers de l'Office.

f. Par courrier simple (courrier A) daté du 17 septembre 2020 et reçu par l'Office le 23 septembre 2020, A______ a formé opposition totale aux poursuites nos 1______ et 2______.

Ce courrier porte le sceau postal du 22 septembre 2020.

g.a Par décisions datées du 24 septembre 2020, l'Office a refusé de prendre en considération l'opposition formée le 22 septembre 2020 (date du sceau postal) contre les poursuites nos 1______ et 2______, en raison de sa tardiveté, les commandements de payer ayant été notifiés le 11 septembre 2020 et le délai d'opposition ayant expiré le 21 septembre 2020.

Ces décisions ont été expédiées à A______ au chemin 3______ 30 par plis recommandés du 25 septembre 2020. Ceux-ci ont été avisés pour retrait le 28 septembre 2020 et distribués au guichet de la Poste du E______ le 1er octobre 2020. Selon le suivi des envois de la Poste ("Suivi des envois Business"), les plis recommandés ont été remis à leur "Destinataire : A______".

g.b A______ conteste avoir retiré ces plis recommandés au guichet postal. Lors de son audition, il a déclaré qu'il ne reconnaissait pas les signatures figurant sur le suivi des envois de la Poste (pièces 10 et 11 annexées au rapport explicatif de l'Office du 5 janvier 2021). Il a ajouté ce qui suit : "Je n'ai pas donné procuration à un tiers pour relever mes courriers recommandés. Je n'explique pas comment les décisions de l'Office du 24 septembre 2020 ont pu être notifiées au guichet postal le 1er octobre 2020".

B. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de surveillance le 5 décembre 2020, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les décisions de l'Office rejetant son opposition aux poursuites nos 1______ et 2______, concluant implicitement à leur annulation et à l'enregistrement de ladite opposition ("je souhaite faire opposition/recours à la décision de l'office des poursuites qui refuse mes deux oppositions de poursuite effectuées dans les délais légaux"). Le plaignant a complété sa plainte par courriers des 5 et 13 janvier 2021.

En substance, A______ a exposé qu'il était "harcelé" par B______ SA et C______ SA qui avaient, depuis 2016, requis une dizaine de poursuites à son encontre, auxquelles il avait systématiquement fait opposition. Les montants qui lui étaient réclamés abusivement n'étaient pas dus. Il avait d'ailleurs l'intention de déposer une plainte pénale contre ces sociétés du chef d'escroquerie. Le 17 septembre 2020, il avait formé opposition aux deux poursuites litigieuses par téléphone et par écrit. Le 3 décembre 2020, la régie chargée de la gérance du bien immobilier dont il était propriétaire lui avait transmis un avis de saisie. Il s'était alors rendu compte que l'Office n'avait pas enregistré son opposition aux poursuites concernées. Il considérait avoir formé opposition dans le délai légal, à savoir dix jours après qu'il avait pris connaissance des commandements de payer. Selon lui, son courrier d'opposition avait été expédié à l'Office le 17 septembre 2020 et non le 22 septembre 2020, étant précisé qu'il avait été malade dès le 21 septembre 2020.

En annexe à sa plainte, A______ a produit un certificat médical faisant état d'une incapacité de travail de 100% du 22 au 28 septembre 2020. Il a également produit une capture d'écran d'ordinateur attestant de la création d'un document Word en date du 17 septembre 2020.

b. Par ordonnance du 23 décembre 2020, la Chambre de surveillance a octroyé l'effet suspensif à la plainte, avec la précision que les mesures conservatoires déjà prises par l'Office, en particulier l'annotation au registre foncier d'une restriction d'aliéner sur l'immeuble du plaignant, étaient quant à elles maintenues.

c. Dans son rapport explicatif du 5 janvier 2021, complété le 19 janvier 2021, l'Office s'en est rapporté à justice sur le bien-fondé de la plainte.

d. Dans leurs observations du 7 janvier 2021, B______ SA et C______ SA ont conclu au rejet de la plainte. Elles ont relevé notamment que A______ n'avait pas démontré avoir expédié sa déclaration d'opposition à l'Office le 17 septembre 2020 (la capture d'écran produite par le plaignant attestait de la création d'un fichier Word ce jour-là, mais pas de sa date d'envoi à l'Office). Elles ont par ailleurs conclu à l'allocation de dépens et produit la note d'honoraires intermédiaire de leur conseil pour l'activité déployée du 9 décembre 2020 au 6 janvier 2021.

e. La Chambre de surveillance a procédé à l'audition des parties et de l'Office lors de l'audience du 11 mars 2021. Leurs déclarations ont été reprises ci-avant dans la mesure utile. A cette occasion, B______ SA et C______ SA ont modifié leurs conclusions, en ce sens qu'elles concluaient principalement à l'irrecevabilité de la plainte - celle-ci ayant été formée plus de dix jours après la notification des décisions de l'Office du 24 septembre 2020 - et subsidiairement à son rejet.

f. Dans ses déterminations finales du 13 avril 2021, A______ a conclu à la constatation de la nullité des poursuites nos 1______ et 2______, respectivement à leur annulation. A titre subsidiaire, il a conclu à l'enregistrement de son opposition à ces poursuites, à la constatation de la nullité des décisions de l'Office du 24 septembre 2020, respectivement à leur annulation, ainsi qu'à la constatation de la nullité de tous les actes de poursuite effectués postérieurement à son opposition aux poursuites litigieuses.

Dans leurs déterminations du même jour, B______ SA et C______ SA ont persisté dans leurs conclusions et produit la note d'honoraires intermédiaire de leur conseil pour l'activité déployée du 13 janvier au 13 avril 2021.

g. La cause a été gardée à juger le 30 avril 2021, ce dont les parties ont été avisées le jour même.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent pas être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles la notification d'un commandement de payer ou le refus de tenir compte d'une opposition.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Lorsque la mesure contestée a fait l'objet d'une communication écrite selon l'art. 34 LP, le délai de dix jours commence à courir le lendemain de sa réception effective par le destinataire (art. 142 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP).

1.2.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64 ss LP). La notification d'un commandement de payer fait courir le délai de dix jours pour y former opposition (art. 74 al. 1 LP).

Les règles régissant la notification des actes de poursuite visent à s'assurer qu'un acte produisant des effets juridiques - comme le commandement de payer qui, s'il n'est pas frappé d'opposition, devient un titre d'exécution - est effectivement porté à la connaissance de son destinataire ou d'une personne qui se trouve avec lui dans une relation suffisamment étroite pour que l'on puisse présumer qu'il le lui remettra (JEANNERET/LEMBO, in CR LP, 2005. n. 3 et 22 ad art. 64 LP).

Si, en raison d'un vice de la notification, le commandement de payer n'est pas parvenu en mains du poursuivi, la poursuite est absolument nulle et sa nullité peut et doit être constatée en tout temps (ATF 110 III 9 consid. 2). Si, en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

1.2.2 Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral a promulgué le 16 avril 2020 l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, RS 272.81), par laquelle, se fondant sur le droit de nécessité, il a procédé à des modifications ponctuelles et provisoires de diverses dispositions du droit en vigueur. Afin de tenir compte des difficultés pouvant affecter les canaux par lesquels les actes de poursuite étaient usuellement notifiés, il a en particulier prévu à l'art. 7 de ladite ordonnance une procédure de notification facilitée dérogeant aux art. 64 à 66 LP.

Selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, dans sa teneur applicable jusqu'au 25 septembre 2020, le recours à la notification facilitée est possible aux conditions cumulatives suivantes : lorsqu'une première tentative de notification par la voie ordinaire a échoué ou qu'elle serait d'emblée vouée à l'échec en raison de circonstances particulières (let. a) et lorsque le destinataire a été informé de la notification par communication téléphonique au plus tard le jour précédant la notification ou qu'on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (let. b).

Lorsqu'une notification simplifiée est admissible, elle peut intervenir par tout moyen permettant d'en apporter la preuve, sans que cette preuve doive impliquer la remise d'un reçu (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Une notification intervenant par l'envoi d'un pli A+ satisfait à cette exigence (Commentaire de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, p. 8; Instruction n° 7 du Service Haute surveillance LP du 16 avril 2020 p. 3).

Lorsqu'il est recouru à la notification facilitée pour un commandement de payer, la preuve de la notification au sens de l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural tient lieu de procès-verbal de notification au sens de l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 3 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

1.2.3 Aux termes de l'art. 74 al. 1 LP, le débiteur poursuivi qui entend former opposition doit, verbalement ou par écrit, en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l'Office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer.

L'Office consigne l'opposition formée à un commandement de payer au registre des poursuites (art. 10 § 9 de l'Ordonnance sur les formulaires et registres à employer en matière de poursuite pour dettes et de faillite et sur la comptabilité; Oform, RS 281.31). Avant de transmettre au créancier l'exemplaire de l'acte qui lui est destiné, l'Office se prononce sur la validité de l'opposition. Son examen est formel. Il n'a pas trait au bien-fondé des motifs d'opposition. Il porte sur le respect du délai pour former opposition et sur la clarté de la manifestation de volonté du poursuivi de faire opposition. La décision de l'Office sur la validité de l'opposition n'a aucun effet sur la validité de la créance. Elle peut être portée par voie de plainte devant l'autorité de surveillance. Le délai de plainte court du jour où l'intéressé a connaissance de la décision de l'Office (RUEDIN, in CR LP, 2005, n. 4 à 8 ad art. 76 LP et les références citées).

L'opposition déploie des effets dès qu'elle a été formée, peu importe si et quand elle parvient à l'Office, à moins qu'elle ne soit déclarée non valable par l'Office et, en cas de plainte, par les autorités de surveillance, ou qu'elle soit retirée. L'opposition déploie ses effets aussi longtemps qu'elle n'a pas été écartée par la voie de la procédure ordinaire ou administrative ou par la voie de la mainlevée (art. 79 LP), voire par une plainte contre la prise de position de l'Office sur l'opposition ou son retrait (RUEDIN, op. cit., n. 3-4 ad art. 78 LP).

1.3.1 En l'espèce, les commandements de payer, poursuites nos 1______ et 2______, ont été remis au débiteur par la voie d'une notification facilitée au sens de l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural. Le plaignant soutient que les conditions fixées par cette disposition ne seraient pas réalisées in casu, de telle sorte que la notification de ces actes serait viciée.

Cela étant, le plaignant admet que les commandements de payer ont été remis dans sa boîte-aux-lettres (selon le suivi "Track & Trace", le courrier de l'Office du 9 septembre 2020 a été distribué le 11 septembre 2020) et qu'il en a effectivement pris connaissance le 14 septembre 2020 au plus tard. Il s'est alors adressé à l'Office, par pli simple expédié le 22 septembre 2020 - ainsi qu'en atteste le sceau postal - pour former opposition aux poursuites litigieuses (il n'est en revanche pas établi que le plaignant aurait fait opposition oralement le 17 septembre 2020).

Conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant (consid. 1.2.1), le fait que ces commandements de payer sont parvenus à la connaissance du poursuivi a pour effet d'exclure une éventuelle nullité des poursuites nos 1______ et 2______, la notification de ces actes étant tout au plus annulable en cas de vice l'affectant.

1.3.2 En outre, par décisions du 24 septembre 2020, l'Office a statué sur la validité formelle de l'opposition formée auxdites poursuites et refusé d'en tenir compte, au motif que le délai fixé à l'art. 74 al. 1 LP avait expiré le 21 septembre 2020 (11 septembre 2020 + dix jours).

Ces décisions ont été expédiées au plaignant par plis recommandés du lendemain, avisés pour retrait le 28 septembre 2020 et distribués au guichet de la Poste du E______ le 1er octobre 2020. Cela ressort sans équivoque du suivi postal de ces envois produits par l'Office, étant relevé que le nom du destinataire ("A______"), de même que sa signature, y figurent clairement. Les dénégations du plaignant à ce sujet ne convainquent pas et aucun élément concret ne permet de retenir qu'une erreur (technique et/ou humaine) aurait été commise par la Poste. Le plaignant n'a fourni aucune explication à ce sujet, étant relevé qu'il n'a pas abordé la question dans ses déterminations finales du 13 avril 2021. Au surplus, il n'allègue pas être intervenu auprès de la Poste afin d'élucider les circonstances ayant entouré la distribution de ces envois, pas plus qu'il n'allègue avoir formé une réclamation auprès de la Poste pour se plaindre d'une erreur d'acheminement. Les dénégations du plaignant sont d'autant moins crédibles que la signature figurant sur le suivi postal des envois est semblable à celle figurant sur sa déclaration d'opposition.

Il suit de là que les décisions prononcées par l'Office le 24 septembre 2020 ont été valablement notifiées au plaignant le 1er octobre 2020, avec pour conséquence que le délai de plainte prévu par l'art. 17 al. 2 LP a expiré le lundi 12 octobre 2020. Au surplus, la Chambre de surveillance ne discerne aucun vice formel ou matériel qui affecterait la validité de ces décisions. Le plaignant, qui s'est limité à conclure à la constatation de leur nullité, n'a articulé aucun grief sur ce point.

1.3.3 Adressée le 5 décembre 2020 à la Chambre de céans, la plainte a été formée tardivement. Faute d'avoir été contestées en temps utile, les décisions de l'Office du 24 septembre 2020, lesquelles ont écarté l'opposition formée par le plaignant aux poursuites litigieuses, sont donc entrées en force.

Par conséquent, la plainte est irrecevable en tant que le plaignant reproche à l'Office d'avoir déclaré non-valable sa déclaration d'opposition du 22 septembre 2020, au motif que le délai de l'art. 74 al. 1 LP n'avait pas été respecté.

2.             Dans un second moyen, le plaignant soutient que les poursuites seraient manifestement abusives et donc nulles.

2.1 Il n'appartient ni aux offices des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention est exigée à bon droit ou non; en effet, l'examen du bien-fondé de la prétention faisant l'objet de la poursuite relève exclusivement de la compétence du juge ordinaire (ATF 113 III 2 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3). En revanche, celui qui poursuit son débiteur dans le seul but d'interrompre la prescription ne commet en principe pas d'abus de droit, la notification d'un commandement de payer représentant un moyen légal pour ce faire (art. 135 ch. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 5A_250/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.2 in fine; PETER, Interrompre la prescription par une poursuite, in BlSchK 2018 p. 175 ss, 179 in fine).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs : arrêt du Tribunal fédéral 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de retenir que B______ SA et C______ SA (ci-après : les intimées) auraient agi contre le plaignant dans un but totalement étranger à la procédure d'exécution forcée. Il ressort au contraire des pièces produites que ces sociétés ont engagé des poursuites contre lui aux fins de recouvrer des sommes d'argent qu'elles estiment - à tort ou à raison - leur être due, en lien avec la vente du capital-actions de D______ SA. En effet, les intimées ont récemment saisi le Tribunal de première instance d'une demande en paiement dirigée contre le plaignant, en invoquant les mêmes titres de créances que ceux fondant les poursuites nos 1______ et 2______. Au surplus, conformément aux principes rappelés supra, il n'appartient pas à la Chambre de céans de se prononcer sur l'existence et sur le bien-fondé des prétentions fondant les poursuites concernées, cette question relevant de la seule compétence du juge civil ordinaire.

C'est le lieu de rappeler que l'introduction d'une poursuite constitue une démarche légale et légitime pour faire valoir une prétention pécuniaire, et rien n'interdit à un créancier dont le commandement de payer est périmé d'engager de nouvelles poursuites. L'affirmation du plaignant, selon lequel le but réel des intimées consisterait à le tourmenter délibérément ne trouve pas d'assise dans le dossier. Le fait que les intimées n'ont pas tenté d'obtenir la mainlevée des oppositions formées par le plaignant dans le cadre d'autres poursuites ne suffit pas, en soi, pour admettre une intention de nuire : de nombreuses autres explications sont en effet envisageables, parmi lesquelles une ignorance de la procédure à suivre, les coûts entraînés par le dépôt d'une requête ou d'une demande, ou encore l'espoir d'un paiement spontané.

Dans ces conditions, les poursuites nos 1______ et 2______ U ne consacrent pas un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

3. En définitive, la plainte, tardive, sera déclarée irrecevable.

A toutes fins utiles, la Chambre de céans rappellera que celui qui ne peut plus former opposition à la poursuite, mais qui entend contester l'existence, l'exigibilité ou la quotité de la créance fondant ladite poursuite, conserve la possibilité d'agir, notamment, par le biais de l'action en annulation ou en suspension de cette poursuite (art. 85 et 85a LP), voire, en dernier ressort, par celui de l'action en répétition de l'indu (art. 86 LP).

Ces actions relèvent cependant toutes de la compétence exclusive du juge ordinaire, devant lequel le plaignant sera renvoyé à agir, s'il l'estime opportun.

4. La procédure cantonale de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP).

L'allocation de dépens est par ailleurs exclue en vertu de l'art. 62 al. 2 OELP, de sorte que les conclusions des intimées tendant à cette fin sont irrecevables (arrêt du Tribunal fédéral 7B.118/2003 du 21 juillet 2003 consid. 2.7; 7B.82/2004 du 18 juin 2004 consid. 3.2; 5A_548/2008 du 7 octobre 2008 consid. 3.2).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 5 décembre 2020 par A______ dans le cadre des poursuites nos 1______ et 2______.

Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur
Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.