Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/32/2025 du 13.01.2025 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 13 janvier 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Adriano ANTONIETTI, avocat
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1975, est ressortissant tunisien.
2. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 9 janvier 2025, il a été condamné à treize reprises entre le 27 novembre 2015 et le 2 décembre 2024, essentiellement pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP), crime et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
3. Le 11 novembre 2015, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a rejeté sa demande d'asile et ordonné son renvoi en Italie. Cette décision a été confirmée par arrêt du 25 novembre 2015, par le Tribunal administratif fédéral.
4. Le 30 avril 2016, M. A______ a été placé en détention administrative et a été refoulé à destination de l'Italie le 10 mai suivant.
5. Le 26 décembre 2016, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse, prononcée à son encontre par le SEM, le 3 mai 2016, et valable jusqu'au 2 mai 2019.
6. Le 25 octobre 2017, le SEM a prononcé le renvoi de Suisse vers l'Italie de M. A______. À sa sortie de prison le 13 décembre 2017, il a été refoulé à destination de Rome.
7. Le 9 mai 2018, M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon pour purger une ses condamnations pénales.
8. Le 20 juin 2018, le SEM a prononcé le renvoi de l'intéressé à destination de l'Italie, lequel a été refoulé le 1er octobre 2018, à destination de Rome.
9. Par jugement du Tribunal de police du 7 mars 2019, l’expulsion de Suisse de M. A______ a été prononcée, pour une durée de 3 ans. Le 6 mai 2019, l'intéressé s'est vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire et un délai de 48 heures lui a été imparti pour quitter le territoire helvétique.
10. Le 2 juillet 2020, le Tribunal de police a prononcé l’expulsion de Suisse de M. A______, pour une durée de 20 ans.
11. Le 29 mars 2022, M. A______ s'est vu notifier une décision de non-report d'expulsion judiciaire et un délai de 24 heures lui a été imparti pour quitter le territoire helvétique.
12. Le 7 mai 2024, une demande de soutien en vue de l'exécution du renvoi de M. A______ a été adressée au SEM. L'intéressé a été identifié le 11 septembre 2024 par les autorités tunisiennes. Un délai de trois semaines était nécessaire pour l'émission d'un laissez-passer moyennant un contact téléphonique avec l'intéressé et l'Ambassade.
13. Le 12 septembre 2024, M. A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon.
14. Libéré le 10 janvier 2025, il a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement. Le même jour, à 15h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré ne pas être d'accord de retourner en Tunisie.
15. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.
16. Par courriel du 13 janvier 2025, le commissaire de police a informé le tribunal que M. A______ était inscrit sur le prochain vol spécial pour la Tunisie, vol qui devait avoir lieu dans les deux mois.
17. Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d’accord de retourner en Tunisie où il n'avait aucun lien ni attache. Sa situation ne le permettait pas. En Suisse, il avait une relation affective avec une femme. Il dormait chez elle. Il vivait grâce à des aides et à sa petite amie. Il n'avait pas de famille en Suisse. Il s'opposait à son expulsion. Cela faisait dix ans qu'il était en Suisse et il avait des projets pour y régulariser sa situation. Il ne savait pas comment il allait faire mais il pensait devoir changer de vie.
Le représentant du commissaire de police a déclaré que depuis l’arrivée au pouvoir de Mme B______, tous les renvois à destination de l’Italie étaient suspendus. Dès lors, M. A______ ne pouvait pas être renvoyé à destination de ce pays. Comme les autorités tunisiennes avaient reconnu ce dernier comme leur ressortissant, ils allaient le renvoyer dans son pays d’origine. Il a plaidé et conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois.
M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à la réduction de la durée de sa détention à un mois.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).
2. En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 10 janvier 2025 à 14h15.
3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). La détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
4. Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a).
5. La détention administrative peut également être ordonnée si une décision de renvoi ou d’expulsion a été notifiée à l’intéressé et que celui-ci a franchi la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyé immédiatement (art. 75 al. 1 let. c LEI).
6. En l’espèce, M. A______ fait l'objet de deux mesures d'expulsion de Suisse prononcées les 20 juin 2018 et 2 juillet 2020, respectivement pour des durées de trois et vingt ans, mesures qu'il a allégrement violées en revenant en Suisse pendant la période prohibée. Il a par ailleurs été condamné, à plusieurs reprises, pour vol (art. 139 ch. 1 CP), soit une infraction constitutive de crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP. Les conditions de la détention administrative de M. A______ sont ainsi réalisées.
7. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010).
8. En l'espèce, les autorités ont agi avec diligence et célérité puisque M. A______ est d'ores et déjà inscrit sur un vol spécial à destination de la Tunisie.
9. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
10. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 , 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
11. Dans tous les cas, la durée de la détention doit être proportionnée par rapport aux circonstances d'espèce (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).
12. En l'espèce, la durée de détention respecte le cadre légal et n'apparaît pas disproportionnée, étant précisé que, selon les informations des autorités, le vol spécial à destination de la Tunisie devrait avoir lieu dans les deux prochains mois. Par ailleurs, aucune autre mesure que la détention n'est propre à assurer le renvoi de M. A______ vers son pays d'origine. Son engagement à ne pas se soustraire aux autorités n'est pas suffisant, d'autant qu'il a exprimé clairement et à plusieurs reprises, qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine. Par ailleurs et vu le risque de fuite, respectivement de passage dans la clandestinité de l'intéressé, aucune mesure de substitution, telle qu'une assignation à résidence, n'est envisageable.
13. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.
14. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 10 janvier 2025 à 15h45 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 9 mars 2025, inclus ;
2. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| Le greffier |