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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2002/2024

JTAPI/633/2024 du 25.06.2024 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.80.al6.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2002/2024 MC

JTAPI/633/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Warren MARTIN, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2003 et originaire d'Algérie (alias B______, né le ______ 2003 ou C______, né le ______ 2005, Algérie), est arrivé en Suisse le 1er septembre 2022, démuni de documents d'identité, et a déposé le même jour une demande d'asile. Sa demande de protection internationale a été radiée à deux reprises par le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM), le 14 octobre 2022 et le 6 mars 2023, en application de l'art. 8 al. 3bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), suite à ses disparitions.

2.             Depuis son arrivée en Suisse, il a été condamné pénalement à six reprises, dont à cinq reprises notamment pour vol au sens de l'article 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la dernière fois par ordonnance pénale rendue le 15 mai 2023 par le Ministère public de Berne-Mittelland.

3.             M. A______ a également fait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prise à son encontre par le commissaire de police le 7 octobre 2022 et valable pendant douze mois.

4.             S'agissant de sa situation personnelle, M. A______ a déclaré aux services de police genevois, le 8 octobre 2022, qu'il n'avait ni amis, ni famille à Genève, qu'il dormait dans les environs de la gare de Cornavin, qu'il vivait grâce aux aides sociales et que son passeport et sa carte d'identité se trouvaient chez ses parents en Algérie.

5.             En outre, le Tribunal de police du canton de Genève a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans par jugement du 5 décembre 2022, expulsion que l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a décidé de ne pas reporter, lui impartissant un délai de 24 heures pour quitter le territoire suisse par ses propres moyens.

6.             L'intéressé n'a pas respecté ces injonctions.

7.             Suite aux démarches effectuées par le SEM depuis le 7 décembre 2022, M. A______ a été reconnu par les autorités algériennes en date du 27 octobre 2023. A cette occasion, le SEM précisait que l'intéressé devait être présenté à un entretien consulaire a Wabern avant la réservation d'un vol. A l'issue du Counseling, et dans l'hypothèse ou un document de voyage serait émis par le Consulat d'Algérie, les autorités cantonales pourraient réserver un vol auprès de swissREPAT dans un délai de trente jours ouvrables.

8.             Le 6 mars 2024, M. A______ a été interpellé dans le canton de Schaffhouse en possession d'un vélo volé.

9.             Le Ministère public du canton de Schaffhouse a prononcé une ordonnance pénale à son encontre en date du 8 mars 2024, le condamnant à une peine privative de liberté de deux mois sous déduction de deux jours de détention provisoire, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-.

10.         Le 11 mars 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, retenant au titre du motif de la détention, notamment, qu'il avait été condamné pour la commission de crimes. Les démarches en vue de l'inscription de l'intéressé à un « counseling » seraient immédiatement entamées. Toutefois, les « counselings » étaient organisés par le SEM et les autorités algériennes à Wabern une fois par mois et les places octroyées au canton de Genève par le SEM sont au nombre de deux. Dans ces circonstances, et compte tenu de la forte demande du canton de Genève, il n'était pas possible de garantir que l'intéressé serait présenté au prochain rendez-vous avec le consul d'Algérie. Si toutefois les parents de M. A______ faisaient parvenir le passeport algérien de leur fils au centre de détention à Genève, un vol à destination de l'Algérie pouvait être obtenu dans environ dix jours.

11.         Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie et qu'il ferait un scandale si on tentait de le faire embarquer dans l'avion.

12.         Lors de l’audience du 15 mars 2024 devant le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il ne souhaitait pas retourner en Algérie car il était arrivé en Europe à l'âge de 18 ans. Il était né le ______ 2003.

La représentante du commissaire de police a indiqué que le SEM avait été interpelé au sujet de M. A______ suite à sa mise en détention administrative et il était désormais considéré comme un cas prioritaire en vue d'un counseling, lequel devrait avoir lieu dans la période de fin mars début avril sauf imprévu.

13.         Par jugement du 15 mars 2024 (JTAPI/241/2024), le tribunal a confirmé la mise en détention de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 10 juillet 2024 inclus.

14.         Par requête du 12 juin 2024, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté.

15.         Lors de sa comparution, ce jour, devant le tribunal, M. A______ a prétendu s’appeler B______. Sa demande de mise en liberté reposait sur le fait qu’il avait pu trouver une adresse à D______ [VD], adresse à laquelle les autorités auraient en tout temps la possibilité de le convoquer. Cette adresse correspondait à celle d’une amie de sa mère. Il disposait d’un peu d’argent. Il s’agissait d’environ CHF 3’000.- qui se trouvaient en France. Il avait en outre environ CHF 1'000.- francs suisses qu’il avait laissés chez un ami en Suisse. Sur question du tribunal de savoir ce qu’il ferait, au cas où il était remis en liberté, le jour où les autorités lui annonceraient qu’il y avait un vol pour lui à destination de l’Algérie, il ne pouvait pas le dire pour le moment, c’était une décision qu’il prendrait sur le moment. Cela dépendrait de sa situation financière. S’il disposait de suffisamment d’argent pour retourner en Algérie, il serait d’accord, mais autrement non. Sur question de son conseil de savoir comment il réagissait à l’annonce du fait qu’un vol était désormais prévu pour lui le 8 juillet prochain, il a indiqué qu’il refusait de prendre cet avion car la vie en Algérie était devenue trop chère et qu’il n’avait pour l’instant rien à faire dans ce pays.

Le représentant de l'OCPM a produit deux nouvelles pièces, la première indiquant qu’à la suite du counselling du 15 mai 2024, les autorités algériennes étaient disposées à délivrer un laissez-passer à M. A______ et la seconde étant la réservation effectuée suite à cette information pour un vol prévu le 8 juillet 2024 au départ de Genève à destination d’Alger.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à la levée immédiate de sa détention.

Le représentant de l’OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté et à la confirmation de l’ordre de mise en détention de M. A______.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 12 juin 2024 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

4.            Selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention administrative d'une personne étrangère devant quitter le territoire suisse doit être levée si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1; arrêt 2C_216/2023 du 22 juin 2023 consid. 6.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible, respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1; 2C_233/2022 du 12 avril 2022 consid. 4.3.1; 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1; 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1; 2C_634/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1; arrêt 2C_468/2022 du 7 juillet 2022 consid. 4.1 et les arrêts cités).

5.            La détention administrative peut également être levée si la demande de levée de détention est admise, ce qui suppose dans ce cas que les conditions de la détention ne sont plus remplies que ce soient sous l’angle de la légalité au sens strict ou de la proportionnalité.

6.            En l’espèce, M. A______ prétend que sa détention serait désormais disproportionnée au motif qu’il disposerait de moyens suffisants pour subvenir seul à son entretien et qu’il disposerait en outre d’un logement auprès d’une amie de sa mère. Il fait valoir en outre qu’il s’est comporté correctement ces derniers mois.

7.            Le tribunal ne peut pas suivre cette argumentation. En effet, il faut tout d’abord relever que ce n’est pas en raison de l’absence de moyens financiers ou de logement que sa détention administrative a été prononcée par le commissaire de police le 11 mars 2024, ni qu’elle a été confirmée par le tribunal le 15 mars 2024, mais parce que les conditions légales de sa détention administrative étaient réalisées en raison de sa condamnation pour des infractions constitutives de crimes et parce que, sous l’angle de la proportionnalité, aucune autre mesure que cette détention n’apparaissait apte à assurer l’exécution de son expulsion, vu le mépris qu’il avait affiché jusqu’ici vis-à-vis de l’ordre juridique, y compris en ce qui concernait son obligation de quitter le territoire suisse et vu son refus catégorique de retourner en Algérie. A ce jour, aucun de ces éléments n’a subi la moindre modification, ce qui ne saurait entrainer une autre appréciation que celle que le tribunal a déjà faite au sujet de la légalité et la proportionnalité de la détention. Il convient en particulier de relever que M. A______, à l’audience de ce jour, a à nouveau affirmé son refus de retourner en Algérie, ayant appris qu’un vol était désormais réservé pour lui le 8 juillet 2024.

8.            Pour être complet, il faut encore relever que son bon comportement ces derniers mois résulte essentiellement du fait qu’il était privé de sa liberté et que quoi qu’il en soit, cet élément est également étranger aux critères à prendre en considération dans le cadre d’une détention administrative.

9.            Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 10 juillet 2024, date jusqu'à laquelle elle a été prolongée selon jugement du tribunal du 15 mars 2024.

10.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 12 juin 2024 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 10 juillet 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______ , à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 25 juin 2024

 

La greffière