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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2781/2024

JTAPI/334/2025 du 31.03.2025 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : INTÉRÊT MORATOIRE;INTÉRÊT(FRUIT CIVIL)
Normes : LIFD.164.al1; LPGIP.14
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2781/2024 ICCIFD

JTAPI/334/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur B______ a été salarié de l'Union européenne de radio-télévision (ci-après : C______) jusqu'au 30 avril 2017. En tant que membre du personnel de nationalité étrangère, il bénéficiait d’une exonération de 30 % de son salaire brut, selon un accord passé le 22 octobre 1993 entre l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) et l’C______.

2.             Son épouse, Madame A______, a été l’unique associée-gérante de la société D______ Sàrl, inscrite au registre du commerce du canton de Tessin.

3.             Le ______ 2017, cette société a été inscrite au registre du commerce de Genève (ci-après : RC).

4.             Le 7 mars 2017, le contribuable a créé une entreprise individuelle de consultant.

5.             Le 30 avril 2017, le contribuable a cessé son activité salariée auprès de l’C______. Les précités ont toutefois conclu un « Freelancer Agreement », selon lequel le contribuable devait continuer à fournir ses prestations, en tant que « Freelancer », dès le 1er mai 2017 et jusqu’au 31 décembre 2017.

6.             Le 9 mai 2017, le contribuable a retiré son avoir de la prévoyance professionnelle (2ème pilier), soit une somme de CHF 367’029.-.

7.             Le 26 juillet 2017, le contribuable est devenu l’associé-gérant, avec signature individuelle, de D______ Sàrl, son épouse lui ayant cédé ses parts dans cette société.

8.             Jusqu’au 30 septembre 2017, le contribuable a facturé à l’C______ ses prestations de consultant en tant qu’indépendant, puis, dès cette date, via D______ Sàrl.

Selon ses comptes d’indépendant pour la période du 7 mars au 30 septembre 2017, date de la cession de son activité indépendante, le contribuable a encaissé des honoraires pour un total de CHF 30'314.-.

9.             Le 12 mars 2018, les époux ont déposé leur déclaration fiscale 2017, indiquant une fortune brute de CHF 1'353'200.- et un revenu brut de CHF 157'782.-.

10.         Le 8 avril 2018, les contribuables ont notamment indiqué à l'AFC-GE avoir « besoin » qu’elle les taxe « au plus vite ».

11.         Le 21 septembre 2018, l'AFC-GE a adressé aux contribuables une demande de renseignements, à laquelle ils ont donnée suite en octobre 2018.

12.         Par bordereaux du 22 novembre 2018, l'AFC-GE les a taxés sur la base de revenus totalisant CHF 423'538.- (ICC) et CHF 404'300.- (IFD) et selon le barème prévu pour les personnes mariées. Ce faisant, elle a refusé de reconnaitre au contribuable le statut d’indépendant, lui reprochant d’y avoir recouru uniquement afin de pouvoir retirer son capital de prévoyance, et a, en conséquence, imposé cette prestation de manière ordinaire.

13.         Le 19 décembre 2018, les époux ont formé réclamation contre ces taxations, contestant l’imposition ordinaire du capital de prévoyance, celui-ci ayant servi au lancement et au développement de l’activité indépendante du contribuable, ainsi que le refus de l'AFC-GE d’admettre entièrement les frais professionnels et de formation revendiqués dans leur déclaration fiscale 2017.

L’employeur du contribuable ayant besoin de ce dernier au-delà du 30 avril 2017, les parties avaient signé un accord, à titre de freelance, pour la période du 1er mai au 31 décembre 2017, et ce pour quatre projets à terminer d’ici là, les frais y relatifs étant remboursés au contribuable.

14.         Le 25 octobre 2021, l'AFC-GE a notamment demandé aux contribuables de lui remettre des justificatifs attestant de l’utilisation du capital de prévoyance pour la création de l’activité indépendante du contribuable.

15.         Le 10 janvier 2022, les contribuables ont donnée suite à cette requête.

16.         Le 20 septembre 2023, l'AFC-GE les a invités à un entretien dans ses locaux, lequel a eu lieu le 3 octobre suivant.

17.         Par courriel du 12 novembre 2023, les contribuables ont requis de l'AFC-GE un compte-rendu de leur entretien.

18.         Par courrier du 15 novembre 2023, l'AFC-GE a expliqué au contribuable pour quels motifs elle ne reconnaissait pas l’existence de son activité indépendante.

19.         Donnant suite à ce courrier, par lettre du 10 décembre 2023, le contribuable a contesté la position de l'AFC-GE.

20.         Par décisions du 11 mars 2024, l'AFC-GE a admis partiellement la réclamation, en ce sens que les frais professionnels et de formation litigieux étaient admis en déduction, la rejetant pour le surplus.

L'activité indépendante n'était pas reconnue comme étant effective et le capital de prévoyance retiré était considéré comme un revenu imposable. Le contribuable n’avait en effet déployé son activité qu’à travers D______ Sàrl. Quant à la raison individuelle, elle n’avait été créée que pour pouvoir retirer son avoir de prévoyance, possibilité que n’offrait pas une activité exercée sous forme d’une Sàrl. Les charges et les honoraires ne concernaient pas l'exercice d'une activité indépendante, ce pour des raisons suivantes :

-          l’activité indépendante n’avait pas été inscrite au RC et n’avait duré que six mois ;

-          il n’existait aucune preuve d'encaissement provenant d'une activité indépendante ;

-          les honoraires encaissés par le contribuable provenaient d'un rapport de subordination avec son ancien employeur, qui était son seul client ;

-          aucun investissement important dans la raison individuelle n’avait été effectué ;

-          toutes les démarches publicitaires avaient été entreprises « pour l'image de la société anonyme à venir » (recte : de la société D______ Sàrl) ;

-          cette dernière avait été créée juste après l'encaissement du 2ème pilier ;

-          le contribuable n’employait pas de personnel et ne déterminait pas librement ses modalités de travail, mais selon le contrat qu’il avait conclu avec son ex-employeur ;

-          les charges constituaient « les frais d'établissement » de la Sàrl.

Pour le surplus, l'entreprise individuelle avait versé au contribuable une somme de CHF 129'848.-, sur un total de dépenses de CHF 235'116.-. L’entier de ces dépenses pouvait être considéré comme des frais de préparation de l'activité de D______ Sàrl (recherches de mandats et réseautage).

En annexe de ces décisions, étaient joints les bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2017, qui faisaient notamment état d’intérêts compensatoires négatifs de CHF 10'625,55 (en ICC) et d’intérêts moratoires négatifs de CHF 4'056,60 (en IFD).

21.         Par courrier du 2 avril 2024, les contribuables ont demandé à l'AFC-GE d’annuler les intérêts précités, en se prévalant notamment de leur bonne collaboration tout au long de la procédure.

Pour le surplus, dans la mesure où l'AFC-GE considérait que le contribuable était demeuré dans un rapport de subordination avec son ex-employeur, il fallait alors appliquer l’accord qu’elle avait passé avec ce dernier en 1993, selon lequel ses revenus étaient exonérés d’impôt à concurrence de 30 %. Cette réduction devait donc être appliquée également à la prestation de prévoyance, puisque l'AFC-GE l’avait imposée comme du revenu de l’activité dépendante.

22.         Par courrier du 8 juillet 2024, les contribuables ont notamment indiqué à l'AFC-GE être « en attente d’une prise de position » et espérer qu’elle leur communiquerait une décision « prochainement ».

23.         Le 17 juillet 2024, l'AFC-GE a rendu des (nouvelles) décisions sur réclamation admettant partiellement la réclamation des contribuable « déposée » le 12 juillet 2024.

La réduction de 30 % était admise sur les revenus qui étaient requalifiés en salaires (CHF 134'096.-), mais non sur le capital de la prévoyance (CHF 367'029.-). En conséquence, les intérêts compensatoires négatifs (ICC) et les intérêts moratoires négatifs (IFD) étaient ramenés à, respectivement, CHF 10'081,45 et CHF 3'864,90.

24.         Par acte du 28 août 2024, les époux ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à leur annulation, en ce sens que les intérêts compensatoires et moratoires négatifs n’étaient pas dus et que la prestation de prévoyance de CHF 367'029.- était exonérée d’impôt à concurrence de 30 %. Préalablement, ils ont requis la production par l'AFC-GE de leur dossier fiscal « complet ».

En mai 2017, le contribuable avait retiré son avoir de prévoyance aux fins de son activité indépendante, comme il l’avait fait en 2011 déjà, afin d’acquérir un bien immobilier en France. Il avait exercé cette activité « auprès de » l’C______, conformément au « contrat de consulting » qu’il avait conclu avec cette dernière.

Le traitement de leur dossier par l'AFC-GE avait été extrêmement long, à savoir sept années. Ainsi, des intérêts s’étaient accumulés pour atteindre pratiquement 14 % des impôts dus. Cela n’était pas dû à leur faute, ni à leur mauvaise foi quant au calcul de leurs acomptes provisionnels, étant donné qu’ils étaient légitimés à considérer que le contribuable avait débuté une activité indépendante dès avril 2017, mais était entièrement imputable à la lenteur de l'AFC-GE qui avait, au surplus, commis des erreurs dans leur taxation.

Pour le surplus, l'AFC-GE aurait dû accorder le rabais de 30 % sur le capital de prévoyance, puisqu’elle le considérait comme revenu salarial.

25.         Dans sa réponse du 18 novembre 2024, accompagnée du dossier des recourants, l'AFC-GE a accepté d’appliquer ledit rabais également sur le capital de prévoyance, concluant au rejet du recours pour le surplus.

Sur la base du ruling qu’elle avait conclu avec l’C______, une exonération de 30 % était accordée sur le capital de prévoyance de CHF 367'029.- ainsi que sur les revenus réalisés entre le 1er janvier et le 30 septembre 2017 (CHF 124'248.- au total).

Quant aux intérêts dus, ils découlaient de l'insuffisance des acomptes provisionnels que les recourants avaient versés pour l'année fiscale litigieuse. Ils avaient pourtant tout loisir de procéder à des versements pour alimenter leurs comptes d'impôts avant le terme général d'échéance. S'ils jugeaient qu’elle tardait trop à examiner leur dossier, il leur appartenait de l'interpeller formellement, pour s'inquiéter de l'avancement de la taxation, et de l'enjoindre à statuer, ce qu’ils n'avaient jamais fait.

26.         Le 20 novembre 2024, le tribunal a transmis aux recourants la réponse de l'AFC-GE et les a invités à consulter leur dossier d’ici au 11 décembre 2024. Au vu du dossier, ils ne l’ont pas fait.

27.         Dans leur réplique du 9 décembre 2024, les recourants ont indiqué être pleinement satisfaits de la réponse de l'AFC-GE quant au rabais de 30 % sur le capital de prévoyance. Pour le surplus, ils ont repris leur argumentation précédente relative aux intérêts.

28.         Par duplique du 18 décembre 2024, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Tout d’abord, il faut constater que la conclusion préalable des recourants, tendant à ce que l'AFC-GE produise leur dossier « complet », n’a plus d’objet, ledit dossier ayant été transmis au tribunal, ce dont ils ont été informés, avec un délai imparti pour sa consultation.

4.             Au fond, dans la mesure où dans sa réponse l'AFC-GE a accepté d’exonérer d’impôt la prestation en capital de CHF 367'029.-, à concurrence de 30 %, ce dont il lui sera donné acte, cette première question n’est plus litigieuse.

5.             Pour le surplus, les recourants concluent à l’annulation des intérêts que leur réclame l'AFC-GE, soutenant qu’elle en est seule responsable, en particulier en raison de sa lenteur à les taxer.

6.             En droit fédéral, l’IFD est perçu sur la base de la taxation. Lorsque celle-ci n’est pas encore effectuée au terme d’échéance, l’impôt est perçu à titre provisoire. Il est fixé sur la base de la déclaration ou sur celle de la taxation précédente ou encore selon une estimation du montant dû (art. 162 al. 1 LIFD). Les impôts perçus à titre provisoire sont imputés sur les impôts dus selon la taxation définitive (art. 162 al. 2 LIFD). Si les montants perçus sont insuffisants, la différence est exigée ; les montants perçus en trop sont restitués. Le département fédéral des finances (ci-après : DFF) arrête les conditions auxquelles ces montants portent intérêt.

Selon l’art. 163 al. 1 1ère phr. LIFD, les impôts doivent être acquittés dans les trente jours suivant l’échéance. Le débiteur de l’impôt qui n’a pas acquitté les montants dus dans les délais doit verser un intérêt moratoire fixé par le DFF (art. 164 al. 1 LIFD).

En application de ces dispositions, le DFF a édicté l’ordonnance sur l’échéance et les intérêts en matière d’IFD du 10 décembre 1992 (RS 642.124). Celle-ci dispose que le terme général d’échéance est fixé au 1er mars de l’année civile qui suit l’année fiscale et qu’un bordereau définitif ou provisoire est établi pour ce terme d’échéance, conformément à l’art. 162 al. 1 LIFD (art. 1 al. 1) et qu’un intérêt moratoire commence à courir trente jours après la notification du bordereau définitif ou provisoire (art. 3 al. 1 let. a).

Ainsi, l’obligation de payer des intérêts débute sans sommation trente jours après l’échéance de l’impôt lorsqu’il a fait l’objet d’un bordereau définitif ou provisoire (Pierre CURCHOD, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, art. 164, § 3, p. 1890).

7.             En droit cantonal, l’art. 14 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18) prévoit des intérêts compensatoires négatifs.

Durant la période fiscale, les impôts cantonaux et communaux annuels sur le revenu et la fortune des personnes physiques sont perçus à titre provisoire, sous forme d’acomptes (art. 4 al. 1 et 5 al. 1 LPGIP). Un intérêt moratoire est perçu sur les acomptes payés tardivement ou impayés en totalité ou en partie (art. 9 al. 1 LPGIP), lequel court dès l’expiration du délai de paiement de l’acompte concerné, jusqu’au paiement, respectivement et au plus tard jusqu’au terme général d’échéance (art. 9 al. 3 LPGIP).

Selon l’art. 12 LPGIP, les impôts périodiques des personnes physiques sont échus le 31 mars de l’année civile qui suit l’année fiscale (al. 1), le terme général d’échéance étant maintenu si le contribuable n’a reçu, à cette date, aucune décision de taxation (al. 3). A teneur de l’art. 14 LPGIP, si, au terme général d’échéance, les montants perçus à titre provisoire pour l’année ou la période fiscale sont insuffisants par rapport à l’impôt fixé dans le bordereau de taxation, la différence est soumise à un impôt compensatoire (al. 1). Les intérêts compensatoires négatifs courent à partir du terme général d’échéance jusqu’à la date de notification du bordereau de taxation et du décompte final (al. 2). En cas de versements volontaires ou de transferts de crédits postérieurs au terme général d’échéance, la différence est rectifiée et les intérêts courent, durant la période visée à l’al. 2, pro rata temporis (al. 3). Ils sont facturés au compte du contribuable lors de la notification du décompte final (art. 15 al. 2 du règlement relatif à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales - RPGIP - D 3 18.01).

Le montant des acomptes doit être augmenté, réduit ou supprimé, lorsqu’il est établi, sur la base des éléments communiqués par le contribuable, que l’impôt qui sera fixé dans le bordereau de taxation sera sensiblement supérieur ou inférieur à celui des acomptes facturés (art. 5 al. 4 LPGIP).

8.             Le Tribunal fédéral a confirmé le droit de l’AFC-GE de percevoir des intérêts financiers (arrêt 2C_520/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.4), actuellement : des intérêts compensatoires négatifs.

Dans le système d’imposition postnumerando, l’impôt dû ne peut être connu avant la fin de la période fiscale, puisque celle-ci coïncide avec la période de calcul, de sorte que seuls les acomptes provisionnels sont acquittés durant celle-ci. L’échéance décalée par rapport à la fin de la période fiscale s’explique par l’impossibilité matérielle, pour les contribuables, dans un tel système, d’anticiper le montant d’impôts dû à la fin de l’année fiscale. Un délai de trois mois, correspondant au délai pour remplir la déclaration d’impôts, doit dès lors leur permettre d’estimer au plus près leur charge fiscale de l’année précédente et d’effectuer, le cas échéant, un versement complémentaire avant que ne démarre le calcul des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Ce système d’intérêts a pour but, notamment, d’assurer une égalité de traitement entre les contribuables qui, après la période fiscale, se voient notifier rapidement leur décision de taxation et ceux pour lesquels cette décision n’arrive que plus tard. Il appartient aux contribuables d’estimer le montant de leurs impôts, afin, le cas échéant, de payer un éventuel solde, si celui-ci devait s’avérer supérieur aux acomptes provisionnels et d’éviter des intérêts financiers ou compensatoires négatifs. Une fois la déclaration d’impôt remplie, cet exercice est simple, puisque le site de l’AFC-GE propose une « calculette » à cette fin, laquelle nécessite uniquement d’entrer certaines données, comme la situation familiale ou les revenus, contenues dans la déclaration d’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2011 du 8 mai 2012 consid. 3.4 et les références citées).

9.             En matière fiscale, si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de les lever ou, au moins, d’en faire part à l’autorité fiscale (cf. ATF 135 II 86 consid. 4.3 et les références).

10.         Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Dans un tel cas, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié, si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

Pour pouvoir se plaindre de l'inaction de l'autorité, encore faut-il que l'administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l'obtention de la décision qu'il sollicite (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n'a pas procédé à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

11.         Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1069/2019 du 14 avril 2020 consid. 9.2 et les réf.), l'art. 29 al. 1 Cst. garantit notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Cette disposition consacre le principe de la célérité. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes. À cet égard, il appartient au justiciable d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié. Enfin, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut.

Ces règles découlent du principe de la bonne foi, qui doit présider aux relations entre organes de l'Etat et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever le grief de célérité devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente, afin de remédier à cette situation. Dans un tel cas, il n’y pas lieu d'examiner si les intérêts moratoires sont justifiés dans leur principe (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_48/2022 du 8 décembre 2022 consid. 3 et les arrêts cités).

12.         En l’espèce, ni le droit de l’AFC-GE de percevoir des intérêts moratoires et compensatoires négatifs ni le calcul de ces intérêts ne sont, en tant que tels, remis en cause par les recourants. Ces derniers s’opposent en revanche à leur perception au motif qu'ils découleraient du retard pris par l'AFC-GE pour les taxer.

Sur le plan fédéral, il résulte du relevé de compte d’IFD 2017 du 22 novembre 2018 que les recourants ont versé, à titre d’acomptes provisionnels, une somme de CHF 4'730.-, laquelle couvrait le montant du bordereau provisoire notifié le 15 mars 2018 (CHF 4'720,75), et qu’aucun intérêt n’était dû sur le supplément d’impôt de CHF 33'953,20 fixé le 22 novembre 2018.

Au niveau cantonal, à teneur du relevé de compte d’ICC 2017 du 22 novembre 2018, les recourants ont versé dix acomptes provisionnels pour un total de CHF 8'620.-. A cette date, les intérêts compensatoires, calculés depuis le 31 mars 2018, s’élevaient à CHF 1'629,15.

Certes, l’on ne saurait reprocher aux recourants de ne pas avoir versé suffisamment d’acomptes provisionnels, puisqu’ils ne pouvaient pas se douter, durant l’année 2017, que le capital de prévoyance serait imposé comme du revenu ordinaire. Toutefois, dès la notification des bordereaux initiaux du 22 novembre 2018, ils ne pouvaient plus ignorer qu’ils risquaient de devoir payer l’impôt sur cette prestation, leur réclamation contre ces taxations ne leur garantissant en rien une issue favorable. Ainsi, afin d’éviter des intérêts supplémentaires, il leur aurait été loisible de verser les impôts fixés par ces bordereaux, ce qu’ils n’ont pas fait. Cas échéant, s’ils avaient procédé à des avances suffisantes, aucun intérêt ne leur aurait été facturé en plus de ceux fixés le 22 novembre 2018, ce indépendamment du temps pris par l’autorité intimée pour statuer sur leur réclamation déposée en décembre 2018. Il doit pour le surplus être relevé que l'AFC-GE les a taxés en novembre 2018, soit sept mois après le dépôt de leur déclaration fiscale (en mars de cette année), ce qui ne saurait être considéré comme un retard si important au point de justifier l’annulation des intérêts en cause.

En tout état, si les recourants estimaient que l’AFC-GE tardait à statuer sur leur réclamation, ils auraient alors pu et dû la mettre en demeure et, cas échéant, recourir devant le tribunal pour déni de justice, ce qu’ils n’ont pas fait. Au contraire, au lieu de recourir auprès du tribunal contre les (premières) décisions sur réclamation du 11 mars 2024, ils ont demandé à l'AFC-GE, le 2 avril 2024, de les reconsidérer, ce qui a encore prolongé la procédure. Ici encore, voyant que par ces décisions, l'AFC-GE maintenait toujours sa position, ils auraient pu avancer tout ou partie du montant des impôts en question, afin d’éviter la croissance des intérêts négatifs.

Si l'on peut certes déplorer que l'autorité intimée ait mis plusieurs années pour statuer sur la réclamation déposée en décembre 2018, il appartenait là encore aux recourants de l'interpeller à ce sujet, ou de la mettre en demeure, d'autant plus s'ils s'estimaient lésés par ce retard. Or, entre décembre 2018 et janvier 2022, ils n’ont entrepris aucune démarche en ce sens. Ils perdent en outre de vue que les intérêts litigieux découlent avant tout du fait que le montant de leurs acomptes provisionnels était manifestement insuffisant par rapport à l'impôt à venir, dont ils connaissaient le montant approximatif depuis la notification des taxations du 22 novembre 2018. En vertu du principe de la bonne foi, ils ne sont pas fondés à soulever le grief de violation du principe de diligence une fois ces taxations reçues, de sorte que celui-ci doit être écarté.

Enfin, il sera relevé que l’imposition de la prestation de prévoyance à concurrence de 70 %, à laquelle l'AFC-GE s’est engagée dans sa réponse, impliquera une réduction conséquente du montant des intérêts litigieux.

Au vu de ce qui précède, et dans la mesure où le principe de la perception des intérêts compensatoires négatifs et leur mode de calcul découlent de la loi et sont confirmés par la jurisprudence, le tribunal ne saurait les remettre en cause, comme le souhaitent les recourants.

13.         Partant, le recours sera admis partiellement, dans la mesure reconnue par l'AFC-GE, et rejeté pour le surplus. Le dossier lui sera renvoyé pour qu’elle établisse de nouveaux bordereaux ICC et IFD 2017, tenant compte du rabais de 30 % sur la prestation de prévoyance de CHF 367’029.-, et recalcule, dans cette mesure, les montants des intérêts compensatoires et moratoires négatifs.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent dans une large mesure, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

15.         Les recourants ayant agi en personne et ne démontrant pas avoir encouru des frais particuliers pour les besoins de la cause n'ont pas droit à une indemnité de procédure (cf. not. ATA/1278/2018 du 27 novembre 2018 ; ATA/759/2018 du 19 juillet 2018).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 17 juillet 2024 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelles décisions de taxation ICC et IFD 2017, dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière