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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3813/2021

JTAPI/1229/2022 du 16.11.2022 ( LCI ) , ADMIS

ADMIS par ATA/487/2023

Descripteurs : PLAN DIRECTEUR;ZONE DE VILLAS
Normes : LCI.59.al4; LCI.59.al4bis
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3813/2021 LCI

JTAPI/1229/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 novembre 2022

dans la cause

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Nicolas CUENOUD, avocat, avec élection de domicile

C______SA et D______SA, représentées par Me Paul HANNA, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

COMMUNE DE E______, intervenante représentée par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             Monsieur B______ et Madame A______ sont les copropriétaires de la parcelle n° 1______, feuille 2______ de la commune de E______, d’une surface de 2'150 m2, située en zone 5.

Une habitation d’un logement ainsi qu’un garage privé sont cadastrés sur cette parcelle.

2.             Par promesse de vente et d’achat du 17 décembre 2019 ayant pour objet la parcelle susmentionnée et conclu entre M. B______ et Mme A______ (vendeurs) et C______SA (ci-après : C______) et D______ SA (ci-après : D______) (acheteurs), les acheteurs sont devenus titulaires d’un droit d’emption sur la parcelle jusqu’au 16 juin 2023.

3.             Par demande du 24 juin 2021, D______ et C______ ont requis auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), par l’intermédiaire de leur mandataire, F______ SA, une autorisation de construire pour la construction de quatre villas contigües (43% HPE) et l’abattage d’arbres sur la parcelle n °1___.

4.             Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 1______.

5.             Par préavis du 6 juillet 2021, lors de l’instruction de cette requête, la Direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a sollicité une modification du projet.

6.             Par préavis négatif du 13 août 2021, la commune de E______ (ci-après : la commune) s’est prononcée défavorablement au projet en raison de la nécessité de préserver l’image du quartier par le maintien de l’harmonie de l’ensemble composé par les éléments bâtis et naturels du site. Elle a également jugé que les accès étroits ne permettraient pas le trafic routier excessif généré par des habitats groupés.

7.             Par décision du 5 octobre 2021, le département a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée en se fondant sur le préavis défavorable de la commune.

8.             Par acte du 5 novembre 2021, D______, C______, ainsi que M. B______ et Mme A______ (ci- après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision. Ils ont conclu à l’annulation de la décision litigieuse, au renvoi du dossier au DT pour que celui-ci sollicite les préavis des autres départements et ses propres services pour les objets entrant dans leurs compétences et enfin à ce qu'il lui soit ordonné de rendre une décision fondée sur l’art. 59 al. 4 de la loi loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et non sur l’art. 59 al. 4bis LCI.

La parcelle n° 1______ de la commune de E______ était affectée à la zone 5 et était incluse dans le périmètre de la fiche A04 du Plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030), qui traitait de la question de la stratégie de densification de la zone 5.

Il ressortait de cette fiche qu’ « en zone 5, l’indice d’utilisation du sol peut aujourd’hui légalement et moyennant les conditions fixées par l’art. 59 al. 4 LCI monter jusqu’à 0,4 (0,48 en cas de très haute performance énergétique) et 0,5 pour une parcelle supérieure à 5000 m2 (0,6 en cas de très haute performance énergétique) ».

S’agissant de la stratégie de densification de la zone 5 sur le plan communal, le Conseil d’Etat, par arrêté du 14 octobre 2020, avait approuvé le Plan directeur communal de 2ème génération de E______ (ci-après : PDCom 2ème génération). Ce PDCom 2ème génération avait été validé par la Commission cantonale d’urbanisme le 2 mai 2019 et par la Commission des monuments, de la nature et des sites le 15 mai 2019. Il avait également été jugé conforme au Plan directeur cantonal dans sa dernière mise à jour. La parcelle n° 1______ de la commune de E______ était incluse dans le périmètre du plateau sud et selon le plan intitulé « Plan directeur communal de E______- Condition à l’évolution de la zone 5 » figurant dans le PDCom 2ème génération, elle était cumulativement densifiable et avec possibilité d’obtention de la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI, selon application des critères (tableau synoptique). Ainsi, le PDCom 2ème génération prévoyait une stratégie d’évolution de la zone 5.

Outre la consultation usuelle de la DAC, le dossier n’avait été soumis qu’à la commune pour préavis. Cette dernière avait de façon lapidaire prononcée un préavis défavorable. Le PDCom 2ème génération était censé servir de « mode d’emploi cohérent et objectif à la commune pour permettre d’apprécier les projets ». Ainsi le préavis rendu par la commune était un parfait contre-exemple d’appréciation et d’orientation au porteur du projet.

Enfin, dans sa décision litigieuse, le DT avait expliqué sans motivation aucune que le PDCom 2ème génération, adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020 et approuvé par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2020, n’était pas compatible avec le nouvel art. 59 al. 4 LCI (entré en vigueur le 28 novembre 2020). Les recourants ignoraient les raisons de cette motivation et aucune information officielle n’avait été communiquée à ce sujet.

9.             Par courrier du 8 décembre 2021, la commune, sous la plume de son conseil, a annoncé au tribunal qu’elle souhaitait intervenir dans la présente procédure.

10.         Dans ses observations du 10 janvier 2022, la commune a persisté intégralement dans son préavis négatif du 13 août 2021 et a conclu au rejet du recours formé le 5 novembre 2021.

Sur le fond, la décision de refus du département était parfaitement fondée. L’art. 59 al. 4bis LCI adopté par le Grand Conseil le 1er octobre 2020 et issu du PL12566, était en vigueur depuis le 28 novembre 2020 et s’appliquait dès son entrée en vigueur à toutes les procédures d’autorisation en cours. Le but de ce nouvel al. 4bis était clairement exprimé dans le rapport du 11 août 2020 de la Commission d’aménagement du canton sur le PL12566 (PL12566-A, p.14). Ainsi, l’exigence posée par le nouvel al. 4bis de l’art. 59 LCI, combiné avec la première phrase de l’al. 4 modifié du même article, était claire. Chaque commune devait, sur la base du principe de séparation, définir la zone 5 densifiable sans conditions (appelée « périmètres de densification accrue ») et la zone 5 non densifiable, soit tous les autres périmètres. Ces deux dispositions imposaient à chaque commune de procéder à un examen détaillé de leurs zones 5 et de déterminer, sur une carte spécifique de leur plan directeur, les « périmètres de densification accrue » et les autres périmètres.

Au regard de l’importance du travail à effectuer, le législateur avait prévu un délai au 1er janvier 2023, soit un délai d’un peu plus de deux ans après l’entrée en vigueur de ces nouvelles normes. Ainsi, tant que le travail n’était pas réalisé, l’art. 59 al. 4bis LCI soumettait toute demande d’autorisation de construire requérant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI, à la condition nécessaire d’un préavis positif de la commune du lieu de situation. Autrement dit, l’art. 59 al. 4bis LCI attribuait à la commune un droit de veto sur toute demande qui ne correspondaient pas aux objectifs de la commune selon son appréciation.

L’avis négatif que la commune avait émis le 13 août 2021 suffisait au regard de l’art. 59 al. 4bis LCI à exclure tout octroi d’une autorisation de construire et justifiait que le département n’ait pas procédé à un examen plus approfondi du dossier. Même si les préavis de tous les services étaient positifs, sans charge ou condition, l’autorisation requise devait être refusée en application de l’art. 59 al. 4bis LCI.

Les recourants étaient conscients de cet obstacle majeur et tentaient de le contourner en prétendant à tort ne pas savoir pourquoi la commune n’avait pas un plan directeur prévoyant des « périmètres de densification accrue » au sens de l’art. 59 al. 4bis LCI.

Cette argumentation n’avait aucun fondement tant au regard de la chronologie du PDCom 2ème génération que de son contenu. Au regard de la chronologie, il était impossible que le PDCom 2ème génération intègre les exigences issues du PL12566, connues au plus tôt le 11 août 2020 lors de la publication du rapport de la Commission d’aménagement du canton (PL12566-A), alors que le texte du PDCom 2ème génération avait été finalisé le 24 mars 2020, puis adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020.

S’agissant du fond, il n’y avait pas la moindre référence dans le PDCom 2ème génération à des « périmètres de densification accrue » au sens de l’art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI. Il traitait de l’évolution de la zone 5, répartissait le territoire communal en 5 secteurs géographiques et fixait pour chacun des règles générales. Ces règles permettaient une appréciation des dérogations au sens de l’art. 59 al. 4 LCI, dans sa version antérieure au 1er octobre 2020, mais ne correspondaient pas aux exigences des nouveaux al. 4 et 4bis. Ces dispositions n’étaient pas concrétisées dans le PDCom 2ème génération.

L’arrêté du Conseil d’Etat du 14 octobre 2020 qui approuvait le plan directeur communal ne contenait aucune référence aux exigences de l’art. 59 LCI modifié le 1er octobre 2020, dès lors qu’il n’était même pas encore en vigueur. Les changements de cette disposition et notamment les al. 4 et 4bis, n’avaient pas été pris en considération par le Conseil d’Etat dans son approbation. Si cela avait été le cas, le Conseil d’Etat aurait dû constater que le PDCom 2ème génération ne remplissait pas les exigences de l’art. 59 al. 4bis LCI, dès lors qu’il ne définissait aucun « périmètre de densification accrue » dans lequel les dérogations fondées sur l’art. 59 al. 4 LCI pourraient être automatiquement accordées, indépendamment de l’avis de la commune.

Enfin, lors de sa séance du 18 novembre 2021, le Conseil municipal de la commune avait accepté par dix-sept oui, un non et une abstention la proposition qui consistait à ce que le Conseil municipal invite le Conseil administratif à ne pas octroyer de dérogation selon l’art. 59 al. 4bis LCI jusqu’au 1er janvier 2023, dans la mesure où la commune était en train d’élaborer sa nouvelle stratégie de densification de la zone villa (zone 5) conforme au nouvelles dispositions.

C’était donc à bon droit que le DT avait refusé la demande d’autorisation de construire du fait du préavis négatif de la commune.

11.         Dans ses observations du 21 janvier 2022, le département a conclu au rejet du recours formé le 5 novembre 2021. Il a produit son dossier.

S’agissant tout d’abord de la violation du droit d’être entendu, les requérantes ne pouvaient ignorer que l’art. 59 al. 4bis LCI s’appliquait et que leur projet devait recueillir un avis favorable de la commune, dès lors que la stratégie de densification de la zone 5 par le PDCom 2ème génération de cette dernière n’était, depuis l’entrée en vigueur de la modification de l’art. 59 al. 4 LCI, plus à jour. Le département n’avait aucun motif de laisser la possibilité aux requérantes de modifier leur projet, dès lors que la commune avait émis un préavis négatif le 13 août 2021, et qu’elle ne requérait ni complément d’information, ni modification du projet.

Par ailleurs, la formulation potestative de l’art. 13 al. 4 RCI laissait au département le choix d’apprécier s’il souhaite demander des modifications au projet ou non, il ne s’agissait pas d’une obligation légale. Poursuivre l’instruction de la requête en autorisation de construire dans le cas d’espèce, en dépit du préavis favorable de la commune, aurait été contraire au principe de l’économie de procédure et donc à l’intérêt des recourants. Ainsi, il n’y avait aucune violation du droit d’être entendu.

Dans sa teneur au 1er octobre 2020, l’art. 59 LCI s’appliquait au demandes d’autorisation déposées après l’entrée en vigueur des modifications apportées à cette disposition le 28 novembre 2020. L’art. 10 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LaLAT – L 1 30), dans sa teneur applicable au 28 novembre 2020, disposait que les communes étaient tenues d’adopter un plan directeur communal, lequel déterminait notamment les périmètres de 5e zone pouvant faire l’objet d’une densification accrue.

En l’espèce, la requête en autorisation de construire avait été déposée après l’entrée en vigueur des modifications des art. 59 LCI et art. 10 al. 3 LaLAT, ce que les recourants ne contestaient pas. Toutefois, contrairement à ce qu’ils soutenaient, le PDCom 2ème génération adopté par le Conseil municipal le 26 mai et approuvé par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2020, soit avant l’entrée en vigueur des modifications de l’art 59 LCI, n’avait depuis lors pas fait l’objet d’une mise à jour conforme aux prescriptions prévues par l’art. 10 al. 3 LaLAT. Le département avait publié une « marche à suivre pour la densification de la zone 5 » le 19 janvier 2021 sur son site internet, qui indiquait en page 15, que l’information concernant l’état d’avancement des PDcom et des stratégies de densification de la zone 5 pouvait être obtenu sur internet, que l’accord communal était nécessaire pour que le canton entre en matière sur la dérogation sollicitée, et enfin qu’aucun PDCom n'était à ce jour conforme à l’art. 10 al. 3 LaLAT, ce qui ressortait de la carte d’avancement des PDCom 2ème génération publiée le 25 novembre 2021. Concernant la commune de E______, il ressortait de cette carte que son PDCom 2ème génération était certes approuvé par le Conseil d’Etat, mais que sa stratégie de densification de la zone 5 était en cours de mise à jour.

Le préavis favorable qui avait été émis par la Commission d’urbanisme le 2 mai 2019 dans le cadre de l’adoption du PDCom 2ème génération de E______ était antérieur à l’adoption de la modification de l’art. 59 LCI et de l’art. 10 al. 3 LaLAT. Les recourants ne pouvaient s’en prévaloir pour appuyer leur position.

Au regard de tous ces éléments, le département avait procédé à une application correcte de l’art. 59 al. 4bis LCI.

12.         Par réplique du 22 mars 2022, les recourants ont persisté intégralement dans le recours du 5 novembre 2021.

S’agissant des observations de la commune, il ressortait des travaux parlementaires relatifs au nouvel art. 59 al. 4 LCI (PL 12566-A) que les notions de « stratégies d’évolution pour la zone 5 » et « zones de densification accrue » se recoupaient pour, finalement, dire la même chose, à savoir donner la définition des périmètres où une dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI pouvait être accordée et ceux où elle ne le pouvait pas.

En l’espèce, la stratégie d’évolution mise en place par la commune dans son PDCom 2ème génération reposait sur le fait que le « changement des formes d’habitat génère au sein de la commune une perte d’identité de cette zone qui n’est plus une zone villas ni encore une zone de développement ». Fort de ce constat, le PDCom 2ème génération, avait différencié sous la forme de règles de densification, les périmètres avec possibilité d’obtention de la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI (lesquels devaient respecter des principes d’intervention précis), et les périmètres de protection des pénétrantes vertes exclus de la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI.

Au vu de ces éléments, les périmètres « avec possibilités d’obtention de la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI » revêtaient toutes les caractéristiques des périmètres de « densification accrue », de sorte qu’ils devaient être considérés comme tels. Ainsi, les explications de la commune, qui tentait de jouer sur les mots en prétendant qu’il n’y avait pas dans son PDCom la moindre référence à des périmètres de densification accrue, n’apparaissaient pas sérieuses.

13.         Par duplique du 14 avril 2022, le département a retenu que les recourants n’apportaient aucun élément nouveau qui permettait de remettre en cause ses précédents développements. Il a renvoyé le tribunal à ses observations du 21 janvier 2022.

14.         Par duplique du 19 mai 2022, la commune, sous la plume de son conseil, a confirmé son refus et persisté dans ses conclusions.

Il ressortait du procès-verbal du Conseil municipal du 18 novembre 2021, en p. 228 que : « La proposition consistant à ce que le Conseil municipal invite le Conseil administratif à ne pas octroyer de dérogation (article 59, alinéa 4 LCI) jusqu’au 1er janvier 2023 dans la mesure où la commune est en train d’élaborer sa nouvelle stratégie de densification dans la zone villa (zone 5) est acceptée par 17 oui, 1 non et 1 abstention ».

Ainsi, cette décision était parfaitement claire, elle indiquait que la commune avait considéré nécessaire de revoir sa stratégie de densification en zone villa de manière à se conformer au nouvel art. 59 al. 4bis LCI. Cette démarche était liée au fait que la stratégie contenue dans le plan de 2020 n’était pas conforme à cette disposition. Ce travail était en cours et, dans l’intervalle, la commune avait pris l’option de refuser toute dérogation.

Cette information était expressément mentionnée sur le site de la commune en introduction à la page consacrée au PDCom 2ème génération.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Les parties recourantes considèrent que la décision litigieuse, à savoir le refus d'autorisation décidé par l'autorité intimée le 5 octobre 2021, violerait l’art. 59 al. 4bis LCI, car le PDCom 2ème génération de E______ prévoirait un périmètre de densification accrue de la zone 5. Ainsi, le département aurait dû appliquer l’art. 59 al. 4 LCI et examiner si le projet était compatible avec les orientations communales.

Les parties intimées considèrent au contraire que le PDCom 2ème génération adopté le 26 mai 2020, soit avant l’entrée en vigueur des modifications de l’art. 59 LCI adoptées le 1er octobre 2020, n’a depuis lors pas fait l’objet de modifications conformes aux prescriptions prévues par l’art. 10 al. 3 LaLAT. De ce fait, l’art. 59 al. 4bis LCI s’appliquerait et une autorisation de construire ne pourrait être délivrée que moyennant un préavis positif de la commune.

Il convient donc d'examiner, d'une part, la portée des modifications de l’art. 59 LCI et 10 al. 3 LaLAT adoptées le 1er octobre 2020 (ch. I ci-après) et, d'autre part, la portée du PDCom 2ème génération de la commune intimée (ch. II ci-après), afin de déterminer si les parties intimées peuvent se prévaloir des modifications légales susmentionnées pour refuser le projet de construction litigieux (ch. III ci-après).

 

I.

4.             Avant sa modification du 1er octobre 2020, l'art. 59 LCI (ci-après : art. 59 aLCI) était libellé comme suit (étant précisé que les al. 5 à 11 alors en vigueur ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige et ne sont donc pas cités ci-dessous):

(al. 1) La surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l’un de ces standards.

(al. 2) Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol.

(al. 3) Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher :

a) des combles dont la hauteur est inférieure à 1,8 m;

b) des combles de peu d’importance, indépendamment du vide d’étages;

c) des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal;

d) des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes.

(al. 4) Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département :

a) peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 40% de la surface du terrain, 44% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent;

b) peut autoriser exceptionnellement, lorsque la surface totale de la parcelle ou d’un ensemble de parcelles contiguës est supérieure à 5 000 m2, avec l’accord de la commune exprimé sous la forme d’une délibération municipale et après la consultation de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 50% de la surface du terrain, 55% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 60% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent.

(al. 4bis) Les pourcentages visés à l’alinéa 4 sont également applicables aux constructions rénovées qui respectent l’un des standards énergétiques. Si le projet de construction est instruit sous la forme de demande préalable, l’autorisation fait expressément mention de la possibilité d’augmenter le taux d’utilisation du sol lorsque la construction est de haut ou de très haut standard énergétique.

Quant à l’art. 10 al. 3 LaLAT, également remanié lors de l'adoption du nouvel art. 59 LCI le 1er octobre 2020, il avait jusqu'alors la teneur suivante: les communes sont tenues d’adopter un plan directeur communal, lequel détermine notamment les périmètres de 5e zone qui peuvent faire l’objet d’une densification accrue, ainsi que leur voie d’accès (…) Le projet de plan directeur communal est ensuite élaboré en liaison avec le département et la commission cantonale d’urbanisme (ci-après : art. 10 al. 3 aLaLAT).

5.             La possibilité de densifier des parcelles en zone villa selon un rapport de 40 à 48% (art. 59 al. 4 let. a aLCI), voire de 50 à 60% pour des parcelles de plus de 5'000 m2 (art. 59 al. 4 let. b aLCI), a été introduite dans la LCI le 30 novembre 2012 (avec entrée en vigueur le 26 janvier 2013). Une précédente modification du 7 mars 2010, entrée en vigueur le 5 août 2010, avait déjà échelonné ces taux entre 25 et 30% (art. 59 al. 4 let. a aLCI), voire exceptionnellement entre 40 et 48% à condition notamment que la commune ait donné son accord, exprimé sous la forme d'une délibération municipale (art. 59 al. 4 let. b aLCI).

S'agissant du but poursuivi par le législateur au sujet de ces modifications successives, la jurisprudence a rappelé qu'il s'agissait de promouvoir une utilisation plus intensive du sol en zone villas pour répondre à la crise du logement sévissant à Genève. Concernant la modification de l'art. 59 al. 4 aLCI du 30 novembre 2012, certains députés avaient regretté au cours des travaux préparatoires que la densification de la zone villas prévue par l’art. 59 al. 4 let. a aLCI (soit désormais selon un taux de 40 à 48 %) ne soit pas soumise aux mêmes conditions que la let. b, soit à l’accord de la commune exprimé sous forme de délibération municipale. Lors des travaux en commission, des amendements en ce sens avaient été présentés, mais n’avaient pas reçu l’aval de la majorité des députés. Le législateur avait en effet considéré que l’accord du conseil municipal de la commune concernée ne devait être requis que pour les projets de construction de plus grande envergure, prévus par l’art. 59 al. 4 let. b aLCI. Il avait considéré que dans le cas de figure prévu par l’art. 59 al. 4 let. a aLCI, la nécessité d’obtenir un tel accord compromettrait l’objectif de densification poursuivi (ATA/828/2015 du 11 août 2015 consid. 7b et réf. cit.).

Dans la pratique, une abondante jurisprudence a ensuite confirmé que le département était libre d'autoriser un projet appliquant la densité prévue par l'art. 59 al. 4 aLCI malgré un préavis négatif de la commune, en particulier lorsque d'autres instances spécialisées avaient de leur côté préavisé favorablement le projet (pour des exemples récents cf. ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 5; ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 6b ; ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 6).

6.             La densification de la zone villa prévue par l'art. 59 al. 4 aLCI a cependant essuyé au fil des ans des critiques de plus en plus insistantes.

Ainsi, plusieurs députés du Grand Conseil ont déposé le 27 août 2019 un projet de modification de l'art. 59 al. 4 let. a aLCI (ainsi que de l'art. 30 al. 1 let. s de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 - LAC - B 6 05), prévoyant la réintroduction de l'accord de la commune exprimé sous la forme d'une délibération municipale pour des projet de construction d'un rapport de 40 à 48%. Selon l'exposé des motifs, il ne s'agissait pas de revenir sur la densification de la zone villa, mais de s'assurer qu'elle soit menée avec discernement, en tenant compte des spécificités locales. Elle ne devait ainsi pas être imposée par le canton, mais être coordonnée avec les autorités locales. Ainsi, les communes ne devaient pas seulement être consultées pro forma, mais être entendues, ce qui n'était pas le cas actuellement. Les conflits entre les communes et le canton se faisaient de plus en plus nombreux dans le cadre d'autorisations de construire en 5ème zone et les tribunaux étaient régulièrement saisis. En outre, la densification en zone villa ne pouvait se faire partout de manière identique et il fallait prendre en considération toutes les questions posées au niveau local, sur le plan des transports ou des aspects environnementaux par exemple. L'accord de la commune, que le projet de loi visait à réintroduire, aurait non seulement pour avantage qu'une densification accrue y serait subordonnée, mais aussi que la commune pourrait ainsi mieux négocier avec le canton les conditions de son développement, par exemple lors du développement des infrastructures de compétence cantonale (PL 12566 ; https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12566.pdf).

De son côté, le département du territoire a annoncé le 28 novembre 2019 ne plus accorder, dès cette date, de dérogation pour les projets de densification en zone villas au sens de l'art. 59 al. 4 LCI (gel des dérogations concernant la densité, communiqué de presse du département du 28 novembre 2019) dans l'attente de l'établissement de conditions-cadre pour plus de durabilité au développement de la 5ème zone.

Selon son communiqué de presse intitulé « Zone villas: gel des dérogations concernant la densité », « Le département du territoire n'accordera[it] plus de dérogations pour les projets de densification en zone villas au sens de l'art. 59 al. 4 LCI. Cette mesure, qui concern[ait] la zone villas appelée à le rester, entr[ait] en vigueur le 28 novembre 2019. Elle sera[it] levée lorsque la stratégie de densification de ces périmètres sera[it] achevée, afin que les conditions et critères qualitatifs et environnementaux soient évalués et définis. Cela pass[ait] notamment par l'établissement systématique d'une vision urbanistique à l'échelle communale. Le canton souhait[ait] ainsi établir les conditions-cadre pour plus de durabilité au développement de cette zone » (https://www.ge.ch/document/zone-villas-gel-derogations-concernant-densite).

7.             Les travaux menés en commission d'aménagement du Grand Conseil (Rapport PL 12566-A de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi, du 11 août 2011 – ci-après le rapport PL 12566-A ; https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12566A.pdf) ont conduit différents milieux consultés à exprimer leurs réticences au sujet du fait de soumettre des projets de densification à l'accord de la commune. En revanche, il s'agissait de mettre l'accent sur une meilleure planification communale. Ainsi, la Chambre genevoise immobilière a relevé qu'il serait intéressant de savoir quelles communes disposaient d'un plan directeur de deuxième génération et avaient adopté les dispositions nécessaires pour savoir quelles zones pourraient se densifier (rapport PL 12566-A p. 8). L'association des promoteurs-constructeurs genevois a de son côté plaidé pour un plan directeur communal contraignant, que l'Etat serait obligé de prendre en compte et qui indiquerait les zones à densifier. Ce plan devrait comprendre une étude de densification qui évoquerait les zones susceptibles d'être densifiées (rapport PL 12566-A p. 9). Le Conseiller d'Etat en charge du département du territoire a quant à lui rappelé l'impératif de produire des logements pour faire face à la pénurie. À cette fin, le plan directeur cantonal proposait non seulement d'étendre la densification de la zone 5 par des modifications de zone, soit 11 % de la zone 5 (fiche A03), mais également de favoriser une densification modérée et douce de la zone villa en favorisant l'habitat groupé, soit environ 89 % de la zone 5 (fiche A04), ce à quoi correspondait le projet de loi. Depuis 2018, sur les vingt-huit communes incluant une zone 5, quatre disposaient déjà d'une stratégie zone 5 en force, six étaient en train d'avancer sur ce travail, sept avaient enclenché le travail et onze n'avaient pas encore commencé. Ces stratégies étaient analysées par les services cantonaux sur chacune de leur politique publique, ainsi que par les commissions d'architecture et d'urbanisme ou encore par l'office des autorisations de construire. Elles permettaient de dire comment, quartier par quartier, l'on entrait ou non en matière sur une dérogation (rapport PL 12566-A p. 11).

Le rapport PL 12566-A contient plusieurs annexes, dont un document écrit remis par le département du territoire (rapport PL 12566-A p. 10), portant la référence Annexe 3 (rapport PL 12566-A p. 50 et ss). Ce document porte l'intitulé « PL 12566 12565 Commission aménagement 27.11.2019 » et présente la problématique générale sous le même angle que celui qui découle de l'audition susmentionnée du Conseiller d'État. Il présente plusieurs cartes et éléments visuels portant tous la date du 12 septembre 2019. L'une de ces cartes, intitulée « Planifications communales et stratégies zone 5 existantes/à venir - État d'avancement des stratégies d'évolution de la zone 5 dans les PDCom de 2ème génération - mise à jour : 5 novembre 2019 » (rapport PL 12566-A p. 57), répartit l'ensemble des communes genevoises concernées selon six niveaux d'avancement, soit:

-          PDCom approuvé par le Conseil d'État ;

-          PDCom approuvé par le conseil d'État avec stratégie Z5 ou plan-guide ;

-          Application phase test (validée DT) ;

-          Consultation technique en cours ;

-          Elaboration en cours ;

-          Elaboration attendue (fiche A04 PDCant 2030).

La commune de E______ figure parmi les communes pour lesquelles la consultation technique est en cours.

Ce plan est complété par un graphique intitulé « Planifications communales et stratégies zone 5 » (rapport PL 12566-A p. 58), qui inclut la commune de E______ parmi les six communes pour lesquelles le PDCom en est à la consultation technique, avec la précision suivante : « Test stratégies mi 2020 ».

Pour finir, durant les travaux devant la commission d'aménagement, le premier signataire du projet de loi et le département du territoire ont présenté des propositions d'amendement qui ont donné à la l'art. 59 LCI sa forme actuelle, incluant désormais un al. 4bis.

8.             Ainsi, l'actuel art. 59 al. 1 à 4bis LCI, adopté le 1er octobre 2020 et entré en vigueur le 28 novembre 2020, a la teneur suivante :

(al. 1) La surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 25% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 27,5% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 30% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent. Ces pourcentages sont également applicables aux constructions rénovées ou agrandies qui respectent l’un de ces standards.

(al. 2) Par surface de plancher prise en considération dans le calcul du rapport des surfaces, il faut entendre la surface brute de plancher de la totalité de la construction hors sol.

(al. 3) Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher :

a) des combles dont la hauteur est inférieure à 1,8 m;

b) des combles de peu d’importance, indépendamment du vide d’étages;

c) des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal;

d) des serres, jardins d’hiver ou constructions analogues en matériaux légers et de dimensions modestes.

(al. 3bis) Une surface en pleine terre, à savoir dénuée de toute construction en surface ou en sous-sol et non revêtue, de la parcelle ou du groupe de parcelles considérées par la demande d'autorisation de construire doit être préservée.

(al. 4) Dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal approuvé par le Conseil d'État et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département :

a) peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (TPHE), reconnue comme telle par le service compétent;

b) peut autoriser exceptionnellement, lorsque la surface totale de la parcelle ou d’un ensemble de parcelles contiguës est supérieure à 5 000 m2, avec l’accord de la commune exprimé sous la forme d’une délibération municipale et après la consultation de la commission d’architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 55% de la surface du terrain, 60% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (TPHE), reconnue comme telle par le service compétent.

(al. 4bis) Dans les communes qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l’alinéa 4, lettres a et b. Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023 un préavis communal favorable est nécessaire. 

9.             S'agissant de ce dernier alinéa, il a pour but d'aménager une période transitoire laissant aux communes le temps nécessaire pour procéder à l'établissement des périmètres de densification. Échéant le 1er juillet 2022 selon la proposition d'amendement du département du territoire, puis finalement le 1er janvier 2023 selon sous-amendement du premier signataire du projet de loi (rapport PL 12566-A p. 19), cette période transitoire signifie que passée la date du 1er janvier 2023, « le département pourrait autoriser des constructions dans les cas où les communes n'auraient pas défini ses périmètres ou qu'il y aurait un désaccord. Si les communes refusent ou que le département n'est pas d'accord avec la manière dont les choses ont été faites, le département peut émettre une réserve à l'approbation du PDCom et donnerait par la suite des autorisations en fonction des critères sur lesquels ils travaillent actuellement pour améliorer la qualité des projets » (rapport PL 12566-A p. 15). Il sied de préciser que l'association des communes genevoises, entendue une seconde fois par la commission d'aménagement, a exprimé sa satisfaction d'avoir été associée à l'élaboration de l'amendement général déposé par le département du territoire et s'est déclarée favorable à cet amendement (rapport PL 12566-A p. 16).

10.         L’art. 156 al. 5 LCI (dispositions transitoires) - dans sa version entrée en vigueur le 28 novembre 2020 - prévoit que l’art. 59 al. 3bis LCI, al. 4 et 5 LCI, dans leur teneur du 1er octobre 2020, s’applique aux demandes d’autorisation déposées après leur entrée en vigueur.

L'actuel art. 10 al. 3 LaLAT, également adopté le 1er octobre 2020 et entré en vigueur le 28 novembre 2020, prévoit quant à lui que les communes sont tenues d'adopter un plan directeur communal, lequel détermine notamment les périmètres de 5ème zone qui peuvent faire l'objet d'une densification accrue, ainsi que leur voies d'accès, projetées ou existantes à modifier, au sens de l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 22 juin 1979. À cet effet, elles dressent un cahier des charges établi selon les directives du département. Le projet de plan directeur communal est ensuite élaboré en liaison avec le département et la commission cantonale d'urbanisme. Le département peut toutefois renoncer à cette exigence pour les communes de moins de 1'000 habitants qui en font la demande en la motivant.

11.         S'agissant de cette dernière disposition, les travaux préparatoires précisent qu'il s'agit là aussi d'un amendement du département du territoire, lequel explique qu'il souhaite doter les acteurs concernés d'une approche renouvelée « pour être plus pertinents dans les autorisations qui concerneront les futurs projets. Le département souhaite pouvoir lever le moratoire d'ici à la fin de l'année. Ces propositions ont été partagées avec l'ACG » (rapport PL 12566-A p. 16).

12.         Suite à l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions légales, le département du territoire a publié en ligne, le 19 janvier 2021, une « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » (ci-après : la marche à suivre) (https://www.ge.ch/document/marche-suivre-densification-zone-5). La transposition dans le PDCom de la stratégie de densification de la zone 5 doit suivre plusieurs étapes, à savoir :

-          production du diagnostic territorial de la zone 5 n'ayant pas vocation à être déclassée selon le PDCn 2030

-          formulation des enjeux territoriaux de la zone 5, permettant de valider l'opportunité ou non d'une densification dans certains secteurs

-          élaboration de la stratégie de densification et définitions des secteurs à préserver d'une densification et de ceux à densifier, avec ou sans modification de zone, en particulier les secteurs à densification accrue. La stratégie identifie les voies d'accès, projetées ou existantes à modifier, induites par cette densification, notamment en lien avec le plan directeur de chemin pour piétons et les mobilités douces. La stratégie peut varier d'un secteur à l'autre selon le contexte et les enjeux identifiés. Elle traduit la vision communale pour le secteur concerné et identifie les conditions qualitatives à respecter lors de la densification

-          traduction de la stratégie dans une carte de synthèse et des fiches de mesures. Identification des espaces et de leurs statuts (privés ou publics) devant accueillir les aménagements partagés. Le lien avec le plan directeur de chemin pour piétons doit être établi.

En outre, la marche à suivre indique quels sont les outils de mise en œuvre des secteurs de densification accrue. Il s'agit des :

-          lignes directrices d'aménagement

-          images directrices pour les groupes de parcelles (avec incitation à l'utilisation des clauses dérogatoires des règlements cantonaux, incitation aux mesures favorisant la desserte et incitation au regroupement parcellaire)

-          autres outils (plans d'alignement, plan localisé de quartier règlements spéciaux et plans de site).

Par ailleurs, le département a mis en ligne, le 14 janvier 2021, une carte intitulée « état d'avancement des stratégies de densification zone 5 approuvées » du (https://www.ge.ch/document/carte-avancement-stratégies-densification-zone-5-approuvées), dont il résulte que la commune de E______ fait partie des six communes pour lesquelles la stratégie de densification de zone 5 a été approuvée avec « adaptations à prévoir selon les nouvelles modalités de la LCI du 1/10/2020 » (les autres communes se trouvant toutes à des stades moins avancés).

 

 

II.

13.         Le PDCom fixe les orientations futures de l'aménagement de tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes. Il est compatible avec les exigences de l'aménagement du territoire du canton, contenues notamment dans le PDCn [plan directeur cantonal] (art. 10 al. 1 et al. 2 LaLAT).

La fiche A04 du PDCn, intitulée « Favoriser une utilisation diversifiée de la zone villas », a pour objectif la poursuite de la densification sans modification de zone de la zone villas en favorisant l'habitat individuel groupé. Elle vise une accentuation de la densification de la zone villas aux abords de l'agglomération, alors que les secteurs relevant de la protection du patrimoine et des sites devraient conserver une urbanisation plus légère. Cette fiche donne mandat aux communes de proposer, dans leurs PDCom, des stratégies communales pour leur zone villas en identifiant les secteurs à densifier, les éléments remarquables à protéger, le maillage arborisé à maintenir ou à créer, les espaces verts et publics à créer.

Le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel. Pour autant que cela soit compatible avec les exigences de l'aménagement cantonal, les autorités cantonales, lors de l'adoption des plans d'affectation du sol relevant de leur compétence, veillent à ne pas s'écarter sans motifs des orientations retenues par le plan directeur localisé (art. 10 al. 8 LaLAT).

Au niveau cantonal, le respect des plans directeurs est assuré par la direction de la planification cantonale, cette instance étant, selon la jurisprudence, celle qui est le plus à même de déterminer si une révision d'un PDCom est en cours, ainsi que l'impact de ce projet sur une requête en autorisation de construire (ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 4d).

14.         Le PDCom 2ème génération de E______, adopté par le Conseil municipal le 26 mai 2020 et approuvé par le Conseil d’Etat le 14 octobre 2020, est accessible en ligne (https://ge.ch/geodata/SIAMEN/PDL/PDCom_E______ /PDCom_E______ _ 2e_rapport.pdf).

Son chapitre 6 (« projet directeur communal ») comporte notamment une sous-partie intitulée « Stratégie d’évolution de la zone 5 » (6.1.2 p. 128 – 141).

Il y est relevé notamment que l'augmentation de la densité de la zone villa génère au sein de la commune une perte d'identité de cette zone, « qui n'est plus une zone villas ni encore une zone de développement. C'est dans ce contexte qu'une stratégie d'évolution de la zone 5 a été mise en œuvre afin de conditionner la densification en respectant la qualité de vie communale de E_____ et ses atouts paysagers. Cette stratégie s'appuie sur le diagnostic de la zone 5 de la commune, qui évalue entre autres le potentiel théorique de la zone à bâtir de la commune. Le diagnostic pour chaque secteur a identifié qu'une grande partie des parcelles étudiées a déjà épuisé ses droits à bâtir. Néanmoins, pour d'autres, le potentiel de développement ou de densification est encore positif » (p. 129). « L'analyse du territoire s'appuie sur quatre domaines fondamentaux qui permettent d'analyser la dimension bâtie et non bâtie : le cadre bâti, l'environnement paysager, l'énergie et la mobilité » (p. 130). « Afin d'établir la stratégie, le territoire est séparé en cinq secteurs possédant des caractéristiques spécifiques : les trois coteaux, que sont le coteau nord, le coteau centre et le coteau sud ; le village de E______ et le plateau sud. Pour chacun d'eux, un diagnostic et une stratégie ont été établis pour conditionner la densification. Cette étude sectorisée se trouve dans les fiches de mesures ». En outre, cette stratégie « est basée sur quatre prémisses de bases » à savoir celle de l'égalité de traitement des propriétaires, celle de la compensation pour le bien de la collectivité, celle du respect des mesures d'accompagnement liées à l'aménagement du territoire et celle de la préservation et de la mise en valeur de l'identité et du caractère de chaque secteur (p. 131-132). « L'étude du potentiel théorique de développement de la zone à bâtir a permis d'identifier des secteurs en zone d'affectation 5 sur le territoire de E______ ayant encore un potentiel de densification, situés sur le coteau mais aussi en bordure de zone agricole et des pénétrantes de verdure. Cette étude illustrée par une carte a permis d'identifier des secteurs à conditionner en termes de développement et d'autres présentant une opportunité d'étudier de nouvelles liaisons pédestres et espaces publics » (p. 132).

Enfin, « pour répondre aux objectifs d'intérêt public, la stratégie de densification de la zone 5 vient s'appuyer sur neuf principes d'intervention concernant l'urbanisme, l'environnement, énergie et mobilité, qui doivent être pris en compte à chaque analyse de projet » (p. 135). Il s'agit des principes suivants :

-       P1- Protection des pénétrantes de verdure et corridors biologiques à l’échelle régionale et locale ;

-       P2 - Préservation, renouvellement et enrichissement des composantes paysagères communales ;

-       P3 - Préservation des grandes entités paysagères et domaines à valeur patrimoniale ;

-       P4 - Traitement de la limite public-privé ;

-       P5 - Préservation des grandes percées visuelles ;

-       P6 - Amélioration des connexions piétonnes et voies cyclables ;

-       P7 - Gestion des accès et du stationnement dans le réseau de quartier ;

-       P8 - Application stricte des fiches de bonnes pratiques de la commission des monuments, de la nature et des sites sur les constructions localisées au bord du lac ;

-       P9 - Participation à la transition énergétique communale

Un tableau synoptique reprend ces principes d’interventions et propose une progression depuis des conditions impératives vers des conditions qui ne sont que des recommandations (p. 139).

Le chapitre 7 du PDCom de la commune de E______, intitulé « programme de mise en œuvre », comprend différentes fiches, dont les fiches A consacrées aux aspects d'urbanisme, parmi lesquelles figurent cinq fiches relatives à la stratégie d'évolution dans la zone 5 dans cinq secteurs différents (fiches A4 à A8 p. 174 à 202), structurées de la manière suivante :

-          identification

-          description (urbanisme ; paysages, nature, environnement ; énergie ; mobilité)

-          intérêts

-          conflits/contraintes

-          mesures réalisées/engagées

-          mesures proposées (en indiquant les principes d'intervention susmentionnés qui doivent s'appliquer dans le secteur considéré)

-          processus

-          cadre légal

-          documentation et références

Chaque secteur est en outre assorti d'une carte élaborée par le bureau G______, laquelle désigne par couleurs et pictogrammes divers éléments relatifs à l'urbanisme et au cadre bâti, au paysage, à la nature et à l'agriculture, ainsi qu'à la mobilité. Il résulte des cartes concernant les secteurs S1 (coteau nord), S2 (coteau centre) et S4 (coteau sud) qu'elles désignent en jaune les parcelles appartenant au « secteur densifiable en zone 5 », tandis que les cartes concernant les secteurs S3 (village) et S5 (plateau sud) désignent en outre, parmi ces parcelles, les périmètres « avec possibilités d'obtention de la dérogation art. 59 - selon application des critères (tableau synoptique) » et les périmètres « de protection des pénétrantes vertes exclus à la dérogation art. 59 - parcelles en contact direct avec la zone agricole ZA ».

Ces deux derniers secteurs indiquent notamment, au titre de la mobilité, les liaisons pédestres existantes/à améliorer/à créer, les liaisons cyclables existantes/à créer ou améliorer, ainsi que les réaménagements d'axes en faveur des transports publics et de la mobilité douce.

15.         La parcelle litigieuse n° 1___ fait partie du secteur S5 (plateau sud) et appartient au périmètre « avec possibilités d'obtention de la dérogation art. 59 ».

 

III.

16.         Au vu de ce qui précède, il apparaît tout d'abord qu'à partir de 2012, le législateur a jugé qu'il n'était plus possible de soumettre à l'accord de la commune la possibilité de construire en zone villas selon des rapports de surface de 40 à 48%, et que le préavis de la commune n'aurait par conséquent qu'une valeur consultative.

Quelques années plus tard, soit en 2019, les critiques dont la densification de la zone villa avait fait l'objet jusque-là ont conduit des députés du Grand Conseil à déposer un projet de modification de l'art. 59 aLCI réintroduisant la nécessité d'un accord de la commune. Presque simultanément, le département du territoire a décrété un gel sur l'application de l'art. 59 al. 4 aLCI.

Les travaux préparatoires qui ont conduit à l'adoption de l'actuel art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI indiquent qu'il n'a finalement tout de même pas été jugé opportun de soumettre la densification de la zone villa à l'accord des communes concernées, mais qu'il s'imposait néanmoins de laisser à celles « qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal » (art. 59 al.4bis LCI), une période de transition – échéant le 31 décembre 2022 – leur permettant de faire le nécessaire, période pendant laquelle elles pourraient s'opposer à tout projet de densification en zone 5. À partir du 1er janvier 2023, dans les communes qui n'auraient pas défini de stratégie de densification de la zone 5 dans leur PDCom, les projets de densification seraient à nouveau soumis à l'art. 59 al. 4 LCI.

17.         Ni le texte de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI, ni les travaux préparatoires relatifs à cette disposition légale, ne permettent de considérer que l'élaboration d'une stratégie de densification en zone 5 dans un PDCom devait, du fait de ces nouvelles normes, se concevoir autrement que selon ce que prescrivait d'ores et déjà la fiche A04 du PCDc 2030 - à laquelle les travaux préparatoires font d'ailleurs allusion à plusieurs reprises - et autrement que ce que prescrivait en outre l'art. 10 al. 3 LaLAT, qui obligeait les communes, dans leur PDCom, à déterminer notamment les périmètres de 5e zone pouvant faire l’objet d’une densification accrue. Les travaux préparatoires de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI montrent non seulement que le principe de la densification de la zone villa restait acquis aux yeux des initiants du PL 12566 eux-mêmes, mais encore que la manière de procéder à cette densification, selon ce que prévoit le PDCn 2030, n'a pas davantage été remis en cause. L'intervention du département du territoire durant la consultation sur le PL 12566 démontre en outre que plusieurs communes s'étaient d'ores et déjà dotées d'un PDCom contenant une stratégie de densification en zone 5 conforme au PDCn 2030 et que pour ce qui concernait la commune intimée, son projet de PDCom en était au stade de la consultation technique, avec phase-test prévue pour la mi-2020.

Autrement dit, l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI ne constitue pas une base légale destinée à préciser le contenu du PDCn 2030 ou de sa fiche A04 et n'a donc en rien modifié la manière dont il appartenait jusque-là aux instances spécialisées d'examiner la conformité d'un projet de PDCom à cette fiche et au Conseil d'État d'approuver cas échéant un PDCom jugé conforme à cette dernière.

L'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI offre aux communes l'opportunité de restreindre à des périmètres dits de densification accrue l'application des taux de 44 à 48%, et non plus à l'ensemble de la zone villa, mais il les oblige en contrepartie à définir de tels périmètres, à défaut de quoi, dès le 1er janvier 2023, les taux de 44 à 48% peuvent être revendiqués par les propriétaires dans toute la zone villa, aux conditions générales posées par l'art. 59 al. 4 LCI. Sous cet angle, dès l'entrée en vigueur de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI, lorsqu'un PDCom d'ores et déjà en force prévoit des périmètres de densification accrue, il n'y a aucune raison de retenir qu'une parcelle située dans l'un de ces périmètres ne pourrait bénéficier d'un taux de 44 à 48%, ou du moins que la commune pourrait y opposer un veto au sens de l'art. 59 al. 4bis LCI. L'adoption et l'entrée en vigueur de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI n'empêche certes pas les communes d'entamer la révision d'un PDCom déjà conforme au PDCn 2030, mais ne saurait non plus, dans l'intervalle, faire obstacle à l'application du PDCom en force et des périmètres de densification accrue qu'il prévoit.

18.         L'argument de parties intimées selon lequel il n'était chronologiquement pas possible d'adopter un PDCom conforme à l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI avant la modification de cette disposition légale, ne peut être suivi pour les motifs suivants.

Tout d'abord, cette disposition légale, comme il vient d'être dit, non seulement ne modifie rien aux obligations auxquelles le PDCn 2030 soumettait jusque-là les communes, mais surtout, elle n'apporte non plus aucun changement, que ce soit dans sa lettre ou dans les travaux préparatoires, à la notion de périmètre de densification accrue, conçue dans le cadre de la LCI, aussi bien avant qu'après la modification de son art. 59 al. 4 et al. 4bis, comme la possibilité de construire en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé selon un taux maximum de 48% (et 60% sur les parcelles de plus de 5'000 m2). Par conséquent, les PDCom qui délimitaient d'ores et déjà des périmètres de densification accrue de manière conforme au PDCn 2030 et à la fiche A04, ne sauraient avoir perdu leur validité du fait de l'entrée en vigueur d'une disposition légale qui n'entraînait aucune redéfinition de cette notion. En outre, l'argument selon lequel il n'était logiquement pas possible d'adopter un PDCom conforme à l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI avant la modification de cette disposition légale fait abstraction du texte même et de la logique de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI. Il faut en effet observer qu’en l'absence de disposition transitoire prévoyant l'inverse, l'art. 59 al. 4 LCI était applicable dès son entrée en vigueur le 28 novembre 2020. Or, selon sa lettre, l'art. 59 al. 4 LCI repose sur le présupposé (conforme aux informations fournies par le département du territoire pendant les travaux préparatoires) selon lequel, lors de l'entrée en vigueur de cette disposition, une commune peut déjà disposer d'un PDCom contenant une stratégie de densification de la zone 5 conforme à ses obligations en matière d'aménagement du territoire. Le raisonnement des parties intimées implique au contraire qu'à son entrée en vigueur, l'art. 59 al. 4 LCI serait resté lettre morte pour toutes les communes jusqu'à ce qu'elles aient redéfini des périmètres de densification accrue. Une telle approche est incompatible avec les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs, qui ne permettent pas à l'administration de donner à la loi une interprétation qui en bloque l'application immédiate voulue par le législateur.

Ainsi, l'applicabilité immédiate de l'art. 59 al. 4 LCI n'empêche aucunement, selon son texte, de considérer qu'au moment de son entrée en vigueur, des communes pouvaient d'ores et déjà disposer d'un PDCom conforme. Cette lecture se trouve confirmée par l'art. 59 al. 4bis LCI, dont la formulation prévoyant que « Dans les communes qui n’ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal (…) » signifie bien que certaines communes, et non pas nécessairement toutes les communes, ne disposaient pas, au 28 novembre 2020, d'un PDCom définissant des périmètres de densification accrue. Si, au moment de l'élaboration de l'art. 59 al. 4bis LCI, il avait fallu considérer que toutes les communes disposant d'une zone villas devaient nécessairement reprendre et adapter leur PDCom (selon ce que semble avoir entre-temps voulu exprimer le département dans la carte qu'il a mise en ligne le 14 janvier 2021 – cf. consid. 12), l'art. 59 al. 4bis LCI, ou une disposition transitoire, ou encore les travaux préparatoires l'auraient formulé de manière explicite. Or, on ne trouve aucune trace d'une telle obligation généralisée, que ce soit dans le texte légal ou dans les débats qui ont précédé son adoption. L'entrée en vigueur immédiate de l'art. 59 al. 4 LCI n'aurait pas non plus eu de raison d'être.

19.         La commune intimée relève par ailleurs qu'il n’y a pas la moindre référence dans son PDCom 2ème génération à des « périmètres de densification accrue » au sens de l’art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI. Selon elle, ce PDCom traite de l’évolution de la zone 5, répartit le territoire communal en 5 secteurs géographiques et fixe pour chacun des règles générales. Ces règles étaient appelées à permettre une appréciation des dérogations au sens de l’art. 59 al. 4 LCI, dans sa version antérieure au 1er octobre 2020, mais ne correspondaient pas aux exigences des nouveaux al. 4 et 4bis.

20.         Le tribunal ne peut suivre cette argumentation. Tout d'abord, la commune intimée se réfère à la notion de périmètre de densification accrue au sens de l'art. 59 al. 4 et 4bis LCI comme s'il s'agissait d'une notion nouvelle, alors que, comme déjà mentionné, l'art. 10 al. 3 aLaLAT, avant la modification légale en cause, obligeait déjà les communes à adopter un plan directeur qui devrait déterminer notamment les périmètres de 5e zone pouvant faire l’objet d’une densification accrue. La commune intimée ne cherche pas non plus à expliciter le sens de cette notion, ou du moins à préciser en quoi elle aurait été désormais différente, dans l'art. 59 al. 4 et 4bis LCI, de celle que mentionnait jusque-là l'art. 10 al. 3 aLaLAT. Fondamentalement, cette notion n'est d'ailleurs pas particulièrement complexe, puisqu'elle ne saurait désigner autre chose que la possibilité de construire selon les rapports de surface élevés prévus par l'art. 59 al. 4 LCI depuis 2012 et l'on ne voit pas en quoi l'apparition de cette notion dans la LCI, après avoir figuré pendant plusieurs années dans la LaLAT, en aurait changé le contenu. Sur cette question, il sera pour le surplus renvoyé aux développements ci-dessus (cf. consid. 17). Par identité de motifs, on ne voit pas non plus en quoi les règles fixées par le PDCom de 2ème génération, destinées selon la commune intimée à permettre d'apprécier les dérogations selon l'art. 59 al. 4 aLCI, ne répondraient plus aux exigences du nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI. Le tribunal relèvera qu'au contraire, aucune nouvelle exigence n'est posée par cette disposition légale sur le plan de la construction ou de l'aménagement.

21.         Enfin, la commune intimée souligne que l'arrêté du Conseil d'Etat approuvant son PDCom de 2ème génération ne ferait aucune allusion au nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI et que le Conseil d’Etat aurait dû constater que ce PDCom ne remplissait pas les exigences de l’art. 59 al. 4bis LCI, dès lors qu’il ne définissait aucun « périmètre de densification accrue » dans lequel les dérogations fondées sur l’art. 59 al. 4 LCI pourraient être automatiquement accordées, indépendamment de l’avis de la commune. On peine à suivre cette argumentation, dès lors que cette base légale a été adopté par le Grand Conseil le 1er octobre 2020, soit deux semaines avant l'approbation du PDCom par le Conseil d'Etat. On saisit mal la raison pour laquelle le Conseil d'Etat aurait approuvé un PDCom dont il y aurait eu lieu de constater d'ores et déjà l'incompatibilité avec une base légale qui allait entrer en vigueur quelques semaines plus tard. Par ailleurs, il ne sera sans doute pas question d'accorder « automatiquement » des dérogations, les périmètres de densification accrue n'ayant pas vocation à fixer un rapport de surface déterminé pour chaque parcelle. Par conséquent, un projet spécifique sera toujours soumis à examen sous l'angle d'un certain nombre de critères, notamment qualitatifs, sans que le rapport maximum de 48% soit toujours admissible.

22.         A la lecture du PDCom 2ème génération de la commune intimée, force est de constater que l'on y retrouve, dans l'approche et le contenu, les différents éléments mis en avant par le département du territoire dans la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » qu'il a mise en ligne le 19 janvier 2021. En effet, la stratégie d'évolution de la zone 5 découle d'un diagnostic et d'une analyse et est déclinée en différents principes qui ont trait à un ensemble complet d'éléments urbanistiques. Cette stratégie est également déclinée en fiches qui concernent cinq secteurs différents du territoire communal, deux d'entre eux (dont celui sur lequel se trouve la parcelle litigieuse) précisant quels sont les secteurs pouvant faire l'objet d'une densification selon l'art. 59 LCI et ceux qui ne le doivent pas.

Il est par ailleurs frappant que dans leurs écritures, les deux parties intimées n'indiquent nullement en quoi le PDCom de la commune ne répondrait pas aux éléments de la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI », mais se retranchent derrière le point de vue formel selon lequel l'entrée en vigueur de l'art. 59 al. 4 et al. 4bis LCI impliquait nécessairement une révision du PDCom, (le contraire ayant au demeurant été démontré ci-dessus).

23.         A cet égard, l'autorité intimée relève que le PDCom 2ème génération ne peut répondre aux exigences du nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI, puisque ce document est antérieur à la « Marche à suivre pour la densification de la zone 5, Modalités d’application du nouvel article 59 LCI » publiée le 19 janvier 2021. Cette directive n'est cependant pas de nature à modifier l'interprétation que le tribunal a faite plus haut du nouvel art. 59 al. 4 et 4bis LCI, qui n'exclut pas l'existence de PDCom compatibles approuvés avant l'entrée en vigueur de cette base légale.

24.         Par conséquent, on peut considérer qu'au moment où le département intimé a prononcé la décision litigieuse, la commune intimée faisait partie de celles qui avaient défini des périmètres de densification accrue dans leur PDCom et auxquelles ce n'était plus l'art. 59 al. 4bis qui trouvait à s'appliquer, mais l'art. 59 al. 4 LCI. Le département intimé ne pouvait ainsi, sur la seule base du préavis négatif de la commune intimée, interrompre l'instruction de la requête en autorisation de construire et rejeter cette dernière.

25.         La décision litigieuse sera ainsi annulée et le recours admis, le dossier étant renvoyé au département intimé afin qu'il reprenne l'instruction de la requête et statue sur cette dernière au terme de l'instruction.

26.         Il convient de noter que le présent jugement constitue à cet égard une décision incidente.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 1'200.- sera mis à la charge de la commune intimée, qui succombe. Les recourants qui obtiennent gain de cause, sont exonérés de tout émolument. Leur avance de frais de CHF 900.-, versée à la suite du recours, leur sera restituée.

28.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l’Etat de Genève, soit pour lui l’autorité intimée et à la charge de la commune de E______, pris solidairement, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la commune de G______.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 novembre 2021 par Monsieur B______ et Madame A______, D______ SA et C______ SA, contre la décision du département du territoire du 5 octobre 2021 (DD 1______) ;

2.             l'admet ;

3.             annule cette décision ;

4.             renvoie le dossier au département du territoire pour la suite à y donner au sens des considérants ;

5.             met à la charge de la commune de E______un émolument de CHF 1'200.- ;

6.             ordonne la restitution aux recourants de l’avance de frais de CHF 900.- ;

7.             condamne l’Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, et la commune de E______, pris solidiairement, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Diane SCHASCA et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière