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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1390/2023

JTAPI/45/2024 du 22.01.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT À LA SOURCE;ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT)
Normes : aLISP.15
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1390/2023 ICCIFD

JTAPI/45/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Michael LAVERGNAT, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige porte sur l'assujettissement de Monsieur A______ (ci-après : le contribuable) à l'impôt à la source dans le canton de Genève en 2016.

2.             Par formulaire intitulé « Annonce d'engagement d'un employé imposé à la source » signé le 22 mai 2018, son employeur, la société B______ GmBH à Zurich, a annoncé le contribuable à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), précisant que sa date d'entrée en fonction était le 10 octobre 2017 et qu'il était domicilié ______[FR], en France.

3.             Le 20 mars 2020, l'administration fiscale du canton de Zurich a transmis à l'AFC-GE une note indiquant que, dans la mesure où le contribuable avait travaillé en 2016 dans le canton de Genève et habité en France, l'administration fiscale zurichoise n'était pas compétente pour l'imposition à la source 2016.

Cette note était accompagnée :

·         d'une demande de déduction des contribution au 3ème pilier et des frais de déplacement effectifs pour se rendre sur le lieu de travail, que le contribuable avait adressée à l'administration fiscale zurichoise en la signant à Genève le 20 mars 2017. Il était indiqué que son adresse personnelle se trouvait à l'adresse en France mentionnée ci-dessus et que son lieu de travail se trouvait, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, à l'adresse ______[GE] ;

·         d'un certificat de salaire établi par son employeur le 22 février 2017, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, indiquant que son domicile personnel se trouvait à l'adresse susmentionnée en France ;

·         d'une attestation de la Fondation de prévoyance C______ SA établie le 30 décembre 2016, envoyée au contribuable à son adresse au ______[GE] ;

·         d'une impression du site Internet ViaMichelin sur trois pages, établissant le kilométrage et la durée du trajet entre l'adresse ______[FR] et la ______[GE] (voisine de la rue ______[GE]).

4.             Le 25 mai 2020, l'AFC-GE a adressé au contribuable ses identifiants pour sa déclaration fiscale 2016.

5.             En réponse, par le biais de son mandataire de l'époque, le contribuable a précisé que son salaire était soumis à l'impôt à la source dans le canton de Zurich en 2016, lieu de situation de son employeur à l'époque. Il s'agissait du canton dans lequel il déployait la majorité de son activité professionnelle, lorsqu'il n'était pas en déplacement. Cette année-là, il était domicilié en France (à l'adresse indiquée plus haut). Il se rendait « très fréquemment » à Zurich, lorsqu'il n'était pas en déplacement professionnel ailleurs en Suisse ou à l'étranger. Dans le cadre de ses fonctions, il était notamment chargé de développer l'activité de son employeur en Suisse romande. Il avait, de ce fait, entrepris plusieurs voyages de prospection à Genève pendant l'année 2016, mais exerçait la majeure partie de son activité professionnelle depuis Zurich. Il n'avait été transféré à Genève qu'à partir du 1er octobre 2017, date à partir de laquelle son salaire avait été soumis à l'impôt à la source genevois. Il fallait noter que, durant les années où il était assujetti à l'impôt à la source dans le canton de Zurich, il requérait régulièrement des déductions supplémentaires auprès des autorités fiscales zurichoises afin de faire valoir, en particulier, les frais correspondant aux trajets effectués entre son domicile en France et la gare de Genève. Il se limitait à ces frais-là, compte tenu que les frais de transport entre Genève et Zurich étaient pris en charge par son employeur.

6.             Par courrier du 27 octobre 2020, l'AFC-GE a demandé au contribuable de lui remettre une attestation d'assujettissement à l'impôt émanant du canton de Zurich pour l'année 2016 ou une attestation indiquant les impôts prélevés à la source par le canton de Zurich.

7.             Le 12 novembre 2020, le contribuable a adressé à l'AFC-GE une attestation établie le 6 novembre 2020 par les autorités fiscales zurichoises, indiquant le montant du revenu brut annoncé et celui de l'impôt à la source.

8.             Selon les explications qu'elle a données dans le cadre de la présente procédure, l'AFC-GE a ensuite reçu en novembre 2021 la rétrocession des retenues de l'impôt à la source perçues par l'administration fiscale zurichoise pour l'année 2016. Selon l'AFC-GE, cette rétrocession était fondée sur les informations contenues dans la demande de quasi-résident que le contribuable avait formulée pour l'impôt à la source dans le canton de Zurich pour l'année 2016, en indiquant que son lieu de travail était à Genève.

9.             Par courrier du 7 mars 2022, accusant réception d'un courrier du contribuable du 22 février 2022 qu'aucune des parties n'a produit, l'AFC-GE a réclamé à ce dernier une déclaration 2016 dûment remplie et accompagnée des justificatifs habituels. Il était ajouté que l'AFC-GE avait reçu la rétrocession de l'impôt à la source du canton de Zurich, de sorte que celle-ci devait être prise en compte dans une taxation, qu'il s'agisse d'une taxation ordinaire en tant que quasi-résident ou en tant que taxation rectificative de l'impôt à la source. En parallèle, le canton de Zurich avait transmis la demande du contribuable de rectification à la source zurichoise, mais ce document ne permettait pas de statuer sur son imposition. S'il souhaitait ne pas remplir de déclaration en tant que quasi-résident, il pouvait effectivement refuser de le faire et régler le rectificatif qui lui serait adressé par le service de l'impôt à la source.

10.         En réponse, par courrier du 16 mars 2022, le contribuable a indiqué que son mandataire de l'époque lui avait annoncé que son assujettissement fiscal à Zurich en 2016 avait été pris en compte par l'AFC-GE. Il a joint un courriel que ce mandataire lui avait adressé le 12 janvier 2021, lui annonçant qu'étant resté sans nouvelles des autorités fiscales genevoises depuis le courrier envoyé le 12 novembre 2020, ce mandataire les avait donc « contacté ce matin à ce sujet. L'administration fiscale genevoise m'a confirmé avoir considéré votre assujettissement fiscal à Zurich pour l'année 2016 et ont transmis cette information auprès de leur service d'impôt source. Par conséquent, nous avons le plaisir de vous informer que votre dossier relatif à votre assujettissement fiscal 2016 est clos et que notre demande a été acceptée. Toutefois, aucune décision ou lettre informative ne nous a été adressée ».

11.         Le 12 mai 2022, l'AFC-GE a adressé au contribuable un bordereau d'impôt à la source pour les impôts cantonaux, communaux et fédéral direct, qui était accompagné d'un courrier expliquant que dans la mesure où il résidait en France et que son activité était déployée à Genève, son imposition devait être établie dans ce canton, quel que soit le canton du siège de son employeur. C'était la raison pour laquelle les autorités fiscales zurichoises avaient transmis au canton de Genève sa demande de rectification.

12.         Il résultait de cette taxation un solde d'impôt à payer de CHF 12'457.75.

13.         Le 10 juin 2022, le contribuable a élevé réclamation contre ce bordereau en faisant valoir une violation de son droit d'être entendu en raison du manque de motivation de la décision, ainsi qu'une constatation inexacte des faits, son activité lucrative en 2016 ne s'étant pas déployée à Genève, mais à Zurich.

14.         Le 6 mars 2023, l'envoyant à l'actuelle adresse professionnelle du contribuable, l'AFC-GE a rendu une décision sur réclamation maintenant la taxation 2016 selon le bordereau remis le 12 mai 2022. Elle a repris en substance les éléments sur lesquels elle avait fondé la taxation.

15.         Par acte du 25 avril 2020 (recte : 2023), le contribuable a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à l'annulation de sa taxation du 12 mai 2022.

Reprenant à partir du courrier de l'AFC-GE du 27 octobre 2020 la chronologie des faits mentionnés jusqu'ici, il se plaint tout d'abord de la violation de son droit d'être entendu, dans la mesure où il n'avait pas été associé au processus décisionnel, l'administration ayant au contraire choisi d'ignorer chacun de ses courriers. En outre, la décision litigieuse n'était pas suffisamment motivée et ne permettait pas de comprendre les raisons de son assujettissement à Genève plutôt qu'à Zurich. Aucune référence légale ou jurisprudentielle ne venait expliquer et justifier ce choix. L'AFC-GE n'expliquait pas davantage quels étaient les critères retenus pour affirmer péremptoirement que son activité avait été déployée à Genève.

Cela constituait en outre une constatation inexacte des faits, puisqu'en réalité, il avait été « actif à l'international auprès d'une clientèle multinationale ».

Enfin, la décision litigieuse violait le principe de la bonne foi, puisque, sans explication ni fondement, plus d'une année après, l'AFC-GE avait décidé de revenir sur sa décision sans en expliquer la raison.

16.         À un courrier du tribunal du 28 avril 2023 l'invitant à préciser à quelle date il avait reçu la décision sur réclamation, le contribuable, sous la plume de son actuel Conseil, a répondu par courrier du 10 mai 2023 qu'il ne s'en souvenait plus et qu'il en avait pris connaissance sur son lieu de travail, où il ne se rendait pas quotidiennement. En tout cas, il se souvenait d'en avoir fait très rapidement part à son avocat, qui l'avait alors reçue le 6 avril 2023.

17.         L'AFC-GE a répondu au recours le 19 juin 2023, concluant à son rejet et fondant son argumentation en particulier sur les éléments que le contribuable avait transmis à administration fiscale zurichoise le 30 mars 2017, dont il résultait une adresse professionnelle à Genève.

18.         Le contribuable a répliqué le 12 juillet 2023, relevant qu'il avait fallu attendre jusqu'ici pour connaître finalement le fondement de la position de l'AFC-GE. On comprenait volontiers ce silence dans la mesure où cette administration était sans doute embarrassée de fonder son assujettissement sur un simple rapport ViaMichelin et sur un courrier d'D______ qui lui avait été adressé à Genève. Concernant le premier de ces deux éléments, il fallait revenir aux explications qu'il avait déjà données par le biais de son précédent mandataire. Le trajet entre son domicile en France et la ______[GE], qui correspondait au parking E______, ne concernait en réalité que son trajet pour se rendre à la gare de Genève. Il fallait en outre préciser, au registre des déductions, qu'il disposait d'une chambre à Zurich. Alors qu'il était encore domicilié fiscalement dans le canton de Vaud, il déduisait les frais de location de ce logement. Il s'efforcerait d'en retrouver la trace dans ses archives et sollicitait un délai pour produire les preuves de l'existence de la location de cette chambre. Concernant le second élément, dans la mesure où il disposait de bureaux à Genève, à proximité de la gare, il avait sans doute trouvé pratique de se faire envoyer le courrier de l'D______ à Genève plutôt qu'en France ou à Zurich.

En outre, il fallait préciser qu'il y avait effectivement des bureaux disponibles à Genève en 2016, à l'adresse ______[GE]. Ils n'étaient toutefois pas encore opérationnels et ne permettaient notamment pas de recevoir de la clientèle. Ces locaux servaient en 2016 de pied-à-terre pour lui-même et d'avant-poste pour son employeur. Cependant, les activités de ce dernier n'étaient pas encore ouvertes à Genève. Il fallait souligner qu'il n'y avait jamais eu de succursale genevoise, mais uniquement des bureaux. En 2016, il déployait son activité entre Zurich, Luxembourg et Copenhague. C'était pour cette raison que son employeur lui avait indiqué qu'il fallait s'assujettir à Zurich, au siège de la société. Sans compétences particulières en droit fiscal, il s'était fié aux indications de son employeur. Finalement, l'activité de ce dernier avait pu se déployer dans les bureaux genevois en 2017 et il avait alors pu diminuer sa présence à Zurich à partir de ce moment-là.

Il fallait ainsi retenir que l'AFC-GE ne disposait d'aucun élément tangible lui permettant de retenir qu'il exerçait son activité en 2016 à Genève.

19.         L'AFC-GE a dupliqué le 19 juillet 2023, soulignant que c'était le contribuable qui avait transmis à l'administration fiscale zurichoise sa demande de quasi-résident pour l'année 2016 en indiquant lui-même, sous la rubrique relative au lieu de travail, son adresse au ______[GE].

20.         Par écriture spontanée du 31 août 2023, le contribuable a indiqué que malgré ses recherches, il n'avait pas pu retrouver un exemplaire du contrat de bail qu'il avait conclu pour son logement de fonction à Zurich. Il produisait toutefois ses taxations vaudoises pour les années 2009 à 2014, lesquelles faisaient état de frais de séjour hors domicile pour un montant annuel de CHF 15'820.-, ce qui correspondait au loyer de ce logement, lequel avait été conservé jusqu'en 2016. Par ailleurs, il avait finalement quitté la Suisse pour la France à la fin de l'année 2015. Enfin, concernant le fait qu'il aurait indiqué à l'administration fiscale zurichoise que son lieu de travail était à Genève, à l'adresse ______[GE], il n'en avait pas souvenir et contestait ce fait qui ne ressortait pas du dossier et des pièces produites. Il s'était par ailleurs déjà expliqué sur le fait que sa secrétaire avait commis des erreurs en remplissant les formulaires ad hoc. Il ne faisait d'ailleurs aucun sens de s'adresser à l'administration fiscale zurichoise pour demander un statut de quasi-résident tout en indiquant travailler à Genève et en étant domicilié en France.

En annexe à ce courrier, le contribuable a produit les pages « décision de taxation et calcul de l'impôt » pour les années 2009 à 2014. Selon la rubrique « Frais de repas ou séjour hors du domicile » correspondant au contribuable 1, sont admis en déduction CHF 15'820.- jusqu'en 2012, puis CHF 18'360.- en 2013 et 2014. Il a également produit une attestation de départ du Contrôle des habitants de F______ (Vaud), indiquant son départ de cette commune le 31 décembre 2015, à destination de son adresse en France.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17, applicable par renvoi de l'art. 24 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 - LISP - D 3 20).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc, étant relevé que la notification par pli simple de la décision sur réclamation du 6 mars 2023 ne permet pas de démontrer clairement que le recours aurait été interjeté au-delà du délai légal.

3.             Le recourant fait tout d'abord valoir la violation de son droit d'être entendu au motif, d'une part, qu'il n'aurait pas été associé au processus décisionnel ayant abouti à la décision litigieuse et, d'autre part, que celle-ci serait dépourvue d'une motivation suffisante.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

5.             Le droit d'être entendu implique également, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA). Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (cf. ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; 126 I 97 consid. 2b et les références citées ; cf. également ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4.1).

6.             En l'occurrence, il faut tout d'abord préciser que la décision dont le tribunal doit examiner si elle viole le droit d'être entendu du recourant est la décision sur réclamation du 6 mars 2023 et non la décision de taxation du 12 mai 2022. Cela étant l'argumentation du recourant doit de toute façon être écartée dans un cas comme dans l'autre. En effet, bien qu'il se plaigne de n'avoir pas été associé au processus décisionnel, plusieurs échanges de correspondance ont eu lieu entre les parties au début de l'année 2022, s'agissant de l'imposition du précité pour l'année 2016. Celui-ci a ainsi pu s'exprimer dans son courrier du 16 mars 2022 et également, semble-t-il, dans un courrier du 22 février 2022 qui ne figure toutefois pas au dossier. Le recourant a ainsi pleinement pu exprimer son point de vue avant la décision de taxation du 12 mai 2022, et a pu le faire à nouveau dans le cadre de sa réclamation. Il faut souligner enfin que ce n'est pas parce qu'il a le sentiment de n'avoir pas été entendu (c'est-à-dire que ses arguments n'ont pas été suivis par l'autorité intimée) que son droit d'être entendu, au sens juridique du terme, n'a pas été respecté.

7.             Quant à la motivation de la décision sur réclamation du 6 mars 2023, mais également de la décision de taxation du 12 mai 2022, leur brièveté n'est pas incompatible, selon la jurisprudence rappelée plus haut, avec l'obligation de motivation qui découle du droit d'être entendu. Il faut souligner en particulier la simplicité du problème qui fait l'objet du litige depuis l'origine, qui consiste à trancher la question du lieu de travail principal du recourant, soit à Zurich, soit à Genève. L'énoncé du problème et la manière dont il a été résolu dans le cas d'espèce ne requéraient pas de longues explications et de toute façon, les déterminations du recourant dans la phase non contentieuse de la procédure démontrent qu'il avait parfaitement compris comment faire face à la position de l'autorité intimée.

8.             Au vu de ce qui précède, le grief de violation du droit d'être entendu sera rejeté.

9.             Sur le fond, le recourant ne conteste pas le droit de la Suisse de prélever un impôt à la source sur la rémunération qu’il a perçue en 2016 provenant de son activité salariée, étant rappelé son domicile en France durant cette période. Il fait toutefois valoir que ce n'est pas le canton de Genève qui disposait alors de la compétence pour percevoir cet impôt. A cet égard, il conteste en particulier qu'il déployait son activité dans ce canton et considère que la décision litigieuse consacre une constatation inexacte des faits.

10.         L’art. 35 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) dispose que sont soumis à l'impôt à la source lorsqu'ils ne sont ni domiciliés ni en séjour en Suisse au regard du droit fiscal, les travailleurs exerçant une activité lucrative dépendante dans le canton, sur le revenu de cette activité.

L’art. 38 LHID règle la question de la perception de l’impôt à la source dans les relations intercantonales. Son al. 1 dispose que les cantons se prêtent gratuitement l'assistance administrative et juridique pour le prélèvement de l'impôt à la source. L'impôt à la source perçu conformément à l'art. 37 al. 2 est versé au canton auquel appartient le droit d'imposer.

L'obligation du débiteur de retenir l'impôt à la source est régie par le droit du canton dans lequel il a son siège ou son établissement stable (art. 38 al. 2 LHID). Le contribuable est imposé conformément au droit du canton auquel appartient le droit d'imposer. Les impôts retenus et versés par le débiteur hors du canton sont déduits des impôts dus (art. 38 al. 3 1ère phr. LHID).

11.         À Genève, la perception de l’impôt à la source dans les relations intercantonales était réglée par les art. 14 à 16 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (ci-après : aLISP), applicable durant l'année 2016, quand bien même remplacée par une nouvelle version du 16 janvier 2020. L’art. 15 aLISP disposait que les contribuables mentionnés aux articles 7 et 8 (personnes physiques et morales qui ne sont ni domiciliées, ni en séjour en Suisse) étaient imposables dans le canton où s’exerce leur activité.

12.         S’agissant des personnes qui ne sont ni domiciliées ni en séjour en Suisse, la doctrine rappelle que l’assujettissement à l’impôt à la source suppose la réalisation d’un revenu d’une activité dépendante en Suisse. D’après les normes d’attribution du droit fiscal international, le revenu d’une activité dépendante est réalisé essentiellement au lieu de travail, c’est-à-dire au lieu où l’activité est exercée personnellement. La condition d’assujettissement à l’impôt à la source est ainsi l’existence d’un lieu de travail effectif en Suisse (Guido JUD, Adrian RUFENER, in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Bundesgestz über die direkte Steuer, 3ème éd., 2017, art. 35, § 2b, p. 1177).

Le prélèvement de l’impôt à la source se détermine, conformément à l’art. 38 al. 2 LHID, selon le droit du canton de la source. Cette réglementation se comprend du point de vue des intérêts du débiteur de la prestation imposable, pour qui la procédure doit être aménagée le plus simplement possible. En conséquence, il n’incombe au débiteur de la prestation imposable que des obligations conformément au droit du canton de la source. Si le débiteur de la prestation imposable a correctement effectué le prélèvement de l’impôt, d’après le droit de ce canton, il ne peut être tenu à une perception supplémentaire, ni responsable de la différence éventuelle. Le débiteur de la prestation imposable doit verser l’impôt à la source qu’il a déduit conformément au droit du canton de la source, à l’autorité fiscale compétente du canton de la source. De son côté, celle-ci doit virer les montants d’impôt à la source qui lui sont parvenus, à l’autorité fiscale du canton auquel appartient le droit d’imposer (Guido JUD, Adrian RUFENER, op. cit., art. 38, § 6-7, p. 1209).

13.         En l’occurrence, le recourant explique tout d'abord que son employeur, durant l'année 2016, ne disposait d'aucune succursale à Genève et que les bureaux de la société situés dans ce canton n'étaient pas équipés pour y recevoir de la clientèle. Indépendamment du caractère assez vague et non étayé de cette dernière affirmation, les indices que le recourant met en avant pour tenter de rendre vraisemblable qu'il ne pouvait pas déployer son activité principalement dans le canton de Genève, ne permettent pas nécessairement d'aboutir à la conclusion que le recourant prétend en tirer. En effet, ni l'absence de succursale, ni le fait que des bureaux ne soient pas équipés pour recevoir de la clientèle n'empêchent de travailler depuis ce lieu. En particulier, on peut parfaitement se rendre soi-même auprès de ses clients ou les rencontrer dans des lieux prévus à cet effet. Mais surtout, on ne peut que s'interroger sur la raison pour laquelle le recourant n'a apparemment pas sollicité son employeur de l'époque afin qu'il indique quel était le principal lieu de travail du recourant. L'absence d'attestation sur ce point, ou de démonstration que le recourant aurait vainement tenté de l'obtenir, ne peut que faire naître un certain doute sur ses affirmations.

Mais surtout, les éléments objectifs du dossier permettent raisonnablement de retenir que son principal lieu de travail en 2016 était à Genève, à l'adresse ______[GE].

En effet, c'est bien de sa main que le recourant a signé à Genève, le 20 mars 2017, une demande adressée aux autorités fiscales zurichoises afin de déduire ses contributions au troisième pilier et ses frais de trajet effectifs, en indiquant que son lieu de travail se trouvait à l'adresse ______[GE]. L'explication que donne le recourant à ce sujet, dans ses dernières écritures, en prétendant qu'il avait déjà souligné durant la procédure que son secrétariat commettait des erreurs, ne peut être suivie pour deux raisons. D'une part, si le recourant a effectivement fait allusion aux démarches effectuées par son secrétariat au sujet de la production du document ViaMichelin, ce n'était pas pour relever qu'une erreur avait été commise, mais, au contraire, pour souligner la portée et la pertinence de ce document. D'autre part, même si le formulaire adressé aux autorités fiscales zurichoises avait été pré-rempli par le secrétariat du recourant, il paraît très peu vraisemblable, compte tenu en particulier du très faible nombre de champs complétés, qu'il ait échappé au recourant que le lieu de travail indiqué était à Genève. Il doit en tout état se voir opposer les indications données dans un document qu'il a lui-même signé.

Par ailleurs, les explications que donne le recourant au sujet de l'attestation de la Fondation de prévoyance C______ SA, qui lui avait été adressée le 30 décembre 2016 à son adresse ______[GE], n'apparaissent pas du tout convaincantes. En effet, on ne voit pas pourquoi il aurait indiqué à cette fondation, comme adresse de correspondance, un lieu de travail où il ne faisait prétendument que passer de temps à autre, plutôt que son domicile privé ou son lieu de travail principal.

Quant au document ViaMichelin qu'il a également fourni aux autorités fiscales zurichoises, établissant son trajet depuis son domicile privé jusqu'à la ______[GE] (voisine de la rue ______[GE]), le recourant explique qu'il s'agissait là uniquement du trajet qu'il faisait pour stationner son véhicule au parking E______, avant de prendre son train pour Zurich. Il ajoute qu'il n'avait demandé de déduction que pour ce trajet en voiture, et non pour le trajet en train, étant donné que son employeur lui remboursait ce dernier. Cependant, il n'apporte aucun élément démontrant cette dernière affirmation, ce qui ne fait d'ailleurs que contribuer à jeter un doute supplémentaire sur ses explications.

Enfin, s'agissant du fait qu'il aurait eu une chambre à Zurich, le recourant a offert de le prouver en annonçant qu'il produirait le bail y relatif, ce qu'il n'a cependant finalement pas fait. Indépendamment du fait qu'il dit n'avoir pas réussi à retrouver ce document, on ne voit pas ce qui l'aurait empêché de s'adresser cas échéant à son bailleur pour en obtenir un duplicata ou simplement une attestation relative à la période de location de ce logement. En outre, les documents fiscaux qu'il a produit à ce sujet sont clairement insuffisants pour démontrer que la déduction qu'il avait obtenue dans le canton de Vaud entre 2009 et 2014 concernait effectivement ce logement. Enfin et surtout, quand bien même le recourant n'a quitté le canton de Vaud qu'au 31 décembre 2015, et qu'il était donc contribuable de ce canton durant la période fiscale 2015, il n'a pas produit sa taxation pour cette année-là, ce qui ne permet en tout état pas de constater qu'une déduction lui aurait encore été accordée pour le logement en question durant l'année qui a précédé l'année fiscale litigieuse.

14.         Au vu de ce qui précède, c'est à raison que l'autorité intimée a retenu que le recourant déployait son activité professionnelle principalement dans le canton de Genève durant l'année 2016. Dans cette mesure, la décision sur réclamation du 6 mars 2023 et le bordereau de taxation du 12 mai 2022 sont parfaitement fondés.

15.         Enfin, le recourant fait grief à la décision attaquée d'être contraire au principe de la bonne foi.

16.         Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Les conditions d'application de cette disposition sont au nombre de cinq. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 131 II 627 précité, consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 précité, consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430 n. 5.3.2.1).

17.         En l'occurrence, le recourant se plaint d'une attitude contradictoire qu'aurait adoptée l'autorité intimée à son sujet, mais ne fait que se référer à ce sujet à un courriel que son ancien mandataire lui avait envoyé le 12 janvier 2021, expliquant au recourant qu'un contact pris avec l'autorité intimée aurait confirmé que son dossier était clos pour ce qui concernait la taxation 2016. Cela ne saurait cependant en aucun cas équivaloir à un engagement quelconque de l'administration fiscale genevoise, étant relevé que le mandataire avait lui-même relevé l'absence de décision ou document établissant formellement cette position. En outre, en tout état, ce n'est qu'en novembre 2021 que les autorités fiscales zurichoises ont rétrocédé au canton de Genève l'impôt retenu à la source par l'employeur du recourant et ce n'est qu'à partir de cette date que l'autorité intimée s'est adressée au recourant au sujet de son assujettissement en 2016.

18.         Le grief de violation du principe de la bonne foi s'avère donc infondé.

19.         Le recours sera ainsi rejeté.

20.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 6 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière