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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3284/2023

JTAPI/620/2024 du 24.06.2024 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3284/2023 LCR

JTAPI/620/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Par décision du 3 octobre 2023, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a retiré le permis de conduire toutes catégories, sous catégories et catégories spéciales de Monsieur A______, né le ______ 1963, pour une durée indéterminée, en application de l’art. 16d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Il lui a été fait interdiction de conduire des véhicules pour lesquels un permis de conduire n’était pas nécessaire au sens de l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), durant la durée du retrait. La levée de cette mesure était subordonnée à la présentation d’un certificat médical favorable émanent du Dr. B______, médecin de niveau 3.

Le 15 juin 2023, Me C______, curateur de l’intéressé, l’avait informé que son pupille se trouvait sous placement à des fins d’assistance auprès de la résidence D______ et que lors d’une audience auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) le 6 novembre 2017, les Drs. E______, psychiatre, et F______, médecin-conseil, avaient affirmé tous deux qu’il n’était pas apte à conduire.

Par décision du 28 juin 2023, son permis de conduire lui avait été retiré à titre préventif et il lui avait été imposé de se soumettre à un examen d’évaluation de son aptitude à la conduite des véhicules à moteur auprès du Dr. B______. Cet examen avait révélé une inaptitude à la conduite des véhicules à moteur, confirmée par rapport du 17 août 2023.

2.             Par acte du 10 octobre 2023, M. A______, a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Suite à la destitution de son permis, il se trouvait au chômage. On prenait des mesures punitives de retrait indéterminé du permis par pathétisme et à cause de personnages avec une certaine idée de zèle, tels les Dr. E______, F______ et B______. On le prenait pour une planche à billets en trouvant mille excuses pour faire de lui un sans domicile fixe. Il était outré d’un tel procédé et du fait que l’on profitait de son impasse avec Me C______, son illuminatif curateur.

3.             Dans ses observations du 11 décembre 2023, l’OCV a conclu au rejet du recours. Le 9 août 2023, le Dr. B______ avait procédé à une évaluation du recourant. Dans son rapport du 17 août 2023, il avait conclu à l’inaptitude à la conduite des véhicules à moteur du 1er groupe, en raison de troubles cognitifs importants et une anosognosie. Le recourant n’indiquait pas les raisons pour lesquelles l’autorité aurait dû s’écarter des conclusions de l’expert. Enfin, il précisait au recourant que le retrait de permis prononcé ne visait pas à sanctionner une infraction à la LCR qui aurait été commise mais qu’il s’agissait d’une mesure de sécurité dont le but était d’écarter le conducteur dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettaient pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile. Il a produit son dossier

4.             Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti par le tribunal

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

4.             Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. a LCR, qui met en œuvre les principes posés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile.

5.             Cette mesure constitue un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elle ne tend pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

6.             La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite au sens de l'art. 16d al. 1 let. a LCR constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de la personne intéressée ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 du 11 août 2023 consid. 3.1 ; 1C_459/2022 du 9 mars 2023 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée.

7.             Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par celle-ci et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 140 II 334 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_294/2018 du 21 septembre 2018 consid. 5.1). Il faut que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport d'expertise se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_152/2019 du 26 juin 2019 consid. 3.1).

8.             Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l'état clinique d'un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l'opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d'autant plus vraie que certains concepts de la médecine n'ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l'autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l'aptitude à conduire d'un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu'il appartient fondamentalement à l'autorité administrative, respectivement au juge, d'apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l'aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L'autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l'autorité trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire : si le juge n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert médical, il ne peut s'en défaire, sous peine de violer l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection contre l'arbitraire), qu'en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d'agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, "Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical", AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

9.             Le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu (art. 17 al. 3 LCR).

10.         En l'occurrence, le litige est circonscrit à la contestation du retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée prononcée par l'OCV.

11.         Ayant conçu des doutes quant à l'aptitude à la conduite du recourant après avoir reçu l’information de son curateur que ses médecins le considéraient inaptes à la conduite, l'OCV a légitimement ordonné une enquête sous la forme d'une expertise médicale. Il s'est fondé, sans que cela ne soit discutable, sur les conclusions du rapport d'expertise du Dr. B______ pour nier l'aptitude à la conduite du recourant. Il n’y a aucune raison objective de s’écarter de ce rapport d’expertise clair et complet.

12.         Enfin, l'autorité intimée a prononcé la seule mesure prévue par la loi, laquelle dispose que, dans de telles circonstances, le retrait de sécurité est obligatoirement prononcé pour une durée indéterminée (art. 16d al. 1 LCR).

13.         Partant, le recours sera rejeté et la décision de l'OCV confirmée.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 300.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 3 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière