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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2664/2024

JTAPI/1095/2024 du 07.11.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AVANCE DE FRAIS;RESTITUTION DU DÉLAI;SÉQUESTRE FISCAL
Normes : LPA.86; LIFD.170; LP.274
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2664/2024 ICCIFD

JTAPI/1095/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Lassana DIOUM, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 octobre 2024 (JTAPI/1009/2024)


 

EN FAIT

1.             Par jugement du 10 octobre 2024 (JTAPI/1009/2024), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a déclaré irrecevable pour cause de non-paiement de l’avance de frais le recours interjeté le 15 août 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ à l’encontre des décisions de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) du 15 juillet précédent.

2.             Par lettre datée du 1er novembre 2024, les contribuables ont sollicité du tribunal une restitution du délai de paiement de l’avance de frais.

Le 15 juillet 2024, alors qu’ils se trouvaient en vacances en Grèce, tous leurs comptes bancaires avaient été séquestrés, de sorte qu’ils n’avaient pas été en mesure de s’acquitter de ce montant.

Ils avaient dû contracter un prêt auprès de leurs proches afin de pouvoir régler leurs factures urgentes, dont l’avance de frais, qu’ils avaient réglée le 31 octobre 2024.

L’empêchement de verser cette somme ne découlait pas d’une faute de leur part et ils avaient procédé au paiement immédiatement après qu’ils eurent trouvé une solution. En conséquence, ils avaient droit à une restitution de délai.

EN DROIT

1.             Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) c'est en principe à l'autorité compétente sur le fond de se prononcer sur une demande de restitution de délai et non pas à l'instance de recours. La demande de restitution peut toutefois encore intervenir alors que le procès ait pris fin et que le jugement cantonal soit entré en force ou qu'un arrêt définitif ait été rendu par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2013 du 17 décembre 2013 consid. 7.1 ; ATA/1375/2023 du 20 décembre 2023).

2.             Il résulte de ce qui précède que le tribunal est compétent pour connaître de la requête de restitution du délai de paiement de l’avance de frais litigieuse.

3.             En vertu de l'art. 86 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10), la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

4.             À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b).

Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013).

5.             Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’intéressé (ATA/463/2018 du 8 mai 2018).

6.             La demande de sûretés est réglée par les art. 169 LIFD et 38 de la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du 26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18). Selon les art. 170 al. 1 1ère phr. LIFD et 39 al. 1 1ère phr. LPGIP, elle est assimilée à l’ordonnance de séquestre au sens de l’art. 274 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1).

7.             Un séquestre portant atteinte au minimum vital du droit des poursuites reste attaquable par la voie du recours. S’il apparaît que le minimum vital du débiteur et de sa famille est gravement atteint et que, de ce fait, il se trouve dans une situation financière insoutenable, il y a ordonnance de séquestre nulle et non avenue, qui doit être annulée dans la procédure de recours (Hans FREY in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 4ème édition, 2022, n. 19, p. 2738).

8.             En l’espèce, les contribuables contestent avoir commis une faute. Ils se prévalent du fait que le 15 juillet 2024, tous leurs comptes ont été séquestrés.

Les contribuables ne peuvent être suivis.

À teneur des demandes de sûretés du 15 juillet 2024, l’AFC-GE a ordonné aux précités de fournir, en garantie du paiement des impôts des années 2010 à 2023, les sommes de quelque CHF 1.76 million (pour l’ICC) et de CHF 662'700.- (pour l’IFD), intérêts en sus. Ces demandes de sûretés valent ordonnances de séquestre.

Or, les contribuables ne démontrent pas qu’en raison de ces séquestres, leur minimum vital a été à ce point entamé qu’ils n’ont pas été en mesure de s’acquitter du paiement de l’avance de frais réclamée par le tribunal. Ils ne prouvent pas non plus qu’ils ont demandé de faire constater la nullité desdits séquestres. En conséquence, ils ne peuvent se prévaloir d’un empêchement non fautif de régler le montant exigé dans le délai qui leur a été imparti.

9.             Partant, la demande de restitution de délai est rejetée.

10.         Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de restitution de délai déposée le 1er novembre 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière