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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3642/2023

JTAPI/345/2024 du 16.04.2024 ( LCR ) , REJETE

Normes : OAC.42.al3bis.leta; OAC.42.al4; OAC.45.al1; OAC.5k.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3642/2023 LCR

JTAPI/345/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mario BRANDULAS, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2000 à Genève, est titulaire d'un permis français délivré le 2 février 2022 pour la catégorie AM obtenue le 28 août 2021.

2.             Le 27 janvier 2022, il a été contrôlé par la police alors qu'il circulait au guidon d'un motocycle.

3.             Par ordonnance pénale du 22 août 2022, le Ministère public a déclaré M. A______ coupable d'infractions aux art. 95 al.1 let. a., 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) et 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Il lui était reproché d'avoir à Genève, le 27 janvier 2022, aux alentours de 16h45, notamment sur le boulevard Emile-Jaques-Dalcroze, en direction de la rue de l'Athénée, circulé au guidon du motocycle immatriculé France / 1______ alors qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire requis étant précisé qu'il était uniquement titulaire d'une attestation de suivi de la formation pratique du brevet de sécurité routière, laquelle n'était valable que sur le territoire français et était au demeurant échue et, dans ces circonstances, à la hauteur de la place des Casemates, obliqué à droite malgré le signal le lui interdisant. Il lui était enfin reproché de régulièrement consommer des stupéfiants, soit du cannabis.

4.             Par courrier du 30 janvier 2023, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a fait savoir à M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l’infraction à la LStup du 27 janvier 2022. Un délai de quinze jours lui était octroyé pour faire part de ses observations.

5.             Par courrier du 7 février 2023, M. A______ a fait par de ses observations à l'OCV. Il contestait le contenu de son audition par les services de Police, qui avait été réalisée sous pression et à charge. Il avait d'ailleurs fait opposition, malheureusement tardivement, à l'ordonnance pénale du 22 août 2022. Il ne se droguait pas ni ne consommait des stupéfiants. De plus, il n'avait jamais conduit un véhicule sans autorisation, car il avait bien un permis de conduire et avait effectué tous les cours attestant de sa capacité de conduire.

Il a transmis son courrier du 28 novembre 2022, adressé au Tribunal de Police et ses annexes, soit notamment une photocopie de son permis de conduire français délivré le 2 février 2022 et une attestation de sécurité routière française de 2021.

6.             Par courrier du 22 mars 2023, l'OCV a invité M. A______ à fournir des informations sur son domicile. Il ressortait du fichier de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qu'il était au bénéfice d'un permis d'établissement dans le canton de Genève depuis le 1er août 2015. Il devait, par conséquent, effectuer le changement de son permis de conduire étranger contre un permis de conduire suisse. Un délai de 15 jours lui était imparti pour répondre à ses questions. À défaut, il lui interdirait l'usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse, pour une durée indéterminée, avec effet immédiat.

7.             Par courriel du 17 avril 2023, M. A______ a répondu à l'OCV. Il était né en Suisse. En 2003, il était parti habiter à B______ (France) avec ses parents. Le 1er août 2015 il était retourné à ______[GE] avec son père. En janvier 2019 il était parti habiter à C______ (France) pour des études avant de revenir fin 2019 à ______[GE]. En avril 2021, il était allé habiter chez sa mère à B______ (France). Lorsqu'il s'était présenté aux guichets de l'OCV pour s'inscrire pour l'obtention d'un permis en expliquant sa situation, il lui avait été conseillé de faire une demande de permis à B______ (France). C'était la raison de son permis étranger. Lors de son départ pour C______ (France) il s'était rendu à l'OCPM pour leur annoncer son intention de quitter Genève pour poursuivre sa scolarité en France. En raison des incertitudes qui régnaient encore autour de son projet, il lui avait été conseillé d'attendre que tout soit en ordre avant de signaler officiellement son départ. Il n'était pas en mesure de justifier par pièces son séjour à l'étranger, car en tant que citoyen genevois et pour autant que son domicile restait en zone frontalière, il n'avait pas besoin d'un titre de séjour. Il lui suffisait d'annoncer son arrivée à la Mairie, ce qui avait été fait.

Il a joint diverses pièces dont un courrier du 3 août 2015 attestant de l'enregistrement de son domicile en Suisse, un courrier du 30 juin 2011 relatif à sa scolarisation à Genève, ainsi qu'un courrier du 14 janvier 2019 adressé au doyen de son établissement d'alors, faisant part de ses projets de vie.

8.             Par décision du 2 octobre 2023, l'OCV a refusé à M. A______ l'échange du permis de conduire étranger contre un permis de conduire suisse et lui a fait interdiction de faire usage du permis étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée. Il était retenu que celui-ci était en Suisse depuis le 1er août 2015, qu'il avait été contrôle par la police au guidon d'un motocycle le 27 janvier 2022 et qu'il avait transmis le 28 novembre 2022 une photocopie de son permis de conduire français, délivré le 2 février 2022. Ayant légalement conservé son domicile en Suisse depuis le 1er août 2015, il avait donc éludé les règles de compétence.

9.             Par acte du 2 novembre 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation ainsi qu'à l'octroi d'un délai afin de compléter son recours et produire des pièces supplémentaires, sous suite de frais et dépens.

L'OCPM avait constaté les faits de manière inexacte en lien avec son domicile. Bien qu'il n'avait pas pensé à annoncer son départ à l'OCPM, il s'était annoncé au mois d'avril 2021 auprès de la Mairie de C______ (France) lorsqu'il y avait rejoint sa mère. Quelques mois plus tard la nécessité de se déplacer de manière autonome s'était posée et il avait engagé les démarches nécessaires à l'obtention d'un permis de conduire pour cyclomoteur de moins de 50 cm3. Il avait ainsi obtenu une attestation de suivi de la formation pratique du brevet de sécurité routière le 28 août 2021 et une attestation de sécurité routière le 30 septembre 2021, la première permettant de conduire provisoirement dans l'attente de la délivrance formelle du permis de conduire. Les modalités d'obtention d'un permis de cette catégorie n'étaient guère plus contraignantes en Suisse. Dès lors, sauf à considérer à tort qu'il avait tenté d'obtenir à la va-vite un permis de conduire français après le contrôle de police du 27 janvier 2022, il voyait mal quel avantage indu il aurait pu tirer de l'obtention d'un permis de conduire en France plutôt qu'en Suisse. Étant alors et toujours domicilié en France, il n'avait éludé aucune règle de compétence dans le cadre de l'obtention de son permis de conduire en France.

À l'appui de son recours il a produit des pièces, dont notamment son permis de conduire, une attestation de suivi de la formation pratique du brevet de sécurité routière du 28 août 2021 et une attestation de sécurité routière du 30 septembre 2021.

10.         Dans sa réponse du 8 janvier 2024, l'OCV a conclu au rejet du recours.

Par ordonnance pénale rendue le 22 août 2022, entrée en force, le Ministère public genevois avait reconnu le recourant coupable de conduite sans permis de conduire (art. 95 al.1 let. a LCR), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. En effet, ce dernier était uniquement titulaire d'une attestation de suivi de la formation pratique du brevet de sécurité routière, laquelle n'était valable que sur le territoire français et était au moment du contrôle au demeurant échue. De plus, il s'était fait délivré un permis de conduire français le 2 février 2022 pour la catégorie AM obtenue le 28 août 2021. Or selon le registre de l'OCPM, il était officiellement domicilié à Genève depuis le 1er août 2015, ce qui était toujours d'actualité, selon la fiche de l'OCPM imprimée le 4 janvier 2024 qu'il joignait. Il n'était ainsi pas autorisé à se faire délivrer un permis de conduire français le 2 février 2022 en étant légalement domicilié sur le territoire suisse, violant dès lors les art. 5k, 42 et 45 de l'OAC.

11.         Par réplique du 31 janvier 2024, sous la plume de son conseil, le recourant a rappelé qu'il avait obtenu un permis de conduire en France sur conseils de l'OCV. De plus, ce dernier se fondait exclusivement sur les données de l'OCPM afin de contester son domicile français. Il requérait un bref délai afin de produire des pièces permettant d'établir qu'il était bien domicilié en France et ainsi fondé à obtenir un permis de conduire dans ce pays.

12.         Le 2 février 2024, M. A______ a versé à la procédure une déclaration jurée de sa mère du 3 novembre 2023, une copie de sa carte VITALE émise le 20 décembre 2017 ainsi qu'une lettre de son conseil à l'OCV du 31 janvier 2024 (recte: 2 février 2024).

13.         Par duplique du 26 février 2024, l'OCV a persisté dans ses conclusions.

Il n'avait trouvé aucune trace des allégations du recourant portant sur une éventuelle invitation à se faire délivrer un permis de conduire par les autorités françaises. Bien au contraire, il demeurait depuis le 1er août 2015 la seule autorité compétente pour délivrer un quelconque permis au recourant, compte tenu de son domicile légal genevois. Les pièces transmises le 2 février 2024 par le recourant n'avait aucune portée juridique permettant d'établir un domicile fiscal français et le recourant ne donnait aucune explication quant à son inscription à l'OCPM, notamment sur une éventuelle annonce de départ s'il était bel et bien domicilié en France. À cet égard, il sollicitait de ce dernier la production d'une attestation de non-assujettissement fiscal par l'Administration fiscale genevoise, permettant d'exclure ainsi toute domiciliation sur territoire genevois. Il serait enfin en mesure de lui délivrer un permis d'élève-conducteur pour les catégories A et B, moyennant présentation du formulaire et des documents requis, étant néanmoins rappelé que ses déclarations devant la police le 27 janvier 2022 quant à sa consommation de cannabis devrait faire l'objet d'investigations supplémentaires.

14.         Le 14 mars 2024, faisant suite à l'invitation du tribunal, le recourant a produit une déclaration de revenus de 2019 auprès de la direction générale des finances publique française, précisant pour le surplus ne pas pouvoir fournir une attestation de
non-assujettissement fiscal de l'administration fiscale cantonale, étant récemment revenu habiter avec son père, à ______[GE].

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À teneur de l'art. 10 al. 2 LCR, nul ne peut conduire un véhicule automobile sans être titulaire d'un permis de conduire.

4.             Conformément à l'art. 22 al. 1 LCR, les permis sont délivrés et retirés par l'autorité administrative. Cette compétence appartient au canton de domicile pour les permis de conduire.

5.             Selon l’art. 5k al.1 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), les permis d’élève conducteur et les permis de conduire ainsi que les autorisations de transporter des personnes à titre professionnel ne sont délivrés qu’aux personnes qui résident en Suisse, y séjournent ou qui désirent conduire à titre professionnel des véhicules automobiles immatriculés en Suisse. La notion de domicile au sens de la circulation routière se réfère à celles de résidence et de séjour
(arrêt du Tribunal fédéral, 
1C_251/2015, consid. 2.1).

6.             À teneur des directives de l’association des services des automobiles
(ci-après : ASA) [n° 1, traitement des véhicules à moteur et des conducteurs en provenance de l’étranger, Traitement des véhicules à moteur et des conducteurs en provenance de l’étranger (asa.ch) ch. 312], selon les droits international et suisse, les permis de conduire ne doivent être reconnus que s’ils ont été obtenus dans l’État de domicile. Les permis de conduire obtenus à l’étranger par des personnes ayant leur domicile légal en Suisse peuvent être reconnus lorsque le séjour a été d’au moins douze mois consécutifs dans le pays émetteur. Les documents suivants sont valables comme attestation de séjour : inscription/désinscription auprès de l’office des habitants, attestation scolaires ou de travail (séjours linguistiques, études, etc.). En cas de déménagement, on peut tolérer aussi la reconnaissance de permis obtenus dans le précédent État de domicile durant les trois premiers mois suivant l’arrivée en Suisse.

7.             Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que les directives de l’ASA peuvent être suivies dans la mesure où elles contiennent des principes qui reproduisent l’opinion d’experts sur l’interprétation de la loi (ATF 120 Ib 305 consid. 4b = JdT 1995 I 697 ; ATF 118 Ib 518 consid. 3b = JdT 1993 I 675).

8.             L'art. 42 al. 3bis let. a OAC dispose que les conducteurs de véhicules automobiles en provenance de l'étranger qui résident depuis plus de douze mois en Suisse sans avoir séjourné plus de trois mois consécutifs à l'étranger, sont tenus d'obtenir un permis de conduire suisse.

9.             Selon l'art. 42 al. 4 OAC, ne peut pas être utilisé en Suisse le permis de conduire étranger que le conducteur a obtenu en éludant les dispositions de la présente ordonnance concernant l'obtention du permis de conduire suisse ou les règles de compétence valables dans son pays de domicile.

10.         D'après l'art. 44 al. 1 OAC, le titulaire d'un permis de conduire étranger valable recevra, sans passer un examen de conduite, un permis de conduire suisse pour la même catégorie de véhicules s'il apporte la preuve, lors d'une course de contrôle, qu'il connaît les règles de la circulation et qu'il est apte à conduire d'une façon sûre. Un tel échange de permis présuppose cependant que le permis de conduire étranger puisse être valablement utilisé en Suisse.

11.         À teneur de l'art. 45 al. 1 OAC, l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse. En outre, l'usage du permis de conduire étranger doit être interdit pour une durée indéterminée si le titulaire a obtenu son permis à l'étranger en éludant les règles suisses ou étrangères de compétence.

12.         Selon la jurisprudence, élude les règles suisses de compétence celui qui se fait délivrer à l'étranger un permis de conduire qu'il aurait dû obtenir en Suisse et qui a l'intention de l'utiliser en Suisse (ATF 129 II 175 consid. 2.5 = JdT 2003 I 478 ; 109 Ib 205 consid. 4a ; 108 Ib 57 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C_135/2017 du 7 juin 2017 consid. 2.3.1 1C_30/2014 consid. 3.1 ; 1C_372/2011 du 22 décembre 2011 consid. 2.2). C’est le lieu de rappeler que le permis de conduire étranger que le titulaire a obtenu en éludant les règles suisses de compétence ne peut être valablement utilisé en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.485/1999 du 8 février 2000 et les références citées consid. 2a).

Peu importe que l'intéressé ait éludé ces règles de compétence intentionnellement ou pas. Pour que les art. 42 al. 4 et 45 al. 1 OAC s'appliquent, il suffit que les règles de compétence aient été objectivement éludées. Il n'est pas nécessaire, selon une interprétation littérale du texte clair desdites dispositions, qu'elles aient été éludées, au surplus, avec conscience et volonté (arrêt du Tribunal fédéral 2A.485/1999 précité consid. 2b).

Une fois reconnue, l'élusion des règles suisses de compétence au sens de l'art. 45 al. 1 OAC est un vice qui affecte la validité même du permis de conduire, raison pour laquelle l'autorité doit prononcer l'interdiction de conduire et ne dispose pas de marge d'appréciation sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2014 du 7 mars 2014, consid. 3.4).

Aucune exception n'est prévue à l'obligation qui est celle du conducteur titulaire d'un permis étranger d'obtenir un permis suisse, dès lors qu'il a son domicile dans ce pays (arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2011 précité consid. 2.4).

13.         La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office; cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2020 du 15 octobre 2020 consid. 9.2.2). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 9C_619/2021 du 12 septembre 2022 consid. 5.1.2 ; 9C_476/2021 du 30 juin 2022 consid. 5.2.1 et les références citées). La jurisprudence considère que ce devoir de collaboration est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque (cf. ATF 133 III 507 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2020 consid. 3.1 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

14.         Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

15.         L’art. 6 al. 5 annexe I de accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681), selon lequel les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs ainsi que les absences motivées par l’accomplissement d’obligations militaires n’affectent pas la validité du titre de séjour, prévoit, pour un ressortissant d’un État membre de la communauté européenne au bénéfice d’une autorisation d’établissement UE/AELE et absent de Suisse durant plus de six mois au sens de l’art. 61 al. 2 LEI, une réglementation semblable à celle de la LEI, raison pour laquelle c’est cette dernière qui trouve application (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1110/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.2 ; ATA/593/2018 du 12 juin 2018 consid. 4a).

Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse.

Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation d'établissement prend automatiquement fin après six mois.

Cette extinction s’opère de jure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Ce délai de six mois n'est pas interrompu lorsque l'étranger revient en Suisse avant l'échéance dudit délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d'affaires ou de visite (ATF 120 Ib 369 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_853/2010 du 22 mars 2011 consid. 5.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

16.         En l'espèce, il ressort de la base de données de l’OCPM que le recourant est au bénéfice d'un permis d'établissement depuis le 1er août 2015. Depuis cette date, il est domicilié au 2______, chemin D______, à ______[GE]. Il a allégué un départ pour B______ (France) en avril 2021, après un séjour à C______ (France) pour des études courant 2019. Il n’a toutefois à aucun moment annoncé son départ aux autorités helvétiques, étant relevé que, cas échéant, cela aurait conduit à la caducité de son autorisation d'établissement au bout de six mois, ce qui ne fait cependant pas l'objet de la présente procédure.

Interpellé au sujet de son domicile par l’OCV, par courrier 22 mars 2023, puis dûment invité à fournir toutes pièces utiles attestant de son séjour en France, durant la période considérée, le recourant n’a donné aucune explication convaincante ni, surtout, fourni de pièces démontrant qu’il était effectivement et durablement domicilié en France dès 2021, ce qui était pourtant aisé à démontrer, par exemple au moyen des justificatifs cités dans le considérant 6 ci-dessus. Quant aux pièces versées à la procédure le 2 février 2024, elles n’ont aucune valeur probante à cet égard. Pourtant, le recourant, assisté par un mandataire professionnel, ne pouvait ignorer l'importance qu'il y avait à collaborer à l'établissement des faits pertinents et plus particulièrement à la détermination de son domicile.

Dans ces circonstances, faute pour l’intéressé d’avoir démontré qu’il était domicilié en France depuis avril 2021, c’est à bon droit que l’autorité intimée, se fondant sur les éléments au dossier, a retenu qu’il était domicilié en Suisse depuis le 1er août 2015. Eu égard à ces éléments, c'est ainsi en violation de la loi que le recourant a décidé de passer son permis de conduire en France alors qu'il résidait officiellement en Suisse. Partant, le recourant a objectivement éludé les règles suisses de compétence en se faisant délivrer un permis de conduire en France, alors qu’il aurait dû l’obtenir en Suisse et cas échéant, aurait également violé l’art. 42 al. 4 OAC en conduisant sur le sol helvétique avec son permis de conduire français.

C’est ainsi à bon droit que l’autorité intimée - qui n’avait d’autre choix que de prononcer cette mesure en application de l’art. 45 al. 1 OAC - a interdit l’usage du permis de conduire étranger du recourant pour une durée indéterminée. C’est également à bon droit qu’elle a refusé d’échanger son permis de conduire contre un permis de conduire suisse, étant rappelé qu’un tel échange présuppose que le permis de conduire étranger puisse être valablement utilisé en Suisse (art. 44 al. 1 OAC), ce qui n’est pas le cas des permis de conduire obtenus, comme en l’espèce, en éludant les règles suisses de compétence.

17.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté et la décision attaquée confirmée.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 2 octobre 2023 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier