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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1728/2023

JTAPI/74/2024 du 30.01.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ACTIVITÉ LUCRATIVE
Normes : LEI.18; LEI.19; LEI.36
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1728/2023

JTAPI/74/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 janvier 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jonathan NESI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Par formule K reçu par l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) le 24 janvier 2023, la société genevoise B______ SA (ci-après : la société) a déposé une demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi en faveur de Madame A______, ressortissante togolaise domiciliée à Genève.

En annexe à sa requête, la société a produit un chargé de pièces.

2.             Par décision du 29 mars 2023 adressée à la société, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l’octroi de l’autorisation sollicitée, pour le motif que l’admission de Mme A______ en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté. Par ailleurs, la société n’était pas en règle avec le paiement de l’impôt à la source.

3.             Le même jour, l’OCIRT a également adressé une décision négative à Mme A______.

4.             Par acte du 12 mai 2023, Mme A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, principalement, à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative (permis B), subsidiairement, si le jugement était rendu après le 3 juin 2023, à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative UE/AELE, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle s’est référée aux arguments exposés dans la demande déposée par la société. En outre, dès le 3 juin suivant, elle deviendrait le conjoint d’une personne ayant la nationalité d’un pays signataire de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Elle bénéficierait ainsi des droits en découlant, y compris celui de demeurer en Suisse pour y exercer une activité lucrative.

5.             Le 3 juin 2023, Mme A______ a épousé Monsieur C______ à Noisy-le-Grand (France).

6.             Par lettre du 13 juin 2023, la société a confirmé au tribunal qu’elle était toujours disposée à embaucher Mme A______.

7.             Dans ses observations du 10 juillet 2023, l’OCIRT a proposé le rejet du recours.

La société avait uniquement annoncé le poste durant quinze jours à l’office cantonal de l’emploi, ainsi qu’à travers un programme de recrutement (bullhornstaffing.com) en mai 2022, ce qui n’était pas suffisant.

8.             Le 2 août 2023, la recourante a précisé au tribunal que sa demande, ainsi que les conclusions de son recours tendaient à l’obtention d’une autorisation de séjour (permis B) avec activité lucrative, soit en sa qualité de ressortissante togolaise, soit en tant que bénéficiaire de l’ALCP.

9.             Les 7 et 20 novembre 2023, l’intéressée a encore fait part au tribunal que son mariage constituait un fait nouveau. Désormais, elle bénéficiait du droit à exercer une activité lucrative en Suisse. Elle a produit une copie de son visa français.

10.         Lors de l’audience du 25 janvier 2024, Mme A______ a persisté dans les conclusions de son recours. Elle habitait officiellement en France depuis le 16 novembre 2023.

11.         Il ressort de la base de données de l’OCPM que la recourante a quitté le canton de Genève pour Noisy-le-Grand le 31 octobre 2023.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             Selon la jurisprudence, l'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1364/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4b).

6.             En l’espèce, le litige porte sur le refus de l’OCIRT de délivrer à la recourante une autorisation annuelle de séjour, afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative dépendante.

7.             À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

8.             Sans que la LEI ne le précise expressément, il découle de la systématique de la loi qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative au sens de l’art. 18 LEI (permis B) ne peut être délivrée que si l’étranger réside en Suisse. En effet, selon l’art. 36 LEI, le titulaire d’une autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement peut choisir librement son lieu de résidence sur le territoire du canton qui a octroyé l’autorisation. Par ailleurs, l’art. 61 al. 2 1ère phr. LEI instaure la caducité ex lege de ces titres de séjour après un certain délai, si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ.

9.             En l’espèce, depuis le 31 octobre ou le 16 novembre 2023, la recourante ne réside pas en Suisse, mais en France. Pour ce seul motif déjà, elle ne peut prétendre à la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner si elle remplit les conditions des art. 18, ainsi que 20 à 24 LEI.

Il n’est pas déterminant que lors du prononcé de la décision attaquée ou qu’au moment du dépôt du recours, l’intéressée vivait encore à Genève. En effet, le tribunal statue en prenant en considération l'état de fait existant au moment de son jugement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-235/2018 du 4 avril 2019 consid. 3 et la jurisprudence citée).

Ne résidant plus en Suisse, la recourante ne peut pas non plus bénéficier d’une autorisation de séjour sous l’angle de l’ALCP.

Enfin, le tribunal n’a pas à examiner si l’intéressée remplit les conditions pour prétendre à une autorisation pour frontalier. En effet, cette question est exorbitante de l’objet du présent litige.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

11.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

12.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 29 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière