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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2104/2024

JTAPI/674/2024 du 03.07.2024 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);PROLONGATION;DÉTENTION POUR INSOUMISSION
Normes : LPA.45; LEI.78; LEI.80.al4; LEI.81
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2104/2024 MC

JTAPI/674/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Francesco MODICA, avocat

 

contre


OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (alias B______), né le ______ 1986, est originaire d'Algérie.

2.             M. A______ est connu de la justice suisse, comptant douze condamnations pour, notamment, de nombreux vols, vols par métier, vols en bande, violations de domicile, dommages à la propriété et rupture de ban conformément aux art. 139 ch. 1, 2 et 3, 186, 144 al.1 et 291 al.1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

3.             Le 20 juillet 2009, les autorités genevoises ont requis le soutien du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : le SEM) en vue de l'identification formelle de l'intéressé par un État, étant observé qu'il se trouvait sous le coup d'une décision de renvoi.

4.             M. A______ a fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse (IES) valables, respectivement, du 30 juillet 2009 au 29 juillet 2014 et du 30 septembre 2014 au 6 octobre 2019.

5.             Le 10 janvier 2017, le consulat algérien a informé le SEM que l'intéressé avait été identifié comme ressortissant algérien sous le nom de A______ et qu’il était disposé à délivrer un laissez-passer en sa faveur.

6.             Par jugement du 13 octobre 2017, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a prononcé l'expulsion obligatoire de Suisse de M. A______ pour une durée de dix ans, conformément à l'art. 66a CP.

7.             Le 12 février 2020, M. A______ a été présenté par les autorités vaudoises aux consultations consulaires en vue du retour des personnes reconnues comme ressortissants algériens (counselling) à Berne.

8.             Un vol prévu pour le 27 avril 2020 a été annulé le 25 mars 2020 malgré l'obtention d'un laissez-passer en raison de la fermeture des frontières pour cause de crise sanitaire liée à la Covid-19. À compter de la réouverture des frontières et jusqu'à la fin de l'année 2021, seuls les retours volontaires pouvaient être effectués. Ce n'est que depuis le début de l'année 2022 que les vols avec escorte policière ont pu progressivement être à nouveau opérés.

9.             Par jugement du 25 janvier 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a prononcé l'expulsion obligatoire de Suisse de M. A______ pour une durée de 20 ans, conformément à l'art. 66a al.1 let d et 66b al.1 CP.

10.         Le 10 juin 2021, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a notifié à l'intéressé une décision de non-report d'expulsion judiciaire, en vertu de laquelle il était informé qu'il devait quitter la Suisse dans un délai de 48 heures. L'intéressé n'a pas donné suite à cette injonction.

11.         Par jugement du 7 mars 2023, confirmé en appel, le Tribunal de police du canton de Genève a prononcé une nouvelle expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de 20 ans, conformément à l'art. 66b al.1 CP.

12.         Le 23 mai 2023, l'OCPM a notifié à l'intéressé un courrier l'invitant à se déterminer sur une décision de non-report de son expulsion du 7 mars 2023.

13.         Par réponse du 25 mai 2023, M. A______ a indiqué ne pas vouloir retourner en Algérie et préférer rejoindre des membres de sa famille en France.

14.         Par ordonnance du 5 février 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______, la fin de sa peine arrivant à échéance le 1er septembre 2024. Il ressort notamment de son argumentaire : « S'agissant du pronostic, il se présente sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents du cité, en particulier s'agissant de vols et de cambriolages commis à réitérées reprises et d'infractions en matière de séjour des étrangers en Suisse. Les diverses peines privatives de liberté qui lui ont été infligées ne l'ont pas dissuadé de demeurer, respectivement de revenir en Suisse, et de commettre de nouvelles infractions contre le patrimoine. Sa situation personnelle demeure inchangée et on ne perçoit aucun effort du cité pour modifier sa situation, étant rappelé qu'il fait l'objet d'une expulsion de Suisse d'une durée de 20 ans. Aucun projet concret et étayé n'est présenté, de sorte qu'il se retrouvera à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir, en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Il n'a enfin aucune garantie de pouvoir séjourner légalement en France, où il dit vouloir se rendre à sa sortie. En l'état, rien n'indique que l'intéressé saurait mettre à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant au casier judiciaire, ce risque ne se limite pas à des infractions à la LEI ».

15.         Le 15 février 2024, l'OCPM a sollicité les services de police en vue de l'organisation du renvoi de l'intéressé dès la fin de sa peine, le 1er septembre 2024.

16.         Le 5 mars 2024, l'OCPM a été informé que M. A______ serait libéré le lendemain à la suite du paiement de ses amendes.

17.         Le même jour, les services de police ont sollicité auprès de swissREPAT, la réservation d'une place à bord d'un avion de ligne, lequel a pu être réservé pour le 8 avril 2024.

18.         Le 6 mars 2024, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______, pour une durée de trois mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h de cette même loi ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

19.         Le 7 mars 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du commissaire de police pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 5 juin 2024 inclus (JTAPI/197/2024).

20.         Le 11 mars 2024, les services de police ont requis de swissREPAT que le vol du 8 avril 2024 soit transformé en vol avec escorte policière, ce qui s'est concrétisé le 22 mars 2024.

21.         Le 8 avril 2024, M. A______ a fait échouer son embarquement.

22.         Le 9 avril 2024, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois sur la base de l'art. 78 al. 1 LEI (détention pour insoumission).

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il n'entendait toujours pas retourner dans son pays d'origine.

23.         Cet acte a été soumis le même jour au tribunal en vue du contrôle de sa légalité.

24.         Entendu le 11 avril 2024 par le tribunal, M. A______ a indiqué qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie et qu'il ne prendrait pas l'avion qu'on lui réserverait, sous escorte policière à destination de son pays d’origine. La dernière fois, les agents lui avaient fait mal aux poignets, aux cuisses et au visage. Il ne souhaitait pas retourner en Algérie car toute sa famille vivait en France où il ne possédait pas de permis de séjour. Il comptait solliciter un visa pour se rendre en France. S'il était libéré, il s’engageait à quitter immédiatement la Suisse pour la France.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu’un nouveau vol avec escorte policière allait être organisé. La date de celui-ci n'était pas encore déterminée. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour insoumission pour une durée d'un mois.

Le conseil de l'intéressé a plaidé et s'en est rapporté à justice.

25.         Par jugement du 11 avril 2024 (JTAPI/324/2024), le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour insoumission du commissaire de police pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 8 mai 2024 inclus.

26.         Le 26 avril 2024, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour insoumission pour une durée de deux mois.

27.         Par jugement du 7 mai 2024 (JTAPI/197/2024), le tribunal a prolongé la détention administrative pour insoumission de l'intéressé pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 8 juillet 2024.

Sur le principe, la détention pour insoumission de M. A______ avait déjà été confirmée par le tribunal, la dernière fois par jugement du 11 avril 2024 (JTAPI/324/2024), de sorte qu’en l’absence de changement des circonstances ayant conduit à cette conclusion, respectivement de réalisation des conditions de l'art. 78 al. 6 LEI, il n’y avait pas lieu d’y revenir.

En tout état, l’intéressé continuait d’exprimer son intention de se soustraire à son renvoi et il apparaissait ainsi que les conditions d'une détention pour insoumission étaient toujours remplies, étant rappelé que les vols spéciaux à destination de l’Algérie n'étaient pas possibles et que la collaboration de l’intéressé était ainsi indispensable.

La mesure litigieuse était aussi conforme au principe de célérité, l'autorité compétente ayant entrepris et continuant d’entreprendre toutes les démarches utiles en vue du départ de l’intéressé. La réservation d’un nouveau vol à destination de l’Algérie avait d’ailleurs été confirmée par le représentant de l’OCPM lors de l’audience de ce jour. Il ne pouvait ainsi être retenu à ce stade qu'il n'y aurait pas de perspectives sérieuses que son renvoi puisse avoir lieu dans un délai prévisible.

Enfin, la durée de la détention de M. A______ demeurait pour l'heure tout à fait conforme au principe de proportionnalité.

28.         Le 24 juin 2024, l'OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour insoumission pour une durée de deux mois indiquant qu'un nouveau vol DEPA était en cours d'organisation.

29.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 2 juillet 2024, M. A______ a déclaré qu'il était toujours opposé à retourner en Algérie et qu'il souhaitait quitter la Suisse par ses propres moyens et rejoindre sa famille en France.

Le représentant de l'OCPM a indiqué que comme lors de la précédente audience devant le tribunal, il pouvait confirmer qu'une place sur un vol sous escorte policière à destination de l'Algérie était réservée en faveur de l'intéressé et devrait avoir lieu dans le délai de deux mois visé par la présente demande de prolongation. Il ne souhaitait toutefois pas communiquer la date précise de ce départ pour maximiser les chances de concrétiser ce renvoi.

Le conseil de M. A______ a indiqué qu'il s'opposait au procédé de l'OCPM consistant à ne pas divulguer la date du vol prévu et demandait à tout le moins que le tribunal en ait connaissance.

Le représentant de l'OCPM a remis, à l'intention du seul tribunal, l'échange de courriers indiquant la date du vol réservé en vue de l'exécution du renvoi de M. A______. Il produisait très précisément une copie de la réservation effectuée par SwissREPAT.

Il a précisé que la confidentialité de ces documents résultait de la nature de la détention pour insoumission de M. A______. De plus, il soulignait que la présente audience avait notamment pour but d'établir si l'intéressé avait ou non changé d'avis, et que les autorités suisses, face à un refus catégorique, n'avaient pas l'obligation d'entreprendre des démarches en vue du renvoi de l'intéressé.

Il a ajouté qu'à ce jour, le laissez-passer n'avait pas encore été délivré par les autorités algériennes. Il le serait selon le courrier confidentiel transmis au tribunal.

Sur questions du conseil de M. A______, il a expliqué que ce dernier avait été transféré dans l'établissement de détention administrative de l'aéroport de Zurich au printemps 2024 pour libérer une place dans les établissements genevois. À ce jour, sa demande de transfert à Genève n'avait pas été acceptée. Il devrait néanmoins être transféré à Genève les jours précédant son vol.

Ce jour des places étaient disponibles dans les établissements de détention administrative genevois. Il ne souhaitait pas indiquer au conseil de l'intéressé depuis quel aéroport M. A______ quitterait le sol suisse et confirmait qu'il s'agissait d'un vol sous escorte policière et qu'il n'existait pas de possibilité d'organiser un vol spécial à destination de l'Algérie.

Pour le surplus, il a conclu à l'admission de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ pour une durée de deux mois.

Le conseil de M. A______ a conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission et à la mise en liberté immédiate de son client.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention pour insoumission de deux mois, puis à nouveau de deux mois tous les deux mois (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 6 al. 2 et 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; cf. aussi art. 78 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

2.            S'il entend demander une prolongation d'une détention pour insoumission, l'OCPM doit saisir le tribunal au moyen d'une requête écrite et motivée au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. e et 8 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, une telle requête a été valablement déposée le 24 juin 2024.

4.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.            M. A______ conteste le bien-fondé du procédé de l'OCPM consistant à ne pas lui divulguer la date à laquelle son renvoi par avion aura lieu ni de lui communiquer les pièces établissant qu'une réservation a été faite à cet effet.

6.            Selon l'art. 45 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), l’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (al. 1). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3). La décision par laquelle la consultation d’une pièce est refusée peut faire l’objet d’un recours immédiat (al. 4).

7.            Lors de l'audience, le représentant de l'OCPM a expliqué que la date du départ n'était pas portée à la connaissance du contraint afin de maximiser les chances de succès de l'exécution de son renvoi.

Il ressort des pièces soumises au tribunal que la date du vol devant reconduire M. A______ en Algérie est comprise durant la période visée par la présente demande de prolongation, soit entre le 8 juillet et le 8 septembre 2024. Compte tenu de l'opposition catégorique de M. A______ à son renvoi, affirmée à nouveau lors de l'audience de ce jour, et de l'intérêt public prépondérant à l'exécution de celui-ci, le tribunal considère que l'OCPM n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en soustrayant à la consultation de l'intéressé les documents donnant plus de précisions au sujet de l'organisation du vol de retour.

8.            En vertu de l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

9.            Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays.

10.        La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Cet examen suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances, parmi lesquelles figurent la durée de la détention déjà accomplie, la persistance du détenu à ne pas collaborer, ses relations familiales, son âge, son état de santé et ses antécédents (arrêts 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_936/2010 du 24 décembre 2010 consid. 1.3 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2). Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016) et n'entraîne pas en soi une libération de la détention (ATF 134 I 92 consid. 2.3.2 p. 97).

11.        La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois. Moyennant le consentement de l’autorité judiciaire cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays, elle peut être prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

12.        La durée de la détention pour insoumission ne doit pas excéder, avec la détention en vue du renvoi et la détention en phase préparatoire, dix-huit mois (art. 78 al. 2 LEI et 79 al. 1 et 2 LEI ; ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.3).

13.        En l'occurrence, sur le principe, la détention pour insoumission de M. A______ a déjà été confirmée par le tribunal, la dernière fois par jugement du 7 mai 2024, de sorte qu’en l’absence de changement des circonstances ayant conduit à cette conclusion, respectivement de réalisation des conditions de l'art. 78 al. 6 LEI, il n’y sera pas revenu.

En tout état, l’intéressé continue d’exprimer son opposition catégorique à son renvoi et il apparait ainsi que les conditions d'une détention pour insoumission sont toujours remplies, étant rappelé que les vols spéciaux à destination de l’Algérie ne sont pas possibles et que la collaboration de l’intéressé à son renvoi est ainsi indispensable.

Dans le cas des détentions pour insoumission, il n'y a pas d'obligation des autorités suisses de renouveler régulièrement une tentative de renvoi, du moins tant que la personne en détention n'indique pas avoir changé son point de vue à ce sujet. Toutefois, le représentant de l’OCPM a confirmé lors de l'audience, en produisant des pièces soustraites à la consultation de l'intéressé, qu'une place sur un vol à destination de l’Algérie, durant la période visée par la demande de prolongation, était réservée en faveur de M. A______. Il ne peut ainsi être retenu à ce stade qu'il n'y aurait pas de perspectives sérieuses que son renvoi puisse avoir lieu dans un délai prévisible.

Contrairement à ce que le conseil de M. A______ fait valoir, rien n'indique pour l'heure que le renvoi serait concrètement impossible. Encore une fois, contrairement à l'objectif de la détention en vue du renvoi, qui est de permettre l'exécution du renvoi de l'étranger en évitant qu'il disparaisse dans la clandestinité, la détention pour insoumission vise à obtenir un changement de comportement de la personne concernée et ne se justifie que si sa détention en vue du renvoi n'est plus possible sans sa coopération (cf. supra ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 4.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 3 ; 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.3.2). C'est du reste pour tenir compte de cette différence que l'art. 78 al. 6 let. a LEI prévoit, par opposition à l'art. 80 al. 6 let. a LEI, que la détention pour insoumission est levée si un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités. En d'autres termes, tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut pas se prévaloir de l'art. 80 al. 6 let. a LEI en cas de détention pour insoumission. Il ne peut faire valoir l'impossibilité du renvoi pour justifier sa libération que si cette situation n'est pas en lien avec son obligation de collaborer en application de l'art. 78 al. 6 let. a LEI. Ainsi, comme l'impossibilité du renvoi dont M. A______ se prévaut dépend de son propre comportement, cette situation ne saurait justifier la levée de sa détention pour insoumission (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 4.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 3).

La durée de la prolongation de l'ordre de mise en détention étant de deux mois, la décision attaquée respecte le principe de la proportionnalité. Elle est nécessaire pour obtenir le respect des décisions de justice d’expulser l’intéressé, apte à y parvenir et proportionnée au sens étroit dès lors qu’aucun autre moyen ne permet d’assurer le résultat. La durée maximale de la détention, de dix-huit mois, n'est pour le surplus pas atteinte et elle ne le sera pas non plus à l'issue de la prolongation demandée.

14.        M. A______ reproche à l'OCPM de l'avoir placé dans l'établissement de détention administrative de l'aéroport de Zurich, au motif qu'étant francophone, il était privé de ses repères.

15.        Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

16.        Selon l’art. 81 LEI, intitulé « conditions de détention », l’étranger en détention peut s’entretenir et correspondre avec son mandataire, les membres de sa famille et les autorités consulaires (al. 1). La détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission (al. 2).

17.        La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Selon l'art. 12a LaLEtr, les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12, conclu entre les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève.).

18.        Le détenu a droit au respect et à la protection de sa dignité, de son intégrité physique et psychique et de ses convictions religieuses (art. 14 al. 1 CEDA) et l’exercice de ses droits ne peut être restreint que dans la mesure requise par la privation de liberté, par les exigences de la vie collective dans l’établissement ou par le fonctionnement normal de l’établissement (al. 2).

19.        Selon l’art. 20 CEDA, en règle générale, le détenu peut accéder librement à un espace en plein air pendant la journée (al. 1). Il a droit à au moins une heure de promenade par jour, dès le début de la détention (al. 2).

20.        Le détenu peut communiquer librement par téléphone ou par télécopie, à ses frais (art. 23 al. 1 CEDA).

21.        Aux termes de l’art. 30 al. 1 CEDA, les cantons concordataires disposent des établissements suivants pour l’exécution de la détention administrative des étrangers : le ou les établissements gérés par la fondation concordataire (let. a) ; le ou les établissements gérés par l’un des cantons concordataires, reconnus par la Conférence (let. b). Selon l’al. 2, la reconnaissance (au sens de la lettre b ci-dessus) est décidée par la Conférence en considération du respect par l’établissement cantonal des conditions matérielles et des exigences qualitatives applicables à la détention administrative. Elle peut être assortie de conditions ou être limitée dans le temps.

22.        En l'occurrence, M. A______ n'a formulé aucun grief qui permettrait de conclure que les conditions de sa détention administrative au sein de l'établissement zurichois de détention administrative contreviendraient aux dispositions du CEDA justifiant sa mise en liberté.

23.        Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ sera admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 8 septembre 2024 inclus.

24.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M.  A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission formée le 24 juin 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations à l’encontre de Monsieur A______ ;

2.             prolonge la détention administrative pour insoumission de Monsieur A______  pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 8 septembre 2024 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______ , à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière