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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/449/2024

JTAPI/852/2024 du 26.08.2024 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : CALCUL DU DÉLAI;OPPOSITION TARDIVE;RETARD;GROSSESSE
Normes : LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/449/2024 ICC

JTAPI/852/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) 2022 de Monsieur A______ et de Madame B______.

2.             En 2022, les contribuables, mariés et domiciliés en France voisine, étaient soumis aux impôts genevois dans la mesure où Monsieur exerçait une activité indépendante à Genève et que Madame y travaillait (activité salariée).

3.             Au début de l’année 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a envoyé leurs identifiants pour déposer leur déclaration fiscale 2022.

4.             Sans nouvelles de leur part, un rappel simple leur a été envoyé le 8 mai 2023, puis un rappel recommandé le 30 mai 2023 ; ce dernier n’a pas été retiré.

5.             Des bordereaux de taxation d’office ICC/IFD 2022, datés du 13 septembre 2023, leur ont ensuite été notifiés.

6.             Les contribuables ont élevé réclamation en date du 21 décembre 2023 et sollicité l’annulation de leur taxation d’office. Les bordereaux précités, qu’ils avaient reçus le 13 septembre 2023, ne correspondaient nullement à leur situation. Ils avaient consulté une fiduciaire le 10 octobre 2023 et la personne en charge de leur dossier leur avait « expliqué devoir faire une réclamation (…) qui n’a apparemment pas été faites ». Leur situation personnelle - grossesse difficile, arrivée d’un enfant et procédure de divorce entamée en 2022 - les avait beaucoup préoccupés et poussés à mettre leurs tâches administratives de côté. Ils ont prié l’AFC-GE de faire preuve d’indulgence et de compréhension à leur égard « malgré les délais dépassés ».

Cette réclamation n’était accompagnée d’aucune pièce, notamment justificative, ni déclaration fiscale.

7.             Par décision sur réclamation ICC 2022 du 9 janvier 2024, l’AFC-GE a déclaré cette réclamation irrecevable au motif qu’elle n’avait pas été déposée dans le délai légal fixé à l’art. 39 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17). En outre, elle ne respectait pas les critères formels de l’art. 39 al. 2 LPFisc (exigence de motivation accrue pour contester une taxation d’office) et les contribuables ne se prévalaient d’aucun motif légal permettant une restitution du délai pour réclamer (art. 41 al. 3 LPFisc).

8.             Par acte du 7 février 2024, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation.

Ils ont réitéré avoir été contraints, de par leur situation personnelle difficile, à délaisser leurs tâches administratives et avoir contacté une fiduciaire qui n’avait pas transmis dans les délais leur déclaration fiscale. La taxation d’office ne reflétait nullement la réalité de leurs situations et ils n’avaient pas les moyens de payer les sommes réclamées. Ils étaient de bonne foi et seraient à l’avenir vigilants pour qu’une telle situation ne se reproduise plus.

Ils ont produit leur déclaration fiscale 2022, sans pièces justificatives.

9.             Dans ses observations du 3 avril 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

10.         Les recourants n’ont pas donné suite au courrier du tribunal du 4 avril 2024 qui les invitait à déposer leur éventuelle réplique d’ici au 25 avril 2024.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 LPFisc).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l’art. 49 LPFisc.

3.             En matière de réclamation, lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2 ; 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Ainsi, l’objet du présent litige se limite à la question de savoir si c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation des recourants, en raison de sa tardiveté. Il en résulte que des griefs relatifs au bien-fondé des bordereaux en cause sont irrecevables.

4.             À teneur de l’art. 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l’autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l’autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l’étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (41 al. 1 LPFisc).

Selon l’art. 39 al. 2 LPFisc, la réclamation contre une taxation d’office doit être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve.

5.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.2 et les références citées).

L’application stricte des règles relatives aux délais légaux ne relève pas d’un formalisme excessif, mais se justifie dans l’intérêt d’un bon fonctionnement de la justice et de la sécurité du droit, ainsi que pour des motifs d’égalité de traitement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_304/2023 du 21 février 2024 consid. 6.2.2).

6.             En l’espèce, les recourants indiquent, dans leur recours, avoir reçu la taxation finale 2021 le 13 septembre 2023. Le délai de réclamation a donc commencé à courir le lendemain pour arriver à échéance le vendredi 13 octobre 2023. En conséquence, leur réclamation du 21 décembre 2023 est manifestement tardive.

Les recourants font valoir des difficultés personnelles et l’inaction de la fiduciaire qu’ils avaient consultée ; ils sollicitent dès lors de la compréhension et de la bienveillance, faisant en réalité valoir, à tout le moins implicitement, une restitution de ce délai pour les motifs précités.

7.             Selon l’art. 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).
Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Les cas de force majeure sont également réservés. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.3 et les références citées). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré, partant de son représentant (ATA/184/2024 du 6 février 2024 consid. 2.2). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).

La maladie n’est admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place. Ainsi, selon la jurisprudence, le seul état de santé déficient au moment de la notification de la décision est insuffisant, de même qu’une dépression importante. Même le cas d’un administré atteint d’un cancer dont la situation de santé se péjorait et le traitement s’alourdissait, nonobstant un certificat mentionnant la nécessité de soins de l’intéressé et son incapacité à pouvoir gérer sa vie professionnelle et personnelle pendant six mois n’a pas été considéré comme cas de force majeure (ATA/702/2024 du 10 juin 2024 consid. 3.2).

8.             Lorsqu’il mandate une fiduciaire, le contribuable n’est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d’une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l’auxiliaire qu’il n’instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l’activité, du moins s’il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui agit par lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3), étant rappelé que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 5b ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c).

9.             En l’espèce, bien que les difficultés et évènement - soit notamment une grossesse difficile, l’arrivée d’un enfant et le début d’une procédure de divorce -, auxquels les contribuables ont eu à faire face en 2022 aient pu les impacter, ceux-ci ne sauraient constituer ni un motif sérieux au sens l’art. 41 al. 3 LPFisc ni la survenance d’un cas de force majeure les ayant concrètement empêchés d’agir en temps utile ou de désigner un tiers pour s’en charger à leur place, étant précisé que les manquements allégués de la fiduciaire qu’ils expliquent avoir consultée ne constituent ni un tel motif ni un cas de force majeure, puisqu’ils doivent leur être opposables comme leurs siens propres.

Il doit par ailleurs être souligné qu’avant de les taxer d’office, l’AFC-GE leur a notifié deux rappels auxquels ils n’ont donné aucune suite, et qu’ils n’ont déposé leur déclaration fiscale 2022 – au demeurant incomplète faute des pièces justificatives - que dans le cadre de la présente procédure devant le tribunal.

10.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation des recourants. Partant, le recours sera rejeté.

11.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versées à la suite du dépôt des recours. Le solde de cette avance leur sera restitué.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2024 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 9 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Yuri KUDRYAVTSEV et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière