Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2473/2024

JTAPI/341/2025 du 27.03.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2473/2024 ICCIFD

JTAPI/341/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mars 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Madame A______ (ci-après : la contribuable) exploite une entreprise individuelle à l’enseigne B______ depuis décembre 2019. Le siège social se trouve à Genève.

2.             Le 19 janvier 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) a établi les bordereaux de taxation d’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) de la contribuable pour l’année fiscale 2022. Ces bordereaux ont été expédiés sous pli simple et portaient la mention « date de notification : 30 janvier 2024 ».

3.             L’ICC 2022 s’élevait à CHF 8'021.- et l’IFD 2022 à CHF 1'453.-. Les avis de taxation figurant en annexe faisaient état d’un bénéfice net de CHF 106'866.-.

4.             Il était indiqué au dos des bordereaux ICC et IFD, sous l’intitulé « Dispositions légales », qu’une éventuelle réclamation à l’encontre de la taxation devait faire l’objet d’une réclamation écrite adressée à l’AFC-GE dans les 30 jours suivant la notification des bordereaux.

5.             Par courrier daté du 21 mars 2024 et parvenu à l’AFC-GE le lendemain, la contribuable a sollicité la rectification des bordereaux susmentionnés au motif que son compte de pertes et profits de l’exercice 2022 faisait état d’un résultat avant impôt de CHF 65'340.- et non de CHF 106'866.- comme retenu par l’AFC-GE.

6.             Par décision sur réclamation du 25 juin 2024, l’AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

7.             Par acte daté du 22 juillet 2024 et parvenu au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le lendemain, la contribuable a recouru contre la décision susmentionnée, avec suite de frais, en persistant dans les explications et conclusions contenues dans sa réclamation.

Elle avait reçu ses bordereaux ICC et IFD 2022 quatre mois après avoir déposé sa déclaration d’impôt, soit le 19 janvier 2024 et avait déposé sa réclamation le 21 mars 2024 ; celle-ci avait été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté. Elle ignorait toutefois que les bordereaux devaient être contestés dans un délai de 30 jours dès lors que ce délai « n’était pas indiqué dans l’avis de taxation ». Elle souffrait en outre de divers problèmes de santé, en particulier de troubles de la mémoire et de la concentration, suite à un grave accident du travail survenu au mois d’avril 2020, lors duquel sa main droite avait été amputée. Ces troubles étaient causés par l’overdose de morphine consécutive à son accident. Elle s’efforçait néanmoins d’accomplir ses tâches administratives avec rigueur.

Le montant réclamé par l’AFC-GE pour la période fiscale 2022 mettait son entreprise en difficultés. Il en résultait également un important rappel de cotisations AVS pour l’année en question. Or, elle était déjà débitrice de plusieurs crédits et son établissement faisait face à une baisse de fréquentation.

Elle a produit les documents médicaux suivants :

-          Un avis de sortie établi par l’unité de chirurgie de la main des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 28 avril 2020, à teneur duquel elle avait subi, en date du 5 avril 2020, une amputation pluri-digitale de la main droite avec décompensation psychiatrique transitoire. Elle avait séjourné aux HUG jusqu’au 28 avril 2020 et bénéficié d’un suivi auprès du service de psychiatrie de liaison après sa sortie.

-          Un certificat médical établi le 3 janvier 2024 par le Dr C______, médecin psychiatre, faisant état d’une incapacité de travail totale du 1er janvier au 31 janvier 2024.

-          Un rapport médical établi le 15 janvier 2024 par ce même médecin, à teneur duquel elle présentait un traumatisme psycho-physique grave à la suite de l’accident subi en avril 2020. Ce traumatisme s’exprimait notamment par des idées suicidaires, des troubles de mémoire et des troubles « au niveau du pragmatisme ». Elle présentait actuellement des limitations d’ordre pathologique, cognitif, affectif et relationnelles, qui impactaient totalement sa capacité à travailler dans son métier ou dans une autre activité adaptée. Elle bénéficiait d’un suivi psychothérapeutique hebdomadaire et d’un traitement médicamenteux sous forme de somnifères, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs.

-          Des rapports médicaux d’un institut de radiologie datés des 23 février 2024 et 20 mars 2024, à teneur desquels elle avait subi des radiographies des deux pieds, de la colonne vertébrale et des membres inférieurs ainsi que des IRM lombaire et du coude gauche, faisant état d’une petite hernie discale, d’une épicondylite et d’une synovite.

-          Des prescriptions de physiothérapie du 27 février 2024 en lien avec les affections susmentionnées.

-          Un certificat médical établi le 21 mars 2024 par le Dr D______, médecin généraliste, à teneur duquel elle présentait, suite à l’accident subi en 2020, un trouble anxieux dépressif, lequel avait « dénié sa persévérance à travailler malgré plusieurs tentatives de réadaptation. ». Compte tenu des suivis psychiatrique et orthopédique en cours, une « rente partielle » avait été sollicitée afin de poursuivre la réadaptation et de l'aider à surmonter ses anxiétés.

8.             Aux termes de ses observations du 20 août 2024, l’AFC-GE s’est prévalue de la tardiveté de la réclamation formée par la contribuable, qui n’avait invoqué aucun motif sérieux permettant de justifier son retard.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Lorsque – comme en l’espèce – les décisions sur réclamation sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

4.             Au vu de cette jurisprudence, il convient dans la présente affaire de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation avait été déposée tardivement.

5.             A teneur des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Le délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si le recours est remis à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD ; art. 41 al. 1 LPFisc).

Le fardeau de la preuve de la notification incombe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2). En l'absence d'envoi recommandé, la preuve de la notification d'un acte peut résulter de l'ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l'absence de protestation de la part d'une personne qui reçoit des rappels (ATF 142 IV 125 consid. 4.3 ; 136 V 295 consid. 5.9).

Dans des cas d’envoi de décision sous pli simple, lorsque le contribuable ne conteste pas avoir reçu la décision peu de temps après sa date d'expédition, ni n’allègue ne l’avoir jamais reçue, on admet que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 consid. 10 ; ATA/687/2017 du 20 juin 2017consid. 6c).

6.             Une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 133 al. 3 LIFD, 41 al. 3 LPFisc).

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 7.2), la maladie ou l’accident peuvent, à titre d’exemples, être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d’un délai, s’ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l’impossibilité d’agir par soi-même ou de charger une tierce personne d’agir en son nom dans le délai.

Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc, 119 al. 1 LIFD et 16 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos de sorte que la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/85/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3 et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

7.             En l’espèce, la date exacte à laquelle la recourante a reçu ses bordereaux ICC/IFD 2022 – datés 19 janvier 2024 – ne peut être précisément déterminée dans la mesure où l’AFC-GE a choisi de les lui communiquer par pli simple. La mention d’une « date de notification : 30 janvier 2024 » sur ces bordereaux ne constitue notamment pas une preuve de leur remise effective à la recourante à la date précitée.

Cela étant, la recourante n’a pas contesté avoir reçu les bordereaux précités peu de temps après leur expédition. Elle a au contraire mentionné dans son recours que ceux-ci lui étaient parvenus le 19 janvier 2024.

Il est dès lors établi que le délai de réclamation de 30 jours prévu par les art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD avait largement expiré lorsque la recourante a adressé sa réclamation à l’AFC-GE le 21 mars 2024.

8.             Les motifs invoqués par la recourante ne permettent pas de procéder à une restitution du délai de réclamation au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc.

L’intéressée ne saurait tout d’abord être suivie lorsqu’elle fait valoir que le délai de réclamation de 30 jours n’était pas mentionné sur l’avis de taxation. Le délai de réclamation à l’encontre des bordereaux d’imposition figure en effet clairement au dos de ces derniers, sous l’intitulé « Dispositions légales ». Il y est indiqué que la réclamation « à l’encontre la taxation » doit être formée dans les 30 jours. La recourante pouvait dès lors aisément comprendre, à la lecture de cette disposition, que le délai de réclamation mentionné sur les bordereaux querellés s’appliquait notamment pour contester un élément apparaissant dans les avis de taxation qui se trouvaient en annexe, comme en l’espèce le bénéfice net de l’activité indépendante. Le grief est dès lors infondé.

9.             S’agissant des problèmes de santé dont se prévaut la recourante, en particulier ses troubles de la mémoire et de la concentration, force est de constater que ceux-ci ne permettent pas de justifier un empêchement au sens des dispositions légales précitées.

Il appert tout d’abord qu’en dépit des limitations mentionnées dans le rapport médical du Dr C______, la recourante est parvenue à poursuivre, à tout le moins partiellement, son activité indépendante depuis l’accident qu’elle a subi en 2020. Il n’est dès lors pas établi qu’elle ait été incapable, durant toutes ces années, de gérer ses affaires administratives et de prendre les dispositions nécessaires pour faire valoir ses droits dans les délais prescrits.

À cela s’ajoute que les limitations qui ressortent du rapport médical du Dr C______ sont connues de la recourante de longue date. Or, l’intéressée n’a prétendu à aucun moment qu’elle aurait été dans l’incapacité de prendre les dispositions nécessaires pour garantir un suivi régulier de ses affaires durant les périodes où, par hypothèse, elle ne serait passagèrement pas en mesure de le faire elle-même, en mandatant notamment un tiers pour entreprendre certaines démarches à sa place.

Le certificat médical du 3 janvier 2024 du Dr C______ fait enfin état d’une incapacité de travail totale de la recourante, laquelle a toutefois pris fin le 31 janvier 2024. À supposer que la recourante ait été dans l’incapacité d’effectuer une quelconque tâche administrative durant cette période - ce qui ne ressort pas du certificat en cause -, il lui restait à tout le moins 19 jours pour déposer une réclamation à l’encontre des bordereaux litigieux, le délai pour ce faire ayant expiré au plus tôt le 19 février 2024 (art. 41 al. 1 LPFisc). Or, un tel délai était suffisant pour prendre connaissance desdits bordereaux et les contester, étant précisé que le grief soulevé par la recourante ne présentait aucune difficulté particulière.

Les rapports de radiologie des 23 février 2024 et 20 mars 2024 ne mentionnant, pour leur part, aucune limitation de la capacité de travail de la recourante, ils ne permettent pas non plus de justifier une restitution de délai pour élever réclamation.

10.         Il sera encore relevé à toutes fins utiles qu’au vu de la jurisprudence du tribunal (cf. JTAPI/889/2024 du 9 septembre 2024 consid. 9 et les références citées), il n’incombait pas à l’AFC-GE de traiter le courrier de la recourante du 21 mars 2024 comme une demande de reconsidération de la taxation entreprise. La recourante a en effet expédié le courrier précité seulement un mois après l’échéance du délai de 30 jours pour élever réclamation contre les bordereaux litigieux. Il résulte en outre clairement de son recours qu’elle souhaite obtenir une restitution du délai de réclamation et non former une demande de reconsidération.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, sera condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 200.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2024 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 25 juin 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 200.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 500.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Stéphane TANNER et Federico ABRAR, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière