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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1375/2024

JTAPI/768/2024 du 12.08.2024 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;EXCÈS DE VITESSE;PERMIS DE CONDUIRE;ANTÉCÉDENT;FAUTE GRAVE
Normes : LCR.16c.al1.leta; LCR.16.al3; LCR.16c.al2.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1375/2024 LCR

JTAPI/768/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 août 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1944 et domicilié à B______, est titulaire du permis de conduire pour les catégories A, A1, B, BE, B1, D1, D1E (3,5t, 106), D1E, F, G et M depuis le 24 octobre 1963.

2.             Selon le rapport de renseignements établi par la police genevoise le 8 octobre 2022, M. A______ a commis un dépassement de vitesse (103 km/h sur une route limitée à 60 km/h hors-localité) le 8 octobre 2022, à 20h48, constaté par un radar, sur la route du Mandement à proximité du n° 250, 1242 Satigny, en direction de la France. Il s'agissait d'un dépassement de vitesse, marge de sécurité de 6 km/h déduite, de 37 km/h.

L’intéressé a signé une reconnaissance d'infraction.

3.             Par courrier du 12 mars 2024, l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l’infraction du 8 octobre 2022. Une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de toute amende ou autre sanction pénale. Un délai de 15 jours, lui était accordé pour faire part de ses observations.

4.             Le 18 mars 2024, M. A______ a transmis ses observations.

Il s’étonnait du courrier du l’OCV, 18 mois après les faits, ayant déjà dû payer une amende « astronomique » de CHF 2'300.- suite à son excès de vitesse. Il devait fréquemment conduire son épouse malvoyante et souffrant d’une maladie dégénérative (macula) à des rendez-vous médicaux ainsi que son petit-fils, autiste, à son école spécialisée. Une solution autre qu’un véhicule privé pour ces déplacements prioritaires serait impossible depuis son domicile. Si une nouvelle procédure administrative devait être lancée, il espérait une mesure clémente, ayant retenu la leçon.

5.             Par décision du 5 avril 2024, l’OCV a prononcé le retrait du permis de conduire de M. A______ pour une durée de six mois.

Il était retenu un dépassement de la vitesse maximale autorisée hors-localité de 37 km/h, marge de sécurité déduite, le 8 octobre 2022 à 20h48 sur la route du Mandement en direction de la France au volant d’une voiture.

Il s'agissait d'une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

L’intéressé ne pouvait justifier d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission de la circulation (SIAC) faisant apparaître un retrait du permis de conduire prononcé par décision du 1er avril 2019 pour une durée d'un mois, en raison d'une infraction moyennement grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 2 juillet 2019. En outre, il ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence. Il était pris note de ses observations du 19 mars 2024. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, une mesure ne s'écartant pas du minimum légal était prononcée

6.             Par acte du 22 avril 2024, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Le retrait de permis prononcé à son encontre était une catastrophe et aurait des effets dramatiques pour les motifs exposés dans ses observations du 19 mars 2024. Domicilié à B______, l’utilisation d’un véhicule lui était absolument nécessaire pour véhiculer son épouse malvoyante à ses multiples rendez-vous médicaux ainsi que son petit-fils atteint d’un autisme aggravé. Il comprenait que son permis de conduire lui soit retiré mais estimait avoir compris la leçon et demandait une modération de la durée du retrait, afin de tenir compte de sa situation.

7.             Par courrier du 23 avril 2024, en réponse à la demande de report du délai d’exécution formulée par M. A______ le 15 avril 2024, l’OCV a autorisé ce dernier à déposer son permis de conduire au plus tard le 30 juin 2024.

8.             Le 19 juin 2024, l’OCV a transmis son dossier et ses observations, concluant à la confirmation de la décision querellée et au rejet du recours.

Il rappelait les antécédents de M. A______, lesquels concernaient tous des dépassements de vitesses, à savoir : deux avertissements prononcés par décisions des 19 février 2007 et 25 mars 2014 et trois retraits de permis prononcés par décisions du 4 mars 2009 pour une durée de deux mois, du 22 avril 2015 pour une durée d’un mois et du 1er avril 2019 pour une durée d’un mois, chaque fois en raison d’infractions moyennement graves.

En prononçant la décision querellée, laquelle ne s’écartait pas du minimum légal applicable en matière de récidive, il n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation.

9.             Par réplique réceptionnée le 27 juin 2024, le recourant a relevé que l’OCV n’avait absolument pas pris en compte ses remarques concernant sa situation actuelle et les circonstances qui l’obligeaient à utiliser un véhicule privé. Il persistait à solliciter une modération de la peine.

10.         Par duplique du 17 juillet 2024, l’OCV a informé le tribunal n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler. M. A______ avait déposé son permis de conduire le 25 juin 2024, conformément aux termes de sa décision.

11.         Par courrier du 19 juillet 2024, le tribunal a invité le recourant à lui indiquer s’il souhaitait poursuivre la procédure, dès lors qu’il avait déposé son permis de conduire.

12.         Par courrier du 22 juillet 2024, M. A______ a indiqué maintenir son recours, gardant l’espoir d’une modération de la quotité de la peine.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCV (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d'ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5.             Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

6.             Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Réalise enfin une infraction grave, au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

7.             De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu'elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l'excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d'autoroute, etc. (not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 in JdT 2008 I 447 s. et les références citées).

En particulier, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2 ; 124 II 259 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2 ; ATA/25/2015 du 6 janvier 2015 consid. 5a).

Le fait que l'excès de vitesse ait été commis alors que les conditions de la circulation étaient favorables ou que le conducteur jouissait d'une excellente réputation en tant qu'automobiliste ne joue aucun rôle sur la gravité de l'infraction lorsque ces seuils sont atteints, dès lors qu'ils ont été fixés précisément en partant de ces prémisses (ATF 132 II 234 consid. 3 ; ATF 124 II 475 consid. 2a).

8.             En l’espèce, le recourant ne conteste pas avoir commis le dépassement de vitesse du 8 octobre 2022 ni qu’il s’agit d’une infraction grave aux règles de la circulation routière, mais fait valoir qu’il a un besoin impératif de son permis de conduire car il doit fréquemment véhiculer son épouse et son petit-fils, tous deux atteints dans leur santé, en l’absence de solutions alternatives.

9.             Selon l'art. 16c al. 2 let. b LCR, après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour six mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d'une infraction moyennement grave.

10.         En vertu de l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances qui doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire sont notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile.

11.         Ces éléments doivent faire l'objet d'une appréciation d'ensemble, de manière à atteindre autant que possible l'effet éducatif et préventif auquel tend la mesure. Dans ce contexte, l'autorité cantonale dispose d'un large pouvoir d'appréciation et l'autorité de recours n'intervient que si celle-ci a abusé de ce pouvoir, par exemple en ne prenant pas en compte certains éléments pertinents ou encore en appréciant leur portée de manière tout à fait insoutenable (ATF 128 II 173 c. 4b, JdT 2002 I 593, et la jurisprudence citée).

Conformément à cette même disposition, la durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette dernière règle s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte de besoins professionnels particuliers du conducteur (ATF 132 II 234 consid. 2 ; arrêt 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015).

Dans ce cadre, il y a en particulier lieu de souligner le fait que les besoins professionnels ne permettent de moduler la sanction que lorsqu'en fonction des circonstances, l'autorité envisage de prononcer un retrait du permis de conduire d'une durée supérieure au minimum légal. En revanche, tant que la durée du retrait ne s'écarte pas de ce minimum, les besoins professionnels - ou d'autres besoins - ne peuvent avoir pour effet de réduire davantage la sanction (ATF 132 II 234 consid. 2.3 ; cf. aussi ATF 1C_585/2008 du 14 mai 2009, consid. 2.1 in fine et la jurisprudence citée).

12.         En l'occurrence, c'est à juste titre que l’OCV a fixé la durée du retrait de permis de conduire du recourant à six mois en application de l’art. 16c al. 2 let. b LCR, devant prendre en compte dans ce cadre, à titre d'antécédent, le retrait de permis prononcé par décision du 1er avril 2019, pour une durée d’un mois, en raison d’une infraction moyennement grave, dès lors que l’exécution de cette mesure avait pris fin le 2 juillet 2019, soit moins de cinq ans avant la commission de la nouvelle infraction, survenue le 8 octobre 2022. Étant lié par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, l’OCV a correctement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, ne pouvant, en particulier, prendre en compte les besoins et la situation du recourant.

Enfin et même si le tribunal de céans entend que la mesure querellée aura un impact non négligeable pour le recourant et sa famille, il doit aussi relever que ce dernier, qui a fait l’objet de pas moins de cinq décisions de l’OCV, depuis 2007, pour des dépassements de vitesse, ne pouvait ignorer le risque encouru en cas de récidive. Il se devait ainsi d’être particulièrement prudent s'il estimait que son permis lui était indispensable.

13.         Dans ces conditions, la décision querellée ne peut être que confirmée et, partant, le recours rejeté.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

15.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal des véhicules du 5 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière