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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2490/2018

DCSO/467/2018 du 13.09.2018 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.230a.al2; LP.230a.al4; LP.257; LP.140.al3; ORFI.9.al2; OAOF.71
Résumé : Gage immobilier estimation expertise avis spécial liquidation sommaire de la faillite
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2490/2018-CS DCSO/467/18

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 13 SEPTEMBRE 2018

Plainte 17 LP (A/2490/2018-CS) formée en date du 17 juillet 2018 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Cyrille PIGUET, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 14 septembre 2018
à :

- A______

c/o Me PIGUET Cyrille

Rue du Grand-Chêne 8

Case postale 5463

1002 Lausanne.

- Masse en faillite de B______ SA
c/o Office des faillites, n° de faillite 1______.

 

 

 


EN FAIT

A.           a. B______ SA est propriétaire de la parcelle n° 2______ sise ______, commune de C______, d'une surface de 2'573 m2, sur laquelle sont érigées deux villas construites sur trois niveaux.

Cette parcelle est grevée d'un gage immobilier constitué en faveur de la
Banque D______ SA (ci-après : la Banque), suite à un contrat de prêt hypothécaire octroyé en 2012 à B______ SA et à son administrateur, A______, pris solidairement entre eux.

b. Dans le cadre des poursuites nos 3______ et 4______ diligentées contre A______ et B______ SA par la Banque, la valeur vénale de la parcelle n° 2______ été estimée à 17'000'000 fr. par la Chambre de surveillance (DCSO/425/2017 du 24 août 2017, cause A/5______) sur la base d'une expertise réalisée le 16 juin 2017 par E______, architecte. Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

Après avoir décrit la localisation de la parcelle, son environnement et les servitudes l'affectant, l'expert a détaillé les caractéristiques du bien, comportant une maison avec une emprise au sol cadastrée de 226 m 2, diminuée par la suite à 180 m2 ("maison pour les invités") et une nouvelle habitation située au nord de la parcelle ("maison principale"). Il a relevé que les deux maisons étaient très proches l'une de l'autre (un niveau en sous-sol faisant la liaison entre elles) et que la vue présentait une "échappée" sur le lac et une vue sur les parcelles avoisinantes. Les travaux en cours dans les deux villas n'étaient pas terminés et la nouvelle maison n'était pas habitable en l'état.

L'expert a relevé que l'estimation de la valeur vénale de ce type de bien était devenue aléatoire. La clientèle à la recherche de ce type d'objets s'était réduite ces dernières années, de sorte que le prix des terrains avait baissé, en particulier dans les quartiers chics en zone 5 (zone résidentielle destinées aux villas). Il était possible d'indiquer une valeur de remplacement basée sur une estimation intrinsèque. En revanche, l'indication d'une valeur vénale était dépendante de l'intérêt d'un client potentiel. Cet intérêt diminuait fortement pour un objet qui nécessitait encore d'importants travaux, qui se chiffraient à plusieurs millions et prenaient plusieurs mois. Lors de la vente de biens immobiliers de luxe, la valeur subissait une décote importante (20 % à 30 %) par rapport à la valeur vénale ou un prix probable de vente estimé.

La surface habitable était de l'ordre de 560 m2. L'expert a estimé la valeur de remplacement en retenant pour l'ancienne villa un prix au m3 de 1'400 fr. pour la partie habitation au rez-de-chaussée et au premier étage et de 900 fr. pour la partie aménagée au sous-sol, dont il fallait déduire 40 % en raison de la vétusté, des travaux et de la dégradation résultant des locaux inoccupés. En tenant également compte de ces derniers critères pour la nouvelle habitation, il a retenu un prix par m3 de 1'600 fr. pour le rez-de-chaussée et le premier étage, de 1'200 fr. pour la partie aménagée au sous-sol et de 800 fr. pour les locaux techniques et les garages. Le prix du m2 pour le terrain était de 3'700 fr.; ce montant se fondait sur la comparaison avec des transactions immobilières récentes pour des objets similaires se trouvant à proximité, sur la situation et l'orientation du bien ainsi que l'indice d'utilisation du sol. Il résultait de ces paramètres une valeur intrinsèque de 16'990'000 fr.

L'expert a encore précisé que cette estimation n'était valable qu'à la date de l'expertise, dès lors que "[t]oute modification ultérieure d'une donnée, notamment provenant d'une fluctuation du marché, d'une variation du taux hypothécaire ou d'une modification de l'état locatif, a[vait] pour conséquence d'influer sur les montants estimés, ceux-ci [devant] alors impérativement être réactualisés".

c. La faillite de B______ SA a été prononcée le 2 novembre 2017. Faute d'actifs suffisants, cette faillite a été suspendue le 1er février 2018 (art. 230 LP). Aucun créancier n'a payé l'avance de frais requise et, faute d'opposition, la société a été radiée d'office le 15 mai 2018 conformément à l'art. 159 al. 5 let. a ORC.

Le seul actif inventorié dans la faillite de B______ SA est la parcelle n° 2______ sise ______ à C______. Selon le procès-verbal d'inventaire établi le 29 novembre 2017 et contresigné par A______, la valeur de ce bien a été estimée à 12'000'000 fr.

d.a Dès le mois d'octobre 2017, l'Office des poursuites a constaté la présence d'une importante quantité d'eau dans le sous-sol de la villa en construction, ce dont le conseil de A______ et de B______ SA a été informé par courriel du 2 octobre 2017. La Régie H______, chargée de la gérance de l'immeuble, a également relevé que l'intérieur de la villa était "accessible sans effort particulier", ce qui rendait possible "diverses intrusions".

d.b Suite au prononcé de la faillite de B______ SA, l'Office des faillites
(ci-après : l'Office) a entrepris des travaux de pompage au mois d'octobre 2017 afin d'évacuer le volume d'eau présent au sous-sol, soit environ 400 m3. La même opération a dû être répétée en juillet 2018.

d.c Par courrier du 23 mars 2018, la Banque a requis de l'Office qu'il prenne toutes les mesures utiles pour "remédier à cette situation" et éviter que la détérioration du bien immobilier ne se poursuive.

d.d Le 6 avril 2018, la Régie H______ a informé l'Office que l'importante présence d'eau dans la villa ne provenait pas directement du bâtiment, mais était d'origine "environnementale", dès lors que la coupure d'eau générale n'avait pas empêché sa réapparition après l'assèchement des sous-sols réalisé en octobre 2017. Une société de surveillance avait par ailleurs été mandatée pour s'assurer de l'absence de squatteurs.

d.e Au vu des dégâts d'eau survenus dès l'automne 2017, l'Office a mandaté un expert pour procéder à une nouvelle estimation de la parcelle en vue de sa vente aux enchères. Dans son rapport d'expertise du 30 avril 2018, F______, expert immobilier au sein de G______ SA, a estimé à 15'200'000 fr. la valeur vénale de la parcelle, en se basant sur la valeur intrinsèque du bien (valeur du terrain + valeur de remplacement des constructions). A l'instar de l'expert E______, il a procédé à une description détaillée de la parcelle, des servitudes l'affectant, de sa localisation, de son environnement, ainsi que des caractéristiques du bien, y compris les matériaux employés. S'agissant de l'état des bâtiments, l'expert a noté que les travaux étaient inachevés dans les deux villas, ce qui les rendait "inexploitables". En outre, les sous-sols étaient "complètement inondés et en grande partie inaccessibles", de sorte qu'un contrôle des radiers et des structures était nécessaire.

e. Par publications parues dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) les ______, ______ et ______ 2018, l'Office a annoncé la vente aux enchères de la parcelle litigieuse, fixée au 26 septembre 2018, précisé que les conditions de vente, l'état des charges et l'expertise étaient déposés à l'Office et disponibles sur son site internet, où chacun pouvait en prendre connaissance, et indiqué que l'estimation du bien s'élevait à 15'200'000 fr.

B. a. Par acte expédié le 17 juillet 2018 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la valeur d'estimation retenue par l'Office, dont il allègue avoir eu connaissance le 10 juillet 2018. Il a conclu à ce que l'estimation de l'immeuble soit fixée à 17'000'000 fr. et à ce que l'Office procède à de nouvelles publications après avoir modifié le dossier de vente en conséquence.

Le plaignant soutient qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de l'estimation retenue par E______ dans son expertise du 16 juin 2017 et se réfère à quatre expertises privées – déjà produites dans la cause A/5______ – établies en 2011-2012 et estimant la valeur de la parcelle à plus de 30'000'000 fr. Il reproche encore à l'Office de ne pas lui avoir communiqué l'estimation du bien, l'état des charges ainsi que l'intégralité du dossier de vente aux enchères, en violation de l'art 140
al. 2 et 3 LP, ce qui justifiait d'ordonner à l'Office de publier à nouveau dans la FOSC "lesdites communications, avec nouvelles fixations de délais, ce qui pourrait justifier le report de la vente aux enchères".

b. Dans ses observations du 17 août 2018, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, au motif de sa tardiveté et de l'absence d'intérêt pour agir du plaignant. Il a également conclu au rejet de la plainte, en soulignant que l'expertise du 16 juin 2017 avait été réalisée avant que la parcelle ne perde de sa valeur suite aux dégâts d'eau survenus dès l'automne 2017.

c. A______ n'a pas fait usage de son droit de réplique.


 

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP;
125 et 126 al. 1 let. a et al. 2 let. c LOJ) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles que les conditions de vente d'un immeuble (PIOTET, in CR LP, 2005, n. 6 ad art. 134 LP; arrêt du Tribunal fédéral
5A_853/2014 du 23 mars 2015 consid. 6.1.1).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP – condition de recevabilité devant être examinée d'office (GILLIERON, Commentaire LP, n. 140 ad art. 17 LP) – est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3, JT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3). Ainsi, les créanciers ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi. En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable (ATF 139 III 384 consid. 2.1). Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation
(ATF 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a).

1.2. En l'espèce, la plainte respecte la forme écrite et elle est motivée. Elle a par ailleurs été formée dans les dix jours suivant la publication des conditions de vente dans la FOSC du 10 juillet 2018, date à laquelle le plaignant déclare en avoir eu connaissance.

Toutefois, il est douteux que le plaignant, qui n'est pas directement concerné par la procédure de faillite de B______ SA, ait la qualité pour contester, par la voie de la plainte, l'estimation de l'immeuble retenue par l'Office. S'il est naturellement concerné par le résultat de la vente aux enchères, l'obtention d'un prix élevé lui permettant de réduire d'autant sa dette vis-à-vis de la Banque, il n'est en revanche pas matériellement lésé par les effets de la décision querellée, dont la finalité n'est pas de fournir la valeur "la plus élevée possible" de l'immeuble, mais de déterminer sa valeur vénale présumée (cf. infra consid. 3.2).

La question de la recevabilité de la plainte peut toutefois rester indécise, celle-ci étant de toute façon infondée, comme il sera vu ci-après.

2. En l'occurrence, la vente aux enchères prévue le 26 septembre 2018 intervient dans la faillite de B______ SA (et non dans le cadre de la poursuite ordinaire dirigée contre le plaignant, en sa qualité de codébiteur du prêt hypothécaire contracté en 2012). Cette faillite ayant été suspendue faute d'actif, la réalisation forcée de la parcelle litigieuse s'inscrit dans le cadre de la liquidation spécifique prévue à l'art. 230a LP.

2.1 L'art. 230a LP prévoit que, lorsque la masse d'une personne morale en faillite comprend des valeurs grevées de droits de gage et que la faillite a été suspendue faute d'actif, chaque créancier gagiste peut néanmoins exiger de l'office la réalisation de son gage. L'office lui impartit un délai à cet effet (al. 2). Si aucun créancier ne demande la réalisation de son gage dans le délai imparti par l'office, les actifs sont, après déduction des frais, cédés à l'Etat avec les charges qui les grèvent, sans toutefois que celui-ci reprenne la dette personnelle; cette cession n'intervient cependant que si l'autorité cantonale compétente ne la refuse pas
(al. 3). Si l'autorité compétente refuse la cession, l'office procède à la réalisation des actifs (al. 4).

La réalisation prévue à l'art. 230a al. 2 LP constitue une exécution spéciale (réalisation du gage), menée dans le cadre d'une exécution générale (faillite). Le juge de la faillite n'intervient pas dans cette procédure. Seul l'office des faillites est compétent. Les règles de la faillite sont applicables sous réserve des spécificités procédurale de l'art. 230a LP. La procédure sommaire (art. 231 LP) est applicable. Sont appelés à participer à la procédure: les créanciers gagistes, le failli, l'éventuel tiers revendiquant (art. 242 LP) et les personnes faisant valoir un droit réel limité ou un droit personnel annoté sur l'immeuble à réaliser (art. 959 CC) (VOUILLOZ, in CR LP, 2005, n. 25 et 30 ad art. 230a LP). Les règles sur la faillite, en procédure sommaire, sont aussi applicables à la procédure de l'art. 230a al. 4 LP (VOUILLOZ, op. cit., n. 36 ad art. 230a LP).

2.2 Les art. 133 ss LP s'appliquent en cas de réalisation forcée d'un immeuble dans le cadre d'une faillite (art. 258 al. 2 et 259 LP), sous réserve des dispositions particulières de la loi (art. 256 à 260 LP) et de l'ordonnance du 23 avril 1920 sur la réalisation forcée des immeubles (art. 122 ss ORFI) (PIOTET, in CR LP, 2005, n. 11 ad intro. art. 133-143b LP).

Les art. 134 à 137 et 143 LP sont également applicables en procédure sommaire (sauf le délai de l'art. 136 al. 1 LP qui est réduit à trois mois, conformément à l'art. 96 lit. b OAOF), de même que les art. 256 à 260 LP (VOUILLOZ, op. cit., n. 34
ad art. 231 LP).

3. Le plaignant reproche à l'Office d'avoir estimé la valeur de la parcelle concernée à 15'200'000 fr., alors que la Chambre de surveillance avait estimé cette même valeur à 17'000'000 fr. dans la cause A/5______.

3.1 Dans le cadre d'une poursuite ordinaire, la loi prescrit qu'un immeuble doit être estimé à deux reprises avant sa réalisation : une fois au moment de la saisie (art. 97 al. 1 LP et 9 al. 1 ORFI) et une fois, après réception de la réquisition de vente, avant sa réalisation (art. 140 al. 3 LP et 44 ORFI).

Aux termes de l'art. 9 ORFI, l'estimation doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble et de ses accessoires, sans égard au montant de la taxe cadastrale ou de la taxe de l'assurance contre l'incendie (al. 1). Dans le délai de plainte, chacun des intéressés a le droit d'exiger, en s'adressant à l'autorité de surveillance et moyennant avance des frais, qu'une nouvelle estimation soit faite par des experts (al. 2).

3.2 L'estimation de l'immeuble à réaliser ne donne aucune indication quant au prix de vente qui sera effectivement obtenu lors des enchères; tout au plus donne-t-elle aux intéressés un point de repère à propos de l'offre défendable. C'est pourquoi l'estimation ne doit pas être "la plus élevée possible", mais doit déterminer la valeur vénale présumée de l'immeuble. Elle doit tenir compte des facteurs pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur de l'immeuble, comme son état, sa situation, son éventuelle pollution, l'existence de contrats de baux, etc. (ZOPFI,
in Commentaire ORFI, 2012, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse [éd.], n. 1 à 4 ad art. 9 ORFI).

La loi n'indique pas la méthode à suivre pour procéder à l'estimation de cette valeur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_275/2013 du 12 juin 2013 consid. 5.1.1). Il s'agit d'une question d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 7B.131/2006 du
20 novembre 2006 consid. 1). L'autorité appelée à estimer la valeur de l'immeuble ne commet un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation que si elle retient des critères inappropriés ou ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou si elle rend une décision déraisonnable ou contraire au bon sens (arrêt 7B.131/2006 précité consid. 1; ATF 134 III 42 consid. 3).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'office de même que, sur demande de nouvelle expertise, l'autorité de surveillance, s'en remettent en principe à l'avis d'un expert, pour autant que cet avis soit dûment motivé (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b).

3.3 Dans la procédure en réalisation de gage immobilier, l'office n'opère en principe qu'une seule estimation de l'immeuble, à la suite du dépôt de la réquisition de vente (art. 155 al. 1 LP renvoyant à l'art. 97 LP; 99 al. 1 ORFI), les intéressés ayant la faculté d'en requérir une nouvelle dans le délai de plainte
(art. 99 al. 2 ORFI). A la différence de la poursuite par voie de saisie, il n'existe pas un droit inconditionnel à une deuxième expertise et à la révision de celle-ci par des experts (arrêts du Tribunal fédéral 5A_45/2015 du 20 avril 2015 consid. 3.1.2, 5A_792/2013 du 10 février 2014 consid. 3.1; ATF 134 III 42 consid. 3;
120 III 135 consid. 2 : "kein Anspruch auf eine Oberexpertise").

La règle selon laquelle les intéressés n'ont droit à obtenir qu'une seule estimation par un expert vise à éviter que, par des requêtes réitérées d'une nouvelle estimation, la procédure de réalisation forcée ne soit indûment traînée en longueur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_275/2013 du 12 juin 2013 consid. 5.1.2).

3.4 Finalement, il n'y a pas lieu à une seconde estimation au sens de l'art. 9 al. 2 ORFI en procédure sommaire de faillite, qui doit être la plus simple et la plus rapide possible, surtout lorsque l'estimation de l'office repose sur des critères d'estimation objectifs (ATF 114 III 29, JT 1990 II 147 consid. 3e). Au demeurant, l'art. 9 al. 2 ORFI est inapplicable dans la procédure de poursuite par voie de faillite, dès lors que les art. 122 ss ORFI n'y renvoient pas (VOUILLOZ, op. cit.,
n. 34 ad art. 231 LP et la référence).

3.5 En l'espèce, le plaignant soutient que l'estimation de l'Office est "erronée" du seul fait qu'elle est inférieure à la valeur de 17'000'000 fr. retenue par la Chambre de céans dans la cause A/5______.

Il ne conteste toutefois pas la survenance d'importants dégâts d'eau à partir du mois d'octobre 2017 – soit postérieurement à l'expertise du 16 juin 2017 –, dont l'origine est indéterminée à ce jour et dont l'ampleur a rendu les deux villas "inexploitables". Or, l'expérience générale de la vie enseigne que de telles circonstances – objectives – ont pour effet de diminuer sensiblement la valeur vénale d'un bien immobilier de très haut standing. L'expert E______ a d'ailleurs souligné que la clientèle à la recherche de ce type d'objet s'était fortement réduite ces dernières années, entraînant une baisse importante des prix des terrains, en particulier dans les quartiers chics en zone résidentielle destinées aux villas, et que "toute modification ultérieure d'une donnée" influençait les montants estimés, de telle sorte qu'il était impératif de les réactualiser.

Dans ce contexte, il ne saurait être reproché à l'Office d'avoir sollicité une nouvelle estimation de l'immeuble. S'agissant des mérites de l'expertise du
30 avril 2018, celle-ci fournit une présentation détaillée de la parcelle et des servitudes l'affectant, de sa localisation, de son environnement, ainsi que des caractéristiques des villas qui y sont érigées. En outre, la méthode de calcul appliquée est la même que celle préconisée par l'expert E______, la valeur vénale ayant été estimée sur la base de la valeur intrinsèque du bien. Les données foncières et physiques sur lesquelles le second expert a fondé son appréciation sont pour l'essentiel similaires à celles retenues par le premier expert. Au surplus, la différence (10,58 %) entre les deux estimations ne paraît pas insolite compte tenu des détériorations subies par les villas suite aux inondations et des prix fluctuants pratiqués sur le marché de l'immobilier de luxe. L'expertise la plus récente n'est donc pas critiquable en tant qu'elle retient une estimation inférieure à celle initialement retenue par la Chambre de céans.

Il résulte des éléments qui précèdent que l'expertise du 30 avril 2018, qui se fonde sur des critères d'estimation objectifs, ne souffre d'aucun vice et qu'il n'y a pas lieu de s'en écarter.

La plainte est donc infondée sur ce point.

4. Sur le plan formel, le plaignant reproche à l'Office de ne pas lui avoir communiqué l'estimation du bien, l'état des charges et le dossier de vente aux enchères, ce qui consacre selon lui une violation de l'art 140 al. 2 et 3 LP.

4.1 L'art. 257 LP règle la publication de la vente aux enchères dans la faillite. Selon cette disposition, la publication indique le lieu, le jour et l'heure des enchères (al. 1). S'il s'agit de réaliser des immeubles, la publication a lieu au moins un mois à l'avance et indique le jour à partir duquel les conditions d'enchères pourront être consultées à l'office (al. 2). Chaque créancier hypothécaire recevra un exemplaire de la publication et sera avisé en même temps du prix d'estimation (al. 3).

En vertu de l'art. 71 de l'ordonnance du 13 juillet 1911 sur l'administration des offices des faillites (OAOF), l'exemplaire de publication prévu à l'art. 257 LP doit être remis non seulement aux porteurs de créances hypothécaires, mais encore aux tiers auxquels ces créances auraient été mises en gage (i.e. aux titulaires d'un gage mobilier grevant une cédule hypothécaire ou la créance garantie par hypothèque; cf. art. 40 al. 1 OAOF). Selon la doctrine, le failli devrait également recevoir l'avis spécial visé par l'art. 257 al. 3 LP (FOEX, in CR LP, 2005, n. 11 ad art. 257 LP). Un avis doit en outre être adressé aux titulaires de droits de préemption légaux selon l'art. 682 CC, de même qu'aux membres de la communauté en cas de vente aux enchères d'une part de communauté (FOEX, op. cit., n. 16 ad art. 257 LP).

L'art. 259 LP détermine de façon succincte le régime juridique applicable aux conditions d'enchères dans la faillite, en renvoyant aux art. 128, 129, 132a, 134 à 137 et 143 LP, applicables par analogie. Selon GILLIERON, l'art 140 al. 3 LP – qui prévoit que "le préposé fait procéder, en outre, à une estimation de l'immeuble et en communique le résultat aux intéressés" – est également applicable à la faillite (GILLIERON, op. cit., n. 3 ad art. 259 LP).

Les "intéressés" visés par l'art. 140 al. 3 LP sont tous les créanciers au profit desquels l'immeuble a été saisi, le débiteur poursuivi, les créanciers gagistes et les titulaires de droits annotés (art. 37 al. 1 et 73d ORFI), ainsi qu'un éventuel tiers revendiquant un accessoire (art. 38 al. 2 ORFI) (PIOTET, op. cit., n. 11 ad art. 140 LP).

4.2 En l'espèce, le plaignant se prévaut exclusivement de sa qualité de codébiteur de la société faillie vis-à-vis de la Banque. Il ne soutient pas être un créancier gagiste, respectivement le titulaire d'un droit de préemption légal ou d'un droit personnel annoté sur l'immeuble concerné (dont il n'est pas copropriétaire ou usufruitier), pas plus qu'il ne prétend bénéficier d'un gage mobilier sur une créance garantie par hypothèque.

Le plaignant n'est donc pas l'une des personnes désignées par la loi comme destinataire des avis spéciaux prévus aux 257 al. 3 et 140 al. 3 LP. A cela s'ajoute qu'il a pu avoir une connaissance sûre, précise et complète des indications et sommations que comporte la publication des enchères, de sorte qu'il ne fait valoir aucun intérêt digne de protection justifiant d'annuler les enchères litigieuses
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_45/2015 du 20 avril 2015 consid. 3.1.3, concernant l'avis spécial de l'art. 139 LP).

Il suit de là que la plainte est également mal fondée sur ce point.

5. Eu égard aux considérations qui précèdent, la plainte sera rejetée, dans la mesure de sa recevabilité.

6. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP ; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 17 juillet 2018 par
A______ contre l'estimation de la parcelle n°2______ (commune de C______) figurant dans les conditions de vente aux enchères parues dans la FOSC du ______ 2018.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Christian CHAVAZ, juges assesseur(e)s; Madame Sylvie SCHNEWLIN, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Sylvie SCHNEWLIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.