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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1588/2023

JTAPI/340/2024 du 15.04.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;HONORAIRES;SOCIÉTÉ SOEUR;SOUSTRACTION D'IMPÔT;ACTION PÉNALE;PRESCRIPTION
Normes : LIFD.58.al1.leta; LIFD.151; LIFD.175; LIFD.184; LHID.58; LIPM.11; LIPM.12; LPFisc.59; LPFisc.69
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1588/2023 ICCIFD

JTAPI/340/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par J.-D. MONRIBOT SA, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les taxations 2008 à 2015 de la société genevoise A______ SA (ci-après : A______), inscrite au Registre du commerce en 2003.

2.             Durant les années en cause, elle avait pour but : « exploitation d'une fiduciaire, tous conseils et services dans ce domaine, constitution, gestion de sociétés et de trusts, exécution de mandats en matière comptable, fiscale et administrative ».

Jusqu’en janvier 2014, A______ était détenue exclusivement par Madame B______, actuellement domiciliée à l’étranger. Depuis lors, elle est détenue à parts égales par la précitée et par Monsieur C______, ce dernier par l’entremise de la société D______ Ltd, dont il est l’unique ayant droit économique. Durant les années en cause, A______ était notamment administrée par Mme B______, qui disposait de la signature individuelle.

3.             M. C______ et Monsieur E______, tous deux domicilié à F______, détiennent l’intégralité des sociétés G______ Ltd et H______ Ltd, par l’intermédiaire de la société I______ Ltd dont ils sont les uniques ayants droit économiques. Le siège de ces trois sociétés se trouve à J______[Petites Antilles].

4.             A______ n’a pas contesté ses taxations 2008 à 2015, de sorte qu’elles sont entrées en force.

5.             Le 5 juin 2016, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH), division de l’impôt anticipé, a entrepris une procédure de révision des comptes de A______.

6.             Par pli du 7 juin 2017, A______ a rappelé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) qu’elle faisait l’objet d’un contrôle fiscal opéré par l’AFC-CH. Celle-ci entendait lui attribuer des prestations appréciables en argent sous forme de commissions pour apport d’affaires et d’honoraires pour services qu’elle avait payés. Elle acceptait l’obligation de payer l’impôt anticipé, mais elle ne partageait pas l’analyse du dossier effectuée par le fisc fédéral.

7.             Par pli du 26 juin 2017, l’AFC-CH a informé l’AFC-GE que A______ avait accordé des prestations appréciables en argent à G______ LTD, qualifiée de rétrocessions non justifiées, qui se chiffraient comme suit :

Années

Prestations

2011

134'216

2012

140'211

2013

223'780

2014

270'996

2015

96'191

8.             Par lettre du 17 janvier 2018, l’AFC-GE a informé A______ de l’ouverture à son encontre d’une procédure en rappel d’impôt, ainsi que d’une procédure pour soustraction d’impôt concernant les années 2011 à 2015. L’AFC-CH lui avait indiqué qu’elle avait accordé à G______ LTD des prestations appréciables en argent sous forme de rétrocessions non justifiées. Le montant des reprises correspondait aux prestations appréciables en argent déterminées par l’AFC-CH. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendue.

9.             Le 15 mars 2018, A______ a expliqué que les reprises effectuées par l’AFC-CH se composaient (a) de commissions pour apport d’affaires et pour services administratifs et (b) d’honoraires pour services rendus :

a.              En 2003, Mme B______ avait créé sa société, A______ et, dans le but de développer ses affaires, avait conclu avec son ancien employeur, I______ Ltd, par le biais de ses filiales, un contrat d’apporteur d’affaires et de services (introducer contract), ainsi que de recouvrement, aux termes duquel A______ s’engageait à verser une commission à G______ Ltd. Initialement, la commission était fixée à 20 % des relations d’affaires présentées par cette société à A______. En 2015, ce taux avait été ramené à 12.5 % en raison de la conjoncture et du fait que le portefeuille de clients de A______ s’était diversifié. Enfin, ce contrat avait été résilié pour le 31 décembre 2015.

b.             A______ avait également conclu un contrat de services (service agreement) avec H______ Ltd, à qui elle avait délégué la gestion et l’administration des sociétés et des clients. La rémunération représentait 50 % des honoraires de base facturés aux clients, étant précisé que la commission pour apporteur d’affaires devait être déduite, pour calculer cette rémunération de 50 %. En outre, celle-ci pouvait être diminuée en fonction de certaines circonstances. Ce contrat avait également été résilié pour le 31 décembre 2015.

A______ a en outre précisé que Mme B______ n’était pas et n’avait jamais été actionnaire de I______ Ltd. Elle n’avait non plus jamais été bénéficiaire ni actionnaire des sociétés étrangères ayant reçu les montants susmentionnés. Les commissions et honoraires en questions étaient conformes au prix du marché et respectaient le principe de pleine concurrence. En outre, ces conventions avaient été formalisées par écrit. Elles étaient donc justifiées commercialement.

En annexe était produit un chargé de pièces, comprenant les contrats en question, ainsi qu’un organigramme.

10.         Le 10 juillet 2018, l’AFC-GE a étendu la procédure de rappel et de soustraction d’impôt aux années 2008 à 2010. L’AFC-GE a adressé à A______ une demande de renseignements.

11.         Le 20 août 2018, A______ a répondu que M. C______ et Mme B______ étaient des tiers indépendants, le premier étant l’ancien employeur de la seconde. M. E______ n’était pas lié à la précitée. Mme B______ ne disposait d’aucune information quant au pourcentage respectif que M. C______ et M. E______ détenaient dans I______ Ltd.

12.         Par pli du 7 septembre 2018, l’AFC-GE a invité A______ à lui faire parvenir les documents lui permettant de déterminer, pour les années 2008 à 2010 : (a) le calcul de la commission et des honoraires versés à G______ Ltd et (b) le calcul des honoraires payés à H______ Ltd.

13.         Le 18 avril 2019, A______ a répondu en produisant un tableau.

14.         Le 24 mai 2019, l’AFC-GE a informé A______ de la clôture des procédures de rappel et de soustraction d’impôt.

Elle lui a notifié des bordereaux de rappel d’impôt pour les années 2008 à 2015, qui faisaient état de reprises au niveau de son bénéfice imposable. Le montant des redressements relatifs aux années 2008 à 2010 se fondaient sur le tableau que A______ lui avait remis le 18 avril précédent : l’AFC-GE avait repris les « consultancy fees » ressortant des états financiers. Les reprises portant sur les périodes fiscales 2011 à 2015 découlaient du rapport de l’AFC-CH du 28 juin 2017.

L’AFC-GE a également remis à A______ des bordereaux d’amendes pour les périodes 2009 à 2015. En comptabilisant des rétrocessions non justifiées à titre de charge en faveur de G______ Ltd, A______ n’avait pas été imposée sur sa réelle capacité contributive. L’AFC-GE a retenu que les soustractions avaient été commises par négligence. Compte tenu de la bonne collaboration de A______, elle a arrêté la quotité des amendes à la moitié des impôts soustraits.

15.         Le 24 juin 2019, A______ a élevé réclamation à l’encontre des bordereaux du 24 mai précédent, reprochant à l’AFC-GE de ne pas avoir déterminé les reprises des années 2008 à 2010 de la même manière que celles des années subséquentes. S’agissant des trois premières périodes fiscales en cause, il convenait de limiter les redressements à la moitié des commissions et honoraires versées à G______ Ltd et à H______ Ltd.

16.         Le 14 novembre 2019, A______ a complété sa réclamation. Elle a conclu à l’annulation des bordereaux de rappel d’impôt et d’amendes, ainsi qu’à l’octroi du statut de société auxiliaire.

Ses taxations 2008 à 2015 étaient déjà entrées en force et elle avait remis ses comptes en annexe à ses déclarations fiscales. L’AFC-GE aurait eu tout le loisir de solliciter des renseignements supplémentaires. Les honoraires constituaient des charges justifiées par l’usage commercial. Ils représentaient des frais d’acquisition de revenus de source étrangère, provenant d’une activité réalisée à l’étranger. En annexe, elle produisait un tableau ventilant les revenus de source suisse et ceux de source étrangère. Si, contre toute attente, elle devait faire l’objet d’un « réexamen », elle sollicitait le statut de société auxiliaire.

Le document de l’AFC-CH avait été signé sous la contrainte. De plus, il ne mentionnait que les reprises afférentes aux années 2011 à 2015. Enfin, il ne mentionnait pas les voies de droit, de sorte que A______ semblait avoir été dans l’incapacité de se rendre compte des éventuelles possibilités de recours. La décision était, dès lors, frappée de nullité.  

17.         Par décision du 31 mars 2023, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en tant qu’elle portait sur les années 2008 à 2010. Dans les bordereaux du 24 mai 2019, elle avait repris la totalité des honoraires comptabilisés par A______. Or, le redressement ne devait porter que sur la moitié de ceux-ci, à savoir les montants respectifs de CHF 297'769.-, CHF 219'837.- et CHF 118'028.-. Le montant des intérêts sur rappel d’impôt, de la dette de rappel d’impôt et des amendes devaient être adaptées en conséquence. Pour le surplus, la réclamation a été rejetée.

Le même jour, l’AFC-GE a notifié à A______ des bordereaux de rappel d’impôt et d’amendes rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de sa réclamation.

18.         Par acte du 8 mai 2023, la société, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 31 mars précédent en concluant, principalement, à l’annulation des reprises et des amendes, subsidiairement, à l’octroi du statut de société auxiliaire et à l’annulation des amendes.

En substance, les conditions permettant l’ouverture d’une procédure de rappel d’impôt n’étaient pas remplies, car elle avait déposé régulièrement ses déclarations d’impôt lors des années fiscales concernées. Il appartenait dès lors à l’autorité intimée de solliciter des renseignements supplémentaires.

Les reprises étaient contestées, car il s’agissait de frais justifiés par l’usage commercial. Toutes les factures avaient été produites. Les charges respectaient le principe de pleine concurrence. Les ayants droits économiques de G______ Ltd et H______ Ltd n’avaient aucun lien familial avec Mme B______.

Elle maintenait sa demande de bénéficier du statut de société auxiliaire, formulée le 14 novembre 2019.

Enfin, faute de soustraction fiscale, aucune amende ne devait lui être infligée. Subsidiairement, leur quotité devait réduite.

19.         Dans sa réponse du 8 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il se justifiait d’ouvrir une procédure de rappel d’impôt à l’encontre de la recourante, au vu de la communication qu’elle avait reçue de l’AFC-CH.

Les rémunérations stipulées dans le contrat d’apporteur d’affaires et dans celui de service ne dépendaient pas des services ni des contrats apportés, mais étaient établis forfaitairement, sans égard aux prestations effectivement fournies. Aucune prestation suffisante n’était fournie en contrepartie des commissions payées.

À la suite de sa démission de I______ Ltd, détenue par M. C______, Mme B______ avait amené ses clients. Cette société détenait G______ Ltd (dont Mme B______ était administratrice) et H______ Ltd. M. C______ détenait des participations dans ces trois sociétés. La précitée n’avait jamais cessé sa collaboration avec les entités qu’il détenait et il avait intégré l’actionnariat de A______. Les commissions avaient été facturées selon la même méthode durant toutes les années en cause. Seul le lien de proximité permettait d’expliquer la teneur des deux contrats qui octroyaient des honoraires en fonction des produits et non des prestations fournies. Il ne pouvait dès lors être considéré que A______ n’aurait pas payé à des tiers des commissions et des honoraires calculés selon cette méthode, ce qui était reconnaissable pour les organes de cette société. L’AFC-GE s’était fondée sur la méthode employée par l’AFC-CH et avait repris la moitié des commissions et des honoraires, à défaut de pièces produites permettant de justifier le montant de ceux-ci.

Il résultait des pièces produites par la recourante que les factures relatives aux commissions de H______ Ltd provenaient de I______ Ltd. Par ailleurs, si elles détaillaient effectivement les prestations effectuées par les sociétés pour le compte de A______, elles n’étaient pas cohérentes avec les termes des contrats. En effet, ceux-ci prévoyaient une rémunération sous forme de « pourcentage forfaitaire ». Enfin, A______ avait comptabilisé les montants facturés sans procéder à une conversion de la monnaie utilisée. Il s’ensuivait que les éléments apportés par la recourante ne suffisaient pas à démontrer la justification commerciale des commissions et honoraires.

La recourante ne pouvait demander à bénéficier du statut de société auxiliaire dans le cadre de la procédure de rappel d’impôt, qui ne permettait pas de remettre en cause toute sa taxation. Quoi qu’il en fût, il n’apparaissait pas, prima facie, qu’elle remplissait les conditions pour bénéficier de ce statut.

Enfin, l’AFC-GE avait fixé la quotité des amendes à 0.5 fois les impôts soustraits, estimant que les soustractions avaient été commises par négligence. Elle avait retenu, comme circonstance atténuante, la bonne collaboration de la contribuable. Ce faisant, elle n’avait pas excédé son pouvoir d’appréciation. Les montants d’impôt n’étaient pas négligeables, de sorte qu’aucune atténuation de la peine se justifiait.

20.         Par réplique et duplique datées des 10 novembre et 1er décembre 2023, les parties ont campé sur leurs positions respectives.

21.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

Prescription

3.             Au préalable, il convient de se pencher sur la question de la prescription, dès lors qu’elle doit être examinée d’office lorsqu’elle joue en faveur du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1/2023 du 26 septembre 2023 consid. 4).

4.             L'art. 152 al. 1 LIFD prévoit que le droit d'introduire une procédure de rappel d'impôt s'éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète. Le droit de procéder au rappel d'impôt s'éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (art. 152 al. 3 LIFD ; ATF 140 I 68 consid. 6.1). L’art. 61 al. 1 et 3 LPFisc pose les mêmes principes.

5.             En l’occurrence, par plis des 17 janvier et 10 juillet 2018, l’AFC-GE a ouvert à l’encontre de la recourante une procédure en rappel d’impôt pour les années 2011 à 2015, respectivement 2008 à 2010. Le délai décennal des art. 152 al. 1 LIFD et 61 al. 1 LPFisc a ainsi été respecté.

Au jour du présent jugement, le délai de quinze ans instauré par les art. 152 al. 3 LIFD et 61 al. 3 LPFisc n’est pas écoulé, de sorte que le droit de l’AFC-GE de procéder au rappel d’impôt n’est pas périmé, hormis cependant s’agissant de l’année 2008. En effet, en ce qui concerne cette période fiscale, la péremption est acquise depuis le 31 décembre 2023.

6.             Dans un arrêt du 17 août 2021 (2C_1059/2020 consid. 4.1), le Tribunal fédéral a rappelé les règles applicables en matière de prescription de la poursuite pénale :

Avant le 1er janvier 2017, la poursuite pénale de la soustraction consommée se prescrivait dans tous les cas par quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'avait pas été effectuée ou l'avait été de façon incomplète, ce délai ne pouvant être prolongé (ancien art. 184 al. 1 let. b LIFD [RO 1991 1184] cum art. 333 al. 6 let. b CP, en relation avec l'ATF 134 IV 328). La prescription était en outre interrompue par tout acte de procédure tendant à la poursuite du contribuable (ancien art. 184 al. 2 LIFD). Pour sa part, la poursuite de la tentative de soustraction se prescrivait par six ans à compter de la clôture définitive de la procédure au cours de laquelle la tentative de soustraction avait été commise (ancien art. 184 al. 1 let. a et al. 2 LIFD). Depuis le 1er janvier 2017, la poursuite pénale se prescrit, en cas de soustraction d'impôt consommée, au plus tôt, par dix ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n'a pas été effectuée ou l'a été de façon incomplète (art. 184 al. 1 let. b ch. 1 LIFD). Selon l'art. 184 al. 2 LIFD actuellement en vigueur, la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l'autorité cantonale compétente (art. 182 al. 1 LIFD) avant l'échéance du délai de prescription. L'art. 58 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LHID, en vigueur depuis le 1er janvier 2017, a un contenu identique à celui de l'art. 184 LIFD ; il est directement applicable si les cantons n'ont pas adapté leur législation au 1er janvier 2017 (art. 72s LHID). En vertu des art. 205f LIFD et 78f LHID, le nouveau droit est applicable au jugement des infractions commises au cours des périodes fiscales précédant le 1er janvier 2017 s'il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales.

7.             En l’espèce, pour les années visées par la procédure de soustraction d’impôt, à savoir 2009 à 2015, l’AFC-GE a notifié à la recourante des bordereaux d’amende le 24 mai 2019, à savoir moins de dix ans avant la fin de chacune des années fiscales en question. En conséquence, le délai décennal a été sauvegardé. En application du nouveau droit, la poursuite pénale n’est pas prescrite, puisque la prescription ne court plus depuis que l’AFC-GE a amendé la contribuable. En application de l’ancien droit, la prescription n’est pas non plus acquise, étant donné qu’au jour du présent jugement, le délai absolu de quinze ans courant à compter de la fin des périodes fiscales en question n’est pas encore écoulé.

8.             En résumé, le droit de procéder au rappel d’impôt pour la période 2008 est périmé. Pour le surplus, la prescription n’est pas acquise, ni en tant qu’elle concerne le rappel d’impôt, ni en tant qu’elle se rapporte à la poursuite pénale.

 

Rappel d’impôt

9.             À teneur des art. 151 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc, lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l’autorité fiscale lui permettent d’établir qu’une taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force est incomplète ou qu’une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l’autorité fiscale, cette dernière procède au rappel de l’impôt qui n’a pas été perçu, y compris les intérêts.

10.         Le rappel d’impôt est le pendant, en faveur du fisc, de la révision en faveur du contribuable. Cette procédure porte sur la perception d’impôts qui n’ont pas pu être prélevés par l’administration fiscale au cours de la taxation ordinaire. Le rappel d’impôt n’est soumis qu’à des conditions objectives : il implique qu’une taxation n’a, à tort, pas été établie ou est restée incomplète, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale. Il suppose aussi l’existence d’un motif de rappel, qui peut résider dans la découverte de faits ou de moyens de preuve inconnus jusque-là, soit des faits ou moyens de preuve qui ne ressortaient pas du dossier dont disposait l’autorité fiscale au moment de la taxation. Le rappel d’impôt ne peut porter que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments (ATF 144 II 359 consid. 4.5.1).

11.         Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète et y joindre les annexes (art. 124 al. 2 LIFD ; art. 26 al. 2 LPFisc). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2008 du 20 avril 2009 consid. 5.1).

En d'autres termes, l'autorité fiscale ne doit se livrer à des investigations complémentaires au moment de procéder à la taxation que si la déclaration contient indiscutablement des inexactitudes flagrantes. Lorsque l'autorité fiscale aurait dû se rendre compte de l'état de fait incomplet ou inexact, le rapport de causalité adéquate entre la déclaration lacunaire et la taxation insuffisante est interrompu et les conditions pour procéder ultérieurement à un rappel d'impôt font défaut. En revanche, des inexactitudes qui ne sont que décelables, sans être flagrantes, ne permettent pas de considérer que certains faits ou moyens de preuve étaient déjà connus des autorités au moment de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 8.1 et les réf. citées, non publié aux ATF 140 I 68).

De simples soupçons quant à l'inexactitude de la déclaration fiscale sont suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_760/2017 du 15 juin 2018 consid. 6.4).

Dans la procédure de rappel d’impôt, le contribuable doit – à la différence de la procédure de soustraction d’impôt – collaborer régulièrement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_223/2008 du 9 février 2009 consid. 2.2).

12.         En l’espèce, la recourante fait valoir que les conditions permettant d’ouvrir une procédure de rappel d’impôt ne sont pas réunies car, durant toutes les années concernées, elle a régulièrement déposé ses déclarations fiscales. Elle a par ailleurs signé les documents de l’AFC-CH sous la contrainte. Enfin, étant donné que la décision de cette autorité ne comportait aucune voie de droit, elle est entachée de nullité.

L’intéressée ne peut être suivie. En effet, elle confond les motifs d’ouverture de la procédure de rappel d’impôt, pour laquelle de simples soupçons sont suffisants, avec le bien-fondé matériel des reprises. Or, le 26 juin 2017, l’AFC-CH a informé l’AFC-GE que A______ avait accordé des prestations appréciables en argent à G______ LTD. Cette communication était de nature à faire naître auprès de l’AFC-GE un soupçon que A______ aurait été taxée sur un bénéfice insuffisant, ce qui justifie l’ouverture des procédures de rappel d’impôt, effectuée les 17 janvier et 10 juillet 2018.

Reprises

13.         La recourante conteste les reprises effectuées par l’AFC-GE au niveau de son bénéfice imposable.

14.         L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD ; art. 11 de la loi genevoise sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 – LIPM – D 3 15).

15.         Aux termes de l’art. 58 al. 1 let. a, b et c LIFD, le bénéfice net imposable comprend le solde du compte de résultat, compte tenu du solde reporté de l’exercice précédent (let. a) ; tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b) ; les produits qui n’ont pas été comptabilisés dans le compte de résultats, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation, sous réserve de l’art. 64 LIFD (let. c). A contrario, les amortissements et les provisions justifiés par l’usage commercial peuvent être déduits fiscalement (ATF 137 II 353 consid. 6.1).

16.         Concernant l’ICC, bien que rédigés différemment les art. 11 et 12 LIPM contiennent des règles similaires aux dispositions légales fédérales précitées (ATA/485/2013 et ATA/464/2013 du 30 juillet 2013).

17.         De jurisprudence constante, il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n'aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l'avantage qu'ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1).

Il faut ainsi examiner si la prestation faite par la société aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, en d'autres termes si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« Drittvergleich » ; « dealing at arm's length »). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent aussi intervenir comme si elles étaient effectuées entre tiers dans un environnement de libre concurrence (ATF 140 II 88 consid. 4 et 4.1 et les références).

18.         Dans les cas de prestations appréciables en argent entre sociétés sœurs, l'avantage passe immédiatement d'une société à l'autre. Entre de telles sociétés, des attributions fondées sur un rapport de participation commun constituent des prestations appréciables en argent pour l'actionnaire d'une part et des apports dissimulés de capital de l'actionnaire à la société d'autre part. Dans ce contexte, il y a également lieu d'examiner par le biais d'une comparaison avec les tiers pour apprécier si la prestation en cause est à ce point -inhabituelle en comparaison avec les opérations semblables usuelles, que la conclusion s'impose presque qu'elle n'aurait pas été fournie de cette manière si le bénéficiaire n'avait pas été un proche du détenteur de parts (ATF 138 II 57 consid. 4.2 = RDAF 2012 II 299, 304 ; 2C_548/2020 du 3 mai 2021 consid. 2.3).

19.         S'agissant des règles relatives au fardeau de la preuve, les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu'elle n'a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale fournissent suffisamment d'indices révélant l'existence d'une telle disproportion, il y a alors une présomption de l'existence d'une distribution dissimulée de bénéfice et il appartient à la société contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations contraires. Le devoir de collaboration du contribuable (art. 124 LIFD) est toutefois particulièrement qualifié dans les relations internationales, dès lors que les moyens d'investigation de l'autorité fiscale suisse sont nécessairement restreints. Il en va notamment ainsi lorsqu'il n'existe pas de convention de double imposition avec un État étranger ou que le droit de l'État étranger favorise la création de domiciles fictifs de personnes morales (arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 7.3 et les réf.).

20.         En l’espèce, G______ Ltd et I______ Ltd d’une part et A______ d’autre part sont des sociétés sœurs. En effet, toutes trois sont détenues en partie par M. C______.

Durant les années en cause, le précité détenait la moitié du capital-actions de A______, par l’intermédiaire de D______ Ltd, qu’il contrôle entièrement. En outre, le précité possède une part – non connue – du capital-actions de G______ Ltd et de I______ Ltd, par l’entremise de I______ Ltd.

Contrairement à ce que soutient l’AFC-GE, les deux contrats conclus par A______ ne prévoient pas une rémunération forfaitaire.

En effet, selon le contrat d’apporteur d’affaires (introducer contract), en contrepartie de la présentation de clients à A______ par G______ Ltd, celle-ci percevrait une commission se montant à 20 % sur l’ensemble des recettes générées par A______.

En outre, à teneur du contrat de services (service agreement), A______ s'engage à verser à H______ Ltd 50 % de ses frais de gestion de base annuels qui sont facturés aux clients, déduction faite de toutes les commissions et de tous les débours de tiers. Ces frais peuvent être réduits par des accords entre les parties lorsque les services sont fournis aux clients autrement que par H______ Ltd.

Mme B______ a ratifié ces deux contrats au nom de A______.

21.         En ce qui concerne les années 2009 et 2010, la recourante admet avoir perçu les consultancy fees, ressortant du tableau du 18 avril 2019, puisqu’elle a elle-même produit cette pièce faisant état de ces montants. Ceux-ci se composent des commissions versées à G______ Ltd auxquels s’ajoutent les honoraires payés à H______ Ltd. L’AFC-GE a repris la moitié des totaux respectifs à savoir CHF 219'837.- pour 2009 et CHF 118'028.- pour 2010.

22.         Les reprises relatives aux années 2011 à 2015 s’élèvent à respectivement CHF 134'216.-, CHF 140'211.-, CHF 223'780.-, CHF 270'996.- et CHF 96'191.- et découlent du rapport de l’AFC-CH du 26 juin 2017.

Sans contester ces montants en tant que tels, la recourante fait valoir qu’elle a signé les documents de l’autorité fédérale sous la contrainte. Par ailleurs, dès lors que ces pièces ne comportent pas l’indication des voies de droit, elles sont, selon elle, frappées de nullité.

Le Tribunal fédéral a jugé (arrêt 1B_626/2022 du 21 février 2023 consid. 2.2) que d'après un principe général du droit déduit de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) protégeant la bonne foi, le défaut d'indication ou l'indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties. Une partie ne peut toutefois se prévaloir de cette protection que si elle se fie de bonne foi à cette indication. Tel n'est pas le cas de celle qui s'est aperçue de l'erreur, ou aurait dû s'en apercevoir en prêtant l'attention commandée par les circonstances. Seule une négligence procédurale grossière peut faire échec à la protection de la bonne foi. Celle-ci cesse uniquement si une partie ou son avocat aurait pu se rendre compte de l'inexactitude de l'indication des voies de droit en lisant simplement la législation applicable.

La recourante ne peut être suivie. En effet, la lettre du 9 juin 2017 et le rapport de la même année ont été envoyés à son représentant de l’époque. Même si par impossible la précitée avait signé sous la contrainte les documents de l’AFC-CH – ce dont elle n’a pas apporté la démonstration – son mandataire aurait été en mesure de contester les reprises. Celui-ci exerçant la profession d’avocat, la recourante ne peut tirer aucun avantage – sous l’angle de la protection de la bonne foi – du fait que les voies de droit ne figuraient pas sur les pièces en question.

23.         Cela étant, la recourante n’a jamais produit de pièces justificatives qui permettent de calculer les commissions et honoraires dus à G______ Ltd et à H______ Ltd et dont les totaux figurent dans le tableau du 18 avril 2019. L’AFC-GE lui avait pourtant envoyé une demande spécifique en ce sens, le 7 septembre 2018. Les factures que lui ont adressées ces sociétés et qui sont jointes au présent recours, ne sauraient se révéler suffisantes, d’une part parce qu’elles ne couvrent pas la totalité des reprises et que, d’autre part, étant donné qu’elles ne comportent aucun détail, ne mentionnant que le montant réclamé à A______. Dès lors, faute de document probant, il n’est pas possible de déterminer de quelle manière ont été arrêtés les montants des commissions et honoraires figurant dans ledit tableau. En particulier, rien ne démontre qu’ils ont été fixés en conformité des deux contrats susmentionnés. La recourante n’a ainsi pas satisfait à son devoir de collaboration particulièrement élevé puisque G______ Ltd et à H______ Ltd ont leur siège dans une juridiction non fiscalisée. En conséquence, c’est à bon droit que l’AFC-GE a retenu que leurs versements ne pouvaient s’expliquer qu’en raison du lien de proximité entre les parties aux deux contrats.

Il s’ensuit que les reprises susmentionnées sont confirmées.

24.         A______ sollicite le statut de société auxiliaire. En d’autres termes, elle demande à être taxée en application de l’art. 23 LIPM.

25.         Cette disposition légale, abrogée au 1er janvier 2020, instituait une imposition privilégiée pour les sociétés de capitaux ayant en Suisse une activité administrative, mais pas d'activité commerciale, de même que pour celles dont l'activité commerciale était essentiellement orientée vers l'étranger et qui n’exerçaient en Suisse qu'une activité subsidiaire.

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_15/2021 du 27 mai 2021 consid. 5.1 et les références citées), le rappel d’impôt n’équivaut pas à un nouvel examen complet de la taxation, mais ne porte que sur les points pour lesquels l’autorité fiscale dispose de nouveaux éléments. L’existence d’un rappel d’impôt ne saurait ainsi autoriser le contribuable à revenir librement sur l’ensemble de sa taxation. Les nouveaux arguments que le contribuable peut faire valoir de son côté pour diminuer l’imposition dans la procédure de rappel d’impôt sont limités, dès lors qu’il ne doit pas pouvoir profiter de la procédure de rappel d’impôt pour revenir librement sur l’ensemble de la taxation. Sous réserve d’une erreur manifeste, le contribuable peut uniquement demander que la taxation soit reprise en sa faveur sur les points qui, précisément font l’objet du rappel d’impôt.

26.         La recourante ne peut être suivie. En effet, elle n’est pas fondée à solliciter l’octroi du statut de société auxiliaire, puisque la présente procédure de rappel d’impôt porte sur une problématique sans lien avec la question précitée. Tout au plus est-elle autorisée à solliciter des déductions en lien avec les reprises.

Soustraction d’impôt

27.         A______ conteste avoir commis une soustraction d’impôt.

28.         Est notamment puni d’une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée, alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète (art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc). À teneur des art. 181 al. 1 LIFD et 74 al. 1 LPFisc, lorsque des obligations de procédure ont été violées ou qu’une soustraction ou une tentative de soustraction d’impôt a été commise au profit d’une personne morale, celle-ci est punie d’une amende.

29.         Pour qu’une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d’un montant d’impôt, la violation d’une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 28b et les références citées).

30.         La violation d’une obligation légale peut résulter d’une irrégularité dans la comptabilité ou du fait de remplir sa déclaration fiscale de manière non conforme à la vérité et non complète, en violation de l’art. 124 al. 2 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1018/2015 du 2 novembre 2017 consid. 9.4.2 et les références citées).

31.         En l’espèce, de 2009 à 2015, A______ n’a pas déclaré des prestations appréciables en argent accordées à G______ Ltd et à I______ Ltd, qui ont fait l’objet des reprises susmentionnées et qui ont été confirmées. Il en a résulté une taxation insuffisante et donc, une perte fiscale pour la collectivité. Les conditions objectives d’une soustraction d’impôt sont ainsi réalisées.

32.         Lorsqu’une soustraction d’impôt est commise au profit une personne morale, la faute au sens des art. 175 al. 1 LIFD ne peut être qu’un attribut de la personne physique, soit d’un organe de la personne morale, dont le comportement doit être imputé à celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 10.2).

33.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence de l’art. 175 LIFD et de l’art. 56 LHID est identique à celle de l’art. 12 CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l’autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

34.         La preuve d’un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d’obtenir une taxation plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l’intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2) : il suppose que l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1).

35.         En l’espèce, Mme B______ a signé le contrat d’apporteur d’affaires et celui de services, conclus avec respectivement G______ Ltd et I______ Ltd. Au cours des années litigieuses, elle était administratrice de A______ et disposait de la signature individuelle. Elle ne pouvait pas ignorer le montant des commissions et des honoraires que la recourante versait à ses deux co-contractants. En remettant à l’AFC-GE des déclarations fiscales non conformes à la vérité, elle a commis une faute, qui doit être attribuée à A______. L’autorité intimée a retenu que celle-ci ne s’était rendue coupable que d’une simple négligence. Le tribunal ne remettra pas en cause cette qualification.

36.         Il résulte de ce qui précède que les conditions objective et subjective d’une soustraction d’impôt sont remplies en l’espèce. Partant, le prononcé d’une amende à l’encontre de A______ se justifie. Il convient d’examiner sa quotité.

37.         Le montant de l’impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de faute de l’auteur. En présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en règle générale au montant de l’impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1).

En cas de faute grave, l’amende doit donc en principe être supérieure à une fois l’impôt soustrait et peut être au plus triplée (art.175 al. 2 in fine LIFD et 69 al. 2 in fine LPFisc). Par faute grave, il faut comprendre entre autres la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier la circonstance aggravante lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans, par une personne morale sur plusieurs exercices (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, art. 175 § 54, p. 1998).

38.         Conformément à l’art. 106 al. 3 CP, l’amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l’auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine prévus à l’art. 47 CP s’appliquent. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie en droit pénal fiscal (ATF 144 IV 136 consid.7.2.1. La bonne collaboration du contribuable dans la procédure en soustraction d’impôt constitue l’un des éléments permettant de réduire la peine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013). Entrent aussi en considération le repentir actif ou encore l’écoulement d’un temps relativement long entre l’acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s’est comporté correctement à l’égard du fisc (Pietro SANSONETTI, Danielle HOSTETTLER, in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., art. 175, § 47, p. 1995).

39.         En l’espèce, à titre de circonstance atténuante, l’autorité intimée a retenu la bonne collaboration de la recourante. À titre de circonstance aggravante, il convient de retenir que la précitée a commis des soustractions durant sept années fiscales.

Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du tableau ci-dessous, les reprises se révèlent très importantes, en regard des résultats très faibles déclarés par la contribuable lors des années en cause : celle-ci a ainsi soustraits des montants très importants.

Années

Reprises

Résultat
déclaré

2009

219'837

1'653

2010

118'028

-4'441

2011

134'216

5'598

2012

140'211

4'059

2013

223'780

2'990

2014

270'996

23'531

2015

96'191

-12'355

En résumé, les circonstances aggravantes l’emportent sur l’unique circonstance atténuante. Partant, des amendes dont la quotité se montent à 0.5 fois les impôts soustraits se révèlent conformes aux principes applicables en la matière.

40.         Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis partiellement, dans le sens des considérants.

41.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 900.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 31 mars 2023 ;

2.             l’admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument réduit de CHF 900.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière