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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1396/2023

JTAPI/72/2024 du 29.01.2024 ( ICC ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AVOCAT;HONORAIRES;DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE;ÉCONOMIE D'ÉNERGIE
Normes : LIFD.25; LIPP.28; LIFD.32.al2; LIPP.34.letd; LIPP.34.lete
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1396/2023 ICC

JTAPI/72/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Filippo LURA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ICC) 2020.

2.             Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) est domicilié dans le canton de Vaud, mais exerce une activité lucrative indépendante en tant qu’avocat dans le canton de Genève.

3.             Il est copropriétaire, à raison d’une demie, du bien-fonds ______[VD] sur lequel sont érigés deux appartements d’habitation (ci-après : l’immeuble), l’un occupé par le contribuable et sa compagne copropriétaire (appartement n° 1) et l’autre (appartement n° 2) qu’ils ont mis en location.

4.             Afin de procéder à des travaux d’isolation thermique et phonique des sols, murs et plafonds de l’immeuble, le contribuable a fait appel à un bureau d’architecte et à une entreprise de plâtrerie-peinture.

5.             En 2018, après avoir constaté de multiples défauts et vices de construction relatifs à ces travaux, le contribuable a résilié le contrat avec l’architecte et des procédures judiciaires s’en sont suivies.

6.             Par bordereau de taxation d’office du 1er novembre 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a fixé l’ICC 2020 du contribuable à CHF 41'587.95 sur la base d’un revenu imposable de CHF 200'020.- et d’une fortune nulle.

7.             Par courrier du 6 décembre 2021, le contribuable a contesté ce bordereau de taxation d’office, indiquant qu’il allait envoyer ses déclarations fiscales genevoises et vaudoises 2020 au début de l’année 2022.

8.             Dans sa déclaration fiscale 2020 déposée le 4 février 2022, le contribuable a mentionné des charges et frais d’entretien concernant l’immeuble pour un montant de CHF 215'697.-. Dans une note explicative annexée datée du 23 janvier 2022, il a indiqué que, parallèlement aux mesures prises pour remédier aux vices de construction de l’immeuble, des procédures judiciaires avaient dû être engagées par l’intermédiaire de leur avocat. Elles visaient à obtenir la réparation de leur dommage et la radiation de l’hypothèque légale inscrite abusivement par l’entreprise de plâtrerie-peinture.

9.             Par décision du 9 mars 2022, l’AFC-GE a remis au contribuable un bordereau rectificatif fixant l’ICC 2020 à CHF 82'593.70 sur la base d’un revenu imposable de CHF 346'140.- et d’une fortune imposable nulle. Ce faisant, elle a admis la déduction des charges et frais d’entretien d’immeuble pour un montant de CHF 30'119.-, expliquant que « les frais de procédure, d’avocat et recouvrement, ainsi que les taxes communales ne sont pas déductibles au titre de charges et frais d’entretien ».

10.         Selon les faits retenus dans l’arrêt de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 mars 2022 concernant l’hypothèque légale, il s’agissait de procéder à la rénovation de l’immeuble et de créer un nouveau logement destiné à la mère du contribuable. Ces travaux de rénovation avaient notamment fait l’objet d’une offre du 10 août 2017 intitulée : « Ouvrage : transformation d’un rural de deux logements à B______ ».

11.         Par courrier du 7 avril 2022 et son complément du 30 mai 2022, le contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau rectificatif du 9 mars 2022. Au vu de deux arrêts (ATA/88/2018 du 30 janvier 2018 et ATA/604/2018 du 12 juin 2018) de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CACJ), l’AFC-GE aurait dû admettre les frais d’avocat et de justice litigieux. Grâce à l’intervention d’un avocat depuis l’été 2018, il avait pu obtenir une réduction de 80% de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs inscrite à la demande de l’entreprise de plâtrerie-peinture. Cette procédure civile, pendante devant le Tribunal fédéral, était de nature à maintenir la valeur vénale de l’immeuble. Les frais d’avocat comprenaient également la procédure pénale ouverte suite à la plainte qu’il avait déposée en février 2020 pour dénoncer l’usage d’un faux dans les titres par cette entreprise de plâtrerie-peinture dans la procédure relative à l’inscription de l’hypothèque légale. Une troisième procédure qu’il avait introduite auprès des tribunaux genevois, portant sur la réparation des dommages découlant de la violation des contrats d’architecte et d’entreprise et nécessitant des rapports d’experts pour prouver les défauts des travaux, avait également justifié de mandater son avocat. Toutes ces procédures n’étaient manifestement pas dénuées de chances de succès. Elles visaient à maintenir le rendement de l’immeuble en conservant la source de revenu provenant de la location de l’appartement n° 2 construit simultanément à l’appartement n° 1. Les défauts constatés avaient en effet retardé l’entrée de leur locataire. Enfin, s’étant aperçu qu’il avait omis de déclarer en 2020 le loyer perçu pour l’appartement n° 2, il a joint une copie du bail.

12.         Sur demandes de renseignements de l’AFC-GE des 12 octobre 2022, 29 novembre 2022 et 18 janvier 2023, le contribuable lui a remis des justificatifs relatifs aux charges et frais d’entretien de CHF 215'697.-, par envois des 13 novembre 2022 et 8 février 2023.

13.         Par décision du 17 mars 2023, l’AFC-GE ajouté le montant des loyers encaissés en 2020 par le contribuable pour l’appartement n° 2, soit CHF 21'600.- (CHF 1'800.- x 12 mois). Elle a en outre refusé de modifier la déduction des charges et frais d’entretien d’immeuble pour les motifs suivants : « En effet, les frais d’avocats revendiqués en lien avec les malfaçons et l’hypothèque légale ne sont, par principe, pas déductibles puisqu’en lien avec les coûts d’investissement. Il ne s’agit pas ici de travaux d’entretien destinés à maintenir la valeur ou la capacité de rendement des biens immobiliers. De plus, conformément à la jurisprudence (JTAPI/288/2017 du 20 mars 2017), les frais juridiques encourus afin d’empêcher ou de prévenir la perte de la propriété des valeurs immobilières ne sont pas déductibles. Au vu de ce qui précède, votre taxation est correcte sur ces points ».

Selon le bordereau rectificatif annexé, l’ICC 2020 s’est élevé à CHF 88'916.65 sur la base d’un revenu imposable de CHF 367'740.- et d’une fortune nulle.

14.         Par acte du 26 avril 2023, sous la plume de son mandataire, le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision sur réclamation, concluant principalement, sous suite de frais et de dépens, à son annulation et à l’admission des charges et frais d’entretien d’immeuble revendiqués par le recourant.

La décision attaquée violait son droit d’être entendu dans la mesure où elle était insuffisamment motivée. Elle ne permettait pas de savoir si les frais dont la déduction était refusée devaient être qualifiés de coûts d’investissement ou comme des frais juridiques encourus afin d’empêcher ou prévenir la perte de propriété. Ce défaut de motivation justifiait l’annulation de cette décision.

De manière arbitraire, l’AFC-GE n’avait pas pris en compte les éléments de preuve qui démontraient que les frais revendiqués étaient bien déductibles au sens de l’art. 34 let. d de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP – D 3 08). Les frais qu’il avait engagés dans le cadre de la procédure civile concernant l’hypothèque légale de CHF 72'477.30 (réduite ensuite à CHF 15'019.35) initiée par l’entreprise de plâtrerie-peinture en 2018 étaient nécessaires pour maintenir la valeur d’usage de l’immeuble. Il en allait de même des frais de la procédure pénale pour tentative d’escroquerie et faux dans les titres et de la procédure civile en dommages et intérêts contre l’architecte et l’entreprise précitée. Tous ces frais devaient être admis en déduction.

Lors des taxations 2018 et 2019, l’AFC-GE avait admis en totalité les charges et frais d’entretien d’immeuble à hauteur respectivement de CHF 226'258.- et CHF 82'795.-, lesquels comprenaient aussi des frais d’avocat et de procédure.

Le détail des frais d’avocat et de procédure se rapportant à la taxation 2020, ainsi que les décisions judiciaires en lien avec les travaux dans l’immeuble étaient joints au recours.

15.         Dans sa réponse du 26 juin 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Conformément aux principes d’étanchéité des exercices fiscaux et de périodicité de l’impôt, le recourant ne pouvait pas se prévaloir du fait que le fisc avait admis en déduction de manière erronée des frais d’avocat et de procédure dans les taxations 2018 et 2019. Aucune promesse expresse n’avait été faite au recourant quant à l’admission de ce type de frais en 2020.

Le caractère prétendument succinct de la motivation de la décision litigieuse n’avait pas empêché le recourant d’en comprendre le sens et la portée, ni de faire efficacement usage de son droit de recours devant le tribunal. Celui-ci jouissant d’un plein pouvoir d’examen, un défaut de motivation pouvait être réparé devant lui.

Sur le fond, les deux arrêts (ATA/88/2018 du 30 janvier 2018 et ATA/604/2018 du 12 juin 2018) sur lesquels le recourant s’appuyait ne suffisaient pas à faire admettre la déduction des frais d’avocat.

Le premier arrêt (ATA/88/2018) avait refusé la déduction, faute de preuve d’un risque de moins-value et en l’absence de demande de baisse de loyer, ainsi qu’en raison d’une disproportion entre les frais d’avocat engagés et le montant du loyer, ce qui tendait à démontrer que les démarches juridiques entreprises n’avaient pas pour objectif de préserver le revenu du contribuable. C’est arrêt ne se différenciait pas du présent cas d’espèce, dès lors que le recourant n’avait reçu aucune demande de baisse de loyer de son locataire en 2020, aucune preuve de moins-value du bien n’avait été apportée et il y avait une disproportion évidente entre, d’une part, les frais engagés (CHF 215'697.-) et, d’autre part, le loyer annuel de l’appartement n° 2 (CHF 21'600.-) et la valeur locative de l’appartement n° 1 (CHF 10'434.-).

Le second arrêt avait admis la déduction des honoraires d’avocat, car ils étaient liés aux procédures introduites pour obtenir la restitution des loyers de l’immeuble perçus indument par le frère du contribuable. Contrairement à ces frais, clairement liés à l’acquisition du revenu, ceux engagés en l’espèce par le recourant pour s’opposer à l’inscription de l’hypothèque légale ne visaient pas à maintenir la valeur de rendement de l’immeuble.

Par ailleurs, le recourant avait déjà été partiellement indemnisé et s’était vu accorder des dépens de procédure. De plus, dans l’ordonnance pénale du Ministère public de l’arrondissement de la Côte (VD) du 30 mars 2022, le procureur soulignait que « le relevé des opérations produit par l’avocat du contribuable apparaît quelque peu excessif ».

L’AFC-GE relevait enfin que, dans sa décision du 19 janvier 2022 concernant la répartition intercantonale 2020, le fisc vaudois n’avait pas admis comme déductibles les honoraires d’avocat et les frais judiciaires litigieux.

16.         Par réplique du 25 août 2023, le recourant a maintenu les conclusions de son recours.

Les procédures qu’il avait engagées étaient nécessaires. Elles avaient non seulement permis d’assurer le maintien de la valeur et de la propriété de l’immeuble (l’hypothèque légale aurait pu conduire à sa réalisation forcée), mais également de son droit de jouissance de son logement (ce qui constituait un élément soumis à l’impôt sur le revenu à titre de valeur locative) et d’une source de revenu découlant de l’appartement n° 2 loué. Contrairement à ce qu’alléguait l’autorité intimée, il n’avait aucunement été « partiellement indemnisé » dans le cadres des décisions civiles et pénales. Il avait uniquement perçu des dépens civils pour la réduction de près de 80% de l’hypothèque légale et une indemnité couvrant les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale.

La jurisprudence du Tribunal fédéral admettait la déduction des honoraires d’avocat et frais de justice à la condition qu’ils puissent être qualifiés de frais d’entretien ou d’administration d’immeuble. Pour cela, il fallait que ces dépenses aient été engagées pour assurer le maintien de la propriété et du droit de jouissance de l’immeuble. De plus, ces critères rappelés dans l’ATA/88/2018 étaient remplis dans le cas présent, puisqu’il avait réussi à obtenir une réduction de 80% du montant inscrit à titre d’hypothèque légale.

La déductibilité des frais d’avocat et de justice ne pouvait pas dépendre d’une demande de baisse de loyer d’un locataire, car elle conduisait à une inégalité de traitement entre propriétaires dont les locataires contesteraient ou pas leur loyer. Enfin, ces frais étaient nécessaires et non disproportionnés, la remarque du Ministère public vaudois dans son ordonnance pénale du 30 mars 2023 n’y changeait rien.

17.         Dans sa duplique du 12 septembre 2023, l’AFC-GE a persisté intégralement dans les considérants et conclusions de sa réponse du 27 juin 2023. Aucun argument nouveau ou pièce nouvelle susceptible d’influer sur le sort du litige n’avait été apporté par le recourant.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

Il sied de relever par ailleurs que la décision du 9 mars 2022 ne peut être considérée que comme une décision sur réclamation, étant donné que l’AFC-GE n’avait jusque-là rendu aucune décision sur la réclamation formée par le recourant le 6 décembre 2021. Par conséquent, la contestation du recourant en date du 7 avril 2022 aurait dû être considérée par l’AFC-GE comme un recours à transmettre au tribunal. Sa nouvelle décision du 17 mars 2023 ne peut être considérée dans ces conditions que comme une reconsidération opérée par l’autorité intimée et contre laquelle le recours au tribunal était de toute manière ouvert.

3.             Le recourant invoque tout d’abord une violation de son droit d’être entendu dans la mesure où la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

4.             Garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), le droit d’être entendu implique, pour l’autorité, l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, la violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). Une réparation de la violation du droit d'être entendu peut également se justifier, même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_742/2016 du 26 janvier 2017 consid. 10.1 et les références citées).

5.             En l’occurrence, bien que le recourant, représenté par avocat, se plaigne d’un défaut de motivation de la décision entreprise, il a été à même de la comprendre et de la contester efficacement. Son recours comporte, en effet, un exposé des faits et une argumentation juridique complets. En outre, un double échange d’écritures a eu lieu devant le tribunal, au cours duquel le recourant a pu compléter son argumentation après avoir pris connaissance de la réponse de l’AFC-GE.

Ainsi, à supposer que la décision entreprise n’ait pas été suffisamment motivée, l’éventuelle violation du droit d'être entendu qui en découlerait a pu être réparée devant le tribunal de céans, étant rappelé que celui-ci dispose des mêmes compétences que l'AFC-GE dans la procédure de taxation (art. 50 al. 2 LPFisc). Par conséquent, la décision litigieuse ne saurait être annulée pour ce motif.

6.             Le recourant conclut à la déduction de ses frais d’avocat et de procédure judiciaire au titre de charges et frais d’entretien de son immeuble privé.

7.             À teneur des art. 25 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 28 LIPP, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD, respectivement art. 29 à 37 LIPP.

8.             À l’instar de l’art. 34 let. a et d LIFD, l’art. 38 al. 1 let. a et c LIPP prévoit en revanche que les frais d’entretien du contribuable et de sa famille, y compris loyers du logement et les dépenses privées résultant de sa situation professionnelle (let. a) et les frais d’acquisition, de production ou d’amélioration d’éléments de fortune, y compris les intérêts sur crédit de construction (let. c), ne peuvent pas être déduits.

9.             Aux termes de l'art. 9 al. 3 de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d'immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers. En outre, les cantons peuvent prévoir des déductions pour la protection de l’environnement, les mesures d’économie d’énergie et la restauration des monuments historiques. […] Le Département fédéral des finances détermine en collaboration avec les cantons quels investissements destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement peuvent être assimilés à des frais d’entretien ; les frais de démolition en vue d’une construction de remplacement sont assimilés aux frais d’entretien (art. 9 al. 3 let. a LHID).

10.         Pour l’ICC, l’art. 34 let. d et e LIPP correspond à l’art. 9 al. 3 LHID et à l’art. 32 al. 2 LIFD).

11.         Selon l’art. 1 let. a de l’ordonnance fédérale sur les mesures en faveur de l’utilisation rationnelle de l’énergie et du recours aux énergies renouvelables du 24 août 1992 (OURE – RS 642.116.1), sont en particulier considérés comme mesures en faveur de l’utilisation rationnelle de l’énergie et du recours aux énergies renouvelables les mesures tendant à réduire les déperditions énergétiques de l’enveloppe du bâtiment, par exemple :

1. isolation thermique des sols, murs, toits et plafonds jouxtant l’extérieur, des locaux non chauffés ou le terrain,

2. remplacement des fenêtres par des modèles améliorés sur le plan énergétique,

3. pose de colmatages,

4. installation de sas non chauffés,

5. renouvellement de jalousies ou de volets à rouleau.

12.         Dès lors que les dispositions légales cantonales et fédérales précitées sont similaires, la jurisprudence et la doctrine développées en matière d'IFD sont en principe également valables pour l'application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10 ; ATA/88/2018 du 30 janvier 2018 consid. 4b), étant précisé que les cantons disposent d'une certaine liberté d'appréciation s'agissant de la déductibilité fiscale des frais d'entretien, à condition de ne pas tomber dans l'arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_878/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.2).

13.         Selon le Tribunal fédéral, les frais mentionnés à l’art. 34 let. d LIFD (et donc également à l’art. 38 al. 1 let. c LIPP), sont des dépenses d'investissement immobilier ayant pour effet d'apporter une plus-value à l'immeuble. Ces frais se démarquent des frais d'entretien en ce sens que ces derniers sont essentiellement encourus pour des travaux destinés à compenser l'usure normale de la chose due à son usage et à l'écoulement du temps, et à maintenir l'état d'entretien original du bien, de sorte à conserver la source du revenu que représente le bien immobilier pour le contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2017 du 4 avril 2018 consid. 4.2).

14.         Les dépenses d’économie d’énergie et de protection de l’environnement sont fiscalement déductibles. Cette catégorie de dépenses comprend les frais encourus en vue de rationaliser la consommation d’énergie ou de recourir aux énergies renouvelables. Ces dépenses consistent généralement en des investissements dans le remplacement d’éléments de construction ou d’installations vétustes, voire l’adjonction d’éléments de construction ou d’installations dans les bâtiments existants (cf. art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur la déduction des frais relatifs aux immeubles privés dans le cadre de l’impôt fédéral direct du 9 mars 2018 – ODIP – RS 642.116), qui déclenchent une augmentation de la valeur de l’immeuble ; techniquement, ils ne devraient donc pas être déductibles, conformément à ce que prévoit l’art. 34 let. d LIFD. Toutefois, grâce à l’existence d’une base légale expresse (art. 32 al. 2, 2ème phrase LIFD), ces investissements sont qualifiés de dépenses déductibles, en raison de leur but. Une déduction n’est pas autorisée lorsque le contribuable ne supporte pas les coûts de cette mesure, par exemple parce qu’il reçoit une subvention (cf. art. 1 al. 2 ODIP) (Nicolas MERLINO, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 696-697 n. 92 et 94 ad art. 32 LIFD).

15.         Les frais d’entretien d’un élément de fortune sont déductibles, à la condition toutefois que ce bien soit générateur de revenus. Ils répondent en effet à la définition de frais d’acquisition du revenu, déductibles aux termes des art. 25 à 32 LIFD. De tels frais diminuent le revenu qui échoit finalement au contribuable, lequel ne peut être taxé, dans le système fiscal suisse, que sur son revenu net. Lorsque le bien est générateur de revenus, on distingue ainsi les frais d’acquisition de la source du revenu, non déductibles (art. 34 let. d LIFD), des frais d’acquisition du revenu, déductibles (art. 25 à 32 LIFD) (Yves NOËL, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 789-790 n. 15 ad art. 34 LIFD).

16.         Font partie des dépenses d'investissement, non déductibles, les frais juridiques encourus par le contribuable, notamment certains frais d'avocat, par exemple ceux encourus pour empêcher ou prévenir la perte de la propriété des valeurs immobilières, comme en cas de contestation de la qualité d'héritier de ces valeurs. Tel n'est toutefois pas le cas des frais d'avocat encourus en raison d'un déclassement de zones sur un terrain, qui sont déductibles du revenu au titre de frais d'entretien, puisqu'il s'agit de maintenir le rendement d'un bien appartenant déjà au contribuable (Nicolas MERLINO, op. cit, p. 705-706 n. 137 ad art. 32 LIFD). Il en va également ainsi des frais d'avocat et de justice engagés en vue du maintien de la valeur d'une parcelle, dans la mesure où l'objet du litige concerne l'utilisation ou le maintien de la valeur d'une parcelle, ce qui inclut notamment la lutte contre les immissions excessives. Le caractère déductible desdits frais ne dépend toutefois pas du point de savoir si le contribuable peut obtenir gain de cause sur l'ensemble de ses conclusions ; il faut néanmoins que la démarche engagée ne soit pas manifestement dénuée de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2).

17.         L'information fiscale n° 1/2021 « déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés », publiée par l'AFC-GE le 1er février 2021 (ci-après : l'information) et applicable à compter de la période fiscale 2020, précise quels frais engagés par le propriétaire sur un bien immobilier appartenant à sa fortune privée peuvent être déduits. Elle prévoit que les frais d'administration par des tiers peuvent être déduits pour autant qu'ils soient liés directement à l'administration du bien immobilier et qu'il s'agisse de dépenses effectives. Il s'agit notamment des frais de port, de téléphone, d'annonces, d'imprimés, de poursuite, de procès et les rétributions du gérant et de frais de régie (ch. 2.1.3 de l'information). Ne sont en revanche pas déductibles les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune, tels que les frais de notaire (ch. 3.1 de l'information).

18.         La notice n° 1/2021 du 1er février 2021, qui complète l'information en détaillant certaines dépenses prévues par celle-ci, prévoit que la déductibilité des honoraires d'avocat dépend de leur nature. Ils sont ainsi déductibles s'ils sont liés à l'acquisition du revenu, mais pas s'il s'agit par exemple de frais de conciliation et d'évacuation, lesquels sont considérés comme des frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de la fortune non déductibles au sens de l'information (ATA/604/2018 du 12 juin 2018).

19.         En matière fiscale, le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts ; il lui appartient non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/513/2021 du 11 mai 2021 consid. 5b).

20.         En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment de l’arrêt de la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 mars 2022, que les travaux entrepris dans l’immeuble consistaient en la transformation d’une ancienne maison de village en deux appartements, l’un d’eux ayant été nouvellement créé afin de le louer à la mère du recourant. Il s’agissait notamment de travaux d’isolation intérieure sur les plans thermiques et phoniques, de plâtrerie et de peinture.

Le détail des factures permet de constater l’existence de dépenses à caractère mixte, qui sont déductibles fiscalement s’il s’agit de travaux visant à économiser la consommation d’énergie (isolation thermique) et d’entretien (peintures) et non déductibles, s’il s’agit de dépenses d’investissements (création d’un nouveau logement, soit l’appartement n° 2).

21.         En ce qui concerne les frais d’avocat et de justice, et tout d’abord ceux se rapportant à la contestation de l’hypothèque légale, il n’est pas démontré que l’inscription de celle-ci au registre foncier puisse avoir une influence directe sur la valeur locative ou sur la perception d’un loyer. Ainsi, il y a lieu de considérer que ces dépenses ne sont pas en lien direct avec l’acquisition du revenu et, partant, qu’elles ne sont pas déductibles.

22.         Il en va de même des honoraires d’avocats liés à la plainte du recourant pour faux dans les titres. Le coût de cette procédure pénale ne saurait être lié à l’acquisition d’un revenu immobilier, faute d’un lien de connexité suffisant.

23.         S’agissant de la déductibilité des frais d’avocat et de justice liés à la procédure civile en dommages et intérêts contre l’entreprise de plâtrerie-peinture et l’architecte, ce litige portait sur divers défauts concernant des travaux à caractère mixte, dont les coûts sont déductibles fiscalement ou non en fonction du type de travaux effectués dans l’immeuble (cf. supra ch. 20). En l’absence de données précises et détaillées mentionnées sur les factures d’honoraires d’avocats, il est particulièrement difficile voire impossible de déterminer quels sont les frais d’avocats se rapportant à la réparation du dommage subi par le recourant en lien avec les travaux déductibles fiscalement.

24.         Saisi dans une affaire portant également sur la déduction d’honoraires d’avocat, le Tribunal fédéral a considéré, dans le cadre d’un recours relatif à des mesures protectrices de l’union conjugale, que les procédures de droit matrimonial ont fréquemment pour spécificité de régler l'ensemble des questions soulevées par la fin de la vie commune et la variété des objets qui y sont traités empêche l'établissement d'un lien de connexité direct et étroit entre les frais d'avocat et la réalisation du revenu que représentent les contributions d'entretien. « Dans de telles procédures, il est impossible de distinguer les frais afférents aux contributions d'entretien (et donc liés à l’acquisition du revenu) et ceux concernant des questions non pécuniaires (attribution du logement de famille, sort des enfants), respectivement des aspects pécuniaires qui ne sont pas appréhendés comme des revenus sous l'angle du droit fiscal (liquidation du régime matrimonial [art. 24 let. a LIFD], répartition des avoirs de prévoyance professionnelle [art. 22 ss de la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité; LFLP; RS 831.42]) ». Dans ces conditions, notre Haute Cour a jugé que l’art. 25 LIFD ne permettait pas de déduire les frais d’avocat déboursés par le contribuable pour obtenir des contributions d’entretien (ATF 149 II 19 consid. 6.5).

La manière dont le Tribunal fédéral a traité cette problématique doit, du point de vue du tribunal, pouvoir être reprise par analogie lorsqu’il s’agit de décider en matière immobilière comment traiter une demande de déduction d’honoraires d’avocats, lorsque ceux-ci concernent un litige se rapportant pour partie à des éléments déductibles fiscalement et pour partie à d’autres qui ne le sont pas.

25.         Dans le présent cas d’espèce, la procédure civile engagée par le recourant à l’encontre de l’entreprise de plâtrerie-peinture et l’architecte concerne à la fois des travaux d’entretien (isolation thermique, travaux de peinture, etc.) et des travaux générant une plus-value de l’immeuble (création de l’appartement n° 2).

Dans la mesure où les frais d’avocat revendiqués ne permettent pas de distinguer ceux en lien avec les travaux d’entretien (considérés comme afférents à l’acquisition d’un revenu) de ceux se rapportant à des coûts d’investissement (non déductibles), il y a lieu d’appliquer par analogie la jurisprudence de l’ATF 149 II 19 susmentionné. Partant, les frais d’avocats liés à cette procédure civile ne sont pas non plus déductibles à titre de frais d’acquisition du revenu.

26.         C’est dès lors à bon droit que l’AFC-GE a refusé la déduction des honoraires d’avocat et des frais de procédures judiciaires.

27.         Enfin, en vertu des principes d’étanchéité des exercices fiscaux et de périodicité de l’impôt, l'autorité fiscale n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée ; si tel était le cas, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 6).

En l’occurrence, le fait que l’AFC-GE a admis en 2018 et 2019 la déduction de tels frais ne saurait être déterminant. Ce n’est que si l’autorité fiscale promet expressément d’accorder le même traitement pour une période subséquente que peut se poser la question de la bonne foi. Or, une telle promesse ne ressortant pas du dossier, ce grief est écarté.

28.         En conséquence, le recours sera entièrement rejeté.

29.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais d’un même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 17 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Philippe FONTAINE, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière