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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1065/2024

JTAPI/737/2024 du 30.07.2024 ( LCR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;EXCÈS DE VITESSE;PERMIS DE CONDUIRE
Normes : LCR.16c.al1.leta; LCR.16.al3; LCR.16c.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1065/2024 LCR

JTAPI/737/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1979 en Turquie, est un ressortissant allemand et est au bénéfice d'un permis de séjour en Suisse délivré par l'OCPM, valable du 15 mars 2023 au 4 décembre 2027.

2.             Il est employé au sein de l'entreprise B______ AG (ci-après : l'entreprise) au titre d'assistant logistique.

3.             Il est titulaire d'un permis de conduire allemand, délivré le 6 avril 2013, pour la catégorie B.

4.      Le dimanche 10 septembre à 14h01, un véhicule immatriculé au nom de l'entreprise (OW 1______) a été contrôlé par un radar immobile à proximité du 43 route de Marsillon, à Troinex, à une vitesse de 103 km/h, alors que la vitesse signalisée était de 50 km/h (localité), soit avec un dépassement de 47 km/h après déduction de la marge de sécurité de 5 km/h.

5.             Le même jour à 19h10, il a été contrôlé, par un radar immobile à proximité du 62 route du Pas-de-l'Echelle, à Troinex, à une vitesse de 85 km/h, alors que la vitesse signalisée était de 50 km/h (localité), soit avec un dépassement de 30 km/h après déduction de la marge de sécurité de 5 km/h.

6.             Le 6 octobre 2023, un avis au détenteur accompagné des formulaires « reconnaissance d'infraction » (PV d'audition – droits et obligations du prévenu – situation personnelle) a été adressé à l'entreprise par la police routière pour l'excès de vitesse du 10 septembre à 19h10.

7.             Le 20 octobre 2023, un avis au détenteur accompagné des formulaires « reconnaissance d'infraction » (PV d'audition – droits et obligations du prévenu – situation personnelle) a été adressé à l'entreprise par la police routière pour l'excès de vitesse du 10 septembre à 14h01.

8.             Le rapport de police dressé le 7 novembre 2023 suite à la commission des infractions précitées fait état du fait que M. A______ avait commis deux dépassement de la vitesse maximale au moyen d'un véhicule de marque C______, immatriculé OW 1______, dont le détenteur était la société B______ AG. M. D______, muni d'une procuration au nom de l'entreprise, s'était manifesté auprès de la police afin de visionner la photographie du radar aux fins d'identifier le conducteur fautif. Il avait ensuite ramené personnellement les documents complétés et signés au nom de M. A______, conducteur au moment des faits.

9.             Le 16 janvier 2024, l'office cantonal des véhicules (ci-après: OCV) a informé M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance les infractions du 10 septembre 2023, l'invitant à lui faire part de ses observations.

10.         Par courrier du 13 février 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a transmis ses observations. Les deux infractions, commises le même jour dans un temps rapproché et dans le même secteur, l'avaient été sur un tracé rectiligne, avec une bonne visibilité sur route sèche et avec des conditions de trafic fluide. Il avait pensé, à tort, qu'il était sur une route de campagne, car il n'était pas aisé pour un conducteur ne connaissant pas la typologie des lieux de s'en rendre compte, étant au surplus inattentif au panneau de circulation indiquant la limitation de vitesse. De plus, ce jour-là, il était en proie à de vives émotions en lien avec le conflit opposant l'Azerbaïdjan à l'Arménie, son pays d'origine où résidait encore une partie de sa proche famille, ce dernier ayant fait l'objet d'une attaque d'envergure la veille et le jour-même. Bien que cela ne saurait justifier ou excuser les excès de vitesse commis, cela était toutefois de nature à expliquer l'état de confusion généralisé dans lequel il se trouvait ce jour-là. Enfin il n'avait aucun antécédent et avait impérativement besoin de son permis dans le cadre de ses activités professionnelles. Il demandait ainsi que soit prononcé à son encontre un retrait de permis d'une durée équivalente au minimum légal.

Il a produit une attestation de travail de son employeur du 12 février 2024.

11.         Par décision du 21 février 2024, prise en application de l’art. 16c al. 1 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l’OCV a fait interdiction à M. A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée de six mois. Compte tenu de l’ensemble des circonstances et de l’importance de l’excès de vitesse commis le 10 septembre à 14h01(97 km/h au lieu de 50 km/h), il prononçait une mesure qui s’écartait du minimum légal, tout en tenant compte de son besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles. Enfin, dès lors qu'il résidait depuis plus d'un an sur le territoire helvétique, il était dans l'obligation de procéder à l'échange de son permis de conduire allemand contre un permis de conduire suisse. Il l'invitait à se présenter à ses guichets pour ce faire.

12.          Par acte du 27 mars 2024, M. A______ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant à l'annulation de la décision d'interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse du 21 février 2024 en tant que celle-ci portait sur une durée de 6 mois, et cela fait, à ce que la durée de l'interdiction soit fixée à trois mois, sous suite de frais.

Il a conclu préalablement à son audition et à celle de témoins, afin d'obtenir toutes les informations utiles sur les circonstances psychologiques particulières dans lesquelles il se trouvait, de même qu'à un transport sur place, étant relevé à ce sujet que son état émotionnel était lié au fait que son pays d'origine était sur le point de faire l'objet d'une attaque d'envergure des forces armées azéries.

Il n'était pas contesté, en l'état, que les infractions commises en date du 10 septembre 2023 étaient objectivement graves, de sorte que le pouvoir d'appréciation de l'autorité administrative était limité, en tant que celle-ci n'était pas en droit de prononcer une mesure d'interdiction inférieure à trois mois. Cependant l'OCV avait très largement excédé son pouvoir d'appréciation en lui infligeant un retrait de permis de conduire d'une durée deux fois supérieure au minimum légal prescrit au seul motif de l'importance de l'excès de vitesse du 10 septembre 2023 à 14h01, sans jamais prendre en compte - ou de manière insuffisante - les circonstances particulières dans lesquelles les excès de vitesse avaient été commis (configuration des lieux ; état émotionnel), combinées avec l'absence de tout antécédent de sa part et à son besoin professionnel de disposer du permis de conduire.

Ces éléments, pris dans leur ensemble et compte tenu de la jurisprudence constante rendue par le Tribunal fédéral, auraient dû conduire l'autorité administrative à s'en tenir au minimum légal prévu à l'article 16c al.2 let a LCR, à savoir le prononcé d'une interdiction de conduire de trois mois. Le prononcé d'un retrait de permis de six mois, apparaissait inutilement excessif et sévère et violait le principe de la proportionnalité.

Il a joint des pièces, notamment la documentation relative au conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie.

13.          Le 28 mai 2024, l’OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours.

Objectivement et sans égard aux circonstances concrètes, les dépassements de vitesse reprochés constituaient des infractions graves à la LCR, ce de manière. Dans son appréciation, il avait tenu compte du besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles du recourant. Toutefois, compte tenu de l’excès de vitesse commis à 14h01, il avait prononcé une mesure s'écartant du minimum légal. Il n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant la décision querellée, ni en tenant compte de l’importance de l’excès de vitesse commis pour s’écarter du minimum légal. S’agissant de ce dernier point, il invitait le recourant à se référer au fascicule « Virage – Retrait d’admonestation » accompagnant la décision querellée. En effet, la participation du recourant au cours dispensé par le bureau de prévention des accidents (BPA) pouvait réduire d’un mois supplémentaire au maximum la durée de retrait initialement fixée. Enfin, et à toutes fins utiles, il précisait que le recourant n'avait toujours pas procédé à l'échange de son permis de conduire étranger contre un permis de conduire suisse malgré le rappel qui lui avait été fait dans la décision litigieuse.

14.         Par réplique du 21 juin 2024, le recourant a persisté intégralement dans ses conclusions.

Ses demandes d'actes d'instructions étaient motivées par le fait que l'OCV s'était très largement écarté du minimum légal de trois mois. Il se justifiait donc d'établir dans le détail les circonstances particulières dans lesquelles lesdites infractions avaient été commises. Il relevait d'ailleurs que l'intimé ne s'y était pas opposé. Enfin, en réponse aux observations de l'OCV, il joignait son permis de conduire suisse délivré à compter du 3 juin 2024.

15.         Par courrier du 27 juin 2024, l'OCV a annoncé persister intégralement dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d’application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l’espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole les principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Le recourant conclut préalablement à son audition et à celle de témoins, ainsi qu'à la tenue d'un transport sur place.

5.             Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/168/2020 du 11 février 2020 consid. 2 et les références citées). Par ailleurs, il ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

6.             En l'espèce, s'agissant de l'audition de témoins, le recourant n’explique pas quels éléments les intéressés viendraient apporter en audience que la procédure écrite ne lui permettait pas déjà d’exprimer. S'agissant de sa propre audition, le recourant a pu de même développer son argumentation dans son recours et déposer les pièces justificatives qu'il estimait utiles et le tribunal estime disposer d'éléments suffisants et nécessaires pour statuer immédiatement sur le litige. S'agissant en particulier de son état psychologique lié au déclenchement des hostilités armées contre l'Arménie de la part de l'Azerbaïdjan, on verra plus loin qu'il n'y a pas lieu d'en tenir compte, de sorte que les explications qu'il pourrait donner à ce sujet seraient en tout état non pertinentes. Dès lors, il ne se justifie pas de procéder aux auditions requises.

7.             Enfin, le transport sur place requis par le recourant est lui aussi inutile. Le fait que la route soit rectiligne à l'endroit où les infractions ont été commises, aussi bien que l'impression que l'on peut avoir quant au fait de circuler en dehors d'une localité, demeurent sans incidence sur la présente cause, comme il en sera question plus bas.

8.             À teneur de l’art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 21 mai 1977, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur, qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d’entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international dont il est titulaire. Le droit suisse prévoit que l’usage d’un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s’appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 de l’ordonnance réglant l’admission à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51).

Les règles et principes énoncés ci-après sont donc applicables à l’interdiction de faire usage du permis de conduire étranger, notamment allemand, sur le territoire suisse.

9.              Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

10.          Pour déterminer la durée et s’il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

Commet en particulier une infraction grave, selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque.

La qualification du cas grave au sens de cette disposition correspond à celle de l’art. 90 al. 2 LCR (cf. ATF 132 II 234 consid. 3 ; 123 II 37 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B.264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 3.1 ; 6A.80/2004 du 31 janvier 2005 consid. 3.1 ; ATA/392/2010 du 8 juin 2010 consid. 6 ; ATA/456/2009 du 15 septembre 2009 consid. 8c).

11.          De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d’assurer l’égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l’excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d’autoroute, etc. (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 et les références citées).

Le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2). On soulignera ici que ces seuils ont été fixés par la jurisprudence en tenant compte du fait que les dépassements en question sont commis dans des conditions de circulation idéales. Ainsi, le fait que la route soit rectiligne ou que la visibilité soit optimale ne diminue pas le degré de danger atteint par un certain dépassement de la vitesse autorisée, mais fait partie de la définition de ce danger. Lorsque les conditions de la circulation sont défavorables, le danger est accru (à vitesse égale) et la gravité de l'infraction croît également.

Par ailleurs, selon l'art. 31 LCR, le conducteur doit rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence (al. 1). Toute personne qui n’a pas les capacités physiques et psychiques nécessaires pour conduire un véhicule parce qu’elle est sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de médicaments ou pour d’autres raisons, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir (al. 2).

Cette disposition implique notamment de pouvoir demeurer maître de ses émotions (colère, peur, etc.), de manière à ce que celles-ci n'altèrent pas la capacité de conduire de manière conforme aux devoirs de la prudence. Une personne soumise à des émotions trop importantes et qui risque pour cette raison de se comporter de manière contraire à la prudence, doit alors s'abstenir de conduire.

12.          Aux termes de l’art. 16c al. 2 let. a LCR, après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum. Si le conducteur a des antécédents (ce qui n’est pas le cas en l’occurrence), la durée minimum du retrait est supérieure (cf. art. 16c al. 2 let. b, c, d et e LCR).

13.          Selon l’art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l’atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur, ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile ; la durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. Cette dernière règle, qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s’impose à l’autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels – ou autres – particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l’ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5).

14.          Le tribunal a confirmé des mesures de retrait du permis s'écartant du minimum légal, compte-tenu de l'importance de l'excès de vitesse, soit quatre mois pour un dépassement de 35 km/h en localité (JTAPI/1272/2014 du 18 novembre 2014, JTAPI/272/2014 du 18 mars 2014 et JTAPI/1107/2018 du 13 novembre 2018), cinq mois pour un dépassement de 42 km/h (JTAPI/17/2015 du 8 janvier 2015), cinq mois pour un dépassement de 55 km/h hors localité (JTAPI/614/2017 du 6 juin 2017), six mois pour un dépassement de 49 km/h en localité (JTAPI/907/2013 du 21 août 2013) et de six mois pour un dépassement de 46 km/h en localité (JTAPI/235/2015 du 24 février 2015).

15.          En l’espèce, les dépassements de la vitesse autorisée de 47 km/h et 30km/h, marge de sécurité déduite, en localité, ne sont en soi pas contesté. Conformément à la jurisprudence fédérale, de telles infractions doivent être qualifiées de grave au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR, voire même très grave en ce qui concerne la première.

S’agissant de la durée de l’interdiction de faire usage du permis de conduire en Suisse, l’autorité intimée l’a fixée à six mois. Elle a justifié sa décision de s’écarter du minimum légal prévu par l’art. 16c al. 2 let. a LCI, compte tenu de l’importance de l’excès de vitesse commis à 14h01 (97 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon limité à 50 km/h), tout en prenant en considération le besoin professionnel du recourant.

Le dossier ne contient aucun élément particulier qui permettrait éventuellement de considérer le cas comme de moindre gravité, étant rappelé que deux infractions graves ont été commises coup sur coup. De plus, comme indiqué ci-avant, le besoin professionnel du recourant, employé comme assistant logistique, a bien été pris en considération, étant précisé, comme l’OCV l’a relevé, que sa participation au cours imparti par le BPA pourrait réduire d’un mois maximum la durée de la mesure prononcée à son encontre. Rien n’empêche dès lors le recourant de s’inscrire à un tel cours en vue d’obtenir une levée anticipée de la mesure.

L'infraction commise par le recourant - excès de vitesse de 47 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon limité à 50 km/h - se situe à la limite du « délit de chauffard » définie par le législateur. L'art 16c al. 2 let. abis LCR, cum art. 90 al. 4 LCR, stipulent en effet que le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour deux ans au moins si, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, la personne accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, notamment en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, ce qui est le cas lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h.

L'état de confusion généralisé dans lequel, selon lui, le recourant se trouvait n'est pas à même d'influencer la mesure prise par l'OCV, étant rappelé que, conformément à l'art. 31 al. 2 LCR cité ci-dessus, toute personne qui n’a pas les capacités psychiques nécessaires pour conduire un véhicule, est réputée incapable de conduire pendant cette période et doit s’en abstenir.

Par ailleurs, comme également relevé plus haut (cf. consid. 11), le fait que les conditions de circulation étaient favorables au moment des faits ou que le recourant, en se fondant sur son appréciation personnelle et en négligeant la signalisation routière, ait pu se croire hors localité, ne change rien au danger qu'il a fait naître par son comportement.

16.          Eu égard à la casuistique citée plus haut (cf. consid. 14), le tribunal estime que l’OCV n’a pas excédé ou abusé de son large pouvoir d’appréciation en prononçant une mesure d'une durée de six mois qui s’écarte du minimum légal de trois mois, nonobstant l’existence pour le recourant d’un besoin professionnel de conduire.

La décision querellée ne peut dès lors qu’être confirmée.

À toutes fins utile, il sera relevé qu’une autorisation pour faire usage du permis de conduire malgré l’interdiction pour les trajets professionnels ne saurait être délivrée dans la présente espèce, dès lors que le recourant a commis une faute grave, de sorte que les conditions cumulatives de l’art. 33 al. 5 OAC ne sont pas remplies.

17.          Mal fondé, le recours sera rejeté.

18.          En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 mars 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 21 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière