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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3960/2020

JTAPI/1353/2022 du 01.12.2022 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : ANTENNE;TÉLÉPHONE MOBILE;ESTHÉTIQUE
Normes : LCI.15
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3960/2020 LCI

JTAPI/1353/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er décembre 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Stephan KRONBICHLER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______, intervenante

C______, intervenante

 


EN FAIT

1.             Par requête réceptionnée par le département du territoire (ci-après : DT ou le département) le 31 mai 2019 et enregistré sous n° DD 1______, A______ SA a requis l'autorisation de poser une nouvelle installation de télécommunication mobile sur la parcelle n° 2______ de la commune de D______, à l'adresse E______. Sur cette parcelle et sa parcelle voisine n° 3______ est édifié un immeuble à usage d'habitation comprenant quatre étages sur rez-de-chaussée, pourvu d'un toit en tuiles à quatre pans (dont deux pans courts aux extrémités).

2.             Selon les plans joints la requête, l'ensemble serait constitué de deux antennes dont les mâts émergeraient du pan situé à l'extrémité nord de l'immeuble. L'antenne la plus élevée dépasserait de 2,90 m le faîte du toit. Les plans n'indiquent pas la hauteur de la deuxième antenne, légèrement moins élevée que la première. Depuis la voie publique, l'immeuble à une hauteur d'environ 15 m jusqu'au niveau inférieur du pan de toiture incliné et d'environ 18 m jusqu'au faîte du toit.

3.             Le dossier de requête contient notamment la « fiche de données spécifique au site concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) », dans sa version 1.5, établie le 29 avril 2019.

4.             Par préavis du 20 juin 2019, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA) a demandé des pièces complémentaires. Les travaux dirigés par l'office fédéral de l'environnement (OFEV) sur le déploiement de nouvelles antennes liées à la 5G, de type adaptatif, et sur la méthodologie de contrôle in situ du rayonnement, étaient en cours. Le canton réservait dès lors sa position dans l'attente du résultat de ces travaux, conformément à l'application du principe de prévention.

5.             Par préavis du 27 juin 2019, la commune de D______ a préavisé défavorablement le projet en indiquant qu'elle refusait l'installation d'antennes 5G sur son territoire.

6.             Le 15 juillet 2019, le service des monuments et des sites s'est déclarée non concerné par le projet, étant donné que le bâtiment se situait en dehors de la zone 4B protégée et ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection patrimoniale. Le service s'en remettait à la Commission d'architecture, tout en attirant son attention sur l'intégration particulièrement mauvaise de l'installation, placé de manière très exposée et très visible sur la toiture d'un immeuble situé sur le futur boulevard urbain au nord du village de Bernex.

7.             Le 30 juillet 2019, la Commission d'architecture (CA) a demandé la modification du projet, en ce sens que les antennes devaient être déplacées davantage au centre du bâtiment, « au minimum sous la ligne de faîte ».

8.             Par courrier du 23 août 2019, le département a communiqué à A______ SA les préavis du SABRA, de la commune et de la CA.

9.             Par courrier du 6 octobre 2020 adressé au département, A______ SA a noté que celui-ci avait décidé de suspendre l'instruction des dossiers tant que l'OFEV n'avait pas terminé ses travaux sur la méthodologie de contrôle in situ du rayonnement. Une décision sujette à recours était sollicitée, le département étant mis en demeure à cet égard.

10.         Par décision du 28 octobre 2020, le département, soit pour lui l'office des autorisations de construire (OAC), a refusé l'autorisation sollicitée. Sous l'angle du principe de prévention instauré par la législation sur la protection de l'environnement, il fallait relever que la Confédération avait mis sur pied, en septembre 2018, un groupe de travail chargé d'analyser les risques liés au déploiement des réseaux 5G. À ce titre devait être déterminé, entre autres, si les valeurs limites d'installation préventives applicables aux antennes de téléphonie mobile en vigueur respectaient encore, en cas de développement de celles-ci, les critères relatifs au principe de précaution. Le rapport de ce groupe de travail avait été publié le 28 (recte : 18) novembre 2019. Il en résultait que ce groupe n'était pas parvenu à se mettre d'accord et n'avait émis aucune recommandation sur une éventuelle modification des valeurs limites de l'installation. La Confédération avait décidé de la mise en œuvre de mesures d'accompagnement, qui n'étaient pas connues à ce jour. Dès lors, le Conseil d'État avait décidé en décembre 2019 de prolonger le moratoire instauré en avril. Toutefois, les opérateurs de téléphonie mobile avaient requis que des décisions soient émises. Par ailleurs, la CA avait demandé que le projet soit modifié afin que les antennes soient déplacées davantage au centre du bâtiment, au minimum sous la ligne de faîte. De surcroît, la commune avait émis un préavis défavorable.

11.         Par acte du 19 novembre 2020, A______ SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant principalement, d'une part, à son annulation et, d'autre part, à la délivrance de l'autorisation sollicitée, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi du dossier au département afin qu'il délivre cette autorisation.

S'agissant de la procédure suivie, il fallait préciser qu'au courant des deux années précédentes, A______ SA, F______ SA et G______ [H______ GmbH] avaient déposé une centaine de demandes d'autorisation portant sur des transformations et des nouvelles constructions d'installations de téléphonie mobile 5G dans le canton de Genève. L'office des autorisations de construire (OAC) avait décidé de suspendre toutes ces procédures après que le SABRA eût refusé de préaviser les dossiers en attendant le résultat des travaux de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) sur la méthodologie de contrôle in situ du rayonnement dans le cadre de l'application du principe de prévention. Ne partageant pas ce point de vue, les trois opérateurs avaient sommé l'OAC de reprendre l'instruction des dossiers et de délivrer les autorisations de construire pour l'ensemble des procédures concernées, respectivement de rendre des décisions sujettes à recours s'il devait décider de maintenir la suspension. Suite à cette sommation, l'OAC avait décidé de changer de stratégie et avait systématiquement rendu des décisions de refus d'autorisation de construire.

Le groupe de travail sur la téléphonie mobile et le rayonnement institué par le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) avait rendu son rapport le 18 novembre 2019, formulant essentiellement des propositions de mesures d'accompagnement, à savoir notamment concernant l'harmonisation et la simplification de l'exécution de l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant. Aucune recommandation n'avait en revanche été formulée en ce qui concernait une éventuelle adaptation des valeurs limites de l'installation prévues par cette ordonnance. Se fondant sur ce rapport, le Conseil fédéral avait décidé le 22 avril 2020 des prochaines étapes concernant le déploiement de la 5G. Il avait validé les mesures d'accompagnement proposées par le groupe de travail et avait précisé qu'en l'absence de recommandations dans ce sens, les valeurs limites de l'installation fixées dans l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant restaient inchangées.

Le principe de prévention était déjà concrétisé dans cette ordonnance, ainsi que l'avait récemment rappelé le Tribunal fédéral. Le fait que l'aide à l'exécution pour les antennes adaptatives, sur laquelle travaillait l'OFEV, n'était pas encore disponible, ne devait avoir aucune incidence sur le traitement des demandes pour des antennes 5G, puisque l'OFEV avait précisé qu'en attendant, les cantons pouvaient se baser sur le scénario le plus pessimiste pour aborder la question des antennes adaptatives, c'est-à-dire en évaluant le rayonnement en fonction de la puissance maximale. Sous l'angle du principe de prévention, le refus d'autorisation était donc contraire au droit fédéral applicable.

12.         Quant à la question de l'esthétique, le département n'expliquait pas en quoi le projet était contraire à la clause d'esthétique, respectivement pour quelles raisons l'installation devrait être déplacée. La décision litigieuse ne contenait aucune information, par exemple sur le paysage ou les bâtiments environnants, qui permette de juger de ces questions. En outre, l'emplacement prévu pour l'installation était dicté par les dispositions très restrictives en matière de rayonnement et tenait compte en particulier des lieux à utilisation sensible des bâtiments voisins, qui limiteraient déjà fortement l'exploitation de l'installation. S'il fallait déplacer ou abaisser le niveau des antennes, le site ne serait plus viable dans la mesure où la puissance des antennes devrait être fortement réduite afin de respecter les valeurs limite d'installation.

13.         Par courrier commun du 29 décembre 2020, C______ et l'association B______ (ci-après : les associations intervenantes) ont demandé à pouvoir intervenir dans la procédure.

14.         La présente procédure a ensuite été suspendue de fait afin de permettre au tribunal de traiter prioritairement, à titre de procédure-pilote, l'une parmi les près de 120 procédures dont il avait été saisi en quelques semaines par des opérateurs de téléphonie mobile recourant contre des refus d'autorisation de construire. Cependant, le département a informé le tribunal, par courrier du 7 juin 2021, qu'il reprenait l'instruction de la grande majorité de ces dossiers, de sorte que l'ensemble des causes concernées ont été rayées du rôle par jugements du 8 septembre 2021 (JTAPI/911/2021 à JTAPI/913/2021).

15.         Par écritures communes du 30 octobre 2021, les associations C______ et B______ (ci-après : les associations intervenantes) ont conclu au rejet des recours.

Les demandes de permis de construire pour les installations de téléphonie mobile étaient évaluées installation par installation. Or, dans les milieux urbains densément construits, ces installations s'inséraient dans un réseau préexistant, sans que les zones de recouvrement ne soient prises en compte. Cela impliquait que des personnes pouvaient être exposées simultanément au rayonnement cumulé de plusieurs antennes qui, individuellement, répondait aux normes d'émission, mais qui, en usage simultané, pouvaient dépasser les valeurs limites admises. Cette incertitude justifiait la position prudente des autorités genevoises en vue de respecter le principe de précaution.

Par ailleurs, les aides à la décision concernant les antennes adaptatives préconisaient l'usage de facteurs de réduction qui semblaient raisonnables. Cependant, lorsque l'on effectuait le calcul, on s'apercevait qu'avec une hausse des valeurs limites à 20 V/m pour les lieux à utilisation sensible, cela représentait avec les facteurs de réduction, pour les antennes à 64 sub arrays, 63,2 V/m pendant deux heures et 24 minutes par jour. Pour les antennes à 8 sub arrays, cela représenterait 12,49 V/m durant neuf heures et 32 minutes par jour.

Il découlait du rapport METAS de fin février 2020 sur la mesure des antennes adaptatives que les diagrammes d'antenne que les opérateurs de téléphonie mobile incluaient désormais dans les fiches de données de localisation et qui étaient utilisés pour calculer les prévisions de rayonnement dans les lieux d'utilisation sensible, étaient fondamentalement erronés. Les canaux de communication et de données pouvaient être abaissés jusqu'à 60° par rapport à l'horizontale. Les informations sur la puissance d'émission en watts EPR étaient également incorrectes. Ces valeurs étaient de 10 à 100 fois supérieures à celle indiquée dans les fiches de données de localisation, par exemple, si 1'200 utilisateurs devaient être desservis en même temps dans un même secteur. Les opérateurs de réseaux mobiles savaient déjà pourquoi ils annonçaient haut et fort que sans augmenter les valeurs limites suisses de 5 V/m à 20 V/m, l'introduction de la 5G ne serait pas possible d'ici trois ans. Cependant, une augmentation par 4 en V/m permettait aux opérateurs de conduire des émetteurs jusqu'à 16 fois plus puissants. Une autre évaluation technique effectuée ultérieurement par le professeur Thomas FLURI mettait en lumière que le rayonnement 5G n'était ni prévisible, ni mesurable.

Par ailleurs, en 2019, un avis de droit avait mis en lumière que l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant offrait un traitement privilégié aux antennes adaptatives, ce qui avait pour conséquence qu'il était impossible pour l'heure d'exclure un dépassement des valeurs limites et, par là-même, des effets nocifs sur l'être humain et l'environnement. Ni le Conseil fédéral ni l'OFEV ne pouvaient justifier de manière concluante que les antennes adaptatives entraînaient une exposition globale au rayonnement inférieure à celle des antennes conventionnelles.

Sous l'angle juridique, aussi bien les indications données aux cantons par l'OFEV que le rapport du groupe de travail publié le 19 novembre 2019 indiquaient que la téléphonie mobile avait des effets sur la santé, quand bien même le groupe de travail avait évalué les différentes preuves de manière très prudente. Il en découlait notamment qu'aucune étude n'était parue actuellement sur les effets de la 5G et que, ne disposant pas de l'expertise nécessaire, le groupe de travail n'avait pas évalué un grand nombre d'études cellulaires et animales faisant référence à un grand nombre de systèmes biologiques. Les critères retenus pour catégoriser les niveaux de preuve étaient très restrictifs, de sorte que même des effets démontrés dans plusieurs études scientifiques sérieuses indépendantes n'avaient pas été considérés comme prouvés. Malgré tout, de nombreux effets étaient d'ores et déjà considérés comme prouvés. Il en allait ainsi des effets sur les ondes cérébrales, du développement de tumeurs suite à une utilisation intensive du téléphone portable, de la cocancérogénèse dans l'expérimentation animale, de la circulation sanguine et du métabolisme cérébral, de dommages indirects sur l'ADN, de l'apoptose (mort cellulaire programmée), du stress oxydatif et de l'expression des gènes et des protéines.

De manière générale, le rapport n'apportait pas de réponse claire sur les effets sur la santé de la téléphonie mobile et encore moins de la 5G qui n'avait fait l'objet d'aucune étude. Une importante étude de l'OMS était attendue. Les éléments susmentionnés étaient inquiétants et, dans le cadre de l'application du principe de précaution, devaient inciter les autorités à la plus grande prudence.

Selon la recommandation de l'OFEV intitulée « Stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) », le calcul de la prévision effectuée dans le cadre de la procédure d'autorisation ne prenait pas en compte tous les détails de l'appropriation du rayonnement. Il était dès lors préconisé de procéder à une mesure de réception du rayonnement non ionisant après mise en service de l'installation si, selon le calcul de la prévision, le rayonnement subi en un lieu à utilisation sensible atteignait 80 % de la valeur limite de l'installation. En l'espèce, les immissions calculées étaient supérieures à 80 % de la valeur limite d'installation sur certains points d'évaluation, de sorte qu'il faudrait le cas échéant procéder à une mesure de réception du rayonnement non ionisant après mise en service de l'installation. Cela étant, selon les recommandations de l'OFEV et le rapport publié en 2014 par l'institut fédéral de métrologie METAS, l'incertitude des mesures effectuées était grande, puisque l'incertitude de mesure globale élargie était de +- 45 %. Plus précisément, la valeur réelle du rayonnement non ionisant avait une probabilité de 95 % de se situer dans un intervalle de +- 45 % par rapport à la valeur mesurée. Il n'existait actuellement aucune possibilité de réduire l'incertitude de mesure globale élargie de +- 45 % lorsque le rayonnement non ionisant était mesuré concrètement. En d'autres termes, on ne pouvait exclure que le rayonnement réel soit jusqu'à 45 % plus élevé que le rayonnement mesuré (les grands écarts étant plus rares) et il était probable que le rayonnement réel dépassait très souvent, même si c'était dans une moindre mesure, le rayonnement mesuré (les petits écarts étant fréquents). Or, dans un certain nombre de lieux à utilisation sensible, il n'y avait pratiquement plus de marge par rapport à la valeur limite d'installation. Comme la valeur qui serait mesurée après installation aurait une incertitude de l'ordre de +- 45 % et que la probabilité de petits écarts par rapport à la valeur mesurée était forte, il était presque certain que le rayonnement réel dépasserait la valeur limite d'installation de 5 V/m.

Enfin, il fallait relever que A______ SA n'avait pas indiqué dans ses requêtes en autorisation de construire si elles portaient ou non sur la 5G. Dans ses recours contre les refus d'autorisation qui lui avaient été adressés, A______ SA n'avait toujours pas précisé quelles installations n'étaient pas concernées par la 5G, de sorte qu'il n'y avait toujours aucune transparence à ce stade sur les technologies faisant l'objet des requêtes.

16.         Le département a répondu au recours par écritures du 7 décembre 2021, en concluant à son rejet.

Sur le plan juridique, s'il était vrai que le Conseil d'État avait levé la suspension des requêtes en autorisation de construire, il n'en demeurait pas moins que A______ SA n'avait pas produit la fiche de données spécifique au site contenant les informations supplémentaires requises par la nouvelle aide à l'exécution de l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant pour les antennes adaptatives. Partant, à ce stade, le projet n'était pas conforme à la disposition légale instituant le principe de prévention.

17.         Sur la question de l'esthétique, contrairement à ce que soutenait la recourante au sujet d'une prétendue absence de motivation du préavis de la CA, celle-ci, conformément à ses attributions, avait demandé que le projet, qui ne s'insérait pas dans son environnement, soit déplacé en raison de l'impact très important qu'il aurait sur l'esthétique du quartier, situé aux abords d'une zone de verdure. C'était à bon droit que le département, dans le cadre de la pesée des intérêts, avait estimé que la balance penchait plus en faveur de la protection du paysage. Le principe de proportionnalité était bien respecté, puisque le département ne s'opposait pas à l'installation d'une antenne, mais demandait que son emplacement soit modifié, tandis que la recourante n'avait pas démontré l'impossibilité de ce déplacement.

18.         Après avoir formulé successivement trois demandes de report de délai, A______ SA a répliqué le 6 mai 2022.

Reprenant ses arguments précédents au sujet du respect du principe de prévention, elle a produit la nouvelle fiche de données spécifique au site (dans sa version 1.6), établie le 31 janvier 2022, ce qui lui permettait ainsi de se conformer aux nouvelles exigences de déclaration et d'évaluation des antennes adaptatives, telles que prévues dans le complément d'aide à l'exécution de l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant du 23 février 2021. Par conséquent, le grief soulevé à ce sujet par le département n'était plus d'actualité et devrait être écarté.

Par ailleurs, il fallait rappeler que le groupe de travail à l'origine du rapport du 19 novembre 2019 n'avait pas pour mission d'étudier les effets de la téléphonie mobile sur la santé et encore moins de se prononcer sur le déploiement de la 5G. Dès lors, les critiques des parties intervenantes au sujet des études et des critères de preuve pris en compte pour établir ledit rapport n'étaient d'aucune pertinence. Il n'était pas possible non plus de tirer argument de ce rapport pour prétendre que les supposés effets inquiétants sur la santé auraient dû conduire à l'application de limites plus strictes que celles prévues par le droit fédéral en vigueur. Selon la jurisprudence clairement établie du Tribunal fédéral, le principe de prévention était considéré comme observé lorsque les valeurs limites prévues dans l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant étaient respectées. Il fallait noter que le groupe consultatif d'experts en matière de rayonnement non ionisant constitué par l'OFEV en 2014 sous l'acronyme BERENIS, dont la mission était de suivre les nouveaux travaux scientifiques relatifs à cette problématique, n'avait jusqu'ici pas mis en évidence un besoin d'agir.

Les parties intervenantes ne tenaient pas non plus compte de la neutralité technologique qui devait être appliquée en matière de rayonnement non ionisant. Dès lors que les effets de ce rayonnement ne dépendaient nullement de la technologie utilisée, mais uniquement de son intensité et de sa fréquence, l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant prévoyait des valeurs limites applicables de la même manière à toutes les technologies, qu'il s'agisse de la 3G, de la 4G ou de la 5G. Au surplus, on ne pouvait lui reprocher un manque de transparence, puisqu'elle pouvait librement déterminer les technologies exploitées sur ses installations, étant toutefois précisé que, selon les nouvelles recommandations d'exécution pour les antennes adaptatives, celles-ci devaient désormais être indiquées dans la fiche de données spécifique au site.

S'agissant de l'incertitude des mesures effectuées pour calculer le rayonnement des installations, la jurisprudence fédérale retenait que l'incertitude de mesure ne devait être ni ajoutée, ni déduite dans le calcul du rayonnement, seules les valeurs mesurées devant être prises en compte. Pour tenir compte de l'incertitude, la recommandation de l'OFEV prévoyait que les mesures de réception devaient être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation étaient atteints dans un lieu d'utilisation sensible. Si, sur la base de ces mesures, il s'avérait que la valeur limite de l'installation était dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible devait être redéfinie et le respect des valeurs prescrites devait être démontré par des mesures supplémentaires. Par ailleurs, en vue d'assurer le respect des valeurs limites, l'OFEV avait également requis la mise en place d'un système d'assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale étaient enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système d'assurance qualité était examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant.

À cela s'ajoutait que la méthode utilisée jusqu'alors pour évaluer le rayonnement des installations de téléphonie mobile conventionnelles reposait sur l'application du scénario du pire (« worst case scenario ») qui prenait en compte la valeur maximale d'émission dans toutes les directions. Or, cette méthode ne répondait pas aux caractéristiques émettrices particulières des antennes adaptatives, lesquelles ne pouvaient pas émettre en même temps à la puissance d'émission maximale possible dans toutes les directions. Ainsi, le complément d'aide à l'exécution du 23 février 2021 prévoyait de prendre en compte cette variabilité des directions d'émission et des diagrammes d'antenne des antennes adaptatives au moyen d'un facteur de correction KAA appliqué à la puissance d'émission maximale possible et graduée selon le nombre de sous-ensembles d'antennes commandées séparément (sub arrays). Cette puissance d'émission corrigée avec l'application de ce facteur correspondait ainsi à la puissance d'émission autorisée (ERPn) et devait figurer dans la fiche de données spécifique au site. En outre, les antennes adaptatives devaient être munies d'une limitation de puissance automatique garantissant que la puissance d'émission moyenne sur une période de 6 minutes ne dépassait pas la puissance d'émission autorisée. La mesure sur une telle période de 6 minutes était nécessaire pour tenir compte de la variabilité des missions des antennes adaptatives, sauf à aboutir à l'application du scénario du pire. Dans ce cadre, un pic de puissance de courte durée était envisageable, dépassant ainsi la puissance d'émission autorisée, laquelle était toutefois respectée à tout moment sur une moyenne de 6 minutes. Il était toutefois peu probable que la valeur d'émission maximale comme limite supérieure soit même atteinte à un quelconque moment, ce qui impliquerait qu'aucune autre donnée ne soit ensuite transmise pour la durée restante de l'intervalle de 6 minutes considéré, afin de maintenir la moyenne autorisée sur cette période, ce qui serait contre-productif aussi bien pour les opérateurs que pour les utilisateurs.

Une partie des recommandations de l'OFEV prescrivant spécifiquement quelles antennes devaient être considérées comme étant adaptatives, ainsi que la manière dont elles devaient être évaluées avec l'application d'un facteur de correction, avaient été insérées directement dans l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant, avec entrée en vigueur le 1er janvier 2022.

Quant aux évaluations et recommandations de l'institut fédéral de métrologie, elles étaient actuellement largement datées et ne pouvaient prévaloir sur les recommandations récentes des autorités compétentes qui correspondaient à l'état actuel de la technique et qui étaient en outre intégrées dans l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant.

S'agissant de l'impact esthétique des antennes, il fallait souligner que le bâtiment sur lequel était projetée cette dernière ne faisait actuellement l'objet d'aucune mesure individuelle de protection et qui ne se situait pas dans une zone protégée. Par conséquent, aucun intérêt esthétique particulier ne justifiait la décision litigieuse, dont l'impact esthétique était négligeable, tandis que que les besoins de couverture et de capacité étaient toujours grandissant avec la quantité de données échangées sur le réseau mobile, qui doublait chaque année. En outre, le département ne tenait aucun compte des explications qu'elle avait données sur les contraintes affectant l'emplacement de l'installation de téléphonie mobile. L'emplacement et la hauteur de cette installation étaient dictés essentiellement par les limites strictes fixées en lien avec les LUS et les opérateurs n'étaient donc pas libres de déterminer à leur guise un emplacement. En l'espèce, la proximité des LUS n° 5, 6, 7 et 8 limitait déjà considérablement l'exploitation projetée en raison des limites susmentionnées. Le déplacement des antennes sur la partie centrale de la toiture impliquerait une diminution supplémentaire de la puissance telle qu'il ne serait plus possible de répondre aux besoins de couverture et de capacité dans cette zone. Il fallait souligner que l'installation litigieuse se situait dans une zone de la commune qui connaissait un déficit de sites et une couverture largement insatisfaisante, le site le plus proche devant être prochainement démonté. Ainsi que cela ressortait des cartes de couverture produites à l'appui de la réplique, la couverture actuelle globale, toutes bandes de fréquences confondues, était insuffisante, voire inexistante en bandes hautes et ce, dans un large périmètre autour du site. Par ailleurs, il n'existait à ce jour aucune couverture en 5G dans la zone. Les cartes de couverture montraient ainsi une très nette amélioration de la couverture avec l'utilisation des différentes bandes de fréquences apportées sur le nouveau site.

19.         Le département a dupliqué par écritures du 13 juin 2022. La production de la fiche de données spécifique au site au stade de la réplique ne pouvait combler les lacunes du dossier, car cette fiche devait être remise à l'autorité compétente. Or, le tribunal n'était pas une telle autorité au sens de l'ordonnance sur le rayonnement non ionisant et ne pouvait instruire une requête en autorisation de construire déposée de manière incomplète.

20.         S'agissant de l'impact esthétique, la recourante n'était pas parvenue à démontrer que l'alternative suggérée aux fins de respecter la clause d'esthétique ne serait pas exploitable ou compliquerait à l'excès l'obligation de couverture qu'il lui incombait. L'affirmation selon laquelle un déplacement de l'installation entraînerait une diminution considérable de la puissance n'était guère suffisante, en l'absence de tout élément de preuve. En outre, l'argumentation de la recourante sur le caractère indispensable de l'installation projetée pour respecter son obligation de couverture portait à tort sur l'absence d'installation, alors qu'il s'agissait d'examiner les conséquences de son déplacement.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La décision litigieuse se fonde, d'une part, sur le principe de prévention concrétisé par l'art. 11 al. 2 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) et, d'autre part, sur le caractère prétendument inesthétique de l'installation projetée.

Hormis ces deux aspects, la recourante a également produit durant la présente procédure la fiche de données spécifique au site, ce qui a conduit l'autorité intimée à soutenir que ce document impliquait de toute manière une instruction auprès du SABRA et que le tribunal ne pouvait en examiner la pertinence en première instance. Cette question sera évoquée après l'examen du principe de prévention et de ses incidences dans la présente procédure.

4.             En droit fédéral, la protection contre les effets nocifs ou gênants causés notamment par les rayonnements non ionisants issus des antennes de téléphonie mobile est régie par la LPE et les ordonnances qui en découlent (cf. ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1 ; J. DRITTENBASS, op.cit., p. 140).

Selon l'art. 1 al. 1 LPE, la loi sur la protection de l'environnement a pour but de protéger l'homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats contre les atteintes nuisibles ou incommodantes et de préserver à long terme les bases naturelles de la vie. Les impacts qui pourraient devenir nuisibles ou gênants doivent être limités à un stade précoce par mesure de précaution (art. 1 al. 2 LPE). L'émission de rayonnements est limitée par des mesures à la source (art. 11 al. 1 LPE), notamment par l'édiction de valeurs limites d'émission dans les ordonnances (art. 12 al. 1 let. a et al. 2 LPE).

Pour l'évaluation des effets nocifs ou gênants, le Conseil fédéral fixe par voie d'ordonnance des valeurs limites d'immission (art. 13 al. 1 LPE). Selon l'art. 14 let. a LPE, les valeurs limites d'immission doivent être fixées de telle manière que des immissions inférieures à ces valeurs ne mettent pas en danger l'homme, les animaux et les plantes, leurs communautés biotiques et leurs habitats selon l'état de la science ou l'expérience. Bien que la disposition précitée se réfère à la pollution atmosphérique, elle s'applique également en règle générale à d'autres immissions, notamment celles causées par les rayonnements non ionisants (cf. ATF 146 II 17 consid. 6.5 ; 126 II 399 consid. 4b ; 124 II 219 consid. 7a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

5.             Sur la base de la délégation de compétence de l'art. 13 al. 1 LPE, le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant du 23 décembre 1999 (ORNI - RS 814.710) pour protéger les personnes contre les rayonnements non ionisants nocifs ou gênants provenant de l'exploitation d'installations fixes (art. 1 ORNI). Cette ordonnance règle les limites d'émission ainsi que les limites d'immission pour les émetteurs de radiocommunication mobile et les raccordements d'abonnés sans fil (cf. art. 2 al. 1 let. a, et annexe 1 ch. 6, ainsi que l'annexe 2 de l'ORNI ; ATF 138 II 173 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 3.1). Pour se protéger contre les effets thermiques scientifiquement fondés du rayonnement des installations de radiocommunication mobile, l'ORNI prévoit des valeurs limites d'immission qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent être présentes (art. 13 al. 1 et annexe 2 ORNI ; ATF 126 II 399 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

En outre, le Conseil fédéral a fixé des valeurs limites d'installation pour concrétiser le principe de précaution en vertu de l'art. 11 al. 2 LPE, ces valeurs s'entendant également pour les antennes adaptatives au sujet desquelles l'ORNI a été modifiée le 17 décembre 2021 avec entrée en vigueur des nouvelles dispositions le 1er janvier 2022 (Recueil officiel RO 2021 901) (art. 3 al. 6 et art. 4 al. 1, ainsi que l'annexe 1 ch. 62, 63 et 64 ORNI). Les valeurs limites d'installation ne sont pas directement liées à des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction de la faisabilité technique et opérationnelle ainsi que de la viabilité économique afin de minimiser le risque d'effets nocifs, dont certains ne sont que soupçonnés et pas encore prévisibles (ATF 126 II 399 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1). Avec les valeurs limites d'installation, le Conseil fédéral a créé une marge de sécurité par rapport aux dangers avérés pour la santé (cf. ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1 ; 1C_576/2016 du 27 octobre 2017 consid. 3.5.1). Dans les locaux à utilisation sensible (LUS), les installations de radiocommunication mobile doivent toujours respecter la valeur limite d'installation d'une installation donnée (art. 3 al. 3 et al. 6, art. 4 al. 1 et annexe 1 ch. 65 ORNI ; cf. ATF 128 II 378 consid. 6.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_627/2019 du 6 octobre 2020 consid. 3.1).

L'annexe 1 ch. 62 ORNI prévoit qu'un groupe d’antennes comprend toutes les antennes émettrices fixées sur un mât ou sur le toit ou la façade d’un bâtiment (al. 1). Les groupes d’antennes émettant dans des conditions de proximité spatiale comptent comme une seule installation, indépendamment de l’ordre dans lequel ils sont construits ou modifiés (al. 2). Deux groupes d’antennes émettent dans des conditions de proximité spatiale lorsqu’au moins une antenne de chaque groupe se trouve dans le périmètre de l’autre groupe (al. 3). Selon l'al. 4, le périmètre d’un groupe d’antennes est une surface horizontale formée par les cercles de rayon r autour de chaque antenne du groupe d’antennes. La valeur du rayon r, exprimée en mètres, se calcule selon la formule:

r = F ; explication des symboles:

a. F: facteur de fréquence. Il vaut:

1. 2,63 pour les groupes d’antennes qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses,

2. 1,76 pour les groupes d’antennes qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées,

3. 2,10 pour tous les autres groupes d’antennes;

b. ERP90: ERP cumulée, exprimée en W, émise par les antennes d’un groupe d’antennes dans un secteur azimutal de 90° dans le mode d’exploitation déterminant; le secteur azimutal déterminant est celui dans lequel est émise l’ERP cumulée la plus élevée.

Selon l'al. 5, par modification d’une installation, on entend:

a. la modification de l’emplacement d’antennes émettrices;

b. le remplacement d’antennes émettrices par d’autres ayant un diagramme d’antenne différent;

c. l’extension par ajout d’antennes émettrices;

d. l’augmentation de l’ERP au-delà de la valeur maximale autorisée, ou

e. la modification des directions d’émission au-delà du domaine angulaire autorisé.

L’application d’un facteur de correction aux antennes émettrices adaptatives existantes en vertu du ch. 63, al. 2, n’est pas considérée comme une modification d’une installation (annexe 1 ch. 62 al. 5bis ORNI). Par antennes émettrices adaptatives, on entend les antennes émettrices exploitées de sorte que leur direction d’émission ou leur diagramme d’antenne est adapté automatiquement selon une périodicité rapprochée (annexe 1 ch. 62 al. 6 ORNI).

L'annexe 1 ch. 63 ORNI prévoit que par mode d’exploitation déterminant, on entend le mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données est transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance (al. 1). S’agissant des antennes émettrices adaptatives qui possèdent au moins huit sous-ensembles d’antennes commandés séparément (sub arrays), un facteur de correction KAA peut être appliqué à l’ERP maximale lorsque les antennes émettrices sont équipées d’une limitation de puissance automatique. Cette limitation vise à garantir que, durant l’exploitation, l’ERP moyenne sur une durée de six minutes ne dépasse pas l’ERP corrigée (al. 2).

6.             Selon l'annexe 1 ch. 63 al. 3 ORNI, les facteurs de correction KAA suivants s’appliquent:

Nombre de sub arrays

Facteur de correction KAA

64 et plus

 0,10

32 à 63

 0,13

16 à 31

 0,20

  8 à 15

 0,40

Si un facteur de correction KAA est appliqué aux antennes émettrices adaptatives existantes, le détenteur de l’installation remet à l’autorité compétente une fiche de données spécifique au site adaptée (l'annexe 1 ch. 63 al. 4 ORNI).

L'annexe 1 ch. 64 ORNI prévoit que la valeur limite d'installation à respecter est de 4.0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 900 MHz ou dans des gammes de fréquence plus basses (let. a); 6.0 V/m pour les installations qui émettent exclusivement dans la gamme de fréquence autour de 1800 MHz ou dans des gammes de fréquence plus élevées (let. b); et de 5.0 V/m pour toutes les autres installations (let. c).

7.             Ainsi, les valeurs limites d'immission et d'installation de l'ORNI sont principalement adaptées à la protection de l'homme (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_579/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.4 ; 1C_254/2017 du 5 janvier 2018 consid. 9.2 ; 1C_450/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.2). La doctrine a au surplus relevé que les valeurs limites prévues dans l'ORNI était dix fois plus strictes que celles recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (J. DRITTENBASS, op. cit., p. 138).

Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l'art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'annexe 1 de l'ORNI (par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils (ch. 6 annexe 1 ORNI), les valeurs limites de l'installation mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des valeurs limites d'installation, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2; Arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003, consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002, consid. 2.2 ; DRITTENBASS, op. cit., p. 141-142).

8.             Au sens de l'art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la valeur limite d’installation, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l'autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou elle se base sur des données provenant de tiers. L'OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

Sur cette base, l'OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) » (ci-après: explications OFEV - https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/65389.pdf; consulté le 22 septembre 2022). Il y est notamment fait état de deux études effectuées à l'étranger en 2019 et 2020 ainsi que de mesures et simulations réalisées par l'office fédéral de la communication durant l'été 2020 sur deux antennes adaptatives autorisées de deux opérateurs différents. L'OFEV retient en conclusion, sur la base des résultats de diverses études de simulation et de mesures réalisées entre 2017 et 2020, que « Les puissances d’émission moyennes des antennes adaptatives (avec différents nombres d’éléments d’antenne), calculées sur six minutes, se situent, selon le scénario, dans une plage comprise entre environ 1 % (0,01 ou -20 dB) et 50 % (0,5 ou -3 dB) de la puissance maximale théorique. L’éventail des résultats des études est très large. En ce qui concerne les antennes réseau 8×8, les puissances émettrices déterminées se situent généralement entre environ 10 % (0,1 ou -10 dB) et 32 % (0,32 ou -5 dB) de la puissance maximale théorique. Les études ont également montré que la différence entre la puissance d’émission maximale déterminée et la puissance d’émission maximale théorique dépend de la taille de l’antenne, c’est-à-dire du nombre d’unités d’antenne activables indépendamment (réseaux ou sub arrays). On a calculé, sur la base d’études portant sur différentes tailles d’antennes, un facteur de correction gradué pouvant être appliqué à la puissance d’émission maximale possible des antennes adaptatives » (Explications OFEV, p. 17 à 20).

Egalement en date du 23 février 2021, l'OFEV a publié un rapport intitulé « Antennes adaptative – Complément à la recommandation d'exécution de l'ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l'OFEFP [actuellement : OFEV] de 2002 » (ci-après: le complément – https://www.newsd.admin.ch/ newsd/message/attachments/65394.pdf; consulté le 22 septembre 2022).

Avant la publication du complément, des antennes adaptatives avaient été autorisées sur la base du scénario du pire. Le complément définit désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives doivent être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l'intensité du champ électrique de l'installation de téléphonie mobile doit être calculée. Il indique en outre comment les antennes adaptatives doivent être contrôlées dans les systèmes d'assurance de la qualité utilisés par les opérateurs (complément, p. 6).

Il y est aussi précisé que conformément à l’annexe 1 ch. 63 de l’ORNI révisée, le mode d’exploitation déterminant pour les antennes adaptatives correspond également au mode d’exploitation dans lequel un maximum de conversations et de données est transféré, l’émetteur étant au maximum de sa puissance. En raison des propriétés spécifiques des antennes adaptatives, la variabilité des directions d’émission et des diagrammes d’antenne doit également être prise en considération. Concrètement, il faut aussi tenir compte du fait que les antennes adaptatives ne peuvent pas émettre en même temps à la puissance d'émission maximale possible dans toutes les directions, ce qui correspond au scénario du pire. Dans la réalité, la puissance d'émission est répartie pour les signaux qui sont émis dans différentes directions. En outre, conformément à l'annexe 1 ch. 64 ORNI, dans un LUS, la preuve par calcul du respect de la valeur limite de l'installation est fournie comme auparavant au moyen de la fiche complémentaire 4a de la fiche de données spécifique au site (complément, p. 7 ss).

9.             Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les valeurs limites fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela inclut notamment la puissance apparente rayonnée (ERP ; art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l'antenne fonctionne en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servent de bases pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur ; toute augmentation de l'ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé est considérée comme un changement de l'installation, ayant pour conséquence qu'une nouvelle fiche de données spécifique au site doit être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais ne tient pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seules les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., Zurich 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la valeur limite de l'installation est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (cf. arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1 décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des valeurs limites ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4).

Il sied également d'ajouter qu'au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu'il fallait mieux contrôler l'exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d'émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l'OFEV a mis en place un système d'assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. Swisscom a mis en place un tel système de sécurité, dont les nouveaux paramètres relatifs aux antennes adaptatives ont été validé par l'OFCOM en date du 23 juin 2021 (Validierungszertifikat QSS Swisscom, accessible à l'adresse https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/ electrosmog/info-specialistes/mesures-contre-l-electrosmog/assurance-de-la-qualite-en-ce-qui-concerne-le-respect-des-valeur.html; consulté le 22 septembre 2022).

Le Tribunal fédéral a reconnu le système d'assurance qualité comme un instrument de contrôle performant et n'a pas considéré nécessaire de recourir à un contrôle par des mesures de construction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_282/2008 du 7 avril 2009 consid. 3.5).

10.         Au sujet des risques pour la santé, la jurisprudence du Tribunal fédéral retient que les valeurs limites sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

Les valeurs limites spécifiées dans l'ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral ou son autorité spécialisée, l'OFEV, suit en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (BERENIS) et doit, si nécessaire, adapter les valeurs limites à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral pour l'établissement des valeurs limites, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de les remettre en cause (arrêts 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a confirmé qu'en l'état des connaissances actuelles, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces valeurs limites devraient être modifiées (arrêts 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). La doctrine relève également que si des incertitudes scientifiques existent, le volume des études scientifiques permettant d'apprécier les effets des antennes de téléphonie mobile sur le corps humain a fortement augmenté et leurs conclusions emportent le constat qu'aucun effet du rayonnement de la téléphonie mobile sur la santé n’a pu être prouvé de manière cohérente en-dessous des valeurs limites de l'ORNI (Martin RÖÖSLI, Gesundheitsgefährdungsabschätzung: Auswirkungen von nichtionisierender Strahlung auf den Menschen, DEP 2021, p. 117-133, p. 127 ss). Sans indice concret indiquant que ces valeurs limites devraient être modifiées, le Tribunal fédéral a jugé, à diverses reprises, que les valeurs limites fixées dans l'ORNI étaient conformes à la Constitution et à la loi (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/ 2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). Le Tribunal fédéral en a tiré qu'il existe une présomption de respect du principe de prévention si les valeurs limites prévues par l'ORNI sont respectées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.3).

Par ailleurs, la CourEDH a en particulier confirmé, sous l'angle de l'art. 8 CEDH, que tant que la nocivité des antennes pour la population n'était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu'on ne pouvait imposer à la Confédération l'obligation d'adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1).

11.         S'agissant des développements les plus récents, le consortium de projet SwissNIS, sur mandat de l'OFEV, a rendu le 24 mai 2022 son premier rapport de monitoring sur les mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants (https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/ attachments/71991.pdf ; consulté le 22 septembre 2022). L'OFEV considère que « Les premiers résultats du rapport de monitoring montrent que la protection de la santé est garantie. Dans les lieux fréquentés de manière habituelle, les intensités de champ se situent clairement en-dessous de la valeur limite d'immission. Les valeurs les plus élevées ont été mesurées aux stations de tram, dans les zones industrielles et au centre des grandes villes, tandis que les valeurs les plus faibles ont été enregistrées dans les zones agricoles et dans les espaces naturels. Les mesures concernant les logements n'en sont qu'à leur début. Les mesures effectuées jusqu'à présent révèlent des valeurs d'exposition faibles, mais sont toutefois peu nombreuses. C'est pourquoi il n'est pas encore possible d'en tirer des conclusions générales » (https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/electrosmog/communiques.msg-id-89276.html ; consulté le 22 septembre 2022).

En outre, dans un arrêt 1C_339/2021 du 30 juin 2022, le Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence confirmant l'application des Recommandations de mesures, OFEFP [éd.], 2002, selon lesquelles, si, selon le pronostic calculé, la valeur limite de l'installation est atteinte à 80 % dans un lieu à utilisation sensible, une mesure de réception de rayonnement non ionisant doit être effectuée après la mise en service de l'installation pour contrôler le pronostic calculé. À cet égard, le Tribunal fédéral a examiné la conformité au droit de la condition posée par l'autorisation de construire sur les mesures devant être effectuées après la mise en service de l'installation transformée, notamment dans l'un des LUS mentionné dans la fiche de données spécifique au site, et a considéré que cette condition correspondait aux Recommandations susmentionnées.

12.         Dans le cas d'espèce, compte tenu de ce qui précède, c'est en vain que les parties intervenantes invoquent les effets nocifs des rayonnements non ionisants sur la santé humaine, qu'ils soient scientifiquement démontrés ou pas suffisamment en l'état. En effet, c'est précisément en raison du danger avéré ou potentiel de ces rayonnements que le Conseil fédéral a déterminé dans l'ORNI des valeurs limites en deçà desquelles aucun effet du rayonnement de la téléphonie mobile n'a jusqu'ici été prouvé de manière cohérente.

S'agissant de l'incertitude de la mesure des rayonnements émis par une installation, les considérants qui précèdent conduisent également à rejeter les arguments des parties intervenantes. Les recommandations de l'OFEV tiennent précisément compte des incertitudes qui pèsent autour de la mesure du rayonnement provoqué par une installation de téléphonie mobile, la jurisprudence susrappelée du Tribunal fédéral précisant que l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite, que seules les valeurs mesurées doivent être prises en compte et enfin que c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS.

Outre ces considérations générales qui conduisent à rejeter les arguments des parties intervenantes relatifs au principe de prévention et à l'incertitude des mesures du rayonnement non ionisant, il faut ajouter que le présent litige vise un refus d'autorisation de construire notifié à la recourante alors que le SABRA avait requis un complément d'instruction et ne s'était vraisemblablement même pas penché sur la fiche de données spécifique dans sa version du 29 avril 2019. En d'autres termes, les arguments des parties intervenantes dans la présente procédure ont une portée abstraite et ne s'appliquent pas spécifiquement à l'installation litigieuse, celle-ci n'ayant précisément pas fait l'objet d'une autorisation de construire.

13.         C'est le lieu de préciser que la production par la recourante, durant la présente procédure, de la nouvelle fiche de données spécifique au site établie le 31 janvier 2022, ne permet pas de donner suite à la conclusion de la recourante relative à l'octroi de l'autorisation de construire, ni à sa conclusion subsidiaire concernant le renvoi du dossier à l'autorité intimée avec ordre de délivrer l'autorisation sollicitée. Comme l'a relevé à juste titre autorité intimée, le tribunal est une instance judiciaire de contrôle de la légalité des décisions prises par les autorités administratives et ne peut se substituer à ces dernières en instruisant des questions qui relèvent du préavis d'instances spécialisées. Il incombe en l'espèce au SABRA d'examiner le dossier, notamment sur la base de la nouvelle fiche de données spécifique au site, puis ensuite à l'autorité intimée, si elle estime que l'autorisation peut être octroyée, de l'assortir cas échéant des conditions qui s'imposeraient selon l'ORNI et les recommandations de l'OFEV.

14.         Il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où elle se fonde sur le principe de prévention, la décision litigieuse est contraire au droit.

15.         Il reste cependant à examiner l'autre motif sur lequel se fonde la décision litigieuse, à savoir la clause d'esthétique de l'art. 15 LCI.

16.         Aux termes de l'article 15 LCI, le département peut interdire ou n'autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, nuirait au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public. Il se fonde notamment sur le préavis de la commission d'architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites. Il tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département.

La clause d'esthétique de la disposition susmentionnée constitue une notion juridique indéterminée, laissant un certain pouvoir d'appréciation à l'administration, celle-ci n'étant limitée que par l'excès ou l'abus de pouvoir (art. 61 al. 2 LPA). Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, bien que leur rôle soit le plus souvent considéré comme important dans l'appréciation du dossier (Mémorial des séances du Grand Conseil 1988 II p.1640). En particulier, le préavis de la commission des monuments de la nature et des sites, qui est composée de spécialistes en matière d'architecture et d'urbanisme, émis à l'occasion d'un projet concret, revêt un poids prépondérant (ATA H. du 2 mars 1999 et réf. cit.; T. TANQUEREL, "La pesée des intérêts vue par le juge administratif" publié in La pesée globale des intérêts, A. MORAND, 1996, p. 201).

17.         Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue, en fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/560/2004 du 22 juin 2004 et réf. cit; ATA/123/2003 du 11 mars 2003).

18.         En l'espèce, en s'appuyant sur le fait que ni le bâtiment sur lequel doivent être érigées les deux antennes, ni l'environnement immédiat ne font l'objet d'une quelconque protection patrimoniale, la recourante se méprend sur la portée de l'art. 15 LCI, qui ne limite pas la possibilité de refuser un projet de construction ou de lui imposer des modifications aux seules situations dans lesquelles ce projet interagit avec un objet protégé au sens de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), qu'il s'agisse par exemple d'un bâtiment ou d'un site. Comme l'indique la lettre de cette disposition, il suffit que, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur, le projet entraîne un impact nuisible sur le caractère ou l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public.

19.         La décision litigieuse fait siennes les critiques de la CA sur le fait que le projet litigieux serait inesthétique en raison de l'importance du dépassement des deux antennes par rapport au faîte du toit. On peut également relier cette remarque avec celle qu'avait émise le SMS dans son préavis du 15 juillet 2019 au sujet de l'exposition et de la visibilité de la future installation par rapport au futur boulevard urbain au nord du village de Bernex (boulevard dont les travaux alors en construction ont entre-temps été achevés). À l'examen des plans versés à l'appui de la requête en autorisation, on ne saurait contester l'importance visuelle qu'auront les deux antennes, non seulement en raison de leur très net dépassement par rapport au faîte du toit, mais également en raison de leur surface considérable. Le tribunal ne saurait ainsi retenir que la CA se serait écartée des éléments objectifs du dossier et son pouvoir d'appréciation doit donc être respecté dans le cadre de la procédure contentieuse, ainsi que cela découle de la jurisprudence susmentionnée.

20.         Cela étant, la mission du département consiste à procéder à la pesée des intérêts en présence, à savoir d'une part l'intérêt consistant à préserver l'espace public d'antennes de téléphonie mobile trop voyantes et d'autre part à permettre aux opérateurs d'assurer une couverture de téléphonie mobile de qualité, ce qui relève d'une tâche de la Confédération (ATF 139 II 271 consid. 11.2; ATF 131 II 545 consid. 2.2 p. 547 s.; arrêt 1C_283/2021 du 21 juillet 2022 consid. 3.1.2). Dans cette mesure, il lui appartient d'instruire le dossier de manière complète afin d'être en mesure d'apprécier correctement l'ensemble des paramètres pertinents. Le fait qu'une instance de préavis critique le projet pour des raisons esthétiques ne suffit ainsi pas pour rejeter la requête en autorisation. Il faut encore donner au requérant la possibilité de démontrer, outre le caractère indispensable de la construction, qu'aucune solution alternative n'est raisonnablement envisageable.

21.         Dans le cas d'espèce, par courrier du 23 août 2019, l'autorité intimée a communiqué à la recourante les préavis négatifs, soit notamment celui de la CA. Bien que ce courrier ne mentionne pas expressément la possibilité pour la recourante d'exercer son droit d'être entendu ou de modifier son projet dans le sens souhaité par les instances concernées, les mandataires, en pratique, ne s'y trompent pas et réagissent d'eux-mêmes dans un sens ou dans l'autre. À teneur du dossier, tel n'a pas été le cas en l'espèce, la recourante ayant opté pour la mise en demeure qu'elle a adressée au département le 6 octobre 2020 en vue d'obtenir une décision formelle.

22.         C'est donc à bon droit que l'autorité intimée a considéré que la preuve de l'absence d'alternative au projet litigieux n'avait pas été apportée au moment où elle a rendu la décision querellée et qu'elle a donc fait prévaloir l'intérêt à préserver le quartier concerné d'une installation inesthétique.

23.         Le tribunal pourrait ainsi rejeter le recours, l'un des deux motifs de la décision litigieuse apparaissant bien fondé. Cependant, cette solution ne tiendrait pas compte de la divergence de principe qui a opposé la recourante et l'autorité initmée sur le développement de la technologie 5G, divergence qui a conduit la recourante à mettre un terme au dialogue dans le cadre de l'instruction des dossiers concernés. Or, comme on l'a vu, la position de l'autorité intimée sur cette question de principe était infondée, de sorte que le rejet pur et simple du recours entrainerait une conséquence disproportionnée et contraire au principe d'économie de procédure, en obligeant la recourante à déposer une nouvelle requête. Dans la mesure où, pour les motifs exposés plus haut (cf. consid. 13), il y aurait lieu de toute manière de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour complément d'instruction sous l'angle de l'ORNI, il s'avère plus conforme à l'économie de procédure de suivre cette voie et ainsi d'admettre partiellement le recours en ce qu'il conclut à l'annulation de la décision querellée, et de renvoyer le dossier à l'autorité intimée afin qu'elle en reprenne l'instruction.

24.         C'est le lieu de préciser que les explications données par la recourante au stade de la présente procédure sur l'impossibilité d'une solution alternative au projet apparaissent non seulement lacunaires, comme relevé par l'autorité intimée, mais surtout qu'elles n'ont pas été soumises aux instances spécialisées, dont le SABRA, qui sont mieux à même que le tribunal d'apprécier les aspects techniques discutés par la recourante.

25.         Si les plans de couverture produits par la recourante à l'appui de sa réplique démontrent une nette amélioration de la couverture en bande haute 4G), il faut toutefois relever que c'est essentiellement en direction du nord de l'installation projetée et dans une moindre mesure dans les trois autres directions, voire très peu en direction du sud. Concernant la couverture en 5G, la différence entre la situation actuelle et celle qui résulterait de l'installation litigieuse consiste en une amélioration plus modeste en direction du nord, tandis qu'elle est pratiquement inexistante dans les trois autres directions. Compte tenu de ceci, en reprenant l'instruction du dossier, le département invitera la recourante à présenter des possibilité d'alternatives qui ne consisteront pas seulement dans une diminution de la hauteur et des dimensions des antennes, mais également dans le fait d'adjoindre à ces antennes des installations supplémentaires (p. ex. situées à l'autre extrémité de l'immeuble), de manière à pouvoir apprécier la question de l'esthétique non seulement dans le cadre d'une approche consistant à diminuer autant que possible le nombre d'antennes, avec le risque qu'elles soient d'autant plus imposantes, mais également dans le cadre d'une approche consistant cas échéant à admettre des antennes nombreuses mais plus discrètes. Les alternatives devront être présentées par la recourante à l'aide de documents établissant leurs conséquences techniques (ou l'impossibilité de les mettre en œuvre). Les instances spécialisées, dont le SABRA et la CA, devront procéder à l'examen de ces documents de manière à établir et cas échéant confirmer les conséquences techniques et esthétiques d'une solution alternative. Il appartiendra finalement au département de procéder à la pesée des intérêts en présence et de décider s'il se justifie d'imposer une solution alternative au projet actuel, ou si son "coût", notamment en termes d'efficience, est trop important.

26.         Au vu de ce qui précède, la décision litigieuse sera annulée, le recours étant admis quant à la première de ses conclusions principales, mais rejeté quant à la seconde de ses conclusions principales et la seconde de ses conclusions subsidiaires.

27.         À cet égard, il est précisé que le présent jugement constitue une décision incidente.

28.         Le recours est ainsi partiellement admis.

29.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et son avance de frais de CHF 200.- sera restituée à la recourante.

30.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 300.-, sera mise à la charge de l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, sera allouée à A______ SA (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA). Le montant de cette indemnité tient compte du fait que le conseil de la recourante a produit des écritures identiques dans plusieurs autres dossiers actuellement pendants devant le tribunal, de sorte que si l'issue de ces dossiers devait être identique à celle de la présente procédure, il ne se justifierait pas d'octroyer à chaque fois l'indemnité qui serait normalement allouée pour une activité déployée pour un seul dossier. Cas échéant, en cas d'admission du recours de A______ SA dans un nombre limité des autres dossiers susmentionnés, le montant de l'indemnité octroyée à ces occasions sera réévalué afin de constituer un tout cohérent.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 novembre 2020 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 28 octobre 2020 (DD 1______) ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             annule la décision DD 1______ rendue par le département du territoire le 28 octobre 2020 ;

4.             renvoie le dossier au département du territoire pour la suite à y donner au sens des considérants ;

5.             rejette le recours pour le surplus ;

6.             renonce à percevoir un émolument ;

7.             ordonne la restitution à A______ SA de son avance de frais de CHF 200.- ;

8.             condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 300.- ;

9.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Bénédicte MONTANT, Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

Genève, le

 

La greffière