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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/686/2022

JTAPI/222/2024 du 11.03.2024 ( ICC ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : REMPLOI;DÉDUCTION EN FONCTION DE LA DURÉE DE LA POSSESSION;IMPÔT SUR LES GAINS IMMOBILIERS
Normes : LCP.84.al1; LCP.85
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/686/2022 ICC

JTAPI/222/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Mes Jean-Frédéric MARAIA et Gregory STROHMEIER, avocats, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le 3 mars 1972, le père de Madame A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante) a acquis la parcelle n° 1______ de la commune de B_____ (ci-après : l’immeuble 1).

2.             Le 11 juillet 2003, le père de la contribuable lui a donné la moitié de cet immeuble et a vendu l’autre moitié à l'époux de cette dernière, pour un prix de CHF 550'000.-.

3.             Le 11 février 2016, la contribuable et son époux ont vendu l’immeuble 1 à une société, pour un prix de CHF 2'340'000.- (CHF 1'170'000.- par époux), à charge pour elle (dation en paiement) de construire et de leur livrer, dans un délai de trente-trois mois, deux appartements valant CHF 1'287'000.- (ci-après : immeuble 2) et CHF 607'700.- (ci-après : l’immeuble 3), deux box valant chacun CHF 38'300.-, et une place de stationnement valant CHF 29'700.-. Le solde du prix de CHF 339'000.- a été versé aux époux à cette même date.

4.             Par bordereau d’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) du 27 avril 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé à CHF 773'234.- le gain réalisé par la contribuable et l’IBGI y relatif à CHF 0.-, compte tenu de la durée de possession de sa part de l’immeuble 1, soit quarante-trois ans (du 3 mars 1972 au 11 février 2016), y compris celle de son père (devant être prise en compte en cas de donation). Non contesté, ce bordereau est entré en force.

Le gain réalisé par l’époux de la contribuable a été fixé à CHF 598'000.- et l’IBGI y relatif à CHF 59'800.- (10 %), compte tenu d’une durée de possession de douze ans. Cet impôt a été acquitté.

5.             Par acte notarié du 26 juin 2018, la contribuable et son époux ont formellement acquis les immeubles 2 et 3, par moitié chacun, aux prix susmentionnés de CHF 1'287'000.-, respectivement de CHF 607'700.-. La contribuable n’a pas déclaré cette opération à l'AFC-GE. Son époux l’a fait et s’est vu remboursé l’IBGI qu’il avait versé en 2016, à concurrence de CHF 6’630.- (cf. ATA/727/2020 du 4 août 2020 consid. 4).

6.             Les 23 novembre et 1er décembre 2020, souhaitant vendre sa part dans l’immeuble 2 (pour un prix de CHF 1'021'900.-), la contribuable a requis de l'AFC-GE une attestation du montant de l’IBGI y relatif à consigner, en se prévalant d’une durée de possession à compter du 3 mars 1972, précisant que l’immeuble à vendre avait été acquis à cette date et que, par conséquent, aucun IBGI ne serait dû sur le gain de CHF 332'744.-. Elle a par ailleurs indiqué que le prix d’acquisition de ce bien était de CHF 662'650.-.

7.             Le 14 décembre 2020, l'AFC-GE a fait savoir à la contribuable qu’elle retiendrait comme date d’acquisition (de sa part dans l’immeuble 2) celle du 26 juin 2018, que l’IBGI y relatif à consigner s’élevait à CHF 165'279,50, compte tenu d’une durée de possession de deux ans, d’un prix d’acquisition de CHF 677'501.- (au lieu de CHF 662'650.-) et d’un gain imposable de CHF 317'299.- (au lieu de CHF 332'744.-).

8.             Le 15 décembre 2020, la contribuable et son époux ont vendu l’immeuble 2 pour le prix de CHF 2'043'800.- (CHF 1'021'900.- par époux).

9.             Par bordereau IBGI du 21 avril 2012, l'AFC-GE a fixé l’IBGI dû par la contribuable à CHF 133'097,60, sur la base du prix de vente de CHF 1'021'900.-, de la valeur d’acquisition de CHF 689'156.- et du gain en découlant de CHF 332'744.- imposé au taux de 40 % applicable à une durée de possession entre deux et quatre ans.

10.         Dans sa réclamation formée contre ce bordereau le 17 mai 2021, sous la plume de ses conseils, la contribuable a fait valoir, en substance, une durée de possession de l’immeuble 2 de quarante-six ans et, par conséquent, une imposition du gain de CHF 332'744.- au taux de 0 %.

11.         Par décision du 26 janvier 2022, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Dans la mesure où aucun IBGI n’avait été prélevé sur le gain résultant de la vente de l’immeuble 1, en avril 2016, il n’y avait aucun impôt à rembourser, les conditions de remploi n’étant pas remplies.

12.         Par acte du 28 février 2022, sous la plume de ses conseils, la contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que le gain découlant de la vente de l’immeuble 2 (en 2020) soit imposé compte tenu d’une durée de possession de quarante-six ans et, par conséquent, selon un taux de 0 %, le tout sous suite de frais et dépens.

Sa situation étant strictement identique à celle de son époux, elle devait également bénéficier du remploi. La part non réinvestie du gain réalisé en 2016 devait être taxée en tenant compte d’une durée de possession de quarante-quatre ans (de 1972 à 2016). La part réinvestie dans l’acquisition de 2018 devait l’être en fonction d’une durée de possession de quarante-six ans (de 1972 à 2016, puis de 2018 à 2020). Ainsi, le gain imposable, soit CHF 332'744.-, correspondant à la différence entre le prix de vente en 2020 et le prix d’acquisition en 2018, devait être taxé compte tenu d’une durée de possession de quarante-six ans, soit à un taux de 0 %.

Le prélèvement d’un IBGI lors de la vente « du premier » immeuble ne conditionnait pas l’octroi du remploi. La solution retenue par l'AFC-GE favorisait de façon injustifiée les contribuables qui aliénaient leurs logements dans les vingt-cinq ans suivant leur acquisition et qui pouvaient alors bénéficier du remploi, par rapport à ceux qui le faisaient après vingt-cinq ans et se voyaient alors, refuser le remploi.

13.         Par décision du 20 juillet 2022 (DITAI/351/2022), le tribunal a prononcé la suspension de l’instruction du recours, d’un accord commun entre les parties. Le 25 mai 2023, l'instruction a été reprise.

14.         Le 23 mai 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les conditions de remploi n’étaient pas remplies, aucun IBGI n’ayant été prélevé sur le gain découlant de la vente de l’immeuble 1 en 2016.

La demande du prétendu remploi était tardive. Subsidiairement, elle était irrecevable, en l’absence d’un IBGI prélevé sur la susdite vente.

Le traitement inégal des époux résultait de la différence de leurs situations respectives. La recourante avait en effet acquis l’immeuble 1 par donation, tandis que son époux avait acheté sa part. Lors de la vente de cet immeuble, la recourante avait bénéficié d’une durée de possession de quarante-trois ans, ayant pour conséquence l’absence de l’IBGI, alors que son époux avait été taxé sur la base d’une durée de possession de douze ans.

15.         Par réplique du 16 août 2023, se prévalant, notamment, tantôt de l’imposition différée, tantôt du remploi, la recourante a maintenu ses conclusions.

16.         Par duplique du 18 septembre 2023, l'AFC-GE a campé sur sa position.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Seul est litigieux le taux d'impôt qui doit être appliqué au gain de CHF 332'744.- que la recourante a réalisé le 15 décembre 2020 lors de la vente de l’immeuble 2. L'AFC-GE est d'avis que ce bénéfice doit être imposé au taux d'impôt de 40%, en lien avec une durée de possession de cet immeuble entre deux et quatre ans, calculée à compter du 26 juin 2018. La recourante soutient que ce bénéfice est imposable au taux d'impôt de 0%, compte tenu une durée de possession de l'immeuble 2 de quarante-six ans, calculée à compter du 3 mars 1972. 

4.             En matière d’IBGI, les époux vivant en ménage commun sont considérés comme contribuables distincts (cf. art. 80 al. 3 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05).

5.             D'après l'art. 12 al. 1 LHID, l'IBGI a pour objet les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable ou d'un immeuble agricole ou sylvicole, à condition que le produit de l'aliénation soit supérieur aux dépenses d'investissement (prix d'acquisition ou autre valeur s'y substituant, impenses). L'art. 12 al. 2 LHID définit les aliénations imposables. En particulier, l'art. 12 al. 2 let. a LHID prévoit que sont assimilés à une aliénation, les actes juridiques qui ont les mêmes effets économiques qu'une aliénation sur le pouvoir de disposer d'un immeuble. Selon l'art. 12 al. 3 let. a LHID, l'imposition est différée notamment en cas de transfert de propriété par donation.

L'art. 12 LHID contraint les cantons à percevoir un impôt sur les gains immobiliers. Bien qu'il demeure vague sur l'aménagement de cet impôt, en particulier sur la durée de la possession (ATF 134 II 124 consid. 3.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2019 du 22 janvier 2020 consid. 3.1), il ne leur laisse aucune liberté pour décider des cas dans lesquels l'imposition doit être différée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2019 du 22 janvier 2020 consid. 3.1 et les références). Ils sont en revanche libres d'adopter le barème de l'impôt sur les gains immobiliers (art. 1 al. 3 LHID), à condition d'imposer plus lourdement les bénéfices réalisés à court terme (art. 12 al. 5 LHID ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_459/2020 du 19 janvier 2021 consid. 4.1 et les arrêts cités).

6.             Dans le canton de Genève, l'IBGI a pour objet notamment les gains réalisés lors de l'aliénation de tout ou partie d'un immeuble situé dans le canton (art. 80 al. 1 LCP). Constitue une aliénation imposable tout acte qui transfère la propriété d'un immeuble, telle que la vente, l’échange, le partage et l'expropriation (cf. art. 80 al. 4 LCP). L'imposition est différée notamment en cas de transfert de propriété par donation (cf. 81 al. 1 let. b LCP). Pour le surplus, l'art. 82 al. 1 LCP dispose que le gain imposable est constitué par la différence entre la valeur de l'aliénation et la valeur d'acquisition. A teneur de l'art. 82 al. 2 LCP, la valeur d’acquisition est égale au prix payé pour l’acquisition du bien, augmentée des impenses, ou, à défaut de prix, à sa valeur vénale. Toutefois, en cas d'aliénation d'immeuble acquis lors d'une opération dont l'imposition a été différée (selon l'art. 81 al. 1 let. a à d LCP), le prix d’acquisition est celui de la dernière aliénation soumise à l’impôt qui est aussi déterminante pour fixer la durée de possession (art. 82 al. 3 LCP). En application de l'art. 82 al. 6 LCP, la valeur d’aliénation est égale au prix de vente diminué des impenses que l’aliénateur a supportées à cette occasion.

D'après l'art. 84 al. 1 LCP, l'impôt est perçu de l'aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain nets aux taux suivants: a) 50% lorsqu'il a été propriétaire des biens ou actifs immobiliers, ou titulaire des droits immobiliers (réels ou personnels) pendant moins de deux ans ; b) 40% lorsqu'il l'a été pendant deux ans au moins, mais moins de quatre ans ; c) 30% lorsqu'il l'a été pendant quatre ans au moins, mais moins de six ans ; d) 20% lorsqu'il l'a été pendant six ans au moins, mais moins de huit ans ; e) 15% lorsqu'il l'a été pendant huit ans au moins, mais moins de dix ans ; f) 10% lorsqu'il l'a été pendant dix ans au moins, mais moins de vingt-cinq ans ; g) 0% lorsqu'il l'a été pendant vingt-cinq ans et plus. 

7.             Aux termes de l’art. 85 LCP, intitulé « Remploi », l’IBGI est remboursé en cas de remploi du bénéfice résultant de l’aliénation d’un logement (villa ou appartement) occupé par le propriétaire qui aliène (al. 1 let. a). Il y a remploi au sens de cet alinéa lorsque l’aliénateur utilise le produit de l’aliénation pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature, pourvu qu’il ne s’écoule pas plus de cinq ans entre les deux opérations (al. 2). N’est remboursé que l’impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d’acquisition du bien aliéné (al. 3). L’impôt remboursé est exigible lors de l’aliénation de l’immeuble de remplacement ; les aliénations dont l’imposition est prorogée n’entrent pas en ligne de compte, mais l’acquéreur reprend l’obligation de l’aliénateur dans les cas de l’art. 81 al. 1 let. a et b LCP (al. 4).

8.             L’art. 86 LCP stipule que toute aliénation ou prestation doit être déclarée au département par l’aliénateur ou le bénéficiaire du gain, dans un délai de trente jours à compter de la date de l’opération, sur la formule établie par le département, en y joignant les pièces justificatives.

9.             Le différé (ou la prorogation) d’imposition, obligatoire pour les cantons et qui est accordé dans la mesure où le gain immobilier n’est pas à la libre disposition de l’aliénateur du fait qu’il est affecté à l’acquisition d’un objet de remplacement, a pour effet que l’IBGI relatif au gain réinvesti ne naît que lors du dernier transfert de propriété qui ne donne plus droit à une (nouvelle) imposition différée. Si la réserve tombe et que le gain est imposé, c’est alors le « gain total » qui constitue l’objet de l’impôt. C’est donc uniquement lorsque l’imposition différée prend fin que la substance imposable reportée et latente est réalisée et imposée (ATF 141 II 207 consid. 4.2.1 et 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_785/2020 du 18 mars 2021 consid. 2.4.2 ; ATA/240/ 2013 du 16 avril 2013 consid. 5c).

La prorogation de l'imposition prévue par l'art. 12 al. 3 LHID (art. 81 al. 1 LCP) signifie qu'un transfert constituant en soi un acte d'aliénation n'est cependant pas soumis à imposition. Tout se passe, sous l'angle de l'IBGI, comme si le transfert n'avait pas eu lieu ou, en d'autres termes, comme s'il n'y avait pas eu réalisation d'un gain. La prorogation n'implique toutefois pas une exemption définitive, qui serait d'ailleurs contraire à l'art. 12 LHID. L'augmentation de valeur qui s'est produite entre la dernière aliénation imposable et l'acte prorogeant l'imposition n'est provisoirement pas taxée ; l'imposition est simplement différée jusqu'à nouvelle aliénation imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_459/2020 du 19 janvier 2021 consid. 4.3 et les références), comme le prévoit l'art. 82 al. 3 LCP. A contrario, dans un cas d'exonération, le prix d'acquisition est celui de l'aliénation exonérée qui est aussi déterminante pour fixer la durée de la possession (arrêt du Tribunal fédéral 2C_797/2009 du 20 juillet 2010 consid. 2.3). 

En cas de donation, la durée de possession est étendue à celle du donateur (cf. not. ATA/471/2023 du 2 mai 2023 consid. 5.4).

La jurisprudence a eu l'occasion de préciser qu'en cas d'aliénation d'un immeuble acquis par le biais d'un transfert justifiant une imposition différée, le prix d'acquisition est celui du dernier transfert imposable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_164/2009 du 13 août 2009 ; 2C_147/2008 = RDAF 2009 II 440), qui est aussi déterminant pour fixer la durée de possession (cf. art. 82 al. 3 LCP).

10.         En l’espèce, l’immeuble 2, que la recourante a aliéné en décembre 2020, n’a pas été acquis par le biais d'un transfert justifiant une imposition différée, mais à titre onéreux, par achat en juin 2018. Il en découle que cette durée de possession, d’un plus de deux ans, ne peut en aucune mesure s’éteindre à celle de l’immeuble 1, vendu en 2016. Du reste, la recourante s’est elle-même prévalu d’un gain (CHF 332'744.-) calculé sur la base du prix d’acquisition de l’immeuble 2 (en 2018), ce qui est parfaitement conforme à l'art. 82 al. 2 LCP, prévoyant que la valeur d’acquisition est égale au prix payé pour l’acquisition « du bien » (et non « des biens »). Dès lors, elle ne saurait simultanément se prévaloir d’un taux d’impôt correspondant à la durée de possession depuis mars 1972. Admettre cette durée plus longue n’aurait de sens que si l’impôt devait être calculé sur la base d’un gain plus élevé, soit celui correspondant à la différence entre la valeur de l’immeuble en 1972 et celle fixée lors de sa vente. En effet, il découle des dispositions de la LCP et de la jurisprudence citées plus haut, qu’une aliénation dont l’imposition est différée a pour conséquence non seulement une durée de possession plus longue, et donc un taux d’impôt moins élevé, mais également un gain imposable plus élevé, la valeur d’un immeuble augmentant au fil de temps. Or, en l’occurrence, c’est précisément ce qui s’est passé lorsque la recourante a vendu l’immeuble 1 en 2016. En effet, le gain a été plus élevé en 2016 (CHF 773'234.-) car il correspondait à la valeur prise par l’immeuble 1 depuis 1972. En revanche, la prise en compte de cette longue durée de possession a eu pour conséquence l’application du taux le moins élevé (0 %) et, par conséquent, un IBGI nul. Ainsi, en l’absence de cet impôt, la question de remploi au sens de l’art. 85 LCP ne se pose même pas, la recourante ayant pu disposer de l’entier de ce gain pour acquérir son nouveau logement en 2018, contrairement à son époux qui a versé un IBGI sur son gain de 2016 et a, de ce fait, acquis le droit au remploi suite à l’acquisition de 2018. Ainsi, les époux se trouvant dans des situations différentes, le grief de l’inégalité de traitement entre époux est manifestement mal fondé.

La recourante semble confondre le remploi et la durée de possession, le remploi ayant pour finalité le remboursement de l’IBGI - afin de permettre au contribuable concerné de disposer de fonds suffisants pour acquérir son nouveau logement, tandis que la durée de possession détermine le taux de l’IBGI. En l’occurrence, dans la mesure où cet impôt n’a pas été prélevé en 2016, précisément en raison d’une durée de possession de plus de vingt-cinq ans, l’on ne voit pas en quoi consisterait le remploi. Le seul fait que la recourante aurait réinvesti une partie du son gain de 2016 (CHF 773'234.-) dans l’acquisition de l’immeuble 2 (qu’elle a financée à concurrence de CHF 662'650.-), ne permet pas de tenir compte de la durée de possession de l’immeuble 1 vendu en 2016. Le gain de 2020 correspond en effet à l’augmentation de la valeur de l’immeuble 2 depuis son acquisition en 2018, c’est-à-dire l’augmentation de la valeur du gain de 2016 qui y a été investi. Ainsi, l’IBGI litigieux ne grève pas la substance du gain réinvesti, qui n’a pas été imposé, mais uniquement ses fruits. Il convient enfin de relever que la recourante pourrait bénéficier du remploi, soit du remboursement de l’IBGI litigieux, dans la mesure où elle réinvestirait (dans un délai de cinq ans) le gain de 2020 dans l’acquisition d’un nouveau logement et à condition de l’occuper à titre de résidence principale.

Au vu de ce qui précède, la décision contestée et le bordereau IBGI y relatif doivent être confirmés.

11.         Partant, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

13.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2022 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 26 janvier 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière