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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/148/2023

JTAPI/13/2024 du 08.01.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : FORTUNE PRIVÉE ET COMMERCIALE(DROIT FISCAL);APPORT ET RETRAIT DE CAPITAL(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.18.al2; LIPP.19.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/148/2023 ICCIFD

JTAPI/13/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 8 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par LAMBELET & ASSOCIES SA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Par contrat du 17 mars 2008, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) et M. B______ ont constitué une société simple ayant pour but une promotion immobilière à Genève.

2.             Les comptes 2011 relatifs à cette promotion, que le contribuable a produits avec sa déclaration fiscale 2011, font notamment état, parmi les actifs, de deux appartements duplex (ci-après : lots nos 104 et 107) valant CHF 328'886.- chacun, ainsi que d’une « attribution d’un appartement » [au contribuable] valant CHF 200'000.- (ci-après : lots nos 103 et 106), laquelle comprenait également une place de stationnement.

3.             Sur la base des documents et explications fournis par le contribuable les 8 juin, 20 octobre 2017 et 8 juin 2018, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : l'AFC-GE) a retenu, par bordereaux du 3 février 2022, que le transfert des lots nos 103 et 106 de sa fortune commerciale à sa fortune privée avait généré un produit d'exploitation de CHF 1'580’000.-. Elle a fixé la valeur fiscale de ces lots à CHF 1’780'000.-, pour la fortune. Elle a par ailleurs considéré les lots nos 104 et 107 comme immeubles locatifs et a arrêté leur valeur fiscale à CHF 362'612.-, respectivement CHF 369'205.-.

4.             Par réclamation du 2 mars 2022, sous la plume de son mandataire, le contribuable a contesté ces bordereaux, soutenant que la valeur vénale des lots nos 103 et 106 devait être fixée à CHF 365'909.-.

5.             Dans le cadre de l’instruction de cette réclamation, et après que l'AFC-GE l’ait rendu « attentif » au fait que le bénéfice résultant du transfert susmentionné était imposable à titre de revenu de son activité indépendante, le contribuable ne s’y est pas opposé, se limitant à prétendre à l’imposition différée jusqu’à l’aliénation de l’immeuble, en se fondant sur les art. 18a de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 19A de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), et que la valeur vénale en 2011 des lots nos 103 et 106 « pourrait être » fixée à CHF 474'616.-, en raison d’un blocage des loyers y relatifs (d’une durée de 5 ans).

6.             Par décisions du 13 décembre 2022, l'AFC-GE a admis partiellement cette réclamation, la rejetant pour le surplus.

Les valeurs vénales de l'appartement et du garage, que le contribuable s'était attribués dans le contexte de sa promotion immobilière, avaient été estimées à respectivement CHF 1'345’000.- et CHF 30’000-, en tenant compte du prix du marché des appartements (PPE) durant l’année 2011, qu’elle avait pondéré de 10 %. L’imposition différée du bénéfice en découlant ne pouvait être accordée, étant donné que ces immeubles provenaient d’une promotion immobilière. Le produit découlant de ce transfert était fixé à CHF 1'175'000.-.

7.             Par acte du 13 janvier 2023, sous la plume de son mandataire, le contribuable a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, avec suite des frais et dépens, à ce que celui-ci constate l’inexistence du transfert des lots nos 103 et 106 dans sa fortune privée et l’absence d’un bénéfice imposable y relatif.

Ce n’était pas en 2011 qu’il avait manifesté à l'AFC-GE sa volonté de transférer les lots nos 103 et 106 dans sa fortune privée. Lors de cette année, il n’avait pas non plus cessé définitivement son activité indépendante. Par conséquent, aucun produit y relatif ne pouvait être imposé en 2011. Pour le même motif, il n’y avait pas lieu d’estimer la valeur de ces biens au 31 décembre 2011.

Par ailleurs, étant donné qu’il s’agissait d’actifs immobilisés, l’imposition des réserves latentes en découlant devait être différée jusqu’à leur aliénation, conformément aux art. 18a LIFD et 19A LIPP.

Il a notamment produit une copie des « comptes provisoires au 31.12.2011 sous réserve d’écritures d’ajustement » (établis par un expert-comptable diplômé), à teneur desquels un poste « M. A______ - appartement » de CHF 200'000.- était comptabilisé parmi les passifs.

8.             Dans sa réponse du 21 avril 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait en effet poursuivi son activité indépendante après 2011. Toutefois, il ressortait non seulement du contrat de société simple du 17 mars 2008 (art. 2 let. c), mais également des courriers du contribuable des 8 juin, 20 octobre 2017 et 8 juin 2018, qu’il s’était attribué - en 2011 et à titre personnel - les lots nos 103 et 106, au prix de CHF 200'000.-. Ces éléments démontraient clairement sa volonté manifeste de les transférer dans sa fortune privée. De plus, au 31 décembre 2011, ces lots ne faisaient plus partie des actifs de la promotion immobilière.

Elle avait fixé la valeur vénale de ces lots sur la base des données annuelles tenant compte de l'ensemble des ventes de PPE faites dans le canton. La valeur de CHF 7’500/m2 retenue sur cette base avait ensuite été pondérée et ramenée à CHF 6’750/m2. Ainsi, compte tenu de leur surface, la valeur vénale de l'appartement avait été arrêtée à CHF 1'345’000.- et celle de la place de stationnement à CHF 30'000.-.

Enfin, ces lots ne pouvant pas être considérés comme actifs immobilisés, puisque provenant d’une promotion immobilière destinée à la vente, l’imposition différée requise ne pouvait pas être accordée.

9.             Par réplique du 16 mai 2023, sous la plume de son mandataire, le recourant a maintenu ses conclusions.

Le transfert litigieux était exclu dès lors qu’en 2011, il n’avait pas arrêté définitivement son exploitation. En outre, pour que l’on puisse retenir la réalisation du revenu litigieux en 2011, sa volonté de transférer les lots dans sa fortune privée aurait dû être manifestée lors de cette année. Or, les documents auxquels se référait l'AFC-GE dataient de 2008, 2017 et 2018.

Selon l'autorisation de construire du 26 février 2008, sur les 14 logements transformés ou reconstruits (totalisant 48 pièces), 4 appartements (totalisant 13 pièces), dont les lots nos 103 et 106, étaient exclusivement destinés à la location. Les loyers annuels de ces logements (CHF 3'363.- par pièce) étaient bloqués pendant 5 ans. Par conséquent, leur évaluation ne pouvait être basée sur le prix de PPE en vente libre, mais sur la base de biens destinés à la location. Ainsi, il avait fixé la valeur de ces lots à CHF 474'600.-. Cela étant, s’il y avait lieu de recourir à une valorisation de ces immeubles au cours de l'année fiscale 2011, il sollicitait alors du tribunal d’ordonner une expertise afin de déterminer leur valeur vénale.

Dans ses comptes commerciaux 2011, ces immeubles étaient « qualifiés » comme actifs immobilisés. Par conséquent, rien ne s'opposait à l'octroi de l’imposition différée.

10.         Par duplique du 6 juillet 2023, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

En déposant sa déclaration fiscale 2011, accompagnée des comptes faisant état d’une attribution en sa faveur d'un appartement valant CHF 200'000.-, le recourant avait exprimé directement sa volonté de transférer ce bien dans sa fortune privée. Dès lors, la valeur vénale de ce bien devait être estimée au moment de son passage à la fortune privée, soit le 31 décembre 2011.

Pour le surplus, il n’était pas prouvé que les lots nos 103 et 106, propriété du recourant, étaient loués en 2011 conformément à l’autorisation de construire. Par conséquent, ce dernier ne pouvait prétendre à une évaluation fondée sur les loyers fixés par cette autorisation.

Le lot n° 102 (198m2) de la même promotion immobilière avait été vendu le 13 mai 2016 pour un prix de CHF 1'580'000.-, soit CHF 7'980.-/m2. Le lot n° 105 (198m2) avait été vendu le 28 juillet 2017 pour un montant de CHF 1'860'000.-, soit CHF 9’394.-/m2, puis revendu, le 4 novembre 2019, pour un prix de CHF 1’970'000.-, soit CHF 9'949.-/m2. Finalement, le 8 février 2022, ce même lot avait été vendu une troisième fois pour un montant de CHF 1'875'000.-, soit CHF 9'470.-/m2. Ces deux lots étant similaires au lot n° 106, puisque provenant de la même opération immobilière et ayant la même surface, la valeur vénale qu’elle avait retenue était correcte (CHF 1'345'000.-, soit CHF 6'750.-/m2).

Les biens immobiliers d'une promotion immobilière en cours constituaient des actifs circulants. L'imposition différée n'était donc pas possible.

11.         Dans ses écritures spontanées du 18 juillet 2023, sous la plume de son mandataire, le recourant a campé sur sa position.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le recourant soutient que les lots nos 103 et 106, provenant de la promotion immobilière qu’il a entreprise dès 2008, n’ont pas été transférés dans sa fortune privée en 2011.

4.             Aux termes des art. 18 al. 2 LIFD et 19 al. 2 LIPP, en vigueur en 2011, les bénéfices en capital provenant du transfert dans la fortune privée « d'éléments » de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante.

Le passage de la fortune commerciale vers la fortune privée constitue en effet une réalisation systématique des réserves latentes et déclenche une imposition sur la base desdites dispositions (cf. Xavier OPERSON/Pierre-Marie GLAUSER, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 386 n. 21 ad art. 18 LIFD).

La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'activité indépendante (art. 18 al. 2 LIFD et 19 al. 3 LIPP).

La détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s'effectue selon les règles applicables aux personnes morales (art. 18 al. 3 LIFD et 19 al. 4 LIPP).

5.             La jurisprudence a précisé que le moment déterminant pour le passage de la fortune commerciale dans la fortune privée, au sens des dispositions susmentionnés, est celui où le contribuable manifeste de manière claire et précise, expressément ou par actes concluants, vis-à-vis des autorités fiscales sa volonté de transférer un élément commercial dans sa fortune privée (cf. ATF 125 II 113 consid. 6c/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2015, 2C 729/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2 ; 2C _977/2013 du 1er mai 2014 consid. 3.1 ; 2C_948/2010 du 31 octobre 2011 consid. 4.1.2).

6.             Selon le principe de l'autorité du bilan commercial, qui est déterminant en droit fiscal, les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. Selon ce principe, le contribuable est lié par la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu'elle ressort des livres de compte régulièrement établis. Le principe de déterminance formel implique que le contribuable est lié par les écritures enregistrées dans les comptes qu'il remet avec sa déclaration fiscale. Il ne peut, sous réserve de dispositions légales spécifiques du droit fiscal ou de l'application du principe de la bonne foi, se prévaloir d'une réalité autre que celle ressortant des comptes commerciaux (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_911/2013 du 26 août 2014 consid. 6.1.1 ; 2C_787/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.2 ; 2C_29/2012 du 16 août 2012 consid. 2.1, in RF 67/2012 p. 756).

7.             En l’espèce, en annexe à sa déclaration fiscale 2011, le recourant a produit les comptes 2011 de la promotion immobilière, faisant état d’une attribution en sa faveur, dans le cadre de la répartition du résultat annuel entre les associés, d’un appartement valant comptablement CHF 200'000.- (lots nos 103 et 106). Ce document doit être considéré comme la manifestation de sa volonté de transférer, en 2011, ce bien dans sa fortune privée, peu importe la date à laquelle il l’a remis à l'AFC-GE. C’est donc à bon droit que celle-ci a retenu que ce transfert était intervenu en 2011 et que, par conséquent, elle a imposé la réserve en découlant dans le cadre de cette année fiscale.

Pour le surplus, c’est en vain que le recourant soutient que les 18 al. 2 LIFD et
19 al. 2 LIPP ne seraient applicables qu’en cas de cession d’activité. En effet, au vu de leur teneur, force est d’admettre que ces dispositions visent chaque transfert dans la fortune privée « d'éléments » de la fortune commerciale, et non exclusivement celui survenant lors de la cessation de l’activité indépendante.

Ce grief est ainsi écarté.

8.             Subsidiairement, le recourant sollicite une imposition différée de ce revenu, en se fondant sur les art. 18a LIFD et 19A LIPP.

9.             Aux termes de ces dispositions, lorsqu’un immeuble de l’actif immobilisé est transféré de la fortune commerciale à la fortune privée, le contribuable peut demander que seule la différence entre les dépenses d’investissement et la valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu soit imposée au moment du transfert. Dans ce cas, les dépenses d’investissement tiennent lieu de nouvelle valeur déterminante pour l’impôt sur le revenu et l’imposition du reste des réserves latentes à titre de revenu de l’activité lucrative indépendante est différée jusqu’à l’aliénation de l’immeuble.

Il ressort de la lettre même de ces dispositions que l’imposition différée n’est accordée qu’en cas de transfert des actifs immobilisés.

Un actif immobilisé est acquis en vue d'un usage répété et non dans le but d'une revente. Il s'oppose ainsi à l'actif circulant, qui est acheté et revendu constamment. Les biens immobiliers d'une promotion immobilière en cours constituent des actifs circulants et l'imposition différée n'est donc pas possible (arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2011 du 16 mai 2011 et 2C_407/2011 du 2 avril 2012 = RDAF 2012 Il 539, cf. Bastien VERREY, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 9 ad art. 18a LIFD, p. 351 ; Circulaire n° 26 sur les nouveautés concernant l'activité lucrative indépendante suite à l'adoption de la loi sur la réforme de l'imposition des entreprises Il, ch. 2.1).

Ainsi, les art. 18a al. 1 LIFD et 19A al. 1 LIPP ne sont pas applicables aux immeubles de la fortune commerciale des commerçants professionnels d'immeubles (cf. Bastien VERREY, op. cit., p. 350 n. 6).

10.         En l’espèce, quoi qu’en dise le recourant, il n’est pas contestable que l’appartement en question n’a pas servi à son exploitation commerciale en tant que telle, mais a été construit (ou rénové) pour être vendu, si bien qu’il s’apparente à une simple marchandise, et non à un actif immobilisé. En conséquence, l’imposition différée prévue par les dispositions précitées est exclue.

Ce grief est dès lors également rejeté.

11.         Le recourant soutient que, pour la fortune, la valeur vénale des lots nos 103 et 106 devrait être fixée à CHF 474'600.- compte tenu la limitation du loyer fixée par l’autorisation de construire.

12.         Les immeubles sont soumis à l'impôt sur la fortune (cf. art. 47 let. a LIPP) à la valeur vénale qu'ils ont au 31 décembre de l'année pour laquelle cet impôt est dû (cf. art. 49 al. 1 et 2 LIPP).

13.         Aux termes de l'art. 50 let. e LIPP, les « autres immeubles » - parmi lesquels figurent les immeubles en copropriété par étage - sont estimés en tenant compte du coût de leur construction, de leur état de vétusté, de leur ancienneté, des nuisances éventuelles, de leur situation, des servitudes et autres charges foncières les grevant, de prix d'achats récents ou d'attribution ensuite de succession ou de donation et des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, à l'exception des ventes effectuées à des prix de caractère spéculatif.

Par évaluation d'immeubles à la valeur vénale, il faut entendre la valeur attribuée à un objet sur le marché des échanges économiques, lors d'un achat ou d'une vente dans des conditions normales. En d'autres termes, lorsque la valeur vénale d'un élément de fortune est donnée par le résultat d'une transaction ayant eu lieu sur le marché libre, la loi la désigne comme valeur fiscale imposable (cf. ATF 134 II 207 consid. 3.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_442/2012 du 14 décembre 2012 consid. 4.4 ; 2C_316/2010 du 29 juillet 2010 consid. 3.3 ; ATA/1834/2019 du 17 décembre 2019 consid. 12b). En revanche, à la différence d'une vente effectivement réalisée, une expertise privée - même effectuée par un cabinet de conseils immobiliers renommé - ne peut aboutir qu'à une estimation, laquelle comporte inévitablement des éléments d'appréciation. Les résultats issus d'une telle expertise sont ainsi soumis au principe de la libre appréciation des preuves et sont considérés comme de simples allégués de parties. Dans ces circonstances, lorsque le prix établi par l'expertise diverge de la valeur fiscale, on ne saurait en déduire d'emblée que cette dernière est arbitraire (ATF 142 II 355 consid. 6 ; 141 IV 369 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_494/2016 du 15 novembre 2016 consid. 3.2 ; ATA/1834/2019 du 17 décembre 2019 consid. 12c).

14.         Selon l'art. 52 al. 2 LIPP, l'évaluation des « autres immeubles » (c'est-à-dire de ceux visés par l'art. 50 let. e LIPP) est faite par des commissions d'experts et vaut pour une période de dix ans appelée période décennale.

Néanmoins, le Conseil d'État, comme le contribuable, ont en tout temps la faculté de faire procéder à de nouvelles estimations si des changements importants dans la valeur des immeubles le justifient (art. 52 al. 5 LIPP). Le contribuable n'a pas la faculté de substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ou de la commission d'experts (arrêt du Tribunal fédéral 2C_67/2019 du 31 janvier 2019 consid. 4.3 ; ATA/71/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7b ; ATA/45/2018 du 16 janvier 2018 consid. 4b). S'il considère que la valeur de son bien immobilier a été mal estimée, il doit former une demande de nouvelle estimation. Il est tenu de motiver sa requête et d'indiquer en quoi consistent le ou les changements survenus dans la valeur de sa propriété. Une expertise ne peut être requise pour la première fois devant la juridiction de recours, car la demande en ce sens doit être présentée préalablement à l'administration. De plus, pour avoir une incidence sur l'impôt d'une année déterminée, la demande d'expertise doit avoir été formée avant la date déterminante pour la situation du contribuable et la fixation de la matière imposable, en l'occurrence le 31 décembre de ladite année (ATA/1634/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2d et les références citées).

La notion de « changements importants » de la valeur d'un immeuble doit être interprétée de manière restrictive. Elle ne couvre que les changements objectifs, matériels et importants dans la valeur de la propriété, qui ne doivent pas avoir trait à la personne du contribuable (par ex. destruction d'une partie d'un bâtiment, déclassement d'un terrain ou transformation ensuite de phénomènes naturels). Tel n'est pas le cas des modifications conjoncturelles du marché immobilier (ATA/223/2019 du 5 mars 2019 consid. 6 et les arrêts cités).

15.         Il convient de rappeler également que le loyer maximal définitivement fixé par l'office cantonal du logement pour la location d’un appartement (y compris la place de stationnement) est pris en considération pour fixer la valeur locative (revenu) d’un immeuble (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_22/2021 du 7 mai 2021), et non pour estimer sa valeur vénale déterminante pour l’impôt sur la fortune.

16.         En matière fiscale, lorsqu'un fait déterminant pour la taxation reste incertain, les règles générales sur le fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, veulent qu'il incombe à celui qui fait valoir l'existence d'un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2019 du 23 janvier 2020 consid. 6.3).

17.         En l’espèce, l'AFC-GE a fixé la valeur vénale des lots nos 103 et 106 à CHF 7’500/m2, sur la base de l'ensemble des ventes de PPE faites dans le canton en 2011. Elle a ensuite pondéré cette valeur de 10 %, la ramenant ainsi à CHF 6’750/m2. En conséquence, compte tenu de leur surface, elle a arrêté la valeur vénale de l'appartement à CHF 1'345’000.- et celle de la place de stationnement à CHF 30'000.-. Dès lors, dans la mesure où cette estimation est fondée sur des prix obtenus pour d'autres propriétés de même nature qui se trouvent dans des conditions analogues, elle parait parfaitement conforme à l’art. 50 let. e LIPP. Pour sa part, le recourant ne remet pas en cause cette méthode d’estimation en tant que telle, se limitant à prétendre qu’elle doit se fonder sur les loyers fixés par l’autorisation de construire. Or, ce faisant, il semble perdre de vue que de tels loyers sont pris en considération pour fixer la valeur locative d’un immeuble (pour le revenu), et non pour déterminer sa valeur fiscale (pour la fortune).

Ce grief doit donc être également rejeté.

18.         Enfin, la conclusion du recourant tendant à ce que le tribunal ordonne une expertise afin de déterminer la valeur vénale des lots en cause doit également être rejetée. En effet, d’une part, une telle expertise ne peut être requise pour la première fois devant le tribunal, mais devait être présentée préalablement à l'AFC-GE avant le 31 décembre 2011 ou, au plus tard, dans la déclaration d’impôt pour cette année (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2008 du 29 janvier 2009 consid. 6 à 6.3 ; JTAPI/1186/2018 du 3 décembre 2018), ce qu’il n’a pas fait. D’autre part, il ne se prévaut pas d'un changement important quant à la valeur de l'immeuble, tel que défini par la jurisprudence.

19.         Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

20.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

21.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2023 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 décembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1’000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier