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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3821/2024

JTAPI/1285/2024 du 20.12.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);EFFET SUSPENSIF;CONDAMNATION;PROCÉDURE PÉNALE
Normes : LEI.64; LEI.83
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3821/2024

JTAPI/1285/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 décembre 2024

 

dans la cause

Monsieur A______, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Par décision du 11 novembre 2024, exécutoire nonobstant recours, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse et du territoire des Etats membres de l'Union européenne et des Etats associés à Schengen (Liechtenstein, Islande et Norvège) de Monsieur A______, ressortissant du Pérou né le ______ 1996, conformément aux art. 64 et ss de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 6 al. 1 en lien avec 3 al. 3 et 3 al. 4 de la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier du 16 décembre 2008 (Directive 2008/115/CE).

La décision était motivée par la (les) raison(s) suivante(s) :

C. Pas de visa ou de titre de séjour valables

F. Durée maximale du séjour sur le territoire des Etats membres de Schengen (trois mois sur une période de six mois) dépassée.

Il était retenu, en substance, que l’intéressé avait été condamné à deux reprises par le Ministère public du canton de Genève, à savoir :

-          le 29 mars 2021, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.- pour exercice d'une activité lucrative sans autorisation et séjour illégal ;

-          le 22 août 2023, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- pour exercice d'une activité lucrative sans autorisation et séjour illégal.

Le 10 novembre 2024, il avait été prévenu d'infraction à l'art. 115 LEI et, lors de son audition, avait reconnu séjourner en Suisse depuis l'année 2019 et y travailler de manière irrégulière sans les autorisations nécessaires. Il avait en outre déclaré avoir déposé une demande d'autorisation de séjour en Espagne. Un délai au 11 décembre 2024 lui était imparti pour quitter le territoire suisse, ainsi que le territoire des Etats-membres de l'Union européenne et des Etats associés à Schengen (Lichtenstein, Islande, Norvège).

2.             Par ordonnance pénale du 11 novembre 2024, M. A______ a été condamné par le Ministère public du canton de Genève pour rixe (art. 133 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) et infractions à l’art. 115 al. 1 let. b et c LEI.

3.             Par acte daté du 14 novembre 2024, M. A______, sous la plume d’un conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de la décision de l’OCPM du 11 novembre 2024, le tout sous suite de dépens. Il sollicitait également son audition et l’octroi d’un bref délai pour compléter son recours et fournir des pièces complémentaires.

Il n’avait séjourné en Suisse que durant de brèves périodes et de manière intermittente depuis 2019. Afin de régulariser sa situation, il avait entamé une procédure de demande d’autorisation de séjour en Espagne laquelle lui donnait le droit de séjourner dans ce pays, durant son traitement. Or cet élément n’avait pas été pris en compte par l’OCPM. Partant, le recours devait être admis pour constatation inexacte des faits. En tout état, en application du principe de la proportionnalité, il convenait de restreindre la portée de son renvoi.

Il a joint des pièces, dont l’ordonnance pénale du 11 novembre 2024 et divers documents en lien avec sa demande d’autorisation de séjour en Espagne déposée le 24 avril 2024. Il ressort en particulier de l’accusé de réception de cette dernière, qu’une réponse lui serait délivrée dans un délai maximum de trois mois.

4.             Dans ses observations du 21 novembre 2024, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif, respectivement à l’octroi de mesures provisionnelles. Il a transmis son dossier.

Le recourant était entré et avait travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires depuis l’année 2019. Il avait par ailleurs été condamné en 2021 et 2023 pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation et, le 11 novembre 2024, pour rixe, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Quand bien même il indiquait, pièces à l’appui, avoir déposé une demande d’autorisation de séjour en Espagne, force était d’admettre qu’il se trouvait actuellement illégalement en Suisse et qu’il ne disposait en l’état d’aucune autorisation de séjour en Espagne. Dans ces conditions, l’intérêt public à l’exécution immédiate de son renvoi devait l’emporter sur son intérêt privé à attendre l’issue du recours en Suisse.

Sur le fond, il ne ressortait pas des pièces fournies qu’il serait effectivement autorisé à résider en Espagne le temps de la procédure, ni même que la demande était toujours en cours. Cela étant, si le recourant fournissait un document récent des autorités espagnoles confirmant la légalité de son séjour dans ce pays, voire qu’il serait autorisé à attendre l’issue de la procédure en Espagne, la décision de renvoi pourrait ne pas s’étendre à l’espace Schengen. En l’état, il proposait le rejet du recours.

5.             Par courrier du 25 novembre 2024, le tribunal a imparti au recourant un délai au 2 décembre 2024 pour répliquer sur effet suspensif et produire toutes pièces utiles actualisées en lien avec son autorisation de séjour en Espagne. Un délai au 17 décembre 2024 lui était par ailleurs imparti pour sa réplique sur le fond.

6.             Par réplique du 2 décembre 2024 sur effet suspensif, le recourant a indiqué que sa procédure de régularisation en Espagne suivait son cours. Pendant cette période, il était autorisé à y séjourner librement.

Aucune pièce n’était jointe à l’appui de ses allégations.

7.             Par courrier du 3 décembre 2024, le tribunal a informé M. A______ qu’il ressortait de la consultation du site internet (https://sede.administracionespublicas.gob.es/infoext2/datosConsulta.html) du Gouvernement Espagnol que sa demande d’autorisation de séjour aurait été refusée (RESUELTO – NO FAVORABLE ) en date du 28 juin 2024. Il l’invitait dès lors à se déterminer également à ce sujet, éventuelles pièces à l’appui, dans le délai octroyé au 17 décembre 2024 pour sa réplique sur le fond.

8.             Par courrier du 4 décembre 2024, M.A______ a informé le tribunal qu’il complèterait son recours dans le cadre de sa réplique.

9.             Par réplique sur le fond du 16 décembre 2024, M. A______ a concédé qu’il avait reçu une première demande négative. Un recours assorti d’une nouvelle était toutefois en cours d’examen. Il a persisté dans sa demande de comparution personnelle et les conclusions prises dans son recours.

Aucune pièce n’était jointe à l’appui de ses allégations.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Le recourant sollicite son audition pour « étayer ses paroles ».

7.             Le droit d'être entendu garanti par 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n'a pas de portée différente dans ce contexte comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 et 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_917/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

8.             En l'espèce, le recourant, assisté d’un conseil, a eu l'occasion de s'exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la procédure, d'exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu'il estimait utiles à l'appui de ses allégués. L'autorité intimée a également répondu à ses écritures, se prononçant sur les griefs qu'elle estimait pertinents pour l'issue du litige et le recourant a eu l'occasion de répliquer. Le dossier comporte ainsi suffisamment d'éléments permettant au tribunal de trancher le litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu de donner suite à sa demande d’audition, en soi non obligatoire.

9.             Le recourant conclut à l’annulation de son renvoi.

10.         Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (lat. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5) (let. b) d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

11.         Conformément à l'art. 64 al. 3 LEI, cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification.

12.         En l’espèce, le recourant reconnait séjourner illégalement en Suisse depuis 2019. Il explique qu’il ne s’agirait que de brèves périodes et que ses séjours y seraient intermittents. Afin de régulariser sa situation, il avait entamé une procédure de demande d’autorisation en Espagne.

Cela étant, le tribunal ne peut que constater que le recourant se trouve actuellement illégalement en Suisse et qu’il ne dispose en l’état d’aucune autorisation de séjourner en Espagne. A cet égard, il ressort du dossier que le recourant a été condamné par le Ministère public du canton de Genève en 2021 et 2023 pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation entre le 22 mai 2019 et le 22 février 2021, respectivement entre le 30 mars 2021 et le 18 juin 2023 et, le 11 novembre 2024, pour rixe, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation. Par ailleurs, sa demande d’autorisation afin de régulariser sa situation en Espagne n’a été déposée que le 24 avril 2024 et a par ailleurs été refusée, ce dont le recourant s’est bien gardé d’informer le tribunal. Quant à ses allégations qu’un recours assorti d’une nouvelle demande serait en cours d’examen, elles ne sont étayées par aucune pièce.

Dès lors, force est de constater que l’autorité n’avait d’autre choix que de prononcer son renvoi de Suisse et de l’espace Schengen en application de l’art. 64 al. 1 LEI.

Dans ces conditions, la décision de l’OCPM est conforme au droit en vigueur.

13.         Il n’apparait enfin pas que le renvoi de l’intéressé ne serait pas possible, licite et/ou raisonnablement exigible, au sens de l’art. 83 LEI.

14.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté. Le présent jugement rend sans objet la demande de mesures provisionnelles formulée par le recourant à l’appui du recours.

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

16.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision sera communiquée au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 11 novembre 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière