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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2664/2010

JTAPI/750/2023 du 29.06.2023 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : FRAIS D'ÉQUIPEMENT;CHARGE DE PRÉFÉRENCE;PRINCIPE DE LA COUVERTURE DES FRAIS
Normes : LGZD.3A; LGZD.12; RGZD
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2664/2010 LCI

JTAPI/750/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______ et D______ SA, représentés par Me Laurent WINKELMANN, avocat, avec élection de domicile

contre

FONDS INTERCOMMUNAL D'ÉQUIPEMENT, représenté par Me Alain MAUNOIR, avocat, avec élection de domicile

E______

 


EN FAIT

1.             Le 3 novembre 2009, Messieurs C______ et A______, Madame B______, ainsi que D______ SA (ci-après : les requérants) ont obtenu du département des constructions et des technologies de l’information, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou département), une autorisation de construire cinq immeubles d’habitation, avec commerces, garage souterrain et aménagements extérieurs, au _____, chemin de I______, sur la commune de E______ (DD 1______).

2.             Le projet de construction devait prendre place dans une zone de développement 3, adoptée en 1957, et matérialiser le plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 2______, adopté le ______ 2005 par le Conseil d’État et actuellement concrétisé. Ce PLQ, qui a donné lieu à d’autres autorisations de construire, portait sur un périmètre bordant le cycle d’orientation de I______ et le chemin du G______, ce dernier se trouvant entre la route de F______ et la route de J______ et séparant la Ville de E______ (ci-après : la ville) de la commune de H______. Outre le PLQ susmentionné, trois autres PLQ n° 3______, n° 4______ et n° 5______ ont respectivement été adoptés, le long dudit chemin, sur le territoire de la ville, en ______ 1987, ______ 1987 et ______ 2019.

3.             Par bordereau du 2 juillet 2010 (facture n° 6______), le département a facturé aux requérants un montant de CHF 535'933.65, sur la base d’une surface brute de plancher (ci-après : SBP) indexée de 12'057 m2 à CHF 44.45 le m2, relatif à la taxe d’équipement public liée à l’autorisation de construire DD 1______. Cette facture était exigible au plus tard à l’ouverture du chantier.

Ces chiffres avaient été communiqués aux requérants dans un document intitulé « Conditions d’application des normes de la zone de développement », sous la section « Conditions financières ». Établi fin mai 2009, ce document avait été signé le 15 juin 2009 par MM. C______ et A______ en tant que propriétaires de l’ouvrage et approuvé par arrêté du Conseil d’État du 14 octobre 2009 autorisant l’application des normes de la 3ème zone aux bâtiments projetés et précisant que ledit document faisait partie intégrante de cet arrêté.

4.             Le 5 août 2010, les requérants (ci-après : les recourants) ont recouru contre cette facture auprès de l’ancienne commission cantonale de recours en matière administrative, devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), en concluant à son annulation.

5.             Après la réponse du département, l’instruction de cette procédure de recours a été suspendue, sur demande commune des parties, par sept décisions successives prises entre le 8 décembre 2010 et le 20 mars 2017.

6.             Le 10 octobre 2012, la Cour des comptes a rendu son rapport n° 59 intitulé « Audit de légalité et de gestion – Département de l’urbanisme – Taxe d’équipement » et concernant les zones de développement (ci-après : le rapport n° 59, accessible à l’adresse www.cdc-ge.ch). Elle a examiné le processus de calcul et de facturation de la taxe d’équipement, le processus de suivi des débiteurs et contentieux, ainsi que la gestion des encaissements en faveur des communes.

Plus de CHF 8,7 millions avaient été facturés entre 1997 et 2005, mais seuls CHF 611'000.- avaient été encaissés à fin juin 2012 (soit 7 %), ce qui avait pour conséquence financière la prescription des factures pour un montant d’environ CHF 2,6 millions à fin juin 2012. L’intérêt de 5 % par année n’avait jamais été facturé. Les versements des taxes dues étaient comptabilisés dans un compte créancier de l’État en faveur des communes qui recevaient trimestriellement un décompte des montants encaissés en leur faveur. Le montant total de ceux-ci était de plus de CHF 51 millions au 30 juin 2012, étant précisé que le solde en faveur de la ville était de CHF 6'031'881.-. Ni les communes ni la subdivision du département concerné n’effectuaient systématiquement de suivi financier des dossiers de taxation dans le cadre de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; recensement des dépenses d’équipements et des revenus de la taxe d’équipement), de sorte qu’elles n’étaient pas en mesure de déterminer s’il y avait lieu de procéder à une révision de la taxation initiale et de s’assurer que les montants versés pour des travaux d’équipement correspondaient aux montants encaissés par l’État pour un PLQ donné. Les communes ne demandaient pas systématiquement la rétrocession des taxes liées à un PLQ, principalement en raison d’un manque de connaissance dans le processus de rétrocession de la taxe et de l’absence d’un suivi financier systématique permettant une confirmation ou une révision de la taxe initiale. Depuis janvier 2007 et jusqu’au 30 juin 2012, plus de CHF 47 millions avaient été facturés aux propriétaires ou superficiaires alors que, pour la même période, seuls CHF 30,7 millions avaient été encaissés et CHF 3,5 millions reversés aux communes.

À titre de recommandations, la Cour des comptes a suggéré d’établir une directive définissant clairement les objets concernés par la taxe d’équipement, de tenir compte des équipements prévus au niveau des voies de communication publiques au moment du calcul de ladite taxe, d’établir le processus de révision de la taxe d’équipement afin de déterminer de manière fiable les montants à rétrocéder aux communes et/ou à rembourser aux propriétaires, voire une taxation complémentaire lorsque les coûts réels étaient supérieurs aux montants facturés.

Dans son rapport d’activité de 2014/2015, la Cour des comptes a constaté que toutes les recommandations avaient été mises en œuvre au 30 juin 2015, hormis celle concernant la facturation des intérêts sur le reliquat, à laquelle le département avait renoncé en raison de l’ancienneté des factures et d’une possible inégalité de traitement.

7.             Le 31 janvier 2013, la ville a obtenu l’autorisation de construire pour l’aménagement routier du chemin du G______ (DD 7______). Celle-ci a été contestée entre autres par trois des recourants jusqu’au Tribunal fédéral qui leur a dénié la qualité pour recourir par arrêt du ______ 2015 (8______).

8.             À la demande du Conseil administratif du ______ 2015 et après le rapport du ______ 2016 de la commission compétente, le Conseil municipal de la ville a, par délibération du ______ 2016, décidé d’ouvrir, pour le réaménagement du chemin du G______, un crédit brut de CHF 5'980'700.-, dont à déduire le produit de la taxe d’équipement de CHF 1'000'000. - et la participation de CHF 50'000.- de la commune voisine pour les travaux situés sur son territoire, soit un montant net de CHF 4'930'700.-. À ce montant, il convenait d’ajouter une part du crédit d’étude voté le ______ 2002 de CHF 100'000.-, soit un total de CHF 5'030'700.-. Le canton a approuvé cette délibération le 10 mai 2016.

9.             Le 19 septembre 2016, le département a informé la ville de la libération, en sa faveur, de la somme de CHF 1'000'000.- au titre de participation initiale de 80 % aux travaux d’équipement relatifs à l’aménagement du chemin du G______ en lien avec les PLQ n° 2______, n° 4______ et n° 3______. Était réservée une participation complémentaire (jusqu’à 100 % des coûts réels) soumise à la demande de la commune et à d’autres conditions.

10.         Le 23 mars 2017, le département a informé le tribunal qu’à la suite des modifications de la LGZD relatives à la taxe d’équipement – entrées en vigueur le 1er janvier 2017 – instituant le Fonds intercommunal d’équipement (ci-après : FIE) sous la forme d’une fondation de droit public dotée de la personnalité juridique, celui-ci devait lui succéder en tant que partie à la procédure de recours en cours.

11.         En janvier 2018, les travaux relatifs au réaménagement du chemin du G______ ont commencé et duré environ une année.

12.         Le 22 mai 2018, après la reprise de la procédure, la ville a demandé à être appelée en cause, ce que le tribunal a refusé par décision du 23 juillet 2018.

13.         Par jugement du ______ 2018 (JTAPI/9______), le tribunal a rejeté le recours déposé le 5 août 2010.

14.         Par arrêt du ______ 2019 (ATA/10_____), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 1er février 2019 par les recourants contre le jugement précité, confirmant par là-même la taxe d’équipement litigieuse.

15.         Par arrêt du ______ octobre 2020 (11_____), le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative et lui a renvoyé la cause pour qu’elle contrôle si la taxe d’équipement litigieuse respectait le principe de la couverture des frais et, dans la négative, qu’elle corrige cette contribution de façon à en assurer la conformité audit principe.

Elle avait violé le droit fédéral en confirmant la taxe d’équipement litigieuse, sans déterminer, dans un premier temps, qui, de la ville ou du FIE, était responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal, ni vérifier, dans un deuxième temps, de manière comptable, que le principe de la couverture des frais était en l’espèce respecté à l’échelle de cette entité (consid. 6.7).

Le principe de la couverture des frais impliquait que la collectivité percevant une taxe déterminée n’obtienne, au total, pas plus de ressources financières par ce biais (ou seulement légèrement plus) qu’elle ne dépense pour l’ensemble de l’activité administrative justifiant cette contribution. Cela supposait une comparaison des ressources financières obtenues grâce aux taxes d’équipement par la collectivité considérée comme responsable de l’équipement à E______ avec les coûts totaux supportés dans ce domaine par cette même entité et censés être couverts (en tout ou en partie) par ces taxes (consid. 6.6.3).

À cet égard, le Tribunal fédéral a estimé que le droit genevois ne définissait pas clairement l’entité étatique responsable de l’équipement et de son financement et, partant, l’échelle à laquelle devait être apprécié le principe de la couverture des frais in casu. Vu la réglementation genevoise, les autorités jouissaient d’un certain pouvoir d’appréciation au moment de contrôler que la taxe d’équipement respectait le principe de la couverture des frais. A priori, un tel contrôle pouvait passer par une comparaison des coûts et des revenus liés à l’équipement non seulement à l’échelle communale, mais aussi, alternativement, à l’échelle intercommunale, suivant que l’entité responsable de l’équipement et de son financement soit la ville ou le FIE. En revanche, l’examen de la couverture des frais ne pouvait pas consister en une comparaison d’un seul crédit adopté par la ville, sur la base d’une estimation des coûts liés au réaménagement du chemin du G______, avec les taxes d’équipement fixées forfaitairement et perçues auprès de certains propriétaires ayant construit dans ce secteur, comme les recourants. Un examen par quartier du principe de la couverture des frais s’avérerait difficilement conciliable avec l’art. 3A al. 2 LGZD prévoyant la perception de taxes d’équipement auprès de tout propriétaire érigeant un projet de construction, ce même lorsque ce projet ne nécessitait pas de travaux d’équipement de la part de la collectivité (consid. 6.6.3).

En l’espèce, il n’était pas possible de déterminer si la taxe litigieuse respectait le principe de couverture des frais, lequel aurait dû passer par un contrôle concret des postes comptables de l’entité étatique tenue pour responsable de l’équipement et de son financement au sens du droit cantonal, quelle qu’elle soit. Il n’était fait état dans l'arrêt de la chambre administrative ni des charges supportées en matière d’équipement par la ville, ni des revenus que celle-ci retirait de manière indirecte de la taxe d’équipement (en l’espèce par le biais des aides octroyées par le FIE), ni des recettes obtenues par ce dernier grâce aux taxes d’équipement, ni des réserves dont le FIE disposait (consid. 6.6.4).

Une démonstration comptable s’imposait d’autant plus qu’il ne pouvait être exclu que la taxe d’équipement prévue par la LGZD contrevienne au principe de la couverture des frais, eu égard à la thésaurisation importante de cette taxe, ce tant à l’échelle cantonale que communale. La jurisprudence découlant de son arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015 restait d’actualité. En effet, les taxes d’équipement facturées aux différents propriétaires des terrains situés à proximité du chemin du G______ (soit au total CHF 2'021'779.35) dépassaient de plus d’un million de francs la subvention de CHF 1'000'000.- accordée par le FIE à la ville pour le réaménagement de ce chemin. Sans autre explication, cette différence entre les revenus obtenus par le FIE grâce à la taxe d’équipement et les dépenses qu’il avait concédées en lien avec ledit chemin laissait plutôt transparaître un risque persistant de thésaurisation de la taxe d’équipement dans le canton de Genève. Il n’avait pas été constaté que la somme des taxes d’équipement facturées dans le canton correspondrait à peu près aux dépenses effectuées par l’ensemble des communes genevoises en matière d’équipement, ni que le principe de la couverture des frais devait désormais s’examiner de manière intercommunale. Ainsi, la révision de la LGZD ne suffisait pas à elle seule à renverser la présomption posée dans son arrêt 2C_226/2015 précité, selon laquelle le principe de la couverture des frais pourrait être violé à E______ en lien avec les taxes d’équipement tant que les autorités cantonales n’en auraient pas contrôlé le respect en procédant à un examen concret des postes de l’entité étatique considérée comme responsable de l’équipement et de son financement, en l’espèce la ville ou le FIE (consid. 6.6.5).

16.         Après avoir interpellé les parties au sujet de l’appel en cause de la ville, le FIE y étant favorable contrairement aux recourants, la chambre administrative a appelé en cause la ville par arrêt du ______ 2020 (ATA/12_____).

17.         Le 18 janvier 2021, la ville a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la facture litigieuse et au renvoi de la cause au tribunal pour instruction du principe de la couverture des frais. Elle a, à titre subsidiaire, sollicité l’octroi d’un délai de deux mois pour établir les coûts qu’elle avait assumés en lien avec l’équipement sur son territoire ainsi que tout autre élément de nature à démontrer le respect dudit principe.

L’examen du principe de la couverture des frais devait prendre en compte l’ensemble des coûts d’équipement qu’elle avait assumés sur son territoire, et non uniquement ceux supportés pour le chemin du G______. Les coûts d’équipement n’étaient toutefois pas identifiés en tant que tels, de manière séparée, dans les comptes de la ville. La production des coûts globaux d’équipement n’était pas aisée et nécessitait un examen détaillé des coûts supportés à l’échelle de la commune. S’agissant de la nature des travaux couverts par la taxe d’équipement, il convenait de se référer aux considérants de l’ATA/10_____, non contestés par devant le Tribunal fédéral et donc définitifs à l’égard des recourants. Enfin, s’agissant du principe de l’équivalence, ce grief, qui n’avait pas été porté devant le Tribunal fédéral, avait été rejeté définitivement dans l’ATA/10_____.

18.         Le 10 mars 2021, le FIE a aussi conclu au rejet du recours, à la confirmation de la facture litigieuse et au renvoi de la cause au tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

L’examen devait s’effectuer sur la base des recettes globales et des coûts globaux assumés par la commune concernée en matière d’équipements routiers au sens large. Le critère temporel n’était pas non plus indifférent, puisque les parcelles concernées par l’autorisation de construire DD 1______, à l’origine de la taxe d’équipement litigieuse, étaient implantées en zone de développement 3 depuis la fin des années 1950 et avaient, à ce titre, bénéficié depuis plus de soixante ans d’une amélioration importante et continue des équipements routiers, paysagers et de transports, notamment, tous entièrement financés par la collectivité publique.

19.         Le 11 mars 2021, les requérants ont conclu à la prescription de la taxe d’équipement litigieuse au plus tard depuis le 2 juillet 2020 et à l’admission du recours. À titre subsidiaire, ils ont conclu au renvoi de la cause au tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

20.         Le 25 mars 2021, le FIE a considéré que la taxe d’équipement litigieuse n’était pas prescrite.

21.         Le 10 avril 2021, la ville a adopté le même avis que le FIE sur la question de la prescription.

22.         Les recourants ont maintenu leur position le 4 mai 2021.

23.         Par arrêt du ______ 2021 (ATA/13_____), la chambre administrative a admis partiellement le recours interjeté le 1er février 2019 contre le jugement du tribunal du ______ 2018 (JTAPI/9______), annulé ledit jugement et renvoyé la cause au tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral. La taxe d’équipement litigieuse n’était pas encore atteinte par le délai de prescription de dix ans prévu à l’art. 11D du règlement d'application de la loi générale sur les zones de développement du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01), lequel ne courrait pas pendant la procédure de recours formé contre la facture du 2 juillet 2010.

24.         La chambre administrative a retourné le dossier au tribunal le 7 octobre 2021.

25.         Le 30 novembre 2021, le tribunal a procédé à l’audition des mandataires.

La représentante de la ville a indiqué que, sauf erreur, le département était encore en possession de fonds provenant de taxes d’équipement par commune et ce jusqu’au 31 décembre 2021, date à laquelle l’ensemble de ces fonds serait transféré au FIE et donc mutualisé. Lorsqu’elle demandait aujourd’hui encore des subventions au FIE, celles-ci provenaient du montant à disposition de la ville en mains du département.

Selon le conseil du FIE, le calcul de la couverture des frais devait se faire en comparant le montant des taxes d’équipement facturées et le coût effectif de l’équipement public subventionné ou non pour l’ensemble du canton conformément au nouveau droit, avis que la représentante de la ville a indiqué partager.

Selon le conseil des recourants, le calcul devait se faire en comparant le montant des taxes d’équipement facturées sur le territoire de la ville et le montant des subventions versées à la ville, ceci au niveau du département ou du FIE. L’ancien ou le nouveau droit n’avait aucune incidence sur la manière de vérifier si le principe de la couverture des frais était respecté.

26.         Le 9 décembre 2021, le tribunal a ordonné aux parties intimées de produire différents tableaux et pièces justificatives, portant sur la période du 1er juillet 2010 (facture litigieuse) au 31 octobre 2020 (arrêt du Tribunal fédéral), permettant de procéder au contrôle du respect du principe de la couverture des frais à l’échelle de la ville.

27.         Le 31 mars 2022, le FIE a transmis au tribunal un tableau récapitulatif des « taxes d’équipement facturées » (total : CHF 19'041'471.47) et des « subventions accordées » à la ville (total : CHF 5'973'818.55) pendant la période considérée (cf. pièce 21 du FIE).

Au jour de l’institution du FIE, le 1er janvier 2017, l’état du compte de la ville auprès du département s’élevait à CHF 3'647'212.48.

De 2017 à 2021, les données devaient être complétées, afin de tenir compte de la mutualisation des ressources et des dépenses, telle que voulue par le Grand Conseil lors de l’adoption de la loi n° 11'783. Sur cette période, les subventions versées à l’ensemble des communes genevoises (CHF 39'611'948.10) étaient supérieures aux taxations facturées par le FIE (CHF 33'195'807.90). Au 31 décembre 2021, le déficit cumulé par le FIE à ce titre était d’environ CHF 6,4 millions. En ajoutant les autres charges et revenus de fonctionnement du FIE pendant la même période, le déficit d’exploitation était encore supérieur, pour s’élever à environ CHF 8,6 millions à fin 2021.

Conformément à l’art. 12 al. 7 LGZD, tous les fonds précédemment détenus par le département pour l’ensemble des communes avaient été reversés au FIE à l’issue du délai de cinq ans à compter du 1er janvier 2017. Au 1er janvier 2022, compte tenu de ce transfert, la fortune du FIE s’élevait à CHF 42'170'847.37. Ce montant servirait à financer des aménagements routiers (ou relatifs à l’espace public), à l’intérieur de plusieurs nouveaux quartiers qui avaient déjà fait l’objet de changements de zone ou pour lesquels un tel changement était prévu prochainement. Selon les projections établies à ce stade, les futurs coûts de ces aménagements dépasseraient très sensiblement les versements à percevoir, pendant ces prochaines années, au titre de la taxe d’équipement. Ainsi, les demandes de subventions en traitement auprès du FIE, ou qui seraient prochainement déposées par les communes concernées s’élèveraient à un total de CHF 40 millions, montant avant étude complète des dossiers et sous réserve de l’acceptation finale du Conseil du FIE.

28.         Le 31 mars 2022, la ville a transmis au tribunal un tableau des dépenses et des recettes (cf. pièce 1 de la ville - tableau A), un tableau des données brutes pour l’ensemble des projets (cf. pièce 2 de la ville - tableau B), ainsi que des extractions de sa comptabilité, comportant l’ensemble des dépenses et recettes y relatives pour chacun des projets.

La totalité des dépenses relevaient de crédits d’investissement. Comme les projets concernés avaient parfois commencé avant le 1er juillet 2010, ou s’étaient terminés après cette date, voire étaient encore en cours, le tableau A différenciait les dépenses faites durant la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2010 (CHF 32'269'311.-), les dépenses relatives au même projet mais antérieures à cette période (CHF 730'086.-), ainsi que les dépenses postérieures (CHF 6'514'840). Une colonne portait sur les dépenses engagées au 1er mars 2022, mais non encore payées (CHF 6'323'020). Ces différentes colonnes permettaient ainsi d’avoir une vue d’ensemble des dépenses relatives aux projets qui s’étaient, en totalité ou en partie, déroulés pendant la période concernée.

S’agissant des recettes, elle avait notamment différencié celles déjà obtenues (CHF 5'466'133.-, y compris une subvention de CHF 261'964.- versée en 2021), celles qui avaient fait l’objet d’une demande auprès du FIE mais qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une décision de ce dernier (CHF 25'382'523.-), ainsi que celles qui avaient déjà fait l’objet d’une décision d’octroi mais n’avaient pas encore été formellement versées à la ville (CHF 769'650.-).

S’agissant du moment de réalisation des travaux, les indications se basaient sur la date des dépenses de chaque projet, étant précisé qu’il pouvait y avoir un léger décalage entre le moment de la réalisation des travaux ou d’une prestation et sa facturation.

Les projets pris en compte étaient les suivants :

1) K______ - PR-15_____ votée le ______ 2011 : réalisation d'un trottoir en béton et sécurisation d'une traversée piétonne. Réalisation en 2012, modifications du trottoir en 2016 ;

2) L______ - PR-16_____ votée le ______ 2012 : travaux d'adaptation des infrastructures suite au développement des PLQ 17______ et 18______, comprenant la reconstruction ponctuelle de l'infrastructure (fondation) de la chaussée, la création de continuités piétonnes, l'élargissement de trottoirs et de divers aménagements paysagers. Réalisation en 2012 et 2013 ;

3) M______ - PR-19______ votée le ______ 2011 : travaux de réaménagement du chemin des M______ avec reprise de l'infrastructure et de la superstructure ; réalisation d'un trottoir côté commune du N______ et d'un mail piétons/cyclistes de 3,50 m de large, côté Ville de E______, protégé de la circulation par un terre-plein végétalisé de 2 m minimum de largeur comprenant des places de stationnement pour vélos ; modification de la géométrie du carrefour M______/O______, afin d'intégrer le nouveau trafic piétons/cyclistes ; abattages et plantations. Réalisation en 2012 et 2013 ;

4) P______/Q______ - PR-20______ (arrêté V) votée le ______ 2008 : travaux de modération de trafic, d'aménagement d'espaces publics et d'entretien de chaussée dans le quartier de Q______ ; prolongation, élargissement et abaissement de trottoirs ; création de plusieurs passages pour piétons ; redisposition des places de stationnement par la construction de plusieurs éléments modérateurs ; mise en place de deux coussins berlinois. Réalisation en 2009 et 2010 ;

5) R______ - PR-21______ votée le ______ 2011 : aménagement des espaces publics cédés à la ville conformément au PLQ 22______ ; réaménagement de l'R______ dans sa partie nord-ouest et nord-est avec élargissement du trottoir à 4m60 ; création d'une nouvelle place ; réorganisation de la circulation ; arborisation. Réalisation entre 2011 et 2013 ;

6) S______ - PR-23______ votée le ______ 2008 : aménagement en rue résidentielle du tronçon public du chemin S______, en accompagnement notamment du PLQ 24______ ; création d'une zone de rencontre. Réalisation en 2015 ;

7) T______ - PR-20______ arrêté III voté le ______ 2008 : travaux de modération du trafic et d'aménagement d'espaces publics ; réalisation de trottoirs traversants. Réalisation en 2010 ;

8) Chemin de U______/V______/W______ - PR-25______ votée le ______ 2017 : aménagement des voiries et trottoirs suite à la réalisation de plusieurs plans localisés du quartier des X______. Réalisation en 2019 et 2020 :

- Chemin de U______ : aménagement des cessions au domaine public prévues par les PLQ ; élargissement et réaménagement complet du chemin de U______ ; aménagement de places de stationnement et abaissement de trottoirs ; pose d'un coussin berlinois ; aménagement de trottoirs ;

- Chemin des V______ : création et aménagement d'un large trottoir, aménagement de places de stationnement voitures et deux-roues et installation d'épingles à vélos ; pose d'un coussin berlinois ; aménagement de zones de détente le long du trottoir ; création d'un trottoir traversant ;

- Chemin de la W______ : aménagement d'un trottoir et de places de stationnement voitures et deux-roues ainsi que pose d'épingles à vélos, plantations ;

9) Y______ (Z______/AA______) - PR-26______ votée le _____ 2010 : aménagement d'un chemin piétonnier et cyclable, reliant la rue Y______ et la route de AB______ par la rue des Z______ et la rue de la AA______, en accompagnant du développement du quartier de la AA______, objet de plusieurs PLQ. Réalisation en 2011 et 2012 ;

10) AC______ - PR-27______ votée le ______ 2014 : réaménagement du chemin AC______, en accompagnement du développement du quartier ; aménagement de façade à façade favorisant la circulation des mobilités douces et des personnes à mobilité réduite avec des parties carrossables accessibles uniquement aux ayants-droit ; création de deux trottoirs traversants. Réalisation en 2015 et 2016 ;

11) G______ - PR-14______ votée le ______ 2016 : réaménagement complet du chemin du G______, en accompagnement de la densification du quartier, et plus particulièrement du développement des PLQ n° 2______, n° 4______ et n° 3______ ; aménagement des cessions inscrites dans les PLQ ; élargissement et création de trottoirs ; redimensionnement de la rue en vue de l'amélioration de la sécurité et du confort en particulier des piétons ; création d'un cheminement piéton en retrait de la rue ; plantations. Réalisation en 2018 et 2019 ;

12) AD______ - PR-28______ délibération Il votée le ______ 2018 : travaux d'aménagement des espaces publics des abords de la AE______ AD______, en accompagnement de la modification et du développement du quartier (nouvelle AE______, galerie marchande, logements et bureaux, équipements socio-sportifs, crèche, AF______) ; aménagement de la place de la AE______, de l'avenue de la AE______, de plusieurs parvis et du « barreau » AG______. Les prestations d'étude ont débuté en 2012. Les travaux ont commencé en 2018 et sont encore en cours ;

13) AH______ - PR-29______ votée le ______ 2018 : aménagement de la cession au domaine public inscrite dans le PLQ 30______, par la création d'un plateau surélevé au chemin du AH______ ; création d'un chemin pour piétons et cycles. Réalisation en 2019 ;

14) AI______ (AJ______) - PR votée le ______ 2018 : modification et requalification complète de la chaussée des avenues AJ______, en accompagnement du développement des PLQ 31______, 32______, 33______, 34______, 35______ et 36______, incluant la modification de l'axe de la chaussée, des reprises d'encaissement, la construction de nouvelles bordures ; création d'une bande multifonctionnelle le long de la rue, pouvant s'adapter aux futurs développements, et accueillant des plantations, du stationnement et des dégagements pour le croisement de véhicules ; création de trottoirs de 2,5m de large ; plantation de groupements d'arbres majeurs. Les travaux ont démarré en automne 2020 et sont en cours. Les études ont démarré en 2018 ;

15) AK______ - PR votée le ______ 2021 : réaménagement de la route des AK______ et d'un tronçon de l'avenue AL______, en accompagnement du développement du quartier de Q______ et de AM______ ; rétrécissement de la chaussée ; élargissement des trottoirs et création de trottoirs traversants ; réorganisation des traversées piétonnes et création d'espaces conviviaux pour les piétons ; création d'une piste cyclable continue ; réorganisation du stationnement ; réaménagement complet du carrefour route des AK______ - avenue AL______ ; plantations. Les travaux devraient démarrer à l'automne 2022. Une partie des études a eu lieu entre 2007 et 2010, puis à partir de 2013.

29.         Le 19 juillet 2022, les recourants se sont déterminés, persistant dans leurs conclusions.

Les informations transmises par le FIE étaient imprécises et lacunaires et les données manifestement filtrées pour les besoins de la cause. Pour vérifier et interpréter ces informations, une comparaison avec les renseignements contenus dans les rapports de gestion annuels du FIE était nécessaire.

Au 1er janvier 2017, le département ne disposait plus de la compétence de facturer les taxes d’équipement. On ne comprenait dès lors pas comment le canton pouvait avoir continué à facturer près de CHF 3 millions en taxes d’équipements entre 2017 et 2019. Les sommes relatives aux « taxations facturées » pourraient bien plutôt correspondre aux sommes « encaissées » par le canton durant les années 2017 et 2019, sur la base de taxations antérieures à 2017.

Le solde du « compte taxe d’équipement » de la ville au 1er janvier 2017 n’était pas représentatif des montants accumulés durant les années précédentes. C’était l’état de ce compte au 31 décembre 2016 qui était pertinent pour évaluer la gestion, sous l’ancien système, du produit des taxes d’équipement prélevées pour le compte de la ville et établir une éventuelle thésaurisation desdites taxes.

Au regard des considérants du Tribunal fédéral, il convenait de déterminer l’entité responsable de l’équipement et de son financement. En l’occurrence, l’entité responsable de l’équipement était la commune sur le territoire de laquelle était érigée la construction autorisée. S’agissant du financement, jusqu’au 31 décembre 2016, il était du ressort du canton, soit pour lui le département. L’examen du respect du principe de la couverture des frais pour les taxes facturées jusqu’à cette date devait toutefois être effectué séparément pour chaque commune, dès lors que le produit des taxes d’équipement n’était pas mutualisé entre celles-ci. À compter du 1er janvier 2017, l’entité responsable du financement était le FIE et l’examen du respect du principe de la couverture des frais pour les taxes d’équipement facturées à compter de cette date devait être conduit à l’échelle intercommunale. Compte tenu de ce changement, il convenait donc d’examiner séparément les périodes antérieures et postérieures à la constitution du FIE, en tenant compte de la mutualisation des ressources à compte du 1er janvier 2017.

En l’occurrence, le principe de la couverture des frais était violé au regard du système en vigueur avant la création du FIE, dès lors que le produit global de la taxe d’équipement prélevée pour la ville dépassait largement les subventions accordées à cette dernière. Entre 2010 et 2016, le département n’avait en effet rétrocédé à la ville que 39 % des taxes d’équipement « encaissées » pour son compte. En moins de dix ans, le département avait ainsi amassé, pour le seul compte de la ville, plus de CHF 8,3 millions en taxes d’équipement non rétrocédées. À une seule exception, tous les exercices avaient été largement bénéficiaires, ce qui montrait une tendance claire à l’excédent (thésaurisation).

S’agissant des besoins futurs prévisibles, si le Tribunal fédéral n’indiquait pas sur quelle période ceux-ci devaient être pris en considération, il était douteux que leur prise en compte doive s’étendre sur plus de sept ans, soit au-delà de l’année 2016. Au contraire, le fait que durant la période de 2010 à 2016, plus de CHF 8,3 millions aient été accumulés pour le seul compte de la ville auprès du département suffisait à établir à satisfaction de droit que l’encaissement de la taxe litigieuse aurait conduit à la constitution de réserves excédant les besoins futurs prévisibles de la ville en matière de subvention.

S’agissant du déficit cumulé d’environ CHF 6.4 millions au 31 décembre 2021 dont faisait état le FIE, il était exclusivement dû au mauvais résultat de l’année 2021 et n’était donc pas représentatif de la gestion du FIE. Surtout, les chiffres présentés ne présentaient que très imparfaitement la réalité, puisqu’ils ne tenaient pas compte des dotations importantes reçues par le FIE durant les années 2017 à 2021. Ces dotations avaient été intégrées à la fortune du fond, laquelle était passée de CHF 16,6 millions en 2017 à CHF 42,2 millions en 2021. De telles réserves étaient absolument excessives pour couvrir les besoins futurs prévisibles de la branche. Aussi, pour autant que la période postérieure au 31 décembre 2016 fût pertinente pour examiner la taxe litigieuse sous l’angle du principe de la couverture des frais, force était de constater que le FIE disposait de réserves immenses, bien supérieures aux besoins futures prévisibles. La création du FIE, en 2017, n’avait ainsi pas mis fin à la thésaurisation du produit des taxes d’équipement, au contraire.

30.         Le 30 septembre 2022, le FIE s’est déterminé, persistant dans ses conclusions.

Les montants annuels totaux mentionnés comme « taxations facturées » étaient effectivement des « encaissements » pour des projets situés sur le territoire de la ville. Durant les années 2017 à 2019, le canton avait continué à encaisser une partie de ces taxes, selon un régime transitoire ayant débuté avec la création du FIE à partir du 1er janvier 2017.

Le montant à disposition de la ville entre le 31 décembre 2016 et le 1er janvier 2017 n’avait pas changé et s’élevait à CHF 3'647'212.48.

Les « dotations » correspondaient à des versements régulièrement opérés par le département au débit des comptes tenus pour les communes. Au 31 décembre 2016, le total des comptes communaux s’élevait à CHF 36'039'306.-. Ce montant avait ensuite quelque peu augmenté jusqu’à fin 2020 pour atteindre CHF 50'150'701.-. Pendant la même période (fin décembre 2016 – juin 2022), le département avait opéré des versements en faveur du FIE, de façon à réduire ce solde global. À ce jour, l’État ne détenait plus de fonds constitués de taxes d’équipement perçues pour le compte des communes.

Les montants à disposition de la ville dans les comptes tenus par le département, à la fin de chaque année, étaient les suivants :

CHF 3'524'225.87 au 31 décembre 2010

CHF 5'631'246.42 au 31 décembre 2011

CHF 6'185'120.67 au 31 décembre 2012

CHF 6'477'177.- au 31 décembre 2013

CHF 5'433'614.45 au 31 décembre 2014

CHF 5'595'058.08 au 31 décembre 2015

CHF 3'647'212.68 au 31 décembre 2016.

La commune était bien l’entité responsable de l’équipement. Quant au financement, il était assuré par la perception de la taxe d’équipement, étant précisé que le FIE détenait les compétences de rendre les décisions de taxation, puis de procéder à leur recouvrement. La rétrocession du produit de ces taxes s’opérait sur la base des demandes de financement présentées au FIE par les communes intéressées.

S’agissant du respect du principe de la couverture des frais, il ressortait du tableau A produit par la ville que les coûts d’équipement assumés par cette dernière étaient nettement supérieurs au produit total des taxes d’équipement encaissées pendant la même période ; le taux de couverture était même inférieur à 60 %.

Le total des subventions n’était aucunement révélateur des coûts de travaux d’équipement réellement assumés et ne démontrait pas davantage que le principe de la couverture des frais aurait été violé. La comparaison faite par les recourants avec le total des subventions versées révélait tout au plus que certaines communes n’avaient pas pu, ou voulu, demander la rétrocession de montants qui avaient été encaissés pour leur compte. Elle résultait également du décalage temporel existant entre le moment où la taxe d’équipement était facturée puis encaissée, et le moment où les travaux d’équipement collectif étaient réalisés par la commune concernée. Ce décalage pouvait parfois s’étendre sur plusieurs années, comme l’illustrait l’état de faits de la présente cause. Quoi qu’il en fut, le montant conservé par le département, puis désormais par le FIE, serait bel et bien utilisé, à terme, pour financer de nombreux et importants travaux d’équipement public liés à des projets d’aménagement réalisés dans les zones de développement en 2020 ou 2021 et dans les années à venir. Depuis le 1er avril 2022, trois dossiers supplémentaires de la ville avaient d’ailleurs obtenu des financements de la part du FIE, pour un montant total de CHF 7'316'256.20 et d’autres dossiers étaient en attente auprès du FIE pour un montant approximatif dépassant CHF 20 millions.

31.         Le 30 septembre 2022, la ville s’est déterminée, persistant également dans ses conclusions.

Le montant à disposition de la ville au 31 décembre 2016 s’élevait à CHF 3'647'212.-.

S’agissant de savoir si le principe de la couverture des frais était respecté, le montant des subventions effectivement versées n’était pas pertinent, dès lors qu’il n’était pas directement comparable aux dépenses assumées et prévisibles. Les subventions pouvaient en effet être versées avec un certain décalage, en raison de l’étape intermédiaire existante du fait que c’était l’État, et non les communes, qui prélevait les taxes. Elles ne couvraient par ailleurs pas la totalité des dépenses prévisibles.

S’agissant des dépenses prévisibles, leur prise en compte permettait de compenser en partie le décalage entre le moment de la taxation et le moment où les travaux d’équipement étaient réellement entrepris. Dans la zone de développement, qui était déjà construite et comprenait des voies de circulation liée à la zone villa préexistante, le décalage entre ces deux moments pouvait être particulièrement important. Il dépendait notamment du rythme de développement d’un quartier, mais également des procédures liées aux travaux d’équipement.

Dans le cas d’espèce, si l'on se plaçait au moment de la taxation, intervenue en juillet 2010, la situation était la suivante : au 31 décembre 2009, le montant à disposition de la commune était de CHF 2'986'492.72, les dépenses prévisibles s'élevaient au minimum à CHF 11'491’467.- et le montant des subventions obtenues pour les travaux prévisibles s’est élevé à CHF 5'528’447.60, étant précisé que la subvention totale octroyée pour le projet du chemin du G______ s’est élevée à CHF 2'109'354.60 (dont à déduire l’acompte de CHF 1 million déjà reçu). Ainsi, il devait être constaté qu’à la date d’émission de la taxe litigieuse, le montant à disposition de la ville en provenance de la taxe d'équipement était largement inférieur au montant des dépenses assumées et prévisibles, ainsi qu'au montant des subventions reçues en lien avec ces dépenses. C’était donc à tort que les recourants soutenaient que le principe de la couverture des frais était violé au moment de l’émission de la facture.

Au 1er juillet 2010, les dépenses prévisibles étaient les suivantes :

Chemin du G______ :

Ces travaux étaient directement liés à la taxation litigieuse et induits notamment par le développement du PLQ dans lequel s’inscrivaient les immeubles construits par les recourants. L’autorisation de construire portant sur le chemin du G______ avait été déposée en juillet 2011. Les dépenses d’études antérieures à la date d’émission de la taxation litigieuse démontraient que le projet était déjà en cours et que les dépenses étaient donc prévisibles. La proposition de crédit PR-14______ avait porté sur un montant de CHF 5'980'700.-, retenu ici à titre de dépense prévisible ;

Chemin P______ :

La proposition de crédit PR-20______1 portant sur le Chemin P______ avait été votée le ______ 2008, soit avant l'émission de la facture portant sur la taxe d'équipement contestée. Le crédit s'élevait à CHF 533'500.-, à quoi il fallait ajouter CHF 40'000.- de crédit d'étude. Les coûts antérieurs au 1er juillet 2010 s’élevaient à CHF 190'381.-. Les dépenses prévisibles à la date de la facture s'élevaient donc à CHF 383’169.- ;

Avenue de la T______ :

La proposition de crédit PR-20______2 relative à l'avenue de la T______ avait été votée le _____ 2008, soit avant l'émission de la facture contestée. Le crédit voté s'élevait à CHF 410'690.- et les dépenses antérieures au 1er juillet 2010 à CHF 2’693.-. Le coût prévisible des travaux au 1er juillet 2010 s'élevait donc à CHF 407'997.- ;

Chemin S______ :

La proposition de crédit PR-23______ relative au Chemin S______ avait été votée le ______ 2008, soit avant l'émission de la facture contestée. Le coût prévisible des travaux au 1er juillet 2010 correspondait au montant du crédit voté, soit CHF 514’760.- ;

Rue Y______/rue des Z______/avenue de la AA______ :

La proposition de crédit PR-26______ portant sur la rue Y______, la rue des Z______ et l’avenue de la AA______ avait été votée le ______ 2010, soit avant l’émission de la facture contestée. Le coût prévisible des travaux au 1er juillet 2010 correspondait au montant du crédit voté, soit CHF 315'010.- ;

R______ :

La proposition de crédit PR-21______ relative au projet de l’R______ avait été déposée devant le Conseil municipal le ______ 2010, soit avant la date d'émission de la facture portant sur la taxe d'équipement contestée. Les premières prestations d'études remontaient à 2004. Les dépenses antérieures au 1er juillet 2010 s’élevaient à CHF 861’338.-. Le montant prévisible des travaux à la date du 1er juillet 2010 s'élevait au montant du crédit soumis au vote du Conseil municipal, soit CHF 905’200.-, auquel il fallait ajouter le montant du crédit d'étude, soit CHF 200'000.-, et dont il fallait déduire les dépenses déjà consenties de CHF 86’338.-, soit un total de CHF l’018’862.- ;

Avenue d’K______ :

La proposition de crédit PR-37______ relative au projet de l'avenue d'K______ avait été déposée devant le Conseil municipal le ______ 2010, soit quasiment au moment de l'émission de la facture. Les travaux objets de cette proposition de crédit étaient donc prévisibles à cette date et s'élevaient au montant du crédit brut voté, soit CHF 614'300.- ;

Chemin des M______ :

La proposition de crédit PR-19______ relative au chemin des M______ avait été déposée devant le Conseil municipal le ______ 2011, et votée le ______ 2011. Le mandat d'étude y relatif avait été attribué en octobre 2008, soit bien avant la date d'émission de la facture. Les coûts antérieurs au 1er juillet 2010 s’élevaient à CHF 51'531.-. Les coûts prévisibles au 1er juillet 2010 s'élevaient au montant du crédit soumis Conseil municipal, soit CHF 2'253'000.-, auquel il fallait ajouter le montant du crédit d'études, soit CHF 55'000.-, et dont il fallait déduire les dépenses déjà consenties de CHF 51'531.-, soit un total de CHF 2'256'669.-.

Cette liste avait été établie principalement sur la base des dates de dépôt des propositions de crédit devant le Conseil municipal ou de leur vote, ainsi que des indications figurant dans les propositions quant aux études. Elle n’était donc pas exhaustive.

À supposer que le respect du principe de la couverture des frais dut s’examiner aussi au regard de la situation après la constitution du FIE, différents éléments devaient être pris en compte. En particulier, du fait que les travaux d’équipement étaient à la charge des communes alors que la gestion de la taxe était du ressort du FIE, on ne saurait se baser sur la seule fortune du fond pour déterminer si le principe de la couverture des frais était violé. Il y avait en effet nécessairement un décalage entre le moment où une commune effectuait ou prévoyait des travaux d'équipement et le moment où elle touchait les subventions y relatives. Ainsi, une partie conséquente de la fortune du fonds devait être considérée, non pas comme une réserve pour des besoins futurs prévisibles, mais comme des provisions pour des dépenses déjà assumées ou engagées par les communes.

La ville a produit des extraits comptables de son compte auprès du département ainsi qu’un tableau A corrigé et complété, à teneur duquel, notamment, les demandes déposées auprès du FIE au 1er mars 2022 s’élevaient, après correction, à CHF 29'985'891.-. Ce tableau comprenait également une colonne sur les dépenses prévisibles au 1er septembre 2020 (cf. pièce 21 de la ville).

32.         Par écriture du 25 janvier 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

La liste dressée par la ville des dépenses d’équipement prévisibles au 1er juillet 2010 était dénuée de pertinence, dans la mesure où les dépenses en question n’avaient été que très partiellement financées par le produit de la taxe d’équipement. Par ailleurs, les soldes du compte de la ville au 31 décembre des années 2009 à 2016 ne tenaient pas compte des rectifications de subventions intervenues en 2019, ni de la taxe litigieuse. Enfin, si les dépenses futures du FIE devaient être prises en compte pour évaluer l’adéquation des réserves, il conviendrait alors également de tenir compte des revenus prévisionnels issus de la taxe d’équipement.

33.         Par écriture du 15 mars 2023, le FIE a persisté dans ses conclusions.

Il a produit un tableau de sa comptabilité pour la période 2017-2022 duquel il ressortait notamment que le résultat annuel du FIE avait été déficitaire en 2018, 2020, 2021 et 2022, ainsi qu’un tableau « projection sur 5 ans 2023-2027 » selon lequel la situation devrait être nettement déficitaire à partir de 2025 et la fortune du FIE au 21 décembre 2022 entièrement absorbées à fin 2026.

34.         Par écriture du même jour, la ville a également persisté dans ses conclusions.

35.         Le détail de l’argumentation des parties et des pièces produites sera repris ci-après dans la partie en droit dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             La recevabilité du recours a déjà été admise par le tribunal dans son précédent jugement (JTAPI/9______) et n’a pas été remise en cause devant les instances supérieures. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir.

2.             Le présent litige porte sur la taxe d'équipement de CHF 535'933.65 facturée aux recourants le 2 juillet 2010, à la suite de l'octroi de l'autorisation définitive de construire DD 1______ concrétisant, en partie, le PLQ n° 2______ adopté en 2005 sur le territoire de la ville.

3.             Conformément à l’arrêt de la chambre administrative du ______ 2021 (ATA/13_____), renvoyant la cause au tribunal de céans pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ octobre 2020 (11_____), il convient de contrôler, sur la base des pièces produites, si la taxe d’équipement litigieuse respecte le principe de la couverture des frais, ce que les recourants contestent. Pour ce faire, et conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral précité, il convient, dans un premier temps, de déterminer l’entité étatique responsable de l’équipement et de son financement et, dans un second temps, de vérifier de manière comptable si le principe de la couverture des frais est en l’espèce respecté à l’échelle de cette entité (cf. consid. 6.7).

4.             Les règles genevoises régissant la taxe d’équipement ont été modifiées lors de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la loi n° 11'783 du 1er septembre 2016 modifiant la LGZD. Comme déjà exposé dans le JTAPI/9______ (consid. 8b) et l’ATA/10_____ (consid. 2), point non contesté devant le Tribunal fédéral et confirmé ensuite dans l’ATA/13_____ (consid. 3), c’est la nouvelle teneur de la LGZD et du RGZD qui trouve ici application, sous réserve du montant de la taxe, qui reste défini par l’ancien droit, conformément à l’art. 12 al. 6 LGZD.

5.             Selon l’art. 3A al. 1 LGZD, la taxe d’équipement constitue une contribution des propriétaires, respectivement des superficiaires, aux coûts de réalisation, de modification ou d’adaptation des voies de communication publiques, en particulier celles prévues par le programme d’équipement tel que défini à l'art. 3 al. 3 let. a LGZD, qui se réfère au « tracé des voies de communication projetées et les modifications à apporter aux voies existantes, ainsi que les alignements le long ou en retrait de ces voies, en distinguant les voies publiques cantonales, communales ou privées ». Par coûts d'adaptation (terme remplaçant celui de maintenance), on entend, d'après les travaux préparatoires relatifs au projet de loi n° 11'783, les investissements d'importance qui permettent de rétablir l'infrastructure dans un état adapté à son utilisation, à l'exclusion des frais d'entretien au sens strict (exposé des motifs du projet de loi n° 11’783 précité [ci-après : exposé des motifs PL 11’783], in Mémorial du Grand Conseil [ci-après : MGC] 17-18 décembre 2015, session XII, p. 16/28).

La taxe d’équipement est due par les propriétaires ou superficiaires de terrains sur lesquels sont érigés des projets faisant l’objet d’une autorisation définitive de construire (art. 3A al. 2 1re phr. LGZD). Elle est fonction de l’importance des constructions projetées, mais ne doit en aucun cas excéder 2,5 % du coût de la construction autorisée (art. 3A al. 2, 2e et 3e phr. LGZD). Cette taxe consiste en un montant par m2 de SBP autorisée qui est arrêté par le Conseil d’État et doit équivaloir au 75 % des coûts moyens d’équipements des projets de développement, à l’échelle du canton (art. 3A al. 3, 2e et 3e phr. LGZD). Le Conseil d’État revoit au moins tous les cinq ans ledit montant en tenant compte des dépenses réelles du FIE (art. 3A al. 3, 4e phr. LGZD).

6.             Dans sa teneur applicable en juillet 2010, l’art. 11 aRGZD (« calcul ») disposait que la taxe d’équipement était due par chaque propriétaire ou superficiaire à raison de l’importance des SBP assignées à sa parcelle, selon l’autorisation de construire considérée (al. 1). Elle se montait en principe à CHF 40.- le m2 de SBP à créer (al. 2), montant régulièrement adapté à l’indice suisse des prix de la construction (al. 5), et ne devait pas excéder 2,5 % du coût de construction de l’ouvrage projeté (al. 4).

En juillet 2010, date de la facture litigieuse, son montant s’élevait à CHF 44.45 le m2. Dans la mesure où les SBP résultant de l’autorisation de construire en cause (DD 1______) correspondent à 12'057 m2, ce qui a été admis par les recourants, le montant de la taxe d’équipement se monte, arithmétiquement, à CHF 535'933.65.

7.             Reste à déterminer si ce montant, calculé selon la méthode forfaitaire prévue par l’ancienne réglementation, respecte le principe de la couverture des frais, étant relevé qu’il n’est pas contesté que les recourants sont les débiteurs de la taxe litigieuse (art. 3A al. 1 et 2 LGZD, ni que celle-ci est inférieure au plafond fixé à 2,5 % du coût de la construction autorisée (art. 3A al. 2 LGZD, art. 11 al. 4 aRGZD).

8.             Depuis le 1er janvier 2017, le FIE rend les décisions de taxation en matière d’équipement, les notifie aux débiteurs et en gère le suivi (art. 3B al. 4 LGZD). Selon les statuts du FIE (ci-après : statuts FIE), adoptés en même temps que la loi, le FIE a pour but de prélever et de gérer les taxes d'équipement, ainsi que d'en attribuer le produit (art. 1 statuts FIE). Ce fonds octroie aux communes qui lui en présentent la demande un financement jusqu’à concurrence de 75 % des coûts des projets d’équipement qui ont été approuvés selon les standards de référence (art. 3B al. 5 LGZD ; voir également art. 1 statuts FIE).

L'art. 8 al. 1 statuts FIE dispose que les montants alloués par le FIE sont destinés au financement des voies de communication publiques. Constituent de telles voies les accès routiers, cyclistes et piétons du domaine public communal qui permettent la desserte d'un périmètre, la circulation et le cheminement en son sein. Les composantes émergées ou enterrées, à l'exception des canalisations des réseaux primaires et secondaires, qui présentent un lien de dépendance fonctionnelle avec la voie, ou en sont l'accessoire, et contribuent à en garantir un usage adéquat font partie intégrante de celle-ci. De plus, l'art. 8 al. 3 statuts FIE précise que les coûts pris en compte doivent être indissociables de la voie et contribuer à son maintien dans le temps ainsi qu'à la sécurité des usagers. Pour le surplus, les coûts précités doivent être constitutifs de la qualité du projet. Les coûts relatifs aux mutations foncières et aux intérêts ne sont pas pris en compte.

9.             À teneur de l’art. 3C al. 1 LGZD (« équipement »), la commune intéressée est tenue d’effectuer les travaux de réalisation, de modification ou d’adaptation des voies de communication publiques et des systèmes publics d’assainissement des eaux usées et pluviales nécessaires à l’équipement des parcelles concernées par l’autorisation de construire, le cas échéant prévus par le PLQ, au plus tard à l’ouverture du chantier. Ceux-ci doivent être terminés au plus tard à l’achèvement de l’ouvrage. La commune veille à adopter les crédits nécessaires à cette fin en temps utiles.

10.         La taxe d'équipement en cause est une charge de préférence dépendante des coûts, prélevée auprès des propriétaires ou superficiaires de terrains en contrepartie de la plus-value conférée à leurs immeubles par les équipements construits par la commune. Une telle taxe doit respecter le principe de la couverture des frais (arrêts du Tribunal fédéral 11_____ cité consid. 6.6 ; 2C_226/2015 cité consid. 5.1).

Selon ce principe, le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou subdivision concernée de l’administration, y compris, dans une mesure appropriée, les provisions, les amortissements et les réserves. De telles réserves financières violent le principe de la couverture des frais lorsqu’elles ne sont plus justifiées objectivement, c’est-à-dire lorsqu’elles excèdent les besoins futurs prévisibles de la branche ou subdivision en question estimées avec prudence. Ce qu’il faut entendre par branche administrative s'apprécie d'un point de vue fonctionnel de façon à embrasser toutes les tâches administratives qui sont objectivement liées entre elles et dont les coûts sont financés par la taxe causale concernée. En matière de taxe d'équipement, c'est en principe chacun des équipements (routes, trottoirs places de parc, eau, énergie, égouts, déchets, etc.) qui doit être examiné de manière séparée ; il est néanmoins admis de considérer que chacun de ces postes soit réuni en un seul relatif à l'équipement global du terrain (arrêt du Tribunal fédéral 11_____ cité consid. 6.3 et les références citées).

11.         Dans son arrêt 11_____ du _____ octobre 2020, le Tribunal fédéral a rappelé que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais – notamment lors du prélèvements d’une taxe d’équipement – passe en principe par un examen concret des postes comptables de la collectivité qui fournit la prestation (consid. 6.4), étant précisé qu’il appartient à l’autorité taxatrice, qui en supporte le fardeau, d’établir comptablement que le principe de la couverture des frais est respecté (arrêt du Tribunal fédéral 2C_226/2015 déjà cité consid. 5.3).

Pour ce faire, et au regard des considérants de l’arrêt précité, il convient de déterminer qui, de la ville ou du FIE, doit être considéré comme responsable de l’équipement et de son financement, entité à l’échelle de laquelle devra être apprécié le principe de la couverture des frais en l’affaire.

12.         En l’occurrence, il n’est pas contesté que l’entité responsable de l’équipement est la commune sur le territoire de laquelle est érigée la construction autorisée (art. 3C al. 1 LGZD ; cf. arrêt du Tribunal fédéral consid. 6.6.3), soit en l’espèce la ville. S’agissant du financement, il est assuré, jusqu’à concurrence de 75 % des coûts des projets d’équipement, par la perception de la taxe d’équipement, qui constitue une participation des propriétaires fonciers aux coûts d’équipement. Si, depuis le 1er janvier 2017, c’est le FIE qui est chargé de percevoir la taxe et la redistribuer (art. 3B al. 4 et 5 LGZD), il n’est reste par moins que ce sont les communes qui financent directement les travaux d’équipement.

S’agissant du respect du principe de la couverture des frais, une distinction doit toutefois être faite selon la période considérée. En effet, jusqu’au 31 décembre 2016, il est acquis que les recettes de taxation étaient séparées commune par commune, chaque commune disposant d’un compte propre, tenu par le département, duquel étaient prélevées les subventions pour financer leurs travaux d’équipement. La révision législative, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, a mis fin à ce système, en prévoyant désormais une mutualisation des recettes de la taxe d’équipement au niveau intercommunal (exposé des motifs PL 11’783, p. 13/28 ; rapport de la commission d’aménagement du canton chargée d’étudier le projet de loi n° 11'738 relatif à la taxe d’équipement [ci-après : rapport PL 11’783-A], in MGC 2-3 juin 2016, session V, p. 2 ss et p. 24).

Cette mise en commun du produit des taxes d’équipement a pour conséquence que le contrôle du respect du principe de la couverture des frais doit se faire à une échelle territoriale différente selon la période considérée (avant ou après l’institution du FIE) : celui-ci s’effectuera au niveau communal pour les taxes d’équipement facturées jusqu’au 31 décembre 2016, dès lors que les taxes d’équipement étaient prélevées séparément pour chaque commune, respectivement au niveau intercommunal pour les taxes d’équipement facturées à compter du 1er janvier 2017, conformément à la volonté du législateur de mutualiser les ressources provenant de la taxe d’équipement pour en permettre une meilleure allocation entre les communes. Dans la présente cause, la décision de taxation a été rendue le 2 juillet 2010, de sorte que le respect du principe de la couverture des frais doit être examiné à l’échelle de la commune.

Par ailleurs, et conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral du ______ octobre 2020, qui retient qu’un examen quartier par quartier du principe de la couverture des frais ne serait que difficilement conciliable avec l’art. 3A al. 2 LGZD qui prévoit la perception de taxes d’équipement même lorsque le projet ne nécessite pas de travaux d’équipement de la part de la collectivité (consid. 6.6.3), c’est bien sur la base de l’ensemble des coûts d’équipement assumés par la ville sur son territoire que cet examen doit s’effectuer, et non des seuls coûts supportés pour le chemin du G______.

Sous l’angle temporel, compte tenu notamment du fait que l’aménagement des zones de développement évolue constamment, il s’avère nécessaire de définir une période de temps sur laquelle devra porter l’examen du respect du principe susmentionné. En l’occurrence, il est apparu judicieux au tribunal de limiter son examen à la période allant de juillet 2010 (date d’émission de la facture litigieuse) à octobre 2020 (date de l’arrêt du Tribunal fédéral 11_____ rendu dans la présente cause), ce à quoi les parties ne se sont pas opposées.

13.         Reste donc à vérifier, sur la base des données transmises par les parties intimées, si la taxe d’équipement litigieuse respecte le principe susmentionné.

14.         En l’occurrence, pour la période du 1er juillet 2010 au 31 octobre 2020, les dépenses brutes d’équipement consenties par la ville s’élèvent à un montant total de CHF 32'269'311.-, étant relevé que ni la nature des travaux, ni leurs coûts – détaillés dans les écritures et pièces produites par la ville – ne sont contestés par les recourants. Pendant la même période, le total des taxations encaissées par le département, puis par le FIE, pour des projets situés sur le territoire de la ville s’est élevé à CHF 19'041'471.-. La comparaison de ces deux montants (coûts : CHF 32'269'311.- / revenus : CHF 19'041'471.-) démontre que les coûts d’équipement consentis pas la collectivité concernée, soit ici la ville, sont nettement supérieurs aux taxes d’équipement encaissées pendant la même période, y compris en tenant compte du montant de la taxe litigieuse de CHF 535'933.65. Le produit global des taxes d’équipement (CHF 19'577'404.65 dont CHF 535'933.65 facturés aux recourants) est même très inférieur au montant de CHF 24'201'983.25 correspondant au 75 % des coûts d’équipement assumés par la ville.

Partant, le principe de la couverture des frais a été respecté.

15.         Les recourants estiment que le principe de la couverture des frais serait violé, au motif que les recettes provenant de la taxe d’équipement dépassent le montant des subventions allouées. Selon eux, les excédents de recettes issus des taxes d’équipement auraient conduit à la constitution de réserves financières excessives.

Les recourants ne sauraient être suivis. Ainsi qu’on l’a vu, le contrôle du respect du principe de la couverture des coûts consiste à vérifier que le produit global des contributions ne dépasse pas, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts engendrés par la branche ou la subdivision administrative concernée. En matière d’équipement, ce contrôle passe par une comparaison des coûts globaux avec les recettes globales liés à l’équipement (cf. arrêt du Tribunal 11_____ déjà cité, consid. 6.3.3). Le montant des subventions versées n’est dans ce cadre pas pertinent, dès lors qu’il ne reflète pas les coûts réels d’équipement assumés par la collectivité concernée.

Par ailleurs, et comme le mettent en évidence les parties intimées, les recourants omettent de tenir compte du fait qu’il existe un décalage temporel entre le moment où la taxe est facturée, qui est lié à la délivrance de l’autorisation de construire, et celui où les travaux d’équipement sont réalisés et payés par la commune intéressée, respectivement le moment où les subventions sont versées, ce décalage pouvant s’étendre sur plusieurs années, comme l’illustre le cas d’espèce. En effet, la taxe d’équipement litigieuse a fait l’objet d’une facture du 2 juillet 2010, les travaux d’aménagement du chemin du G______ se sont déroulés en 2018 et 2019 et les subventions octroyées pour ce projet (soit au total CHF 2'109'354.60) ont été versées en 2016 et 2022, étant précisé qu’au moment de la taxation, des dépenses d’études avaient déjà été consenties pour un montant de CHF 177'068.-. Du fait de ce décalage, on ne saurait comparer directement les recettes provenant de la perception de la taxe d’équipement avec les montants alloués par le département.

En réalité, en mettant en évidence la différence entre le montant total des taxes encaissées et le montant total des subventions versées, les recourants soulèvent la question de l’allocation effective du produit de la taxe d’équipement. Or, le principe de la couverture des frais n’est en l’espèce pas affecté par cette question, dans la mesure où, comme vu précédemment, le produit de la taxe d’équipement est largement inférieur aux coûts effectifs d’équipement. Sur la période considérée, le taux de couverture est même inférieur à 60 %.

S’agissant de la question des réserves, les recourants considèrent qu’il n’est pas pertinent de prendre en compte les « dépenses prévisibles ». À nouveau, ils ne sauraient être suivis. En effet, conformément à la jurisprudence fédérale, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’examen du respect de la couverture des frais, non seulement des dépenses effectives, mais également des provisions pour les dépenses engagées et des réserves à constituer pour les dépenses prévisibles de manière objective (cf. arrêt du Tribunal 11_____ déjà cité, consid. 6.3). En l’occurrence, comme cela ressort des données transmises par la ville et qui ne sont pas contestées par les recourants, au 1er juillet 2010, date de la facture litigieuse, les travaux d’équipement prévisibles s’élevaient à CHF 11'491'467.- et le montant des subventions obtenues pour ces travaux s’est élevé à CHF 5'528'447.60. Ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les recourants, c’est près de 50 % des dépenses prévisibles qui ont été financées par le produit de la taxe d’équipement. Les dépenses réelles (soit CHF 8'275'499.-) s’étant finalement avérées moins élevées que les dépenses estimées, le taux de couverture, après déduction des autres recettes (CHF 171'474.-), est au final de 68.21 %, soit une part très proche de la part maximale de 75 % des coûts d’équipement que la taxe est censée couvrir. Cela démontre notamment que, non seulement la liste des dépenses prévisibles est pertinente, mais également que, sur la durée, les montants qui doivent revenir à la ville au titre de la taxe d’équipement lui sont bien allouées et n’alimentent pas « une forme de caisse noire sans fond en mains de la collectivité » comme le soutiennent les recourants.

Les recourants soutiennent également que l’évolution positive du solde annuel du compte de la ville auprès du département entre 2009 et 2016 démontrerait une thésaurisation inadmissible du produit de la taxe d’équipement.

Il n’en est toutefois rien. Comme déjà relevé précédemment, le montant accumulé s’explique notamment du fait du décalage temporel inévitable qui existe entre le moment de la taxation et celui où les travaux d’équipement sont réellement entrepris, respectivement entre le moment où les dépenses sont engagées ou planifiées et le moment où les subventions sont allouées. Ce décalage peut être particulièrement important, comme on l’a vu notamment pour le projet du chemin de G______. Il dépend notamment du rythme de développement d’un quartier, mais également des procédures liées aux travaux d’équipement. Il en découle que les dépenses d’équipement ne sont pas concomitantes aux décisions de taxation et que les subventions ne sont pas concomitantes aux dépenses. L’autre raison, mise en évidence dans le rapport n° 59, est la méconnaissance de certaines commues au sujet du processus de rétrocession du produit des taxes d’équipement. Concernant plus particulièrement la ville, sur les CHF 6 millions encaissés pour son compte entre 2007 et juin 2012, aucun montant ne lui a été rétrocédé, ce alors même que plusieurs projets d’équipement étaient en cours sur son territoire à ce moment-là selon les données transmises. En revanche, suite au rapport en question, le tribunal constate que la ville a perçu plus de CHF 5 millions de subventions et avait déposé, au 1er mars 2022, des demandes auprès du FIE pour un montant de près de CHF 30 millions, étant précisé que ce dernier montant porte, à l’exception des dossiers AI______ et AK______, sur des dépenses déjà assumées ou engagées par la ville à cette date. Depuis lors, et selon les informations fournies par les parties intimées, des subventions pour un montant total d’environ CHF 20 millions ont été allouées à la ville par le FIE pour différents projets en cours, démontrant qu’à terme, le produit des taxes d’équipement est bel et bien utilisé pour financer des travaux d’équipement.

Quoi qu’il en soit, les états de situation du compte de la ville auprès du département pendant la période 2009-2016 ne sauraient démontrer, à eux seuls, l’existence de réserves excessives, puisque, comme déjà relevé précédemment, s’agissant des taxes d’équipement perçues dans le canton de Genève, les coûts effectifs d’équipement sont nettement supérieurs aux encaissements.

16.         Les recourants considèrent que le capital propre du FIE au 31 décembre 2021, d’environ CHF 42 millions pour l’ensemble du territoire cantonal, serait à l’évidence excessif. Selon eux, de telles réserves ne sauraient être admises pour couvrir les besoins futurs prévisibles de la branche.

La question de l’adéquation des réserves actuelles du FIE excède toutefois le cadre du litige posé par le tribunal, tant sous l’angle territorial que sous l’angle temporel, étant souligné qu’il apparaît douteux que cette problématique puisse être pertinente pour l’examen, sous l’angle du principe de la couverture des frais, de la validité d’une taxe émise en 2010.

Partant, le tribunal n’entrera pas en matière sur les développements des recourants à ce sujet.

17.         Les recourants s’insurgent enfin contre le montant de plus de CHF 50 millions versé au FIE provenant des taxes d’équipement encaissées dans le canton en faveur des communes et non réclamées par ces dernières. À ce sujet, le FIE a expliqué que ce montant a été reversé progressivement en faveur du fonds entre 2017 et 2022, conformément aux dispositions transitoires du PL 11’783, ceci afin d’éviter que les montants perçus et non encore utilisés avant l’entrée en vigueur de la modification législative demeurent en déshérence (cf. exposé des motifs PL 11'783, p. 19/28). Il en est résulté que la fortune du FIE, au 31 décembre de chaque année, a effectivement augmenté entre 2017 et 2021, comme cela ressort des pièces produites. En revanche, sur la période 2017-2022, la plupart des exercices ont été déficitaires et à fin 2022, la fortune nette du FIE a baissé à CHF 27'330'961.84. Or, selon les projections du FIE, les résultats du FIE seront nettement déficitaires à partir de 2025 et la fortune actuelle du fonds devrait être totalement absorbée à fin 2027.

Cela étant, la question des versements opérés par le département en faveur du FIE n’a, pour les recourants, pas d’impact sur leur assujettissement à la taxe litigieuse, dès lors que, comme exposé plus haut, le principe de la couverture des frais a in casu été respecté, le produit global des taxes d’équipement ne dépassant pas les coûts globaux d’équipement assumés par la ville sur son territoire.

Au surplus, le tribunal rappellera que le suivi financier des dossiers d’équipement est du ressort des communes, à qui il incombe non seulement d’adopter les crédits nécessaires à la réalisation des projets d’équipement, mais également de faire les demandes de rétrocessions des taxes en temps voulu. La question de savoir si, quand et comment une commune sollicite les subventions auxquelles elle peut prétendre est exorbitante au présent litige.

18.         Ce qui précède conduit au rejet du recours et à la confirmation de la taxe d’équipement litigieuse.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 4’000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours.

20.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au FIE, qui a les moyens de disposer de son propre service juridique apte à assumer sa défense, notamment dans le domaine spécifique de la taxe d'équipement qui est le sien, sans devoir recourir aux services d'un avocat (cf. ATA/708/2021 du 6 juillet 2021 consid. 6 et la référence citée).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2010 par Monsieur A______, Madame B______, Monsieur C______ et D______ SA contre la décision du Fonds intercommunal d’équipement du 2 juillet 2010 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 4’000.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Julien PACOT et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière