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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/317/2023

JTAPI/599/2023 du 01.06.2023 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL);HAUTEUR DE LA CONSTRUCTION
Normes : LCI.11.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/317/2023 LCI

JTAPI/599/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Monsieur B______, représentés par Me Lezgin POLATER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Messieurs A______ et B______ (ci-après: les propriétaires) sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______. Il y est érigé un immeuble à l'enseigne de l'hôtel D______, sis au 2______, rue E______.

2.             Le 19 mai 2015, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département), a délivré aux propriétaires une autorisation de construire n° DD 3______ qui concernait notamment l'aménagement de cinq chambres dans les combles de l'hôtel susmentionné.

3.             Par courrier du 20 novembre 2017, le département a informé les propriétaires que les travaux réalisés suite à l'autorisation de construire n'avaient pas été annoncés et qu'ils n'avaient en outre pas été suivis par un mandataire professionnellement qualifié. Les propriétaires étaient invités à se prononcer à ce sujet. Par ailleurs, il leur était fait interdiction d'exploiter les chambres ainsi que les parties liées à l'autorisation DD 3______ jusqu'à la complète régularisation de la situation.

4.             Le 1er mars 2018, la société F______ SA, mandatée par les propriétaires, a communiqué au département une analyse des travaux non conformes à l'autorisation de construire.

Les éléments illicites étaient notamment les climatiseurs non autorisés dans les chambres et la largeur de couloir insuffisante dans trois des cinq chambres.

Les éléments non conformes étaient les suivants: modification du plan de distribution de l'étage, les cinq portes de chambre ayant été déplacées ou inversées, un sas ayant été ajouté et un autre supprimé; absence des stores à lamelles prévus dans l'autorisation; modification des dimensions et positions des salles de bain, ces changements ne se justifiant pas par une position des gaines, mais induisant des changements importants notamment dans les dimensions des couloirs; disparition de la loggia et non-respect du gabarit, ceci étant lié à une différence de près de deux mètres entre le plan et la coupe au moment du dépôt de la demande d'autorisation de construire (cette différence étant alors invérifiable par le département en raison de l'absence de cote).

S'agissant du contrôle de la police du feu, les recherches n'avaient pas permis de se procurer un quelconque rapport d'inspecteur et l'on pouvait supposer que les matériaux utilisés n'avaient pas été soumis pour approbation.

F______ SA concluait son rapport en précisant que certains éléments mineurs avaient été volontairement laissés de côté du fait de l'importance des autres éléments mis en évidence. En l'état, le projet ne répondait pas aux normes actuelles en termes de sécurité et d'écologie. Ces éléments restaient cependant aisés à corriger et à mettre aux normes. En revanche, il paraissait très clairement que le projet réalisé ne correspondait fondamentalement pas au projet autorisé, essentiellement dans son gabarit et dans sa matérialisation. Bien qu'il soit possible de rétablir une situation conforme, les travaux seraient particulièrement lourds.

5.             Par courrier du 19 avril 2018, le département a ordonné aux propriétaires de régulariser la situation en déposant une demande d'autorisation complémentaire.

6.             Les propriétaires ont déposé cette demande le 19 juin 2018, accompagnée d'un courrier de F______ SA qui présentait la manière dont avaient été mis en évidence, sur plans, les écarts entre la DD 3______ et les travaux réalisés d'une part, et les travaux projetés dans le cadre de la complémentaire d'autre part.

7.             Selon rapport de protection incendie établi le 12 juin 2018 par G______ SA, différents éléments ont été identifiés comme non conformes aux normes et directives de protection incendie.

8.             La demande complémentaire a été enregistrée sous n° DD 3______/2.

9.             Le 21 juin 2018, la direction des autorisations de construire (DAC) a préavisé favorablement le projet avec dérogation selon l'art. 11 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

10.         Le 3 juillet 2018, l'office cantonal de l'énergie (OCEN) a demandé des pièces complémentaires, relevant notamment que l'intervention réalisée au niveau des combles ne permettait pas d'atteindre le standard de haute performance énergétique prévu par la loi.

11.         Le 4 juillet 2018, la police du feu s'est déclarée favorable sous condition, précisant à ce sujet que « les mesures définies dans le préavis initial DD 3______/1 du 08/01/2014 (2015) [ ] demeurent entièrement valables ».

12.         Le 10 juillet 2018, la commission d'architecture (CA) s'est déclarée défavorable à l'architecture réalisée et regrettait la réalisation non conforme au projet autorisé. Elle rejetait la demande de dérogation à l'art. 11 LCI.

13.         Le 12 juillet 2018, la Ville de H______ a préavisé défavorablement le projet, non conforme à l'autorisation, mais déjà réalisé.

14.         Par courrier du 7 décembre 2018, les propriétaires, sous la plume de leur conseil, ont demandé au département de bien vouloir traiter les écarts avec le projet autorisé par la DD 3______ sans passer par une autorisation complémentaire. Dans son préavis du 16 avril 2015 relatif au projet d'origine, la CA s'était déclarée favorable à la dérogation selon l'art. 11 LCI et les modifications étaient mineures.

15.         Le département a répondu négativement le 11 décembre 2018 au motif que les modifications n'étaient pas mineures.

16.         Par décision du 12 mars 2019, le département, soit pour lui l'office des autorisations de construire (OAC), a refusé la demande complémentaire d'autorisation de construire.

A la suite d'un contrôle effectué sur place, il s'était avéré que le gabarit autorisé avec dérogation de la CA (30 cm de plus) n'avait pas été respecté, que la distribution des chambres avait été modifiée et que des climatisations individuelles avaient été installées. Le département ne pouvait que faire sien le préavis négatif rendu par la CA le 10 juillet 2018, ce d'autant que l'OCEN avait demandé le 3 juillet 2018 la modification du projet et la production de pièces complémentaires.

17.         Par décision séparée du même jour, le département a en outre infligé aux propriétaires une amende de CHF 50'000.-, mais a renoncé exceptionnellement à ordonner une remise en état complète, en vertu du principe de proportionnalité. Le montant de l'amende était proportionné à la faute particulièrement grave commise et tenait compte de la divergence importante des travaux réalisés avec l'autorisation initiale, de l'ampleur considérable des travaux effectués sans autorisation préalable, de leur impact conséquent sur le quartier et son harmonie et de la situation de fait accompli devant laquelle le département avait été mis. Toutefois, il était ordonné de supprimer la climatisation et de rendre la construction conforme au préavis de l'OCEN du 17 décembre 2014 dans un délai de six mois. En outre, dès l'achèvement des travaux, il appartenait aux propriétaires de prendre contact avec le service de la police du feu afin qu'il puisse être statué sur la délivrance du permis d'occuper et ainsi lever l'interdiction d'exploiter, en vigueur jusqu'à la réalisation des points susmentionnés.

18.         Les propriétaires n'ont recouru contre aucune de ces deux décisions.

19.         Par courrier du 5 avril 2019, l'OAC a informé les propriétaires que lors d'un contrôle effectué le 3 avril 2019, il avait été constaté que certains dispositifs de prévention et de lutte contre l'incendie étaient insuffisants ou ne fonctionnaient pas. Il était ordonné d'y remédier dans les 30 jours et de fournir un dossier photographique démontrant l'exécution de ces travaux.

20.         Après échange de plusieurs correspondances, l'OAC, par courriel du 23 août 2019, a informé l'architecte des propriétaires qu'il ne serait pas possible de délivrer le permis d'occuper au vu du refus de l'autorisation de construire DD 3______/2 et au vu de la non-conformité de la construction à la seule autorisation de construire en force, soit la DD 3______. L'occupation des locaux du 5ème étage se ferait donc sous la seule responsabilité de l'architecte en tant que MPQ responsable du dossier de régularisation de la situation antérieure.

21.         L'architecte ayant protesté par courriel du 26 août 2019, l'OAC a confirmé qu'en l'état, il ne délivrerait pas de permis d'occuper. Il confirmait en revanche que toutes les mesures de sécurité de l'hôtel avaient été validées.

22.         Suite à un échange de correspondance avec le conseil des propriétaires, l'OAC a formalisé sa position par décision du 3 octobre 2019. Il était rappelé que par décision du 12 mars 2019, le département avait refusé la délivrance de l'autorisation complémentaire en renonçant exceptionnellement, en vertu du principe de proportionnalité, à ordonner une remise en état complète. Il avait été précisé à cette occasion que la production de documents supplémentaires permettrait au département de statuer sur la délivrance du permis d'occuper. Dans la mesure où aucune autorisation en force ne validait l'état actuel de la construction, il n'était pas possible, sur le plan juridique, de délivrer un permis d'occuper.

23.         Par acte du 4 novembre 2019, les propriétaires ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné au département de délivrer le permis d'occuper.

En substance, ils ont reproché au département une violation de la disposition légale régissant l'octroi d'un permis d'occuper, en raison, d'une part, d'un excès négatif de son pouvoir d'appréciation et, d'autre part, de la violation du principe de la bonne foi.

24.         Par jugement du 24 septembre 2020 (JTAPI/4______), le tribunal a rejeté ce recours. Il a tout d'abord constaté que les dispositions légales relatives au permis d'occuper signifiaient clairement que celui-ci ne pouvait être délivré que si la construction était conforme aux réglementations en vigueur et à l'autorisation de construire correspondante. Ensuite, l'étage des combles ne répondait toujours pas aux normes de sécurité en matière d'incendie, en particulier parce que la largeur des couloirs était inférieure aux normes applicables en la matière. Les recourants n'ignoraient pas les conclusions auxquelles était parvenue G______ SA à ce sujet et ne pouvaient dès lors prétendre qu'ils pensaient de bonne foi avoir remédié à tous les problèmes de sécurité, étant rappelé que ces problèmes résultaient directement des modifications qu'ils avaient pris la liberté d'effectuer par rapport à l'autorisation de construire initiale. Enfin, on pouvait admettre avec les recourants que la manière dont l'autorité intimée avait formulé sa décision du 12 mars 2019 était pour le moins ambiguë, puisque sans promettre textuellement de délivrer le permis d'occuper, elle faisait clairement le lien entre la possibilité de rendre une telle décision et les travaux de mise en conformité décrits dans cette décision. Cela étant, quand bien même il faudrait y voir un comportement contradictoire de l'autorité intimée, l'existence d'un intérêt public particulièrement important à l'application conforme du droit, comme en l'occurrence la protection du public en cas d'incendie, l'emportait sur la protection de la bonne foi, de sorte que même une éventuelle violation de ce principe n'obligeait pas le département à leur délivrer le permis d'occuper.

25.         Par arrêt du 23 février 2021 (ATA/5______), sur recours des propriétaires à l'encontre de ce jugement, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) l'a confirmé. Elle a relevé notamment que « Conformément à l'art. 10A RCI, il appartiendra aux propriétaires d'obtenir une autorisation de construire complémentaire. En l'occurrence, les préavis, notamment de l'OCEN et de la CA, étaient défavorables. Les recourants ayant entrepris depuis lors des démarches pour respecter les exigences du préavis de l'OCEN et les deux conditions posées par la police du feu, il leur appartiendra d'entreprendre les démarches nécessaires afin que le département puisse contrôler le respect des prescriptions matérielles de la construction ».

26.         Par requête déposée auprès du département le 10 août 2021 et enregistrée sous DD 3______/3, les propriétaires ont sollicité une autorisation de construire complémentaire, indiquant qu'il s'agissait de travaux d'agrandissement portant sur une régularisation dans le cadre de la DD 3______. La lettre d'accompagnement de leur architecte, en date du 30 juillet 2021, indiquait que divers travaux avaient été réalisés afin d'améliorer la situation, à savoir la suppression des climatisations dans les chambres du 6ème étage, la pose de stores à rouleaux sur l'ensemble des fenêtres, des sondages confirmant l'isolation posée dans la nouvelle structure, des mesures prises pour les questions de sécurité, l'agrandissement des couloirs pour avoir des passages de 120 cm minimum et enfin l'installation d'un exutoire de fumée en toiture.

27.         Par courrier du 14 octobre 2021, l'OAC a informé les propriétaires que le projet était incomplet. Il manquait un extrait du plan cadastral (plans et coupes) signé par un ingénieur géomètre officiel, ce document étant nécessaire pour la vérification des gabarits ainsi que pour les distances entre les constructions. En outre, les constructions et installations ouvertes au public et destinées à un cercle indéterminé de personnes (notamment les hôtels) devaient être conçues et aménagées de manière à en permettre l'accès et l'utilisation par tous les usagers, y compris ceux éprouvant des difficultés à s'orienter, à se mouvoir ou à communiquer. Il s'agissait ainsi de modifier le projet en respectant la norme SIA 500, qui prévoyait 3 % de chambres d'hôtes de type I et 20 % de chambres d'hôtes de type II. Par ailleurs, le dégagement horizontal devant les portes d'ascenseur ne devait pas être inférieur à 1,40 m x 1,40 m. En outre, restait réservée la dérogation prévue à l'art. 11 LCI. Enfin, dans le cadre du permis d'occuper, les propriétaires étaient invités à prendre contact avec le service de l'inspection de la construction et des chantiers afin de renégocier l'obtention du permis d'occuper.

28.         En réponse, les propriétaires ont déposé une nouvelle demande d'autorisation complémentaire enregistrée par le département le 13 janvier 2022 sous DD 3______/4. La lettre d'accompagnement de leur architecte, en date du 20 décembre 2021, précisait, au sujet de l'accessibilité, qui n'était pas possible de réaliser des chambres pour personnes à mobilité réduite pour des questions d'accès, s'agissant en particulier des dimensions de la cabine d'ascenseur, laquelle ne pouvait techniquement pas être agrandie.

29.         Par préavis du 20 janvier 2022, l'OAC a relevé que le dossier était incomplet et a invité les propriétaires à fournir des plans et coupes de géomètre décrivant en jaune-rouge les modifications par rapport à l'autorisation initiale et permettant de voir le gabarit sur cour en demandant l'éventuelle dérogation prévue par l'article 11 LCI. Le plan devait être complété avec ceux des bâtiments voisins sur cour, démontrant l'absence de jours croisés.

30.         Les propriétaires y ont donné suite le 18 février 2022, la coupe établie par le géomètre le 10 février 2022 indiquant un très large dépassement du gabarit du fait du dernier étage faisant l'objet de la requête d'autorisation et comme tel indiqué en rouge (mais déjà construit).

31.         Par courrier du 2 mars 2022, l'OAC a relevé que la coupe du géomètre indiquait un gabarit légal erroné qui correspondait à des logements (R+6 au lieu de R+3) et non pas à un hôtel. Sur cour, cette coupe devait démontrer la distance légale disponible eu égard à la hauteur du projet. Sur rue, les propriétaires devaient demander une dérogation selon l'article 11 LCI et faire part de leurs arguments pour la soutenir. Il s'agissait encore de démontrer l'absence de jours croisés sur une distance de 4 m.

32.         Sous la plume de leur architecte, les propriétaires ont répondu par courrier du 6 mars 2022 que la requête d'autorisation complémentaire visait à régulariser un projet qui avait été réalisé, par erreur, différemment de l'autorisation, et qui avait déjà été amendé à hauteur de Fr. 50'000.-. Il était en outre rappelé que, par lettre du 12 mars 2019, l'OAC avait renoncé exceptionnellement à la remise en état complète. Par ailleurs, les plans et coupes demandées étaient joints à ce courrier, y compris ceux démontrant qu'il n'existait pas de jours croisés sur une distance de 4 m. La nouvelle coupe établie par le géomètre le 4 mars 2022 montre que du côté cour, l'immeuble (y compris avec sa surélévation) est compris à l'intérieur du gabarit légal, tandis que sur rue, le dépassement du gabarit est encore plus manifeste que par rapport à la coupe du 10 février 2022.

33.         Le 29 mars 2022, la CA a préavisé négativement le projet. Elle a pris note que la remise en état du volume n'était pas exigée par le département. Malgré les explications données, la cabine d'ascenseur pouvait techniquement être agrandie, raison pour laquelle la dérogation aux normes applicables était en l'état refusée. Il était en outre demandé d'indiquer si des chambres étaient accessibles pour les personnes à mobilité réduite afin d'évaluer la proportionnalité.

34.         Le 7 avril 2022, la Ville de H______ à préavisé défavorablement le projet, lequel, bien que déjà réalisé, était non conforme à ce qui avait été préalablement autorisé. Toutefois, elle prenait bonne note de « la notification d'infraction transmise au dépositaire de la requête lui intimant l'ordre de déposer l'installation de climatisation ainsi que le paiement d'une amende ».

35.         Par courrier du 4 mai 2022, l'architecte des propriétaires a donné différentes explications, accompagnées de plans, sur l'impossibilité technique d'agrandir l'ascenseur, de sorte qu'il n'existait pas d'intérêt à aménager des chambres accessibles pour personnes à mobilité réduite.

36.         Le 1er juin 2022, la CA a demandé que la cabine d'ascenseur et l'accès soient modifiés pour favoriser l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, ainsi que l'aménagement en leur faveur de deux chambres à l'étage de la surélévation.

37.         Le 8 juin 2022, la Ville de H______ a réitéré son préavis défavorable en regrettant « le manque de considération et de respect de la loi, et de la Constitution genevoise, lors de cette rénovation afin de garantir une accessibilité universelle pour ce type d'établissement hôtelier, qui rend la Ville inclusive ».

38.         Par courrier du 6 juillet 2022, l'architecte a précisé qu'il avait eu l'occasion de discuter avec Monsieur MATHEZ au sujet du préavis de la CA du 1er juin 2022 et a réitéré ses explications sur l'impossibilité de donner suite à la demande de la CA en réalisant un accès pour personnes à mobilité réduite.

39.         Par préavis du 15 août 2022, la CA s'est déclarée favorable au projet, prenant bonne note que les dimensions de la cabine d'ascenseur n'étaient pas conformes et ne permettaient pas l'utilisation par une personne en fauteuil roulant. Dès lors, la CA n'émettait plus aucune remarque.

40.         Toutefois, par préavis du 3 octobre 2022, la CA a « précisé le contenu de ses précédents préavis en lien avec les demandes de dérogation ». Elle restait défavorable à l'agrandissement du dernier étage qui n'avait pas évolué depuis la requête DD 3______/2. Elle maintenait dès lors la teneur de son préavis du 10 juillet 2018. Cela étant, comme indiqué dans son préavis du 29 mars 2022, elle prenait bonne note du renoncement du département au fait de demander la remise en état de la modification volumétrique. Dès lors, elle avait analysé la question de la dérogation nécessaire pour les aménagements intérieurs. Celle-ci était finalement acceptée, vu la démonstration de l'impossibilité que l'ascenseur soit utilisé par une personne en fauteuil roulant, ainsi qu'en application du principe de proportionnalité.

41.         Par décision du 12 décembre 2022, le département a refusé l'autorisation de construire relative à la demande DD 3______/4. Le projet consistait en une nouvelle tentative de régulariser les travaux effectués dans le cadre de l'autorisation de construire initiale délivrée le 19 mai 2015. Il fallait rappeler qu'une première demande d'autorisation de construire complémentaire destinée à tenter de régulariser les travaux non conformes avait été refusée le 12 mars 2019 dans le cadre de la DD 3______/2, au vu du préavis défavorable rendu par la CA le 10 juillet 2018. Selon l'article 11 al. 4 LCI, le département pouvait, après consultation de la CA, autoriser un dépassement du gabarit prescrit par la loi à certaines conditions. Or, il apparaissait que la CA, dans son préavis défavorable du 3 octobre 2022, avait clairement fait savoir qu'elle maintenait la teneur défavorable de son préavis du 10 juillet 2018 émis lors de l'instruction de la requête DD 3______/2, en raison de l'architecture proposée. Elle avait constaté que le projet examiné ne modifiait en rien l'agrandissement du dernier étage. Le département faisait par conséquent sienne la position de la CA, ce d'autant plus que la Ville de H______ s'était également exprimée de manière défavorable le 2 août 2022.

42.         Par acte du 27 janvier 2023, les propriétaires ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, en concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de construire sollicitée. Dit recours fait l'objet de la présente procédure.

Cette décision violait le principe de la bonne foi, car le département avait adopté un comportement contradictoire. En effet, l'OAC avait indiqué, par décision du 12 mars 2019, qu'il renonçait à exiger la remise en état totale en vertu du principe de proportionnalité. Il avait également ordonné des mesures de remise en état partielle et leur avait infligé une amende de CHF 50'000.-, en les invitant à solliciter un permis d'occuper sur cette base. Le fait de renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, pouvait se justifier si les dérogations à la règle étaient mineures, si l'intérêt public lésé n'était pas de nature à justifier le dommage que la démolition pouvait causer au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire, ou encore s'il y avait des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Dans le cas d'espèce, le département avait de toute évidence considéré que soit l'intérêt public lésé n'était pas de nature à justifier le dommage que subirait le maître de l'ouvrage s'il devait procéder à une démolition, soit que la construction se verrait reconnaître comme conforme au droit. À tout le moins, ils étaient fondés à interpréter la décision du 12 mars 2019 dans ce sens. Ils s'étaient ainsi fiés aux indications de l'OAC en pensant que la question de la hauteur des gabarits avait été réglée et qu'un permis d'occuper leur serait délivré dès la réalisation des mesures ordonnées. Ils avaient par conséquent renoncé à recourir contre le refus d'autorisation de construire DD 3______/2 et payé l'amende qui leur avait été infligée. La teneur de la décision de l'OAC, les assurances émises par cette dernière et le comportement des autorités les avaient conduits à considérer de bonne foi que les travaux effectués étaient, dès réalisation des conditions imposées par l'OAC dans sa décision du 12 mars 2019, tolérés, voire acceptés, et que l'obtention du permis d'occuper n'était qu'une formalité. Dans son jugement [du 24 septembre 2020], le tribunal avait admis qu'ils étaient légitimés à aboutir à cette conclusion. Cette contradiction n'avait d'ailleurs pas échappé à la CA, laquelle avait pris bonne note du renoncement du département de demander la remise en état de la modification volumétrique. Ils faisaient ainsi face à des décisions contradictoires qui les mettaient dans une situation inextricable. D'une part, l'OAC leur avait fait croire qu'un permis d'occuper leur serait octroyé et finalement le refusait au motif de la non-conformité des travaux à l'autorisation initiale et, d'autre part, il refusait de régulariser les travaux en octroyant une autorisation complémentaire sous prétexte de la hauteur des gabarits. L'OAC perdait ainsi de vue qu'il avait volontairement renoncé à exiger une remise en état complète, de sorte que la question des gabarits avait été définitivement entérinée. Il ne pouvait raisonnablement renoncer à exiger cette remise en état et refuser ensuite de délivrer une autorisation complémentaire visant à régulariser les travaux, tout en refusant de délivrer un permis d'occuper pour ce même motif. Il était au demeurant incompréhensible de solliciter de leur part qu'ils procèdent à des travaux de mise en conformité des locaux, engageant ainsi des sommes considérables, et que ces locaux soient finalement inexploitables à défaut d'autorisation complémentaire, respectivement de permis d'occuper.

La décision litigieuse résultait en outre d'un abus du pouvoir d'appréciation du département. En effet, celui-ci s'était basé exclusivement sur le préavis défavorable de la CA, dont l'avis n'était pourtant que consultatif. La CA s'était d'ailleurs exprimée de manière particulièrement laconique en se contentant d'indiquer qu'elle était défavorable à l'agrandissement du dernier étage en raison du fait qu'il n'avait pas évolué depuis la requête DD 3______/2. Le renvoi à son préavis du 10 juillet 2018 n'y changeait rien, puisque ce dernier se contentait d'exprimer que la CA était défavorable à l'architecture réalisée, sans référence aux conditions précisées par l'art. 11 LCI. Il en découlait qu'à défaut de motivation, les recourants ignoraient quelles conditions faisaient défaut pour l'octroi d'une dérogation. La décision litigieuse ne prenait nullement en considération la décision prise par la même autorité de renoncer à exiger une remise en état complète. Le département ne pouvait pas non plus s'appuyer sur le préavis défavorable de la Ville de H______, qui n'était pas non plus contraignant.

En tout état, leur intérêt privé à ne pas être atteints dans leur liberté économique, du fait d'être empêchés d'exploiter le dernier étage de l'hôtel (et ce après s'être conformés à toutes les exigences de l'autorité), devait prévaloir sur un quelconque intérêt public. Au demeurant, le département faisait fi du principe de sécurité du droit qui imposait en l'espèce de régulariser définitivement les travaux réalisés et de mettre un terme à la situation inextricable générée par les décisions contradictoires qu'il avait rendues.

43.         Par écritures du 30 mars 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Les recourants confondaient la décision de refus qu'ils contestaient et celle refusant de délivrer le permis d'occuper. Il n'y avait par ailleurs pas de contradiction à renoncer à ordonner une remise en état et à refuser l'autorisation de construire complémentaire. La renonciation à l'ordre de remise en état était postérieure à la tentative de régulariser les travaux réalisés sans droit. Ainsi, rien ne pouvait laisser croire aux recourants que les violations qu'ils avaient commises pourraient être reconnues comme conformes au droit. Il fallait rappeler, comme le département l'avait déjà souligné dans le cadre de la précédente procédure judiciaire, que c'était sur la base des indications fournies par les propriétaires, à savoir que l'ordre de remise en état demeurerait sans effet, que le département y avait renoncé. Il avait cependant été précisé aux propriétaire que cette renonciation ne les empêchait pas de rétablir spontanément une situation conforme à l'autorisation de construire initiale.

L'argument des recourants concernant le fait que le département avait commis un excès de son pouvoir d'appréciation en ne s'écartant pas du préavis défavorable de la CA n'était pas recevable, puisque cette question avait été définitivement tranchée par la décision de refus prononcée par le département le 12 mars 2019. Quoi qu'il en soit, on ne pouvait suivre les recourants au sujet du fait que le préavis de la CA ne serait pas suffisamment motivé, car celle-ci avait précisé, dans le cadre de la DD 3______/2, qu'elle était défavorable à l'architecture réalisée, ce qui signifiait que l'une des conditions cumulatives d'une dérogation selon l'art. 11 LCI n'était pas satisfaite.

44.         Invités par courrier du tribunal du 3 avril 2023 à déposer une réplique jusqu'au 3 mai 2023, les recourant n'y ont à ce jour pas donné suite.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             L'objet du litige consiste dans le refus de l'autorité intimée de délivrer l'autorisation relative à la requête enregistrée sous DD 3______/4.

Les coupes produites par les recourants indiquent que cette requête inclut, sans changement par rapport à l'état existant, le dernier étage de l'hôtel, dont la réalisation, essentiellement dans son gabarit et dans sa matérialisation, ne correspond fondamentalement pas au projet autorisé par la DD 3______, selon l'appréciation faite à l'époque par la société F______ SA, mandatée par les recourants eux-mêmes.

Cette requête constitue donc, après celle qui avait fait l'objet de la procédure DD 3______/2, une nouvelle tentative de régulariser la construction de ce dernier étage, tout en incluant d'autres travaux effectués dans l'intervalle pour remédier à certains défauts, notamment en termes de sécurité.

4.             Les recourants ne contestent pas que leur immeuble dépasse les gabarits légaux et que son volume actuel ne peut être autorisé que moyennant l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI. À cet égard, le tribunal relève que selon la coupe établie par leur géomètre en date du 4 mars 2022, l'immeuble, côté rue, dépasse de plusieurs mètres le gabarit légal.

Les recourants considèrent cependant que le refus de leur octroyer cette dérogation et donc de leur délivrer l'autorisation requise, découle, d'une part, d'une violation du principe de la bonne foi et, d'autre part, d'un excès négatif du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée.

Ces deux griefs seront examinés l'un après l'autre.

5.             Selon l'art. 11 al. 4 LCI, le département peut, après consultation de la commission d'architecture, autoriser un dépassement du gabarit prescrit par la loi lorsque les constructions prévues (let. a) sont édifiées sur des terrains dont la surface libre est suffisante pour préserver les voisins des inconvénients que pourrait impliquer le supplément de hauteur ; (let. b) n'excèdent pas l'indice d'utilisation du sol qui résulterait de la stricte application de la loi ; (let. c) ne nuisent pas à l'harmonie de la silhouette de l'agglomération ni à la perception de sa topographie ; (let. d) se justifient par leur aspect esthétique et leur destination et sont compatibles avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier.

6.             Découlant directement de l'art. 9 et 5 al. 3 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_934/2016 du 13 mars 2017 consid. 3.1 ; 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Selon ce principe, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent être compris dans le sens que son destinataire pouvait et devait leur attribuer selon les règles de la bonne foi, compte tenu de l'ensemble des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 135 III 410 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 in RDAF 2005 71 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 569 s).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 4 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2016, 7ème éd., p. 141 ss et p. 158 n. 69).

7.             En l'espèce, s'agissant du fait que l'autorité intimée aurait adopté un comportement contradictoire en renonçant, par sa décision du 12 mars 2019, à exiger la remise en état totale tout en les invitant à solliciter un permis d'occuper, les recourants sortent du cadre du présent litige, puisqu'ils s'en prennent à la décision du 12 mars 2019. Ils reviennent de surcroît sur une question qui a déjà été tranchée par le tribunal dans son jugement du 24 septembre 2020 (JTAPI/4______).

Par ailleurs, comme ils le relèvent eux-mêmes, la renonciation à un ordre de démolition peut découler de considérations très diverses, dont fait notamment partie le fait qu'il existe des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. C'est toutefois de manière abusive que les recourants en déduisent que c'est pour cette raison que l'autorité intimée avait renoncé à exiger la remise en état de l'immeuble, puisque la décision du 12 mars 2019 motivait en réalité cette renonciation en raison des coûts très importants que la remise en état aurait entraîné pour les recourants et donc par application du principe de proportionnalité. On ne saurait donc reprocher à l'autorité intimée d'avoir à aucun moment laissé entendre que les travaux réalisés sans autorisation pourraient finalement être considérés comme conformes au droit.

Le tribunal ne voit pas non plus quelles indications données par l'OAC auraient permis aux recourants de penser que la question de la hauteur des gabarits avait été réglée, les recourants n'expliquant d'ailleurs pas clairement ce qu'ils entendent par là. Il a au contraire toujours été clair qu'ils avaient gravement outrepassé l'autorisation de construire initiale et que leur immeuble dépassait largement le gabarit légal. Quant au fait que la CA a pris bonne note du renoncement de l'autorité intimée de demander la remise en état de la modification volumétrique, les recourants ne peuvent pas en tirer argument, dès lors que le principe de la bonne foi concerne le comportement ou les engagements pris par une autorité habilitée à prendre des décisions et non pas les avis prononcés par les instances de préavis que cette autorité consulte.

Le tribunal relève enfin que la situation dans laquelle se retrouvent les recourants et qu'ils qualifient d'inextricable découle essentiellement de la grave infraction qu'ils ont commise suite à la délivrance de l'autorisation de construire DD 3______. Le fait d'avoir renoncé à recourir contre la lourde amende qui a sanctionné cette infraction signifie certes qu'ils ont payé leur faute, mais ne leur donne en revanche aucun droit d'obtenir, comme s'il s'agissait d'une sorte de contrepartie, une autorisation de construire contraire au droit.

8.             Le grief de violation du principe de la bonne foi sera donc rejeté.

9.             Selon l'art 61 al. 1 let. a LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation.

10.         Selon la jurisprudence, commet un excès positif de son pouvoir d'appréciation, l'autorité qui exerce son appréciation alors que la loi l'exclut, ou qui, au lieu de choisir entre les deux solutions possibles, en adopte une troisième. Il y a également excès du pouvoir d'appréciation dans le cas où l'excès du pouvoir est négatif, soit lorsque l'autorité considère qu'elle est liée, alors que la loi l'autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73 ; 116 V 307 consid. 2 p. 310 et réf. cit).

11.         En l'espèce, l'argumentation des recourants reprochant à l'autorité intimée de s'être fondée exclusivement sur le préavis défavorable de la CA n'est pas de nature à mettre en évidence un excès négatif du pouvoir d'appréciation. En effet, l'autorité intimée peut être amenée à refuser une autorisation de construire en raison de problèmes spécifiques qui n'intéressent qu'une seule instance de préavis. En outre, bien qu'un préavis ne soit que consultatif, l'instance concernée peut néanmoins être amenée à constater que tel aspect d'un projet est contraire à des normes obligatoires, de sorte que, dans ces cas-là, l'autorité intimée ne dispose d'aucune autre possibilité que de refuser l'autorisation, quand bien même ce refus ne repose que sur un seul préavis négatif. Lorsque l'instance concernée est amenée à préaviser une dérogation, laquelle découle généralement de la prise en considération de différents critères, l'autorité intimée dispose certes de son propre pouvoir d'appréciation, qu'elle est d'ailleurs tenue d'exercer, sauf à tomber dans un excès négatif de ce pouvoir. Il n'en demeure pas moins que lorsque l'instance de préavis est composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3e ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d), il convient de ne pas minimiser son préavis (ATA/1633/2019 du 5 novembre 2019 consid. 6b). L'autorité intimée ne saurait ainsi purement et simplement substituer sa propre appréciation à celle de l'instance concernée et doit pouvoir, cas échéant, expliquer en quoi le préavis concerné manque de pertinence.

12.         Dans le cas d'espèce, les recourants se dispensent complètement d'expliquer en quoi, contrairement à l'avis de la CA, les critères d'une dérogation au sens de l'art. 11 al. 4 LCI seraient réalisés. Il n'y a donc pas de quoi relativiser le préavis négatif de la CA, ni reprocher à l'autorité intimée d'avoir fondé son refus sur ce préavis. Au demeurant, le tribunal souligne à nouveau que selon la coupe que les recourants ont eux-mêmes produite, l'étage supérieur qu'ils ont réalisé de manière non conforme à l'autorisation de construire initiale dépasse très largement le gabarit légal, de sorte qu'il n'est pas surprenant que l'on puisse juger que les critères d'une dérogation, qui se rapportent globalement à l'intégration de l'immeuble dans son environnement, ne soient pas réalisés.

13.         Enfin, dans un argument que l'on peut lier au grief relatif au mauvais usage que l'autorité intimée aurait fait de son pouvoir d'appréciation, les recourant font état de leur intérêt privé à ne pas être atteints dans leur liberté économique, lequel devrait prévaloir sur un quelconque intérêt public.

14.         Le défaut d'un tel raisonnement est que l'intérêt économique d'un maître d'ouvrage à pouvoir régulariser une construction non conforme est susceptible d'augmenter proportionnellement à l'importance des éléments non conformes. Par conséquent, plus il s'écarterait d'une autorisation de construire, plus l'intérêt public au respect des normes du droit la construction devrait être relativisé, ce qui serait totalement contraire à certains principes fondamentaux du droit public, dont celui de la légalité, de l'intérêt public et de la bonne foi.

15.         Par conséquent, le grief relatif au mauvais usage du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée sera lui aussi écarté.

16.         Intégralement non fondé, le recours sera rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 1'500.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 300.-, leur sera restitué.

18.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 janvier 2023 par Messieurs A______ et B______ contre le refus d'autorisation de construire DD 3______/4 prononcé par le département du territoire le 2 décembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 1'200.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 1'500.- ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 300.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 H______ 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

H______, le

 

La greffière