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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3095/2023

JTAPI/1261/2024 du 19.12.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : RCVA.16; Cst
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3095/2023 LCI

JTAPI/1261/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA et B______ SA, représentées par Mes Vadim HARYCH et Julien PACOT, avocats, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

COMMUNE DE C______, intervenante, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

Monsieur D______, Monsieur E______ et Madame F______, Monsieur G______ et Madame H______, Madame I______ et Monsieur J______, intervenants, représentés par Me Paul HANNA, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             A______ SA est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après : la commune).

Sise en cinquième zone de construction, cette parcelle, d’une surface de 3’210 m2 et bordée par deux cordons de chênes, abrite une villa et ses annexes.

2.             En janvier 2022, avec l’accord d’A______ SA, B______ SA a déposé deux demandes auprès du département du territoire (ci-après : le département), l’une pour démolir la villa et ses annexes, l’autre pour construire six villas.

Le 3 mars 2022, la demande d’autorisation de construire (DD 2______) a fait l’objet d’un renvoi d’entrée, le projet dépassant le rapport des surfaces admissible. En revanche, la démolition a été autorisée par décision du ______ 2022 (M 3______) ; cette autorisation de démolir est liée à l’APA 4______.

3.             Le 17 mars 2022, toujours avec l’accord d’A______ SA, B______ SA a déposé une nouvelle demande d’autorisation de construire auprès du département, portant cette fois sur l’édification de cinq villas contigües (30% THPE), avec garage souterrain, pompe à chaleur avec sondes géothermiques et abattage d’arbres.

4.             Lors de l’instruction de cette demande de construire en procédure accélérée, qui a été enregistrée sous la référence APA 4______, les préavis usuels ont été requis et émis. Trois instances ont préavisé favorablement, sans ou sous conditions, huit ont sollicité la fourniture de pièces complémentaires et/ou la modification du projet, tandis que deux instances ont préavisé défavorablement.

Le 19 avril 2022, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a ainsi émis un préavis défavorable au vu des multiples conflits (accès-canalisation-sous-sol) entre le projet et le domaine vital des arbres (aplomb de la couronne plus 1 m) à conserver. Aucune construction (y compris desserte, canalisations, revête-ment, etc.) ne devait être réalisée dans le domaine vital des arbres afin d’assurer leur conservation valable. L’OCAN s’est référé aux art. 14 et 16 du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04).

Le 27 avril 2022, la commune a rejeté le projet pour plusieurs raisons, et notamment au regard du fait que la distance de 5 m à la couronne, prévue par son plan directeur communal de 2ème génération (adopté par le Conseil municipal le ______ 2019 et approuvé par le Conseil d’État le ______ 2020, avec la mise à jour de la stratégie d’évolution de la zone 5 adoptée par le Conseil municipal le ______ 2024 et approuvée par le Conseil d’État le ______ 2024 ; ci-après : PDCom) pour préserver les arbres existants, n’était pas respectée. Elle a également relevé que le projet était incomplet, ne prévoyant pas d’installation de collecte des déchets.

5.             En août 2022, après avoir été informée le 28 avril 2022 que le projet devait être modifié pour se conformer à certains préavis et avoir obtenu des prolongations de délai pour se déterminer, B______ SA a soumis une nouvelle version du projet au département. Elle a notamment indiqué avoir modifié le projet et avoir ajouté une notice explicative afin de démontrer la faisabilité du projet et son respect des directives de l’OCAN.

6.             De nouveaux préavis ont alors été rendus sur cette seconde version du projet. Sept instances ont préavisé favorablement, sans ou sous conditions, quatre ont sollicité la fourniture de pièces complémentaires et/ou la modification du projet, et deux instances ont préavisé défavorablement.

Le 15 août 2022, l’OCAN a rendu un préavis défavorable au vu de l’importance des deux cordons de chênes et des multiples conflits (accès-canalisation-sous-sol) entre le projet et le domaine vital des arbres à conserver. Il a estimé que la distance relative à la couronne des arbres, telle que demandée par la commune et le PDCom, était en l’espèce appropriée. Il a ainsi rejoint le préavis de la commune.

Le 30 août 2022, la commune a notamment relevé, à nouveau, que la disposition communale relative à la distance aux arbres existants n’était pas respectée, celle-ci étant nécessaire à la garantie d’un bon ensoleillement de la couronne des arbres. Elle soulignait le travail effectué par le mandataire afin de répondre au mieux à ses attentes, notamment quant au traitement de la limite privé/public, mais le projet devrait néanmoins être allégé pour laisser de la respiration entre les deux haies bocagères et garantir la préservation des arbres majeurs présents sur le site. La parcelle présentait des qualités paysagères et patrimoniales exceptionnelles qui devaient être respectées.

7.             En décembre 2022, après avoir été informée le 12 septembre 2022 que le projet devait être modifié pour se conformer à certains préavis et avoir obtenu à deux reprises une prolongation de délai pour se déterminer, B______ SA a soumis une troisième version au département. Elle a notamment indiqué ne pas comprendre la position de l’OCAN car aucun élément, hormis trois cheminements en copeaux, n’entrait en conflit avec le domaine vital des arbres : le projet respectait le RCVA. Les copeaux sur le sol des trois accès piétons ne pouvaient pas être considéré comme un péril pour l’arbre « car de multiples exemples de chemins de forêts le démontr[ait] ». Enfin, tout avait été mis en place pour que le sous-sol, les canalisations et un procédé d’installation de chantier hors du commun permettent de pérenniser les chênes et leurs racines. La remise en cause de l’ensemble du projet pour ces cheminements semblait excessif, disproportionné et constituerait une inégalité de traitement envers une multitude de projets dont certains étaient en conflits avec les mêmes arbres. « Au vu de l’aspect novateur de la démarche architecturale qui cherch[ait] à s’inscrire dans le respect absolu de la végétation en l’intégrant dans la base de la conception, [il était] regrettable que le projet soit combattu de la sorte ». S’agissant du préavis de la commune, B______ SA a fait valoir que toutes les constructions respectaient la distance de 1 m à la couronne des chênes. La coupe démontrait que la couronne de l’arbre, lieu de la photosynthèse, n’était jamais impactée par l’ombre projetée du bâtiment dont le gabarit était faible. Les chênes étant matures, leur potentiel de développement maximum était atteint et il était ainsi « superflu » de leur laisser une réserve.

8.             De nouveaux préavis ont été rendus sur cette troisième version du projet. Dix instances ont préavisé favorablement, sans ou sous conditions, une a sollicité la fourniture de pièces complémentaires et la commune et l’OCAN ont préavisé défavorablement.

Le 11 janvier 2023, l’OCAN a réitéré son précédent préavis.

Le 13 janvier 2023, la commune a noté, en premier lieu, que la longueur totale de la construction faisait près de 65 m de longueur et les villas « R + l +A ». La parcelle était très boisée, le projet exploitait le moindre m2 théoriquement disponible hors couronne des arbres, pour caser les constructions, tant en sous-sol que hors-sol. Il en résultait un projet dont la densité était visiblement inadaptée au contexte, qui nécessitait une attitude plus respectueuse du site. La parcelle de forme rectangulaire était bordée par deux alignements de chênes, un le long du chemin de K______, l’autre en fond de parcelle. Celle-ci présentait ainsi un très grand intérêt, tant du point de vue paysager que biologique. Le relevé Viridis mentionnait l’intérêt du jardin existant pour la biodiversité. En second lieu, la disposition B.2.1 du PDCom préconisait que les constructions respectaient une distance de 5 m à la couronne afin de préserver l’espace vital des arbres et d’assurer un bon ensoleillement de leurs couronnes et des logements. Le projet était « littéralement "collé" à un gabarit dessiné à 1 m de la couronne, sans même toujours le respecter ». Le mur d’enceinte de la construction était situé sur la limite de la couronne +1 m. En phase de chantier, il serait quasiment impossible de construire ces murs sans déborder à l’intérieur de l’espace vital des arbres. En dernier lieu, dans leur courrier de décembre 2022, les architectes mentionnaient qu’aucun élément n’entrait en conflit avec le domaine vital des arbres, mais cela ne correspondait pas à la réalité des plans déposés. Une grande partie de la villa n° 1 (sous-sol et étages) se trouvait entièrement à l’intérieur de la couronne des chênes situés dans la partie arrière de la parcelle, la terrasse de la villa n° 1, la place visiteurs et la zone pour le stockage des containers se trouvaient sous la couronne des arbres, les murs de la trémie d’accès au parking souterrain empiétaient dans l’espace vital des arbres. En phase de chantier, « une zone de stockage, une zone de stockage de liquide polluant et un bac de décantation [étaient] situés sous la couronne des arbres (à l’emplacement de la villa n° 1), ainsi que l’emplacement pour une grue sur roues ».

9.             En avril 2024, après avoir été informée le 18 janvier 2023 que le projet devait être modifié pour se conformer à certains préavis et avoir obtenu des prolongations du délai pour se déterminer, B______ SA a soumis une quatrième version du projet au département. À son sens, les préavis défavorables émis par la commune et l’OCAN devaient être écartés et le projet autorisé.

10.         De nouveaux préavis ont été rendus sur cette quatrième version du projet. Hormis la commune et l’OCAN, toutes les instances ont préavisé favorablement, sans ou sous conditions.

Le 17 mai 2023, l’OCAN a rappelé l’importance des deux cordons de chênes et les multiples conflits entre le projet et le domaine vital d’arbres, éléments justifiant la distance demandée par la commune. La canopée allait continuer à se développer et cela engendrerait des problèmes de salubrité et de rendement des panneaux photo-voltaïques et thermiques.

Le 30 mai 2023, la commune a réitéré son précédent préavis défavorable. À cet égard, l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a écarté les requêtes de la commune non justifiées par une base légale, en particulier l’élément « DEF-4 » concernant les cordons boisés et bosquets, spécifiquement le fait que le PDCom préconisait le respect d’une distance de 5 m entre les constructions et la couronne des arbres.

Le 10 juillet 2023, l’OCAN a rendu un dernier préavis défavorable. Il a réitéré les mêmes éléments qu’avancés dans son précédent préavis et ajouté que le projet, tel que proposé, que ce soit par son occupation au sol et sous-sol ou sa hauteur, mettait en péril le développement et la survie des deux cordons de chênes ainsi que toute la biodiversité liée à ces arbres.

11.         Par décision du ______ 2023, le département a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée, en application des art. 14 et 16 RCVA, dans la mesure où la construction projetée porterait atteinte au domaine vital des arbres à conserver sur la parcelle.

Il s’est référé au dernier prévis de l’OCAN ainsi qu’au préavis du 30 mai 2023 de la commune.

12.         Par acte du ______ 2023, sous la plume de leurs conseils, A______ SA et B______ SA ont interjeté recours à l’encontre de cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renvoi de la cause au département pour qu’il délivre l’autorisation de construire APA 4______, le tout sous suite de frais et dépens.

Une partie du mur de la trémie d’accès au garage souterrain entrait en conflit avec un buisson, un massif de laurelle, espèce subspontanée et indésirable pouvant être supprimée sans autorisation préalable. Parmi tous les arbres existants sur la parcelle, seul un érable plane, à l’état sanitaire moyen et de faible intérêt paysager, situé à proximité de la rampe d’accès au parking souterrain, au niveau du débouché sur le chemin de K______, devait être abattu ; il serait remplacé par un spécimen de la même espèce. Le projet prévoyait la plantation de plusieurs haies bocagères côtés nord et sud des futurs bâtiments. Durant la phase du chantier, les arbres et la végétation conservés feraient l’objet de diverses mesures de protection.

Le refus de délivrer l’autorisation de construire sollicitée était notamment justifié par le fait que le projet ne respectait pas la distance de 5 m entre les constructions et la couronne des arbres prévue au point B.2.1 du PDCom, lequel ne pouvait, à lui seul, faire opposition à l’application du droit cantonal. Or, la loi n’exigeait pas que la distance entre les constructions et les arbres conservés sur une parcelle soit d’au minimum 5 m. La seule règlementation en la matière, découlant du RCVA et de la directive concernant les mesures à prendre lors de travaux à proximité des arbres (ci-après : la directive ; établie par la direction générale de la nature et du paysage en août 2008, version 1.0), disposait que, en principe, aucune construction ne devait être réalisée dans le domaine vital correspondant à la couronne des arbres + 1 m. L’exigence consacrée par le point B.2.1 du PDCom excédant ce que requérait le droit matériel, elle devait être ignorée, ainsi que l’avait fait l’OAC lors de son analyse du préavis communal du 27 avril 2022. Il était pour le moins étonnant que l’OAC ait révisé sa position à cet égard. L’office de l’urbanisme (ci-après : OU) n’avait par ailleurs fait état d’aucune préoccupation au sujet du respect des plans directeurs dans son unique préavis favorable sans observations du 25 mars 2022.

Le département avait fait fi de l’ascèse dont elles avaient fait preuve dans le cadre de l’élaboration du projet pour veiller à ce que celui-ci s’intègre entièrement dans le contexte paysager existant et préserve le patrimoine végétal de la parcelle. Le concept imaginé par ses architectes était basé sur une modélisation 3D effectuée au moyen d’un scanner de type Lidar permettant d’identifier le domaine vital des arbres et de déterminer l’espace résiduel destiné à recevoir les fondations des futurs bâtiments, et ce sans menacer la vitalité de la végétation environnante, étant noté que la couronne des arbres était stable depuis les années 1960 et n’augmentait plus. Il avait également ignoré les efforts déployés en cours d’instruction afin d’éliminer la plupart des conflits mineurs entre les bâtiments et le domaine vital des arbres. Les modifications de projet intervenues en ce sens avaient été occultées par l’OCAN dont l’appréciation était manifestement obtuse puisqu’il n’avait en rien nuancé ses propos en fonction de l’évolution du projet et de la suppression des conflits susvisés. Les préavis de l’OCAN étaient formulés de manière générique et le manque de diligence dans l’identification des conflits traduisait son embarras ; à défaut d’éléments tangibles appuyant sa position, il se résolvait à des expressions diffuses pour préaviser défavorablement le projet. L’OCAN s’était limité à des « copier-coller » de ses préavis successifs.

Au sujet des conflits dénoncés, l’emprise au sol de la future villa n° 1 et de sa terrasse correspondaient en substance à celle du bâtiment existant et de son annexe, voire était en retrait de ceux-ci. En raison de la barrière racinaire constituée par les bâtiments existants, la réalisation de la future villa n° 1 à cet emplacement n’aurait aucun impact sur les racines des arbres et leur survie. La place de parking visiteurs et la zone de stockage étaient prévues sur l’assiette du cheminement en gravier existant, de sorte qu’il n’y aurait aucune péjoration de la situation actuelle. Seule une partie du mur de la trémie d’accès au parking souterrain était concernée, partie qui entrait en conflit avec un buisson (massif de laurelle) d’espèce subspontanée et indésirable, un type de végétation pouvant être supprimé sans permis préalable. La zone de stockage, la zone de stockage de liquides polluants et le bac de décantation étaient placés sur l’emprise de la villa existante, tandis que l’engin de chantier se trouverait sur l’assiette de la voie d’accès existante. Durant la phase du chantier, les arbres et la végétation conservés feraient l’objet de diverses mesures de protection. Comme illustré par les schémas, on ne saurait considérer que les pistes finlandaises seraient susceptibles de mettre en péril la végétation environnante, en particulier les arbres à conserver. Ses architectes avaient validé les configurations litigieuses ; il découlait de leur expertise que la vitalité des arbres et de la végétation était assurée.

De manière générale, les qualités paysagères et végétales de la parcelle étaient améliorées grâce au projet litigieux : plusieurs haies bocagères côtés nord et sud de la parcelle seraient plantées. Par ailleurs, des dérogations au sens du RCVA étaient régulièrement octroyées pour des éléments bien plus significatifs en termes d’emprise au sol et d’atteinte au domaine vital d’arbres. La position de l’OCAN consacrait non seulement une inégalité de traitement par rapport à une multitude de projets impliquant des conflits avec le domaine vital des arbres, pour lesquels des dérogations avaient été accordées, mais revêtait surtout un caractère arbitraire.

La remarque selon laquelle la canopée allait continuer à se développer et engendrer des problèmes de salubrité et de rendement des panneaux photovoltaïques et thermiques projetés résultait d’un faux débat. L’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) avait rendu un préavis favorable à trois reprises.

13.         Ce recours a fait l’objet d’une publication par le tribunal dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du ______ 2023.

14.         Par écritures du 25 octobre 2023, sous la plume de son conseil, la commune a informé le tribunal de sa volonté d’intervenir dans la procédure, étant la commune du lieu de situation dans lequel le projet litigieux devait être réalisé. Elle a conclu, au fond, au rejet du recours, avec suite de frais et dépens.

La parcelle n° 1______, caractérisée par sa forme rectangulaire, était bordée par deux alignements de chênes, un le long du chemin de K______ et l’autre en fond de la parcelle. Ces alignements de chênes présentaient un très grand intérêt, tant du point de vue paysager que biologique, ainsi que l’attestait le relevé Viridis. Le chemin de K______ était inscrit à l’inventaire des voies de communication historiques de Suisse - régionales et locales et bénéficiait d’une protection particulière en vertu de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451).

Après avoir examiné le projet litigieux à quatre reprises, l’OCAN avait considéré, notamment, qu’il existait de multiples conflits entre le projet de construction et le domaine vital des arbres à conserver, que le développement et la survie des deux cordons de chênes ainsi que toute la biodiversité liée à ces arbres étaient mis en péril par le projet en cause et qu’aucune construction ne devait être réalisée dans leur domaine. Les préavis de l’OCAN au cours de l’instruction n’étaient pas identiques : ceux des 15 août 2022 et 11 janvier 2023 étaient semblables du fait qu’aucun changement ni aucun nouvel élément en lien avec l’agriculture et la nature du projet n’avait été apporté entre les versions du projet déposée les 21 juillet 2022 (préavis du 15 août 2022) et 13 décembre 2022 (préavis du 11 janvier 2023) ; les modifications effectuées n’avaient pas été suffisantes pour permettre à l’OCAN de revoir sa position. Ces préavis n’avaient pas été élaborés de manière générique et ne manquaient pas de diligence dans l’identification des problèmes invoqués : ils mentionnaient explicitement l’importance des cordons de chênes existants sur la parcelle, faisaient référence aux préavis communaux et indiquaient le risque lié au développement de la canopée. En fait, en se fondant sur une modélisation 3D et sur le fait que la couronne des arbres serait stable, les recourantes tentaient de substituer leur propre appréciation à celle de l’OCAN. Par ailleurs, les explications présentées dans le recours avaient déjà été fournies au cours de l’instruction et n’avaient pas convaincu les instances spécialisées, dont les appréciations ne sauraient être revues par le tribunal, faute d’arbitraire. Le projet de plantation de haies bocagères côtés nord et sud de la parcelle n’avait pas d’incidence car il ne s’agissait pas d’évaluer les plantations compensatoires ou le taux de pleine terre, mais de protéger les cordons de chênes existants ; on ne voyait pas en quoi la plantation de nouveaux arbres servirait ce but. Enfin, l’OCEN qui avait pour but de conduire la politique énergétique du canton, notamment en maîtrisant et en réduisant la consommation, n’était pas spécialisée en matière d’agriculture et de nature. Son préavis favorable sous conditions n’entrait ainsi pas en contradiction avec celui défavorable rendu par l’OCAN. En outre, les allégations d’inégalité de traitement, aucunement prouvées, étaient contestées.

Au vu de l’importance des cordons de chênes présents sur la parcelle, le contenu du PDCom avait été légitiment pris en compte dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont disposait l’OCAN. Ce dernier pouvait limiter les contraintes à l’intérieur du domaine de l’arbre et disposait ainsi d’une importante marge d’appréciation qui ne se limitait pas aux autorisations dérogatoires.

15.         Par écritures du même jour, Mesdames et Messieurs D______, E______ et F______, G______ et H______, I______ et J______ (ci-après : les intervenants) ont, sous la plume de leur conseil, sollicité leur intervention dans la procédure. Ils ont conclu, au fond, au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais et dépens.

Ils étaient les propriétaires des quatre parcelles nos 5______ à 6______ de la commune, lesquelles jouxtaient la parcelle n° 1______ sur toute sa longueur. Ces parcelles étaient séparées par un important cordon boisé, composé essentiellement de chênes. En leur qualité de voisins immédiats, ils avaient un intérêt digne de protection de prendre part à la procédure pour soutenir la décision entreprise qui défendait ces chênes protégeant leurs parcelles. Ils en bénéficiaient d’ailleurs plus que quiconque dans la mesure où ces chênes plongeaient directement dans leurs jardins.

16.         Dans ses observations du 27 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité. Il s’en est également rapporté à justice quant à la recevabilité des deux demandes d’intervention.

Le refus d’autorisation contesté n’était pas fondé sur le PDCom, mais sur le RCVA, de sorte que la jurisprudence citée par les recourantes relative à la portée des plans directeurs communaux ne présentait pas d’intérêt. Le refus mentionnait la position de la commune car celle-ci s’avérait pertinente au regard de la situation. Son exigence relative au maintien d’une distance de 5 m à la couronne des arbres avait été corroborée par l’OCAN, qui l’avait estimée justifiée compte tenu de la situation particulière et de la nécessité de préserver la végétation existante. Selon l’OCAN, le projet (emprise, hauteur, emplacement) était susceptible non seulement de porter atteinte à la végétation existante (notamment les cordons de chênes), mais aussi de créer des soucis pour les futures constructions (salubrité et de rendement des installations solaires). Lui-même avait pris en compte l’avis de la commune sur ce point et l’avait mentionné dans son refus d’autorisation de construire. Le fait que l’OAC ait indiqué dans ses commentaires sur le préavis de la commune du 27 avril 2022, que le « DEF-4 » était écarté, n’avait rien d’étonnant ou de contradictoire avec la décision de refus : l’OAC avait relevé que le point B.2.1 du PDCom n’était fondé sur aucune disposition légale, mais il avait pu apprécier par la suite, au regard de l’ensemble des préavis rendus, que ladite exigence était en l’occurrence nécessaire à la sauvegarde de la végétation et des qualités du lieu et qu’elle se recoupait avec l’avis de l’OCAN.

Selon les recourantes, les arbres conservés ne seraient pas mis en péril par le projet. Elles se limitaient toutefois à le soutenir, sur la base de leur propre appréciation, sans apporter d’élément de preuve et en se substituant dès lors à l’appréciation de l’autorité compétente en la matière. En tout état, le projet faisait état de plusieurs atteintes au domaine vital des arbres existants. Ainsi qu’il ressortait des plans et des constatations de l’OCAN, qui avait examiné minutieusement le projet à quatre reprises et qui n’avait pas fait des « copier-coller » de ses préavis précédents, la construction prévue entrait dans le domaine vital de certains arbres à conserver. La construction existante ne disposait pas de sous-sol, contrairement aux constructions futures. L’impact serait plus important et il dépasserait l’emprise de la construction hors-sol existante en certains endroits. La lecture du plan du rez-de-chaussée laissait constater que le séjour de la villa n° 1 était prévu dans le domaine vital des arbres et en dehors de toute emprise de la construction/ aménagements actuels. La zone de stockage et de la place visiteurs nécessiteraient non seulement l’ajout de gravier nouveau, ce qui prouvait qu’elles n’étaient pas projetées dans l’emprise du chemin existant, mais impliquaient un usage différent et plus conséquent qu’un chemin piétonnier destiné à une seule villa. Le fait que les constructions existantes étaient situées dans le domaine vital des arbres n’impliquait pas que les constructions futures, dans la mesure où il s’agissait d’une démolition-reconstruction, puissent bénéficier de cette situation. Le projet de construction, qui s’insérait au plus près des cordons de chênes, comme il résultait de la modélisation produite par les recourantes, mettait en péril la conservation et le développement, tant au niveau racinaire que de la couronne, de ceux-ci. Il n’était pas prouvé que la couronne des arbres serait stable depuis 1960. Au contraire, l’OCAN avait établi que la canopée allait continuer à se développer, ce qui engendrerait des problèmes de salubrité et de rendements des panneaux solaires. Le préavis favorable de l’OCEN n’était pas à même de le contredire, cette instance ne se prononçant pas au regard du développement des végétaux et encore moins de l’ensoleillement futur de la parcelle. Les efforts fournis pour adapter le projet n’avaient pas été occultés, mais ils ne s’étaient pas avérées suffisants à l’octroi de l’autorisation sollicitée. Les pistes finlandaises prévues avaient été examinées par l’OCAN mais écartées puisqu’elles étaient susceptibles de mettre en péril la végétation existante, notamment du fait des systèmes d’ancrage prévus et de leur utilisation.

17.         Le même jour, les recourantes s’en sont rapportées à justice quant aux demandes d’intervention du 25 octobre 2023.

18.         Par décision du 6 décembre 2023 (DITAI/540/2023), le tribunal a déclaré receva-bles les demandes d’intervention formées tant par la commune que par les intervenants le 25 octobre 2023 et les a admises.

19.         Par réplique du 26 janvier 2024, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions et développements juridiques.

Les bâtiments actuellement érigés sur la parcelle étaient une villa composée de trois niveaux, dont un sous-sol, et un chalet annexe. Lors d’une séance s’étant déroulée dans le cadre de la préconsultation de l’OCAN, un représentant de cet office avait exprimé l’opinion selon laquelle un projet s’inscrivant dans la zone de la villa existante, jusqu’au resserrement des couronnes, était une solution adéquate tenant compte des contraintes du site. Lors d’échanges informels subséquents, il n’avait jamais évoqué que les bâtiments projetés devraient respecter une distance de 5 m depuis la couronne pour préserver le domaine vital des arbres ; son architecte pourrait attester de ces éléments sur la base desquels il s’était fondé pour élaborer le projet litigieux.

Dans le cadre de l’instruction de l’autorisation de démolir n° M 3______ du ______ 2022, l’OCAN avait requis que soit mandaté un arboriste-conseil pour le suivi des travaux à proximité des arbres hors forêt conservés et pour la mise en place des mesures prophylactiques nécessaires à leur préservation valable, ceci au vu de la dérogation accordée pour intervenir dans le domaine vital des végétaux, afin de permettre la démolition de l’ouvrage projeté. À teneur du rapport du 18 janvier 2024 du bureau spécialisé L______, « selon le diagnostic effectué sur site d’après la méthode de "Pierre Raimbault", les chênes de la parcelle ont atteint le stade physiologique 7 à 8 de leur développement (…). Cela signifie que le système racinaire et le houppier sont à pleine maturité, que le volume définitif est atteint et que l’arbre aura plutôt tendance à se dégarnir à l’avenir » ; l’analyse des photographies aériennes de 2005 à 2019 confirmait que l’aplomb des couronnes des arbres n’avait quasiment plus progressé depuis une quinzaine d’années. Grâce au scanner 3D LiDAR, l’implantation des futures constructions avait été déterminée de manière à respecter la distanciation nécessaire pour garantir la préservation du domaine vital des arbres, dans ses parties aérienne (houppier) et souterraine (système racinaire). Le rapport stipulait que l’emprise des bâtiments projetés était en dehors du domaine vital des arbres. Le seul emplacement où la construction projetée se superposait à ce domaine se situait à l’aplomb des bâtiments existants, où la présence de fondations hors-gel et de constructions bétonnées imperméables avait joué un rôle de barrière racinaire. Les bâtiments projetés se situant même en retrait de l’emprise des bâtiments existants, ils ne pouvaient causer des dommages sur les racines dans ce secteur, puisqu’il n’y en avait pas. Les pistes finlandaises ne portaient pas préjudice aux racines puisque les poutres de chêne délimitant la piste n’étaient pas fondées dans le sol ; les copeaux de bois utilisés leur étaient bénéfiques pour des raisons liées à la répartition des charges, à la perméabilité du sol et à la fertilisation du sol.

Le département affirmait que l’exigence de la distance de 5 m n’était pas fondée sur le PDCom, mais justifiée par l’expertise de l’OCAN au vu des circonstances d’espèce ; l’instruction du dossier ne permettait pas d’adhérer à cette théorie. Dans son premier préavis du 19 avril 2022, antérieur à celui de la commune du 27 avril 2022, l’OCAN avait uniquement fait état de la nécessité de respecter une distance de 1 m entre l’aplomb de la couronne des arbres et les constructions afin d’assurer leur conservation valable, de manière cohérente avec les propos de son représentant tenus lors d’une séance de préconsultation. Ce n’était qu’après avoir été confronté au préavis communal du 27 avril 2022 que, dans ses préavis subséquents, l’OCAN s’était arbitrairement rallié au PDCom pour augmenter la distance par rapport aux couronnes. La décision entreprise était dictée par les dispositions du PDCom, sans force contraignante, et non sur le RCVA qui renvoyait à la directive retenant une distance de 1 m depuis la couronne. Il n’y avait aucune raison de faire abstraction des principes résultant de la directive en imposant une distance supplémentaire de 4 m, ce d’autant plus que selon la directive, une exception pouvait être valablement accordée moyennant la mise en place de mesures propres à limiter l’impact de l’intervention. La décision querellée était donc contraire au RCVA et à la directive, consacrant une inégalité de traitement à leur détriment et n’était pas conforme au principe de la sécurité du droit.

L’allégation du département selon laquelle elles n’auraient pas contesté que le projet litigieux impliquait plusieurs atteintes au domaine vital des arbres existants était erronée, ce que démontrait la simple lecture de leur mémoire. À cet égard, la villa existante disposait d’un sous-sol et le séjour de la future villa était localisé entre la villa existante et le chalet annexe, en retrait de celui-ci par rapport aux arbres conservés. Si elles avaient dès l’origine su que l’OCAN n’accepterait aucun autre projet de construction qu’une transformation de la villa existante (avec maintien des fondations actuelles), elles auraient élaboré leur projet en ce sens. Le soudain revirement de l’OCAN en cours d’instruction était incompréhensible et inacceptable. Dans la mesure où il était acquis qu’une intervention contrôlée dans le domaine vital des arbres durant les travaux de démolition - moyennant dérogation octroyée par l’OCAN à cet effet - ne mettait pas en péril la vitalité des arbres, on pouvait retenir que le projet, qui s’inscrivait en deçà de l’emprise des bâtiments actuels, n’aurait aucun impact sur la survie des arbres conservés.

L’ajout de gravier nouveau interviendrait uniquement sur une bandelette de 20 cm, portion ne portant pas atteinte au domaine vital des arbres en cause. Du reste, celle-ci aurait facilement pu être modifiée ou supprimée si l’OCAN en avait exprimé le souhait et l’avait communiqué en cours d’instruction, ce qui n’avait pas été le cas. La zone de stockage assurait la manutention des containers que lors de la levée des déchets, leur stockage à proprement parler s’effectuant au sous-sol, dans le local-poubelle. Le cheminement servait uniquement à rejoindre la place de stationnement visiteurs, contrairement à la situation actuelle où il faisait office de voie d’accès principale pour les voitures des habitants. Les allées et venues des habitants, qui possédaient d’ailleurs peut-être plus d’un véhicule, généraient ainsi plus de passages que ceux d’un éventuel visiteur occasionnel. La position de l’OCAN par rapport aux pistes finlandaises laissait pantois. La moitié des forêts de Suisse accueillait des pistes finlandaises et elles n’avaient pas péri de ce fait. Les critiques relatives aux atteintes au domaine vital des arbres n’avaient jamais été formulées auparavant. Dans ses préavis, l’OCAN s’était contenté d’une formulation vague et générique concernant les multiples conflits entre le projet de construction et le domaine vital des arbres à conserver ne permettant pas d’identifier spécifiquement les aspects problématiques du projet, et ce malgré les tentatives de clarification de leur architecte. Dès lors, elles avaient été injustement privées de la possibilité d’éventuellement ajuster leur projet de manière à satisfaire aux exigences de l’OCAN. Celui-ci avait enfin considéré à tort que les arbres en cause allaient encore croître et la canopée se développer.

20.         Par écritures du 29 février 2024, les intervenants ont conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais et dépens.

Vingt-huit arbres ayant une valeur historique, dans la mesure où ils avaient été plantés il y avait plus de 25 ans, avaient été relevés sur la parcelle. Le plan d’installation du chantier (version du 24 novembre 2022) prévoyait un espace de stockage des liquides polluants sous la couronne de l’un des arbres à protéger, ce qui menaçait directement sa santé. Le rapport du 18 janvier 2024 avait été réalisé à la demande des architectes en charge de la réalisation du projet, de sorte que sa portée était sujette à caution. Quant à la méthode de laser 3D utilisée, elle ne portait que sur la partie aérienne du domaine vital des arbres. Le projet tel que proposé portait atteinte à la vitalité des arbres en violation de l’art. 14 RCVA.

Au surplus, le projet violait les art. 3 al. 7 let. a et 75 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ainsi que les art. 5 al. 1, 7 et 8 du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 17 mai 2023 (RPSFP - L 5 05.10).

21.         Par duplique du même jour, la commune a persisté dans ses développements juridiques et conclusions formulés le 25 octobre 2023.

La réplique des recourantes et les faits complémentaires exposées se fondaient sur un rapport du 18 janvier 2024 et une discussion entre les porteurs du projet et un collaborateur de l’OCAN avant le dépôt de l’APA 4______ litigieuse. Ce rapport avait été établi pour les besoins de la cause, plusieurs mois après la délivrance de la décision litigieuse. Les faits complémentaires qu’il contenaient devaient tout au plus être considérés comme de simples allégations d'une partie, qu’elle contestait. Les prétendus propos d’un représentant de l’OCAN lors de la préconsultation n’étaient pas pertinents pour la résolution du litige. Soit les recourantes se prévalaient de la violation du principe de la bonne foi de l’autorité administrative et ce grief pouvait manifestement être écarté puisque les conditions jurisprudentielles y relatives n’étaient pas remplies, soit les échanges n’étaient d’aucune pertinence pour la résolution du présent litige, ne portant pas sur le projet querellé (à savoir la 4ème version du projet) et ne concernant que des orientations données sans engagement, en vue du dépôt d’un projet d’autorisation de construire. Il n’y avait donc pas eu de « revirement soudain et injustifié de l’OCAN en cours d’instruction ». Les recourantes ne pouvaient pas se prévaloir de ces échanges pour corroborer leur thèse, aucune preuve tangible ne venant appuyer leurs propos. En tout état, la pesée des intérêts s’effectuait à la fin de l’instruction du dossier, lors de la synthèse, et ce n’était qu’à l’issue de cette dernière qu’une décision au sens juridique du terme était rendue. Les actes effectués lors de l’instruction du dossier ne constituaient pas des décisions. Le préavis de l’OCAN du 22 juin 2022, rendu dans le cadre de l’instruction de l’autorisation de démolir M 3______, n’était d’aucun secours aux recourantes puisqu’il ne portait pas sur le projet querellé, mais sur la démolition de la villa. À cette occasion, l’OCAN ne s’était pas déterminé sur la nouvelle construction. Cette autorisation de démolir était liée à l’APA 4______, de sorte qu’elle ne pouvait pas être mise en œuvre avant la délivrance de l’autorisation de construire et qu’elle était donc inexécutable.

Invoquer le principe d’égalité de traitement avec une « multitude de projets », sans en citer aucun, constituait une remarque d’ordre général. Le principe de la sécurité du droit n’avait pas été violé car les actes effectués lors de l’instruction du dossier ne constituaient pas des décisions et qu’aucun droit ou garantie ne pouvait être tiré de la directive. Les recourantes avaient eu la possibilité d’ajuster leur projet pour le rendre compatible avec les impératifs défendus par l’OCAN. Celui-ci avait fait l’objet de nombreux préavis défavorables clairs sur la problématique de l’atteinte à la végétation ; tels par exemples les préavis de l’OCAN des 15 août 2022, 11 janvier, 17 mai et 10 juillet 2023 qui reprenaient tous sa remarque quant au fait que la distance de 5 m à la couronne n’était pas respectée. Le refus datant d’août 2023, les recourantes avaient bénéficié de plus d’un an pour adapter leur projet aux exigences indiquées par les instances de préavis spécialisées. En paraphrasant le rapport du 18 janvier 2024 pour plaider l’absence de mis en péril des arbres, elles ne faisaient que substituer leur propre appréciation à celle de l’OCAN. Le préavis de l’OU du 25 mars 2022 n’était pas pertinent en l’espèce dans la mesure où il ne portait pas sur le projet refusé (4ème version) mais sur la première version déposée.

22.         Par duplique du même jour, le département a persisté dans les développements et conclusions de ses observations du 27 novembre 2023.

La distance de 5 m demandée par l’OCAN n’était aucunement fondée sur le PDCom mais sur son appréciation de la situation d’espèce sur la base du RCVA, dont le but était notamment d’assurer la conservation de la végétation. La directive indiquait une distance de principe pouvant, comme en l’espèce, être augmentée lorsque les circonstances le commandaient. Par ailleurs, au vu de la hiérarchie des normes, le RCVA disposait d’une valeur plus contraignante que la directive.

La consultation d’un collaborateur de l’OCAN apparaissait avoir eu lieu dans le cadre de l’élaboration du projet, à savoir préalablement au dépôt de la demande d’autorisation de construire. Son avis, qui ne ressortait d’ailleurs d’aucun document et constituait une première orientation, n’avait pas été donné dans le cadre de l’instruction de la requête sur la base d’un projet fini avec tous les plans nécessaires pour l’instruire. Il n’y avait rien d’étonnant à ce que la position d’un collaborateur technique consulté ne soit pas aussi exhaustive que le préavis formel rendu par l’instance de préavis dans le cadre d’une instruction complète du dossier. En outre, renseignements pris auprès dudit collaborateur, celui-ci certifiait avoir indiqué que le projet de cinq villas ne pouvait pas trouver place sur la parcelle vu la végétation existante et la nécessité de la protéger. Les recourantes n’apportaient aucunement la démonstration qu’un cas similaire aurait été traité de manière différente.

Dans leur réplique, les recourantes ne contestaient pas que les constructions prévues seraient projetées en partie dans le domaine vital des arbres, mais soutenaient, sur la base de leur propre appréciation subjective, que le projet n’engendrerait pas de détérioration de la végétation ou que ces surfaces seraient tellement anecdotiques qu’une dérogation devait être accordée. Une partie du projet ne se recoupait pas avec la construction existante, notamment le séjour, et les futures constructions devaient, dans la mesure où il s’agissait d’une démolition/reconstruction, respecter le droit en vigueur, ce qui permettait une amélioration de la situation existante. Aucune dérogation ne pouvait être accordée au regard du but de protection des chênes existants. Les recourantes ne mentionnaient pas la problématique quant à la salubrité et le rendement des installations photovoltaïques des futures constructions au regard de l'emplacement projeté. Le rapport du 18 janvier 2024 ne constituait pas un moyen de preuve, mais faisait uniquement état de leur avis. S’agissant de l’autorisation de démolir délivrée, la condition de mandater un arboriste-conseil pour contrôler et mettre en place diverses mesures ne permettait nullement de déduire que le projet de construction envisagé ne serait pas susceptible de porter atteinte auxdits arbres. Les recourantes ne contestaient pas que le projet nécessitait l’ajout de surfaces (en gravier ou en copeaux) supplémentaires et impliquait une utilisation de ces espaces qui n’existaient pas auparavant. Rien ne lui commandait de laisser la possibilité à la requérante de modifier son projet sous l’angle de la zone de stockage et de stationnement. Celui-ci n’étant pas autorisable pour d’autres motifs, il n’aurait respecté ni le principe de célérité ni celui d’économie de procédure s’il avait demandé que le projet soit modifié sur ce point pour ensuite le refuser tout de même en fin d’instruction au vu des autres points problématiques. L’OCAN ayant rendu plusieurs préavis défavorables au cours de l’instruction de la requête, ceux-ci auraient pu mener la requérante à modifier son projet en fonction des exigences posées, ce qu’elle n’avait pas souhaité faire. Les chênes avaient une espérance de vie entre 500 ans et un millénaire et ils continuaient de se développer durant plusieurs centaines d’années ; la croissance s’avérait certes moins rapide que les premières années, mais elle était, en l’espèce, toujours présente. Il ne pouvait être soutenu que lesdits chênes n’auraient connu aucune croissance depuis 1960. Au vu de leur longue phase de développement, leur croissance pouvait être peu perceptible d’année en année en surface, mais leur développement n’apparaissait pas terminé. En outre, il ressortait des photographies aériennes et de l’analyse de l’OCAN que les arbres en question avaient certainement subi des élagages non autorisés durant ces dernières années.

23.         Le 5 avril 2024, les recourantes ont persisté dans les développements juridiques et conclusions figurant dans leurs précédentes écritures.

Il était erroné d’affirmer qu’elles ne se seraient pas prononcées au sujet de la problématique relevée par l’OCAN concernant la salubrité et le rendement des installations photovoltaïques des futures constructions, ayant traité cette question en pages 20 et 21 du mémoire du 21 septembre 2023. Elle n’avait nullement renoncé à modifier le projet en fonction des exigences posées par l’OCAN. Dans ses préavis successifs défavorables, celui-ci n’avait pas identifié spécifiquement les parties de construction et/ou installations qui, selon lui, poseraient un problème particulier en termes d’atteinte au domaine vital des arbres. En ce sens, elles avaient été privées de la possibilité d’adapter leur projet afin de satisfaire les attentes de l’instance spécialisée.

On peinait à concevoir en quoi la protection des arbres situés sur une parcelle tierce était susceptible de revêtir un intérêt digne de protection pour les intervenants. Par ailleurs, les prétendues violations des art. 3 al. 7 lit. a et 75 LCI et 5 al. 1, 7 et 8 RPSFP étaient exorbitants à l’objet du litige.

24.         Le 13 mai 2024, les intervenants ont persisté dans leurs précédentes conclusions.

Ils avaient un intérêt digne de protection à la conservation du cordon de chênes et pouvaient ainsi se prévaloir d’une violation de l’art. 14 RCVA. Ce cordon de chênes était constitué de quinze chênes inventoriés avec un statut historique et composait majoritairement le bosquet urbain situé sur la parcelle. Ces bosquets consistant en un mélange d’essences forestières indigènes dominantes, comme les chênes, et en des essences ornementales, constituaient le relais entre les différentes structures forestières du canton et permettaient d’abriter de la faune en ville. En plus de représenter un écrin de verdure plongeant directement dans leur jardin, ce cordon faisait partiellement écran à la vue de la construction située sur la parcelle n° 1______ et constituait un isolant au bruit non négligeable. Le projet de construction portant atteinte au domaine vital des arbres, ils seraient inévitablement lésés par l’atteinte à la santé des chênes pouvant mettre en péril leur survie. De plus, le PDCom retenait que ce cordon de chênes possédait une qualité paysagère devant être préservée.

L’objet du recours étant principalement déterminé par l’objet du recours et leurs conclusions, elles n’étaient pas limitées dans l’invocation de griefs venant en soutien à la décision entreprise.

25.         Le même jour, le département a persisté dans ses conclusions.

26.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1077/2024 du 10 septembre 2024 consid. 2.2).

5.             Les recourantes soutiennent que le projet ne met pas en péril les arbres concernés, que la décision entreprise se fonde à tort sur le PDCom, en lieu et place du RCVA, et qu’elle viole le principe de l’égalité de traitement.

6.             La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour objectif d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l'aménagement des sites visés à l'art. 35 LPMNS, soit notamment les espèces végétales. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

7.             En application de cette disposition, le Conseil d’État a adopté le RCVA, qui a pour but d’assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvel-lement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Ce règlement est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l’art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu’aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

8.             Selon l’art. 14 RCVA, les propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autres usagers de terrains sont tenus de veiller avec la plus grande attention à la préservation des arbres, haies vives et boqueteaux existants (al. 1). Il leur incombe de prendre, notamment lors de travaux, toutes précautions utiles pour assurer la survie des arbres, haies vives et boqueteaux, en se conformant aux directives édictées par le département (al. 2 let. b).

L’art. 16 RCVA dispose que le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires.

9.             La directive édictée sur la base de l’art. 16 RCVA, contraignante pour tous les propriétaires, mandataires, requérants, entrepreneurs ou autres usagers de terrain effectuant des travaux dans le domaine de l’arbre, a pour objectif de définir la notion d’espace vital d’un arbre et de préciser les mesures qui doivent être prises lors de travaux pour respecter la végétation conservée (ch. 1).

Selon son ch. 3 (« conditions générales de protection de l’arbre »), dans le domaine de l’arbre, l’utilisation et le stockage de machines, de produits ou de matériaux pouvant être nuisibles à l’arbre (huiles, produits chimiques, résidus de ciment, etc.) sont à éviter. Dans le domaine vital, outre les mesures précédentes, les dispositions suivantes seront respectées : aucune modification du terrain naturel ; pose de protections physiques constituées de panneaux d’une hauteur minimum de 2 m fixés sur des montants ancrés solidement (les chabauris ne sont pas acceptés) ; la position exacte des protections est définie en accord avec le service ; toute pénétration est interdite (piétinement, dépôt de matériel ou circulation) à l’intérieur du périmètre délimité pendant toute la durée du chantier ; aucune modification ou ouverture temporaire de cet espace ne peut être envisagée sans l’accord du service.

Le domaine vital de l’arbre (qui « correspond à la zone d’extension des racines vitales de l’arbre ») est constitué d’un périmètre équivalant au rayon de la couronne + 1 m, de part et d’autre du tronc, et à la hauteur de l’arbre + 1 m, tandis que le domaine de l’arbre (« l’espace nécessaire au développement optimal de celui-ci ») représente le double du rayon de la couronne, de part et d’autre du tronc, et à la hauteur de l’arbre + 1 m (ch. 2).

En principe, aucune intervention n’est autorisée à l’intérieur du domaine vital de l’arbre. « Une dérogation à ce principe n’est accordée qu’en cas d’impératif majeur, en fonction de l’arbre et du type de construction projetée, et elle est toujours accompagnée de mesures propres à limiter l’impact de l’intervention (dalle suspendue par exemple) » (ch. 2).

10.         D’après la jurisprudence, afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. Celles-ci n’ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 8d).

11.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser. Selon une jurisprudence bien établie, les autorités de recours observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1351/2024 du 19 novembre 2024 consid. 2.2 et les références citées).

12.         Lorsque la loi autorise l’autorité administrative à déroger à l’une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette dernière un pouvoir d’appréciation qui n’est limité que par l’excès ou l’abus, les juridictions de recours n’ayant pas compétence pour apprécier l’opportunité des décisions prises (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1101/2022 du 1er novembre 2022 consid. 5e et la référence citée).

L’autorité administrative jouit ainsi d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations qui ne peuvent être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l’administration accorde ou refuse une dérogation. L’intervention des autorités de recours n’est admissible que dans les cas où le département s’est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l’octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu’elle est commandée par l’intérêt public ou d’autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu’elle est exigée par le principe de l’égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/1600/2019 du 29 octobre 2019 consid 6a ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 5f ; ATA/45/2019 du 15 janvier 2019 consid. 5d).

13.         Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_673/2023 du 17 septembre 2024 consid. 5.1 ; 1C_393/2023 du 30 mai 2024 consid. 6.1).

14.         En l’espèce, l’OCAN, instance compétente dans le domaine en cause et la mieux à même de prendre en considération tous les paramètres spécifiques, a examiné le projet à quatre reprises et a toujours rendu des préavis défavorables, dont les trois derniers au motif que le projet portait atteinte au domaine vital de certains arbres et que la distance relative à la couronne des arbres appropriée était en l’espèce de 5 m, telle que requis par le PDCom. À cet égard, le tribunal tient d’emblée à écarter le grief formulé par les recourantes quant à un « copier-coller » de ces préavis, ceux-ci étant certes semblables, mais non entièrement identiques. Cette similitude résulte du fait, ainsi que souligné par la commune, qu’aucune modification substantielle en lien avec la nature du projet n’a été apportée entre les versions du projet ou du moins, que les modifications effectuées n’ont pas été considérées comme suffisantes par l’OCAN pour revoir sa position. En outre, force est de relever que ces préavis, dont les trois derniers ont été chacun validé par une personne différente, n’ont pas été élaborés de manière générique et qu’ils mentionnent les éléments problématiques aux yeux de l’OCAN, soit une atteinte à la végétation et la nécessité d’augmenter la distance des constructions par rapport aux couronnes. En tout état, il n’est pas attendu d’une instance de préavis qu’elle rédige de manière différente son préavis par rapport à ceux précédents, mais qu’elle expose clairement sa position. Le fait qu'elle ne varie pas n’implique pas qu'elle ait simplement recopier sa position, sans effectuer la moindre analyse et sans tenir compte des changements intervenus.

L’hypothèse selon laquelle un collaborateur de l’OCAN aurait, avant le dépôt de l’APA 4______, lors d’une séance de préconsultation, exprimé l’opinion selon laquelle un projet s’inscrivant dans la zone de la villa existante jusqu’au resserrement des couronnes, était une solution adéquate vu les contraintes du site, ne peut impliquer qu’il faille s’écarter de la position adoptée par l’OCAN. Il est en effet évident qu’un préavis formel rendu dans le cadre d’une instruction complète du dossier a plus de poids et de valeur qu’un avis constituant une première orientation donnée avant même le dépôt de la demande de construire, donc en l’absence de tout plan détaillé et d’analyse détaillée. Il n’est dès lors pas nécessaire d’établir si ledit collaborateur a effectivement tenu de tels propos.

Le fait que l’OCAN ait considéré que la distance relative à la couronne des arbres devait être de 5 m n’est nullement critiquable, dans la mesure où cela entre dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. L’art. 16 RCVA renvoie certes à la directive, mais celle-ci n’a pas force de loi et ne lie ni les instances de préavis, ni le département, ni les tribunaux, et elle ne dispense en rien l’administration de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce. Or, c’est justement ce qu’a fait l’OCAN, puis après lui, l’OAC et le département. À cet égard, le fait que l’OAC ait écarté, dans ses commentaires sur le préavis communal du 27 avril 2022, le « DEF-4 », démontre que le point B.2.1 du PDCom ne se fonde, pour cet office, sur aucune disposition légale et qu’il n’est donc pas impératif de s’y conformer. On en déduit que son approbation d’une distance de 5 m n’a pas pour assise le PDCom, mais la position basée sur le RCVA de l’OCAN. Le préavis de l’OU n’est pas pertinent en l’espèce dans la mesure où il ne porte pas sur le projet refusé, mais sur la première version de celui-ci. Quant à l’OCEN, qui a pour but de conduire la politique énergétique du canton et qui n’est pas spécialisé en matière de nature, son préavis favorable n’entre pas en contradiction avec ceux défavorables de l’OCAN, faute pour celui-ci de se prononcer sur le même plan. Au surplus, en soutenant qu’il faut retenir une distance de 1 m et qu’aucune mise en péril des arbres à conserver n’existe, les recourantes ne font que tenter de substituer leur propre appréciation à celle de l’OCAN, reprise par le département, sans démontrer l’existence d’un excès ou d’un abus de la part des autorités précitées.

À cela s’ajoute le fait que l’OCAN a considéré que la canopée va continuer à se développer, avec pour conséquences des problèmes de salubrité et de rendement des panneaux solaires. Les allégations contraires des recourantes n’emporte à ce sujet pas la conviction du tribunal, étant noté que le rapport du 18 janvier 2024 ne constituent qu’un allégué d’une partie et n’a pas valeur d’expertise judiciaire. Il en va de même de la modélisation 3D. Par ailleurs, le fait que les qualités paysagères et végétales de la parcelle seraient améliorées grâce au projet litigieux, importe peu dans la mesure où l’art. 14 RCVA n’est pas respecté. Le projet de planter des haies bocagères sur la parcelle n’a pas d’incidence sur la protection des cordons de chênes existants. Au demeurant, il n’appartient pas au tribunal de substituer son appréciation à celle du département et encore moins d'apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce.

Compte tenu de ces éléments, le département, en suivant les préavis de l’OCAN, n’a pas excédé ou mésusé de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, il sera encore rappelé la retenue dont doivent faire preuve les autorités de recours afin d’éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis, qui dispo-sent des connaissances techniques, pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci, ce qui est le cas en l'espèce.

Enfin, s’agissant du principe de l’égalité de traitement, les recourantes ne font mention d’aucun projet semblable à celui litigieux qui aurait bénéficié d’un autre traitement. Il est ainsi impossible de déterminer si le département a effectivement traité de manière inégale le projet litigieux par rapport à une situation semblable. Ce grief sera dès lors écarté.

15.         Au vu de ce qui précède, la question de savoir si le projet contreviendrait aux art. 3 al. 7 let. a et 75 LCI ainsi qu’aux art. 5 al. 1, 7 et 8 RPSFP peut souffrir de rester ouverte, de même que la question de savoir si ces griefs peuvent être examinés dans le cadre de la présente procédure ou s’ils en sont exhorbitants.

16.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnées au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'400.

18.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1’200.-, à la charge des recourantes, sera allouée à la commune et aux intervenants, à hauteur d’une moitié pour chacun (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 septembre 2024 par A______ SA et B______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'400.-.

4.             condamne les recourantes, prises conjointement et solidairement, à verser à la commune et aux intervenants, à hauteur d’une moitié pour chacun, une indemnité de procédure de CHF 1’200.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MÜLLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

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Genève, le

 

Le greffier