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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2470/2024

JTAPI/28/2025 du 10.01.2025 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ACCORD SUR LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES;CAS DE RIGUEUR
Normes : ALCP.6.par1; ALCP.24.par1; ALCP.3; OLCP.20.par6; OASA.31; CDE.3; CEDH.8
Rectification d'erreur matérielle : erreur de plume sur 1ère page corrigé JTAPI/28/2025 au lieu de JTAPI/28/2024
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2470/2024

JTAPI/28/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 janvier 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de son fils mineur B______, représentés par Me Léonard MICHELI-JEANNET, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1983, est ressortissante du Portugal.

2.             Arrivée en Suisse en provenance du Portugal le 27 mars 2017, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour avec activité lucrative suite à sa prise d’emploi auprès du C______ SA.

3.             Selon une attestation de D______ du 18 juin 2018, Mme A______ est titulaire d’un bachelor en traduction de l’Université de E______ (Portugal), obtenue en 2008.

4.             Le ______ 2025, Mme A______ a donné naissance à l’enfant B______, dont le père est Monsieur F______, ressortissant portugais titulaire d’une autorisation d'établissement.

5.             L'enfant a été reconnu officiellement par son père en juin 2021 devant les autorités compétentes.

6.             Les autorisations de séjour de Mme A______ et de son fils sont arrivées à échéance le 26 mars 2022.

7.             Selon attestation de l’Hospice général du 19 août 2022, Mme A______ a bénéficié de prestations d’aide financière durant la période du 1er octobre 2021 au 28 février 2022.

8.             Par courrier du 7 septembre 2022, dans le cadre de l’examen de sa demande de renouvellement desdites autorisations de séjour, Mme A______ a expliqué à l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) qu’elle avait dû recourir à l’aide de l’Hospice général car, malgré ses efforts, ses moyens financiers n’étaient pas suffisants pour couvrir les besoins de son fils, son géniteur ayant refusé de payer une pension alimentaire.

Elle a joint des pièces attestant de ses moyens financiers et des démarches entreprises en vue de ne plus dépendre de l’aide sociale et trouver un emploi.

9.             Par jugement du 12 décembre 2022, le Tribunal de première instance a maintenu l'autorité parentale et la garde exclusive sur l'enfant B______ en faveur de Mme A______, réservé un droit de visite d'une heure à quinzaine en faveur de M. F______ et condamné ce dernier à verser une pension mensuelle de CHF 1’000,- en faveur de son fils, dès le 1er août 2022 (montant progressif jusqu'à la majorité de l’enfant voire au-delà en cas d'études sérieuses).

10.         Par courrier du 14 février 2024, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour et celle de son fils et de prononcer leur renvoi de Suisse. Un délai de trente jours lui était octroyé pour faire valoir son droit d’être entendu.

Il était retenu que l’intéressée était actuellement sans emploi, ne faisait pas l’objet de dettes et émargeait à l'aide sociale, depuis le 1er décembre 2019, pour un montant total de CHF 48'322.45. De son casier judiciaire suisse, ressortait une condamnation le 1er avril 2016, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis et une amende de CHF 500.- pour violation grave des règles de la circulation routière. L’intéressé avait démontré avoir acquis un niveau de français oral et écrit B1.

11.         Mme A______ n'a pas fait usage de son droit d'être entendu dans le délai imparti.

12.         Par décision du ______ 2024, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de Mme A______ et son fils et a prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai au 2 octobre 2024 pour quitter le territoire.

L’intéressée ne remplissait pas les conditions d'octroi ou de renouvellement d’une autorisation de séjour au sens des art. 6, 12 et 24 Annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et de l'art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne1 et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203), en l'absence d'une prise d'emploi, de moyens financiers suffisants, de raisons majeures et d’obstacles insurmontables en cas de retour au Portugal. Les éléments au dossier ne permettaient par ailleurs pas de retenir une éventuelle prise d'activité lucrative à brève échéance. Au surplus, la précitée remplissait un motif de révocation d’une autorisation au sens de l'art. 62 al. let. e de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), en émargeant à l'aide sociale depuis le 1er décembre 2019.

Concernant B______, il convenait de retenir, sous l’angle de l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qu’il était âgé de 3 ans et demi et pas encore scolarisé, de sorte que son intégration en Suisse n'était pas encore déterminante et que, par conséquent, sa réintégration dans son pays d'origine n'était pas compromise. Ses relations avec son père n’étaient enfin pas suffisamment étroites d'un point de vue affectif pour qu’il puisse se prévaloir de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

13.         Par courrier du 5 juillet 2024, Mme A______ a invité l’OCPM à lui accorder un nouveau délai pour faire valoir son droit d’être entendu, expliquant qu’elle n’avait pas pris connaissance de son courrier du 14 février 2024.

14.         Le 19 juillet 2024, l’OCPM lui a répondu qu’il transmettait son courrier au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) afin qu’il l’enregistre comme un recours contre sa décision du ______ 2024.

15.         Par courrier du 23 juillet 2024, le tribunal a accusé réception dudit recours et imparti un délai au 15 août 2024 à la recourante afin qu’elle lui adresse un acte conforme aux exigences légales, sous peine d’irrecevabilité.

16.         Le 29 août 2024, dans le délai prolongé pour compléter son acte de recours, Mme A______, sous la plume d’un conseil, a conclu, principalement à l’annulation de la décision du ______ 2024 et à la prolongation de son autorisation de séjour, soit subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens.

Suite à la séparation d’avec le père de son fils, lequel lui avait fait subir des violences et menaces, elle s’était retrouvée seule avec un enfant en bas âge, sans soutien financier et dans une situation particulièrement anxiogène. M. F______ avait été condamné en décembre 2020 et juillet 2023 en raison des violences et/ou menaces qu’il lui avait fait subir. Elle avait suivi une psychothérapie en mars 2023 et procédé à une réorientation professionnelle, avec le soutien du chômage. La quasi-totalité de sa famille se trouvait à Genève.

En ne tenant pas compte de sa situation et des motifs qui l’avaient amenée à faire appel, à un moment donné, à l'aide sociale, l’OCPM avait constaté les faits pertinents de manière incomplète, menant à une violation des art. 20, 23 OLCP et 96 LEI. Il n’avait donc pas pu considérer les motifs importants qui justifiaient un maintien du séjour malgré l'absence ponctuelle de ressources propres. C’était enfin à tort qu’il avait considéré qu'il n'existait pas de perspective de prise d'activité lucrative intervenant à brève échéance, alors même que l'association G______ attestait du contraire. Il convenait dès lors de prolonger son autorisation de séjour et celle de son fils, cas échéant en lui adressant un avertissement et un avis comminatoire.

Elle a joint les ordonnances pénales condamnant M. F______, une attestation de son psychiatre du 3 juin 2024, faisant état de consultation hebdomadaire depuis mars 2023, un certificat de travail de la H______ du 18 janvier 2023 et une attestation de suivi de l’association G______ du 2 août 2024 indiquant suivre l’intéressée dans le cadre d’une mesure d’insertion professionnelle depuis le 13 mai 2024.

17.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 20 septembre 2024, proposant son rejet. Il a produit son dossier.

Selon ses explications, la recourante était toujours à la recherche d'un emploi et continuait de percevoir des prestations financières de l'Hospice général. Elle n'avait ainsi ni la qualité de travailleuse au sens de l'art. 6 annexe I ALCP, ni les moyens financiers nécessaires pour prétendre à une autorisation de séjour fondée sur l'art. 24 annexe I ALCP.

Il prenait note des violences et menaces dont elle avait été victime de la part du père de son enfant, de leur impact sur son état de santé et sa carrière professionnelle et de l’aide à la réinsertion professionnelle dont elle bénéficiait depuis le 13 mai 2024. En tant que ressortissante de l'UE, dès qu'elle aurait retrouvé un emploi lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant, elle pourrait prétendre à un nouveau titre de séjour. Il l’invitait dès lors à lui communiquer sans délai toute nouvelle prise d'emploi, tout en relevant qu’il n’apparaissait pas, au regard des informations au dossier, qu'un retour au Portugal la placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité au sens des art. 20 OLCP et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Arrivée en Suisse en 2017 à l'âge de 34 ans, la recourante avait en effet passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Portugal où elle avait donc inévitablement conservé de solides attaches. Quant à son fils, il lui restait fortement lié compte-tenu de son très jeune âge et pourrait s'adapter sans difficultés majeures à un nouveau lieu de vie. La décision n'était enfin pas contraire à l'art. 8 CEDH, en l’absence de liens étroits et effectifs entre B______ et son père.

18.         Invitée par le tribunal à répliquer, la recourante n’a pas transmis d’écriture ni de pièces complémentaires dans le délai imparti.

19.         Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante sollicite le renouvellement de son autorisation de séjour et celle de son fils.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'ALCP.

7.             L’ALCP et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

8.             En l'espèce, la recourante est de nationalité portugaise, de sorte que sa situation doit être examinée sous l'angle de l'ALCP et de l'OLCP.

9.             Le champ d’application personnel et temporel de l’ALCP ne dépend en principe pas du moment auquel un ressortissant UE arrive ou est arrivé en Suisse, mais seulement de l’existence du droit de séjour garanti par l’accord au moment où l’étranger le fait valoir (ATF 134 II 10 consid. 2 ; 131 II 339 consid. 2). En outre, l'application de l'ALCP suppose que la personne visée entre dans l'une des différentes situations de libre circulation prévues par l'accord (travailleur salarié, indépendant, chercheur d'emploi, étudiant, etc.) et qu'elle remplisse les conditions afférentes à son statut (ATF 131 II 329 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.169/2004 consid. 6).

10.         Aux termes de l’art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement : Cour de justice de l’Union européenne; ci-après : la Cour de justice UE) antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’ALCP est cependant prise en compte par le Tribunal fédéral pour assurer le parallélisme du système qui existait au moment de la signature de l’accord et tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de l’UE (ATF 136 II 5 consid. 3.4).

11.         Pour prétendre à l'application des dispositions de l'ALCP, il faut que le ressortissant étranger dispose d'un droit de séjour fondé sur l'accord (arrêt 2C_308/2017 du 21 février 2018 consid. 5.1).

12.         Les droits d'entrée, de séjour et d'accès à une activité économique conformément à l'ALCP, y compris le droit de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après la fin d'une activité économique, sont réglés par l'Annexe I ALCP (art. 3, 4 et 7 let. c ALCP).

13.         Selon l’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.

14.         La notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte (ATF 131 II 339 consid. 3.2). Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit être qualifiée de travailleur. La recherche réelle d’un emploi suppose que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à en chercher un et qu’il a des chances véritables d’être engagé ; sinon il n’est pas exclu qu’il soit contraint de quitter le pays d’accueil après six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 3.1 et les divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne [CJCE] cités).

15.         Un étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE peut perdre le statut de travailleur au sens de l'ALCP et par conséquent se voir refuser la prolongation, respectivement se voir révoquer l'autorisation de séjour dont il est titulaire si 1) il se trouve dans un cas de chômage volontaire ; 2) on peut déduire de son comportement qu'il n'existe (plus) aucune perspective réelle qu'il soit engagé à nouveau dans un laps de temps raisonnable (ATF 141 II 1 consid. 2.2.1 ; arrêt de la CJUE du 26 mai 1993 C-171/91 Tsiotras, Rec. 1993 I-2925 point 14) ou 3) il adopte un comportement abusif, par exemple en se rendant dans un autre État membre pour y exercer un travail fictif ou d'une durée extrêmement limitée dans le seul but de bénéficier de prestations sociales meilleures que dans son État d'origine ou que dans un autre État membre (ATF 141 II 1 consid. 2.2.1).

16.         Une fois que la relation de travail a pris fin, l'intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d'une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d'autre part, une personne à la recherche réelle d'un emploi doit être qualifiée de travailleur durant la période de douze mois visée par l’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP (ATF 141 II 1 consid. 2.2.2).

17.         À teneur de l'art. 23 al. 1 OLCP, les autorisations de séjour de courte durée, de séjour et frontalières UE/AELE peuvent être révoquées ou ne pas être prolongées si les conditions requises pour leur délivrance ne sont plus remplies.

Cela ne signifie toutefois pas que ces conditions initiales doivent rester remplies de manière ininterrompue ; ainsi, une personne qui a obtenu une autorisation de séjour UE/AELE au regard de sa qualité de travailleur, puis qui tombe au chômage involontaire ou se trouve en incapacité temporaire de travail due à une maladie ou à un accident continue à bénéficier de son autorisation et celle-ci peut même, à certaines conditions, être prolongée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1162/2014 du 8 décembre 2015 consid. 3.3). En revanche, une personne qui serait au chômage volontaire ou qui se comporterait de façon abusive peut se voir retirer son autorisation (ATF 141 II 1 c. 2.1.2).

18.         L'art. 4 par. 1 Annexe I ALCP prescrit que les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de demeurer sur le territoire d'une autre partie contractante après la fin de leur activité économique. L'art. 4 par. 2 Annexe I ALCP renvoie sur ce point au règlement (CEE) 1251/70.

19.         Conformément à l'art. 2 par. 1 dudit règlement, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre :

a. le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans ;

b. le travailleur qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail ; si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d'une institution de cet État, aucune condition de durée de résidence n'est requise ;

c. le travailleur qui, après trois ans d'emploi et de résidence continus sur le territoire de cet État, occupe un emploi de salarié sur le territoire d'un autre État membre, tout en gardant sa résidence sur le territoire du premier État où il retourne, en principe, chaque jour ou au moins une fois par semaine.

20.         Dans tous les cas, pour pouvoir prétendre à demeurer en Suisse sur la base de l'art. 4 Annexe I ALCP en relation avec l'art. 2 par. 1 let. b du règlement 1251/70, il est indispensable qu'au moment où survient l'incapacité permanente de travail, le travailleur ait encore effectivement ce statut et que celui-ci ait ainsi été perdu pour cette raison (ATF 141 II 1 consid. 4 p. 11 ss).

21.         En l'occurrence, il est établi et non contesté que la recourante séjourne de manière continue en Suisse depuis 2017. Dans son recours et complément de recours des 5 juillet et 29 août 2024, elle admet pour le surplus être sans emploi et bénéficier de prestations de l’Hospice général. La recourante n’ayant pas produit d’observations ni de pièces complémentaires suite aux dernières écritures de l’OCPM du 20 septembre 2024 l’invitant notamment à lui communiquer toute éventuelle prise d’emploi, il sera retenu que sa situation n’a pas changé.

La recourante ne peut ainsi prétendre à l'octroi d'une autorisation de séjour avec activité lucrative puisqu’elle n’en n’exerce pas. Elle ne démontre pour le surplus pas qu’elle aurait été ou serait en incapacité de travail ni qu'une activité lucrative en Suisse serait sur le point de débuter. A cet égard, l’on relèvera qu’elle est suivie par l’association G______ dans le cadre d’une mesure d’insertion professionnelle depuis le 13 mai 2024 déjà, sans que la moindre perspective concrète d’engagement n’ait à ce jour été attestée et a fortiori concrétisée.

Elle ne peut pas non plus prétendre à une autorisation de séjour sans activité lucrative, ne disposant manifestement pas des moyens financiers suffisants afin de subvenir à ses besoins et ceux de son fils sans l'aide de l'assistance publique.

Elle n'est enfin pas en mesure de bénéficier d’un droit de séjour en Suisse en qualité de personne à la recherche d’un emploi (cf. art. 2 al. 1 par. 2 annexe I ALCP et 18 OLCP), le délai légal pour ce faire étant largement dépassé.

22.         Reste à déterminer si la recourante peut prétendre à une autre autorisation de séjour sur la base de l'art 24 ALCP ou de l'OLCP.

23.         À teneur de l'art. 24 par. 1 Annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans le pays de résidence reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant son séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

Les conditions posées par cette disposition servent uniquement à éviter de grever les finances publiques de l'État d'accueil. Ce but est atteint, quelle que soit la source des moyens financiers permettant d'assurer le minimum existentiel de l'étranger communautaire et sa famille (ATF 144 II 113 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_243/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.4.2).

24.         L'art. 24 par. 2 Annexe I ALCP précise que les moyens financiers nécessaires sont réputés suffisants s'ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Selon l'art. 16 al. 1 OLCP, tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : normes CSIAS), à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide sociale (ATF 144 II 113 consid. 4.1).

25.         Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies notamment au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM ; art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

26.         À teneur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

27.         L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3).

28.         Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier.

Les directives OLCP concernant l’ordonnance sur la libre circulation des personnes (état janvier 2025, ch. 6.5), précisent que dans la mesure où l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP en relation avec l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

29.         Conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

30.         Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration. Lorsqu’une mesure serait justifiée, mais qu’elle n’est pas adéquate, l’autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (art. 96 LEI).

31.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal constate qu’aucun motif important ne commande que la recourante puisse demeurer en Suisse en vertu de l’art. 20 OLCP.

Celle-ci y séjourne depuis 2017, soit une durée qui ne saurait être qualifiée de très longue. Cette durée doit en outre être relativisée, dès lors que son séjour n’a été effectué au bénéfice d’une autorisation que jusqu’au 22 mars 2022. En outre, la recourante ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable. Après avoir exercé une activité professionnelle dans le domaine de la restauration, elle a été au chômage dès le 1er juin 2021 puis a émargé à l’assistance publique. Bien qu'elle fasse part de sa volonté de se réintégrer professionnellement et ses efforts entrepris dans ce sens sont louables, force est de constater qu’ils n’ont à ce jour pas débouché sur le moindre contrat de travail. La recourante n’a pas non plus démontré avoir noué avec la Suisse des liens allant au-delà de ce qui peut être attendu de tout étranger au terme d’un séjour d’une durée comparable. Enfin, la recourante est née au Portugal, où elle a passé son enfance, son adolescence, soit les années essentielles pour la formation de la personnalité, ainsi qu'une grande partie de sa vie d’adulte, étant arrivée en Suisse à l’âge de 33 ans. Si un retour au Portugal impliquera certainement quelques difficultés pour elle, le dossier ne contient pas d’éléments prépondérants attestant que celles-ci seraient insurmontables.

Dans ces circonstances, aucun motif important n’exige la poursuite du séjour de la recourante en Suisse. Il en va de même concernant B______, âgé de 4 ans, lequel est tout juste scolarisé de sorte que son intégration en Suisse n'est pas encore déterminante et sa réintégration dans son pays d'origine pas compromise. Ses relations avec son père ne sont enfin pas suffisamment étroites d'un point de vue affectif pour qu’il puisse se prévaloir de l'art. 8 CEDH et il n’est pas démontré qu’il aurait d’autres liens particuliers avec la Suisse, étant, vu son jeune âge, totalement dépendant de sa mère.

Par conséquent, le tribunal parvient à la conclusion que l'autorité intimée n'a pas méconnu la législation applicable ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de renouveler l'autorisation de séjour sollicitée, sur la base des dispositions précitées. Cela étant et à toutes fins utiles, il sera rappelé à la recourante qu’en tant que ressortissante de l'UE, elle pourrait prétendre à un nouveau titre de séjour si elle retrouve un emploi en Suisse lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant.

32.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

33.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

34.         La recourante et son fils n'obtenant pas d’autorisation de séjour, c'est également à bon droit que l'autorité intimée a prononcé leur renvoi de Suisse. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI) au vu des motifs précités.

35.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

36.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

37.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du ______ 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.- lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière