Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/65/2025

JTAPI/27/2025 du 10.01.2025 ( LVD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8; LVD.11
En fait
En droit
Par ces motifs

0république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/65/2025 LVD

JTAPI/27/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

 

Madame B______

COMMISSAIRE DE POLICE


 

EN FAIT

1.             Par décision du 7 janvier 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de 30 jours à l'encontre Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame B______ située ______[GE] et de contacter ou de s'approcher de celle-ci ainsi que de ses enfants mineurs, C______ et D______.

2.             Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des institutions habilitées, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Le 06.01.2025, M. A______ a saisi Mme B______ par la gorge, lui a mis des claques derrière la tête et l'a injuriée.

Descriptions des violences précédentes :

Depuis le 12.03.2023, la police est intervenue à 5 reprises au domicile de couple suite à des disputes, notamment lors desquelles M. A______ a infligé des blessures sanglantes au niveau du crâne de Mme B______ et a été éloigné du domicile.

M. A______ démontre par son comportement violent qu'il est nécessaire de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement administratif, afin d'écarter tout danger et empêcher toute réitération de tels actes ».

3.             Il résulte du rapport d’interpellation établi par la police le 6 janvier 2025 que ce jour, une patrouille de police avait été requise afin de se rendre au domicile des précités concernant des violences conjugales dont était victime Mme B______. Sur les lieux, M. A______ présentait des signes d'ébriété mais était calme et les avait invités à rentrer dans l’appartement. Aucun signe de lutte n'était visible dans le logis. Il s’était étonné de leur présence car aucun conflit n'avait eu lieu avec sa femme. Selon Mme B______, ils se seraient disputés cet après-midi. Suite à cela, M. A______ serait sorti et il serait rentré en début de soirée en état d'ébriété. Une nouvelle dispute aurait alors éclaté et M. A______ aurait saisi sa femme par la gorge, puis lui aurait mis des claques derrière la tête. Il l'aurait aussi injuriée. Aucune marque visible n'avait été constatée sur Mme B______. Il ressortait de leurs recherches que le couple était connu pour des faits similaires. Au moments des faits, le couple était seul dans l'appartement. Aucune arme n'était enregistrée au sein du ménage.

4.             Les intéressés ont été entendus le 7 janvier 2025.

Mme B______ a, en substance, expliqué avoir le projet, avec son mari, de partir en vacances en Tunisie lundi prochain pour voir sa famille. Une dispute avait éclaté à l’agence de voyage en lien avec le payement ou non d’un bagage en soute. A la sortie de l’agence de voyage, il l’avait engueulée. Elle était rentrée à la maison et il était parti de son côté pour aller boire. Quand il était rentré à la maison, vers 21h00, il s'était assis pour boire quelques bières puis il s’en était pris à elle en lui reprochant plein de choses. Il s’était ensuite levé d'un coup et avait cherché quelque chose à casser. Finalement il était venu vers elle en brandissant les bras et il l’avait saisie au cou avec ses deux mains. Comme il serrait, elle lui avait assené une gifle pour l’éloigner. Il n’avait pas eu le temps de lui couper la respiration. Il l’avait lâchée et était allé se rassoir dans le canapé. Après qu’elle lui ait dit qu’il fallait qu'il se calme, il s’était relevé et l’avait saisie par le dessus de la tête et lui avait tapé le dessus du crâne avec ses mains. Il avait commencé à lui jeter des objets dessus, un cendrier, un briquet, les cigarettes. Il avait renversé la table basse pour faire tomber les objets. Elle avait appelé la police et comme il était malin, il avait rangé les affaires pour faire croire aux agents qu'il ne s'était rien passé. Jusqu’à l’arrivée de la police, il avait continué à exprimer sa colère mais ne l’avait plus touchée. Elle avait des douleurs à l'arrière du crâne, sur l'arête du nez et au cou.

S’agissant de sa situation personnelle, elle avait deux enfants, nés en 2007 et 2010, d’un précédent mariage. Elle était sujette à des angoisses et consultait un psychiatre à ce sujet. Elle avait été diagnostiquée bipolaire borderline, haut potentiel et dépressive et avait été redirigée vers l'AI en 2017. Son dossier avait été accepté en 2021. Entretemps, elle avait sombré dans l'alcool et n'arrivait plus à s'occuper de ses enfants, dont elle avait perdu la garde en 2021. Elle avait connu M. A______ en 2022. Au début il ne buvait pas mais elle savait qu’il avait des soucis d’alcool. Sinon il était très bien. Elle avait déjà vécu des épisodes de violence en 2024 et souhaitait que l’intéressé soit éloigné. Pour ces faits, elle déposait plainte pénale.

M. A______ a quant à lui expliqué que lorsqu’il était rentré à la maison sa femme était fâché. Lorsqu’il lui avait demandé pourquoi elle lui avait répondu qu'elle n'aimait pas rester seule. Vers 15h00, il s’était « pris la tête » dans une agence de voyage concernant le prix de la valise en soute, car elle trouvait que c'était trop cher. Finalement, ils avaient payé les billets d’avion ainsi que la valise en soute mais elle lui avait reproché de le faire sans son accord. Pour éviter d'empirer la situation, il était parti et était allé boire des bières à la Gare. Ils s’étaient rencontrés en 2022 en Suisse et s’était marié le ______ 2024. Il n’avait pas saisi le cou de Mme B______ avec ses deux mains. Il ne l’avait pas non plus saisie par le dessus de la tête ni ne lui avait tapée sur le dessus du crâne avec ses mains. Concernant leur avenir, il aimait sa femme et souhaitait qu’ils fassent la paix. Concernant la mesure d’éloignement, il n’avait pas de problème et remerciait sa femme. Il avait un frère et un cousin à Genève qu’il voyait une fois par semaine.

5.             M. A______ n’a pas fait opposition à la mesure d’éloignement.

6.             Par courrier reçu le 9 janvier 2025 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), Mme B______ a demandé la levée de cette mesure avec effet immédiat. En substance, elle et son mari souhaitaient tout mettre en œuvre afin de sauver leur mariage. L’année 2024 avait été extrêmement compliquée et il souhaitait aller voir leur famille en Tunisie le 13 janvier 2025 avec les billets achetés il y avait quelques semaines, afin de tourner la page.

7.             A l'audience du 10 janvier 2025 devant le tribunal, Mme B______ a confirmé sa demande de levée de la mesure d'éloignement pour les motifs invoqués dans son courrier du 9 janvier 2025. Elle a confirmé également ses déclarations à la police du 6 janvier 2025, à savoir qu’elle avait été victime, le jour en question, de violences de la part de M. A______. Lors de l’audition du 6 janvier 2025, elle avait demandé l'éloignement de M. A______ car s'ils avaient déjà eu des disputes, cela n'était jamais aller aussi loin et elle avait eu peur. Elle pensait que c'était également pour cette raison, étant encore sous l'effet du choc, qu'elle avait indiqué qu'elle souhaitait déposer plainte pénale. Ils avaient eu une année 2024 difficile. L'arrivée de M. A______ en Suisse avait requis de nombreuses démarches administratives qui les avaient mis sous pression. M. A______ avait également été préoccupé par les soucis de santé de sa maman. Cela faisait longtemps qu’ils sentaient le besoin de partir de Genève. Cela n'avait pas pu se concrétiser jusqu'alors, mais un voyage était prévu lundi 13 janvier 2025 afin d'aller rendre visite à la famille de M. A______, qu’elle considérait comme la sienne, en Tunisie. Elle aimait son mari qui était une personne formidable lorsqu'il ne buvait pas trop. Elle avait conscience qu'il y avait un problème de violence conjugale au sein de leur couple. Cela faisait sept mois qu’ils étaient mariés et elle souhaitait encore y croire. Cela étant, elle avait décidé que si M. A______ ne changeait pas, elle irait jusqu'au divorce. Concrètement, cela voulait dire qu'au prochain épisode de violence à son encontre, elle entamerait la procédure de divorce. Concernant les efforts de changement de M. A______, elle avait constaté qu'il buvait moins d'alcool ces derniers temps, sauf le 6 janvier 2025. Il n'avait pas fait appel à une aide extérieure afin de l'aider dans sa consommation problématique d'alcool. Elle précisait qu’il n’avait jusqu'alors pas d'assurance maladie et qu’ils ne disposaient pas de beaucoup de moyens financiers. Ses deux enfants vivaient chez leur papa. Elle n’avait pas de contacts avec eux au domicile conjugal. Elle était suivie par un psychiatre du fait de ses problèmes de santé. Jusqu'ici, elle n’avait pas pu parler à son psychiatre des problèmes qu’elle rencontrait au sein de son couple. Elle verrait un nouveau psychiatre à compter du 31 janvier 2025.

M. A______ a indiqué qu’il n’était pas d'accord d'être éloigné de sa femme. Il n’avait jamais été violent physiquement avec Mme B______. Lorsqu'elle disait qu’il était violent physiquement envers elle, elle mentait. Sur les cinq interventions de la police, c'était lui qui les avait appelés à deux reprises. Les trois autres fois, ils étaient intervenus car ils s’étaient disputés oralement. Il avait de temps en temps une consommation problématique d'alcool. Il ne buvait pas au point de devenir une personne criminelle. Cela pouvait lui arriver de trop boire, comme tout le monde. Il n’avait pas contacté l'association VIRES. Il n’était pas violent et aimait sa femme. Il ne pouvait pas vivre sans elle. Depuis le 7 janvier 2025, il dormait dans la rue car il n'y avait pas de place dans les abris PC. S'agissant de ses ressources financières, il cherchait actuellement du travail et bénéficiait de prestations du service des prestations complémentaires. Sur question du représentant du commissaire de police, il avait vu Mme B______ à l'extérieur du domicile car cette dernière lui avait dit que c'était possible.

Mme B______ a confirmé que le Procureur les avait autorisés à se rencontrer à l'extérieur de la maison. Il avait même trouvé cette démarche positive afin de sauver leur couple. Elle s’était entretenue à plusieurs reprises avec le Procureur ou sa greffière à ce sujet. A l'extérieur du domicile conjugal il y avait moins de tensions. Cela étant lorsque M. A______ ne buvait pas trop d'alcool, cela se passait bien à la maison également. Leurs vacances en Tunisie étaient prévues pour une durée de deux semaines.

Le représentant du commissaire de police a conclu au maintien de la mesure d'éloignement. Les faits ayant conduit au prononcé de cette mesure étaient graves et il y avait déjà eu des antécédents de violence au sein du couple. Il était opposé à ce que la mesure d'éloignement soit limitée au seul domicile des époux à Genève. Cela viderait la mesure de sens. Il s’étonnait que le Procureur ait pu indiquer aux parties qu'elles pouvaient se voir à l'extérieur du domicile. Cela était contraire à la mesure d'éloignement prononcée.

8.             Renseignements pris ce jour auprès du Ministère public, le Procureur en charge de la procédure pénale P/285/2025 concernant M. A______ a confirmé qu’il ressortait du dossier qu’il avait été indiqué à Mme B______ qu’elle pouvait contacter son mari, ce que ce dernier ne pouvait en revanche pas faire.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Contrairement à l’art. 11 al. 2 LVD qui stipule que toute personne directement touchée par la mesure d’éloignement a le droit d’en solliciter la prolongation auprès du tribunal administratif de première instance, l’art. 11 al. 1 LVD indique uniquement que c’est la personne éloignée qui peut s’opposer à la mesure d’éloignement dans un délai de 6 jours dès sa notification, par simple déclaration écrite adressée au tribunal.

3.             Cela étant, aux termes de l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), a qualité pour recourir toute personne touchée directement par une décision et qui a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée.

4.             L'intérêt digne de protection implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, répondant ainsi à l’exigence d’être particulièrement atteint par la décision. L'intérêt invoqué, qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_56/2015 consid. 3.1 ; 1C_152/2012 consid. 2.1 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 ; François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Le contentieux administratif, 2013, pp. 115-116).

5.             Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 1B_201/2010 du 1er juillet 2010 consid. 2 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449 n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

6.             Au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

7.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré (ATF 141 I 201 consid. 4.2). Constitue une décision un acte étatique qui touche la situation juridique de l'intéressé, l'astreignant à faire, à s'abstenir ou à tolérer quelque chose, ou qui règle d'une autre manière obligatoire ses rapports avec l'État (arrêt du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 et les références citées). De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant (arrêts du Tribunal fédéral 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2). Pour déterminer s'il y a ou non décision, il y a lieu de considérer les caractéristiques matérielles de l'acte. Un acte peut ainsi être qualifié de décision (matérielle), si, par son contenu, il en a le caractère, même s'il n'est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d'une décision, telle l'indication des voies de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_282/2017 du 4 décembre 2017 consid. 2.1 et les références citées).

8.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 LPA.

9.             En l’espèce, la question de savoir si Mme B______ peut s’opposer à la mesure d’éloignement prononcée à l’encontre de M. A______ souffrira de rester ouverte étant cependant relevé que cette possibilité ne ressort pas de la lettre claire de l’art. 11 al. 1 LVD.

Sa qualité pour agir à l’encontre de cette mesure et en demander l’annulation doit en revanche être admise dans la mesure où la décision querellée porte atteinte à sa vie privée au sens de l'art. 8 §1 CEDH.

Déposée par ailleurs en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, sa demande est ainsi recevable.

10.         La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

11.         Le pouvoir d'examen du tribunal de céans s'étend à l'opportunité de la mesure (art. 11 al. 3 LVD).

12.         En l'espèce, même si les déclarations des époux sont contradictoires sur certains aspects, le tribunal retiendra que les déclarations de Mme B______ au sujet des violences psychiques et physiques subies de la part de son mari lors qu’il est alcoolisé sont crédibles. Il ressort en particulier de ces dernières que le 6 janvier 2025 son époux, en état d’ébriété, l’a saisie par la gorge, lui a mis des claques derrière la tête et l'a injuriée. De tels comportements correspondent sans conteste à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut. L’intéressée a pour le surplus confirmé en audience être victime de violences conjugales, précisant que ces dernières étaient liées à la consommation d’alcool de M. A______. Lorsque ce dernier ne buvait pas, cela se passait bien. Elle aimait son mari qui était une personne formidable lorsqu'il ne buvait pas trop.

Cela étant, sur question du commissaire de police, les intéressés ont indiqué qu’ils avaient continué à se voir à l’extérieur du domicile depuis le prononcé de la mesure d’éloignement car le procureur leur avait indiqué que cela était possible. A cet égard, Mme B______ a expliqué qu’à l'extérieur du domicile familial il y avait moins de tensions. Elle a pour le surplus réitéré l’importance du voyage prévu en Tunisie, expliquant que l’année 2024 avait été très difficile, qu’elle et son mari souhaitaient tout mettre en œuvre afin de sauver leur mariage, et que leurs vacances en Tunisie afin de rendre visite à la famille de M. A______, qu’elle considérait comme la sienne, leur permettraient de tourner la page.

Au vu de ce qui précède, étant rappelé que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal entend confirmer sur le principe la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de M. A______. En effet, il apparaît que le retour de ce dernier au domicile familial est pour le moment contre-indiqué. Cela étant, dans la mesure où il apparait que les intéressés ont continué à se voir en dehors du domicile conjugal depuis le prononcé de la mesure, avec l’accord du procureur, de leur plein gré, que Mme B______ a expliqué qu’il y avait moins de tensions qu'à la maison et qu’ils indiquent tous deux souhaiter poursuivre leur relation, vouloir donner une chance à leur mariage et que leurs vacances en Tunisie, chez la famille de M. A______, sont programmées de longue date afin de tourner la page sur une année 2024 difficile, il n’apparait pas qu’il existe un risque de réitération des violence si les époux devaient être autorisés à séjourner ensemble durant deux semaines en Tunisie auprès de la famille de M. A______. Au contraire, ces vacances apparaissent comme une opportunité qui leur permettra de discuter du futur de leur relation et de tenter de régler ce qui doit l’être. Dans ces circonstances, faisant usage de son pouvoir en opportunité (art. 11 al. 3 LVD), le tribunal confirmera la mesure d’éloignement de trente jours prononcée à l’encontre de M. A______ en ce qu’elle lui fait interdiction de pénétrer à l'adresse privée de Mme B______ située ______[GE] et de contacter ou de s’approcher des mineurs C______ et D______ mais la lèvera pour le surplus, permettant ainsi aux intéressés de continuer d’avoir des contacts en dehors du domicile conjugal.

13.         Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

14.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée le 9 janvier 2025 par Madame B______ contre la mesure d’éloignement prise à l'encontre de Monsieur A______ par le commissaire de police le 7 janvier 2025 pour une durée de 30 jours ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émoluments ni alloué d'indemnité ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties ainsi qu'au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, pour information.

Genève, le

 

La greffière