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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/309/2023

JTAPI/134/2023 du 03.02.2023 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/309/2023 MC

JTAPI/134/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 février 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Magali BUSER, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par jugement du 27 janvier 2021, le Tribunal de police a reconnu Monsieur A______, né le ______ 1988 et originaire du Sénégal, coupable d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants (19 al. 1 let c et d et al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 [LStup - RS 812.121]), d'entrée illégale et de séjour illégal, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 99 jours de détention avant jugement, avec sursis. Simultanément, le Tribunal a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de 5 ans – mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter - ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 6 février 2021.

2.             Placé en détention administrative le 6 février 2021 – l'ordre de mise en détention administrative ayant été confirmé par le jugement rendu par le Tribunal administratif de première instance le 9 février 2021, M. A______ a été rapatrié au Sénégal le 17 février 2021.

3.             Revenu en Suisse en violation de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, M. A______, qui avait dissimulé dans son abdomen des ovules de cocaïne et qui était en possession d'une pièce d'identité belge falsifiée, a été arrêté le 3 juin 2022 à B______. Entendu par les enquêteurs, il a notamment indiqué ne pas souhaiter retourner au Sénégal. Il a par ailleurs déclaré n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu. L'intéressé a été maintenu en arrestation provisoire.

4.             Par jugement du 29 septembre 2022, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable de rupture de ban, de faux dans les certificats étrangers et d'infractions à la LStup (art. 19 al. 1 let. b), l'a condamné à une peine privative de liberté de douze mois (sous déduction de 119 jours de détention avant jugement). Simultanément, le Tribunal a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

5.             Par jugement du 30 décembre 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 31 janvier 2023. Il faut relever ici que dans le cadre de l'examen relatif à sa libération conditionnelle, l'intéressé a fait savoir qu'il souhaitait, à sa sortie de prison, se rendre en France, où il a dit résider chez un ami.

6.             M. A______ étant dépourvu de tout document de voyage, les autorités genevoises ont initié, en novembre 2022 - soit durant la détention pénale de l'intéressé - une demande de soutien à l'exécution du renvoi. Cette procédure a abouti le 24 janvier 2023, les autorités sénégalaises ayant reconnu M. A______ comme étant un ressortissant de leur Etat. Selon les indications transmises le 30 janvier 2023 par le Secrétariat d'Etat aux migrations, il faut compter quelques jours pour que l'information en question parvienne à la connaissance de la représentation diplomatique du Sénégal à Genève, ensuite de quoi la délivrance d'un laissez-passer pourra être sollicitée et un vol réservé, moyennant un délai de trois semaines pour un DEPU et d'un mois ou plus pour un DEPA.

7.             A sa sortie de prison, le 31 janvier 2023, M. A______ a été remis entre les mains de services de police en vue de son refoulement.

8.             Le même jour, M. A______ s'est vu notifier une décision de non-report de la nouvelle mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son encontre, après avoir eu l'occasion de faire valoir son droit d'être entendu à cet égard.

9.             Le 31 janvier 2023 à 15h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, considérant notamment qu'il avait franchi la frontière malgré une mesure d'expulsion prononcée à son encontre.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi au Sénégal (pays).

10.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

11.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner au Sénégal et de prendre l'avion qui serait réservé pour lui.

La représentante du commissaire de police a versé à la procédure des pièces, notamment une déclaration de départ signée par M. A______ le 1er février 2023, étant précisé qu'à cette occasion, la question d'une indemnité de départ avait été évoquée et que M. A______ devait encore rencontrer un collaborateur de l'OCPM la semaine prochaine. En principe, la pratique était de ne pas accorder d'aide au retour lorsque celui-ci avait lieu sur la base d'une expulsion judiciaire. L'administration sénégalaise à C______ devait faire part à son ambassade à Genève du fait qu'elle reconnaissait cas échéant M. A______ en tant que ressortissant sénégalais, mais hier, cette ambassade n'avait pas encore reçu cette information, bien que le SEM eût appris de son côté que les autorités sénégalaises avaient d'ores et déjà reconnu M. A______. De son côté, le SEM avait demandé aux autorités genevoises de respecter un délai de vol de quatre semaines, étant donné qu'une fois qu'elle aurait reçu l'information de C______, c'était à l'ambassade qu'il reviendrait de délivrer un laissez-passer. Au vu de tout ceci, le commissaire de police avait réservé un vol pour le 2 mars 2023, car il fallait compter avec un délai minimum de trois semaines pour la délivrance de ce laissez-passer. Il s'agirait d'un vol non accompagné. La représentante du commissaire de police a sollicité la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pris à l'encontre de M. A______ le 31 janvier 2023 à 15h10 pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à ce que la durée de la détention administrative de son mandant n'excède pas un mois, soit jusqu'au 2 mars 2023.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 31 janvier 2023 à 14h00.

3.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

4.            En l'espèce, M. A______ faisait l'objet d'une décision d'expulsion de Suisse prononcée le 27 janvier 2021 pour une durée de cinq ans lorsqu'il a été arrêté à Genève le 3 juin 2022 et dès lors, condamné par le tribunal de police le 29 septembre 2022, notamment pour rupture de ban. Par ailleurs, son expulsion pour cinq ans prononcée le 27 janvier 2021 se trouve doublée d'une mesure d'expulsion pour une durée de dix ans prononcée le 27 septembre 2022. Par conséquent, sous l'angle du principe de la détention, les conditions légales prévues par les dispositions susmentionnées sont réalisées.

5.            Sous l'angle du principe de proportionnalité, il est évident, vu la violation par M. A______ de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre le 27 janvier 2021, que seule une détention administrative permet de s'assurer de sa présence au moment où la prochaine exécution de son expulsion aura lieu. Les autorités ont par ailleurs agi avec diligence et il existe un intérêt public évident à l'exécution de l'expulsion elle-même.

6.            En réalité, M. A______ ne conteste sa détention que sous l'angle de la durée de trois mois prononcée par la décision litigieuse, considérant qu'elle ne devrait pas dépasser la date du 2 mars 2023, laquelle correspond à la date du vol d'ores et déjà réservé pour lui.

7.            Le tribunal ne peut suivre la proposition de M. A______, car même s'il a collaboré à sa précédente exécution, on ne saurait retenir de façon tout à fait certaine qu'il en ira de même le 2 mars 2023. Or, si ce vol doit échouer, que ce soit par l'opposition de M. A______ ou même pour une raison indépendante de sa volonté (voire également de celle des autorités suisses), il conviendrait que l'OCPM puisse saisir s'il le souhaite, le tribunal d'une demande de prolongation de la détention, ce qui ne serait alors plus possible si la détention prenait fin au moment de l'échec du vol du 2 mars 2023. On rappellera que l'OCPM doit respecter un délai minimum de huit jours ouvrables pour saisir le tribunal d'une demande de prolongation de la détention (art. 8 al. 4 LaLEtr) et qu'en tous les cas, le tribunal doit pouvoir se prononcer avant l'échéance de la détention en cours. La question qui se pose est donc de savoir s'il se justifie de réduire la durée de détention prononcée par le commissaire de police, par exemple à deux mois au lieu de trois. Tel n'est pas le cas, car l'hypothèse la plus vraisemblable actuellement concernant un éventuel échec du vol prévu le 2 mars 2023, correspondrait au fait que M. A______ se serait opposé à son expulsion. Dans cette hypothèse, il conviendrait que l'autorité compétente puisse réserver un nouveau vol, cette fois avec escorte policière, ce qui prendrait vraisemblablement à nouveau quelques semaines. Dans cette perspective, il n'y aurait pas vraiment de sens à ce qu'elle soit obligée de déposer une demande de prolongation un mois à peine après l'échec du premier vol. À cela s'ajoute que si, au contraire, M. A______ prend effectivement son vol le 2 mars 2023, sa détention prendra fin à ce moment-là.

8.            Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

9.            Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocate et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 31 janvier 2023 à 15h10 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 30 avril 2023 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocate, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 3 février 2023

 

La greffière