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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1691/2022

JTAPI/1191/2022 du 07.11.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DOMICILE;PERMIS DE CONDUIRE;RECONNAISSANCE DU PERMIS;DEVOIR DE COLLABORER
Normes : Cst.29.al2; LCR.22.al1; OAC.2.al1; CC.23; LCR.42.al3bis.leta; LCR.42.al4; LCR.44.al1; LCR.45.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1691/2022 LCR

JTAPI/1191/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Lionel BUGMANN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2002, est titulaire d’un permis de conduire turc depuis le 8 octobre 2020.

2.             Le 17 mai 2021, à 10 h 39, il a été contrôlé sur la route de B______ , à proximité du n°106, en direction de la route de C______ , au volant d’une voiture de location, à une vitesse de 87 km/h alors que la vitesse signalisée était de 50 km/h, soit avec un dépassement de 32 km/h après déduction de la marge de sécurité.

3.             Le 13 juillet 2021, suite à l’avis adressé par la police au détenteur du véhicule, M. A______ a reconnu, par le biais du formulaire ad hoc, être l’auteur de l’infraction précitée. Sous la rubrique « adresse », il a indiqué être domicilié au ______, chemin des D______, à Genève. Il a également indiqué cette adresse dans le formulaire de police intitulé « Situation personnelle et financière ».

4.             Selon la fiche de renseignements de police du 22 octobre 2021, M. A______ avait produit une photocopie de son permis de conduire turc, « dont la catégorie B a[vait] été délivrée le 8 octobre 2020 ». Or, depuis le 30 juin 2017, il était titulaire d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial délivrée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Le 15 juin 2021, son autorisation de séjour avait été renouvelée jusqu’au 29 juin 2023. Renseignements pris auprès de l’OCPM, il n’apparaissait pas que M. A______ avait quitté le territoire ou, à tout le moins, il n’en avait pas informé l’autorité. La police ne pouvait pas affirmer « qu’antécédemment au renouvellement de son titre de séjour, soit le 15 juin 2021, l’intéressé n’ait pas résidé en Turquie pendant une période supérieure à 3 mois. Cela étant, il lui appartiendr[ait] de prouver cet état de fait le cas échéant, afin de s’opposer à une interdiction de faire usage de son pays de conduire étranger en Suisse ». Comme son titre de séjour fondait son lieu de résidence en Suisse, il lui était reproché d’avoir obtenu son permis de conduire étranger, en éludant les règles du droit suisse en la matière. Il se trouvait « actuellement » en Turquie, où il semblait résider, de sorte qu’il n’avait pas été possible de l’entendre dans le cadre de l’infraction administrative qui lui était reprochée.

5.             Par ordonnance pénale du 23 février 2022, le Ministère public a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis, et à une amende de CHF 500.- pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

Cette ordonnance n’a pas été contestée.

6.             Par courrier du 24 février 2022, adressé à au______, rue des D______, à Genève, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) l’a informé que les autorités de police avaient porté l’infraction précitée à sa connaissance. L’OCV a également sollicité quelques précisions. Il ressortait en effet du fichier de l’OCPM qu’il résidait dans le canton de Genève depuis le 30 juin 2017, si bien qu’il devait échanger son permis de conduire étranger contre un permis de conduire suisse. Or, pour se déterminer sur cet échange, l’OCV avait besoin de savoir depuis quand M. A______ habitait en Suisse, s’il avait quitté le pays, le motif pour lequel il avait obtenu un permis de conduire à l’étranger, quel avait été le but de son séjour à l’étranger, pendant combien de temps il y avait résidé, s’il avait annoncé son départ à l’OCPM et s’il pouvait justifier, par pièces, de son séjour à l’étranger. Un délai de quinze jours (ultérieurement prolongé au 4 avril 2022) lui était imparti pour répondre à ces questions.

7.             Par ordonnance de non-entrée en matière partielle du 8 mars 2022, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière s’agissant de la question d’une éventuelle violation de la LCR ou de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), en lien avec le permis de conduire turc de M. A______, et a réservé la reprise de la procédure préliminaire si de nouveaux moyens de preuve et de faits nouveaux révélaient une responsabilité pénale de l’intéressé et s’ils ne ressortaient pas du dossier antérieur.

Suite à l’excès de vitesse commis, la police avait constaté que M. A______ était titulaire d’un permis de conduire turc délivré le 8 octobre 2020, alors qu’il était au bénéfice d'un permis de séjour B depuis le 30 juin 2017, lequel avait été renouvelé le 15 juin 2021, jusqu'au 29 juin 2023. Or, les conducteurs de véhicules automobiles en provenance de l'étranger qui résidaient depuis plus de douze mois en Suisse sans avoir séjourné plus de trois mois consécutifs à l'étranger étaient tenus d’obtenir un permis de conduire suisse. Il n’avait toutefois pas pu être établi que M. A______ n’avait pas séjourné plus de plus de trois mois consécutifs à l'étranger, avant le renouvellement de son permis de séjour, le fait qu'il n'ait pas annoncé son éventuel départ de Suisse à l’OCPM n'étant pas suffisant à cet égard.

8.             Par courrier du 17 mars 2022, le conseil de M. A______ a sollicité et obtenu la prolongation du délai imparti par l’OCV, précisant que son client se trouvait à l’étranger et qu’il faisait élection de domicile en son Étude.

9.             Le 4 avril 2022, le conseil de M. A______ a sollicité une nouvelle prolongation de délai, jusqu’au 14 avril 2022, car ce dernier se trouvait à l’étranger.

10.         L’OCV n’a pas répondu à cette demande et M. A______ ne s’est pas non plus manifesté.

11.         Par décision du 21 avril 2022, exécutoire nonobstant recours, prise en application des art. 22, 23, 24 LCR et des art. 5k, 42 et 45 OAC, l’OCV a refusé de procéder à l’échange du permis de conduire étranger de M. A______ contre un permis de conduire suisse et lui a interdit l’usage en Suisse de son permis de conduire étranger et de tout permis de conduire international pour une durée indéterminée, précisant que s’il entendait conduire sur le territoire suisse, il devait déposer une requête tendant à la délivrance d’un permis d’élève-conducteur avec les droits et les obligations qui en découlaient.

Il lui était d’une part reproché un dépassement de la vitesse maximale autorisée hors localité de 32 km/h, marge de sécurité déduite, et d’autre part, d’avoir éludé les règles de compétence, dès lors qu’il ressortait de son dossier qu’il était titulaire d’un permis de conduire de catégorie B délivré en Turquie le 8 octobre 2020, alors qu’il se trouvait en Suisse depuis le 30 juin 2017 et qu’il y avait légalement conservé son domicile depuis cette date.

12.         Par acte du 24 mai 2022, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision de l’OCV du 21 avril 2022 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que la radiation de l’inscription au registre fédéral des mesures administratives (ci-après : ADMAS) soit ordonnée. Il a préalablement sollicité la restitution de l’effet suspensif.

Le recourant a rappelé l’historique du dossier ainsi que son parcours, précisant avoir rejoint sa mère à Genève, en juin 2017. Il était resté sans interruption en Suisse jusqu’en février 2019, puis il était reparti en Turquie pour suivre des études au collège et à l’université. Il n’avait pas annoncé son départ à l’OCPM, car il ne savait pas encore s’il souhaitait revenir en Suisse afin de poursuivre ses études en Suisse ou décider de vivre définitivement en Turquie. Il résidait ainsi dans son pays d’origine depuis février 2019 et il n’était revenu en Suisse que sporadiquement pour voir sa mère. « À cette occasion », il avait renouvelé son permis de séjour et avait passé un examen de français. L’OCV lui avait adressé un courrier le 24 février 2022 « au domicile de sa mère ». Il lui avait d’ailleurs aussi adressé la décision litigieuse à cette adresse, alors qu’il avait élu domicile en l’Étude de son conseil.

Cela étant, la décision litigieuse menaçait gravement ses intérêts privés à pouvoir faire usage de son permis de conduire étranger en Suisse. Dans la mesure où il n’y avait aucun intérêt public prépondérant à prononcer une décision exécutoire nonobstant recours, l’effet suspensif devait être restitué.

Par ailleurs, l’autorité intimée avait constaté les faits de manière inexacte. Elle avait considéré à tort qu’il vivait en Suisse depuis le 30 juin 2017, alors qu’il était retourné vivre en Turquie en février 2019. Elle n’avait pas non plus tenu compte de l’ordonnance de non-entrée en matière partielle du 8 mars 2022 ni attendu qu’il produise les pièces qu’elle lui avait réclamées. Il avait toujours souhaité collaboré malgré les difficultés liées au fait qu’il se trouvait actuellement à l’étranger - pour donner toutes explications utiles quant à la durée de son séjour en Suisse. Elle ne lui avait toutefois pas laissé l’occasion de s’expliquer à cet égard et avait rendu une décision ne tenant pas compte de l’exactitude des faits.

L’autorité intimée avait également violé le principe de la légalité et notamment l’art. 42 OAC, puisqu’il avait démontré avoir séjourné « largement » plus de trois mois consécutifs à l’étranger, où il résidait depuis février 2019. De plus, il n’avait pas séjourné plus de douze mois en Suisse, depuis qu’il avait obtenu son permis de conduire en Turquie. L’omission d’annoncer son départ à l’OCPM n’y changeait rien. En outre, il n’avait en aucun cas tenté d’obtenir un permis de conduire étranger pour éluder les dispositions de l’OAC.

Enfin, l’autorité intimée avait violé le principe de la proportionnalité, en prononçant à son encontre une décision pour une durée indéterminée, soit la mesure la plus incisive. Or, l’intérêt public à lui infliger une telle mesure devait céder le pas sur son intérêt privé à pouvoir faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse.

Le recourant a produit diverses pièces à l’appui de son recours.

13.         Dans ses observations du 7 juin 2022, sur effet suspensif, l’OCV a considéré que le recourant ne faisait valoir aucun intérêt privé prépondérant à suspendre l’exécution de la décision attaquée. Il n’avait produit aucune pièce probante, telle qu’une attestation d’immatriculation universitaire ou un bulletin de notes, et s’était borné à indiquer que ses intérêts privés à pouvoir faire usage de son permis de conduire en Suisse étaient gravement menacés. « Mieux encore », l’autorité constatait qu’il était absent de Suisse depuis de nombreux mois. En tout état, la sécurité routière apparaissait comme un intérêt public prépondérant et l’OCV persistait dans les termes de sa décision, à teneur de laquelle les compétences avaient été éludées.

14.         Le recourant a dupliqué le 17 juin 2022, sous la plume de son conseil.

L’OCV indiquait à tort qu’il était domicilié à Genève depuis le 30 juin 2017, sans aucune interruption. Cela étant, il projetait de rendre visite à sa famille en Suisse durant l’été 2022. Prochainement, après la fin de sa saison de joueur de basket en Turquie, il prévoyait de revenir en Suisse pour une plus longue période, afin d’y poursuivre ses études. Il était prêt à produire toutes pièces utiles et ses intérêts privés à pouvoir faire usage de son permis de conduire en Suisse l’emportaient sur l’intérêt public à rendre une décision exécutoire nonobstant recours. Il persistait ainsi dans ses conclusions en restitution de l’effet suspensif.

15.         Par courrier du 21 juin 2022, le tribunal a imparti un délai au 30 juin 2022 (ultérieurement prolongé) au recourant pour indiquer s’il avait annoncé son départ de Suisse à l’OCPM, justificatifs à l’appui.

16.         Par courrier du 8 juillet 2022, le recourant, sous la plume de son conseil, a répondu qu’il n’avait pas annoncé son départ à l’OCPM car il projetait de revenir en Suisse afin d’y poursuivre ses études. Cela étant, il était revenu en Suisse le 1er mai 2021 pour rendre visite à sa mère, renouveler son autorisation de séjour et passer un examen de français. Il était ensuite retourné en Turquie le 16 juin 2021 et n’avait plus quitté le pays depuis.

Il a notamment produit la traduction en français d’un document provenant du site internet www.turkiye.gov.tr, à l’en-tête de la Direction des postes frontaliers et de la lutte contre le trafic de migrants turque, indiquant qu’il était entré en Turquie le 16 juin 2021 par l’aéroport d’Istanbul. Il a également joint un document rédigé en turc, provenant visiblement du même site internet, qui mentionnait les dates suivantes : 1er mai, 16 juin, 12 et 14 juillet 2021. Il a précisé qu’il en produirait une traduction en français à brève échéance, ce qu’il n’a pas fait.

17.         Par courrier du 29 juillet 2022, l’OCV a pris bonne note du fait que le recourant n’avait pas annoncé son départ de Suisse à l’OCPM, ce qui « renforçait » les termes de la décision attaquée. Cette dernière était conforme à la loi et à la jurisprudence fédérale en la matière, étant précisé qu’il était clairement établi que le recourant avait éludé les règles de compétences en obtenant, le 8 octobre 2020, un permis de conduire turc pour la catégorie B. Compte tenu de ce qui précédait l’OCV laissait la cause à juger.

18.         Selon la base de données de l’OCPM, le recourant est arrivé à Genève le 30 juin 2017. Le 12 juillet 2017, il a obtenu une autorisation de séjour au titre de regroupement familial. Le 15 juin 2021, son titre de séjour a été renouvelé jusqu’au 29 juin 2023. Du 30 juin 2017 au 1er juillet 2019, il était domicilié au ______, chemin de E______, à F______. Depuis, il est domicilié au ______, chemin des D______, à Genève, à la même adresse que ses parents.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Dans un premier grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu (cf. ATF 132 V 387 consid. 5. 1) le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, dans la mesure où il reproche à l’OCV de ne pas lui avoir donné l’occasion de s’expliquer avant le prononcé de la décision litigieuse.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité (ou le juge) de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

5.             En l'espèce, avant de rendre la décision entreprise, l'autorité intimée a dûment interpellé le recourant par courrier du 24 février 2022, exposant la situation et sollicitant divers renseignements et pièces justificatives qui lui étaient nécessaires avant de se prononcer. Pour ce faire, elle lui a imparti un délai de quinze jours, qu’elle a ensuite, à la demande du recourant, prolongé au 4 avril 2022. Le recourant a demandé à cette date une nouvelle prolongation du délai, dont il n'a pas fait usage, indépendamment de l'absence de réponse de l'autorité intimée. En effet, il était tout à fait loisible au recourant de communiquer les renseignements requis jusqu’au délai qu’il avait sollicité au 14 avril 2022. Or, la décision litigieuse a été rendue le 21 avril 2022, soit après la prolongation de délai requise et le recourant ne s’est pas manifesté dans l’intervalle.

Dans ces circonstances, le reproche que le recourant adresse à l’autorité intimée pour ne pas lui avoir laissé l’occasion de donner « toutes explications utiles quant à la durée de son séjour en Suisse » est particulièrement malvenu, pour ne pas dire téméraire.

6.             À teneur de l'art. 10 al. 2 LCR, nul ne peut conduire un véhicule automobile sans être titulaire d'un permis de conduire.

7.             Conformément à l'art. 22 al. 1 LCR, les permis sont délivrés et retirés par l'autorité administrative. Cette compétence appartient au canton de domicile pour les permis de conduire.

8.             Selon l’art. 2 al. 1 OAC, le domicile au sens du droit sur la circulation routière se détermine selon les dispositions du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), dont l’art. 23 stipule que le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir; le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile (al. 1). Selon l’al. 2 de cette disposition, nul ne peut avoir en même temps plusieurs domiciles.

9.             À teneur des directives de l’association des services des automobiles (ci-après : ASA) [n° 1, traitement des véhicules à moteur et des conducteurs en provenance de l’étranger, Traitement des véhicules à moteur et des conducteurs en provenance de l’étranger (asa.ch) ch. 312], selon les droits international et suisse, les permis de conduire ne doivent être reconnus que s’ils ont été obtenus dans l’Etat de domicile. Les permis de conduire obtenus à l’étranger par des personnes ayant leur domicile légal en Suisse peuvent être reconnus lorsque le séjour a été d’au moins douze mois consécutifs dans le pays émetteur. Les documents suivants sont valables comme attestation de séjour : inscription/désinscription auprès de l’office des habitants, attestation scolaires ou de travail (séjours linguistiques, études, etc.). En cas de déménagement, on pourra tolérer aussi la reconnaissance de permis obtenus dans le précédent État de domicile durant les trois premiers mois suivant l’arrivée en Suisse.

10.         Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que les directives de l’ASA peuvent être suivies dans la mesure où elles contiennent des principes qui reproduisent l’opinion d’experts sur l’interprétation de la loi (ATF 120 Ib 305 consid. 4b = JdT 1995 I 697 ; ATF 118 Ib 518 consid. 3b = JdT 1993 I 675).

11.         L'art. 42 al. 3bis let. a OAC dispose que les conducteurs de véhicules automobiles en provenance de l'étranger qui résident depuis plus de douze mois en Suisse sans avoir séjourné plus de trois mois consécutifs à l'étranger, sont tenus d'obtenir un permis de conduire suisse.

12.         Selon l'art. 42 al. 4 OAC, ne peut pas être utilisé en Suisse le permis de conduire étranger que le conducteur a obtenu en éludant les dispositions de la présente ordonnance concernant l'obtention du permis de conduire suisse ou les règles de compétence valables dans son pays de domicile.

13.         D'après l'art. 44 al. 1 OAC, le titulaire d'un permis de conduire étranger valable recevra, sans passer un examen de conduite, un permis de conduire suisse pour la même catégorie de véhicules s'il apporte la preuve, lors d'une course de contrôle, qu'il connaît les règles de la circulation et qu'il est apte à conduire d'une façon sûre. Un tel échange de permis présuppose cependant que le permis de conduire étranger puisse être valablement utilisé en Suisse.

14.         À teneur de l'art. 45 al. 1 OAC, l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse. En outre, l'usage du permis de conduire étranger doit être interdit pour une durée indéterminée si le titulaire a obtenu son permis à l'étranger en éludant les règles suisses ou étrangères de compétence.

15.         Selon la jurisprudence, élude les règles suisses de compétence celui qui se fait délivrer à l'étranger un permis de conduire qu'il aurait dû obtenir en Suisse et qui a l'intention de l'utiliser en Suisse (ATF 129 II 175 consid. 2.5 = JdT 2003 I 478 ; 109 Ib 205 consid. 4a ; 108 Ib 57 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C_135/2017 du 7 juin 2017 consid. 2.3.1 1C_30/2014 consid. 3.1 ; 1C_372/2011 du 22 décembre 2011 consid. 2.2). C’est le lieu de rappeler que le permis de conduire étranger que le titulaire a obtenu en éludant les règles suisses de compétence ne peut être valablement utilisé en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.485/1999 du 8 février 2000 et les références citées consid. 2a).

Peu importe que l'intéressé ait éludé ces règles de compétence intentionnellement ou pas. Pour que les art. 42 al. 4 et 45 al. 1 OAC s'appliquent, il suffit que les règles de compétence aient été objectivement éludées. Il n'est pas nécessaire, selon une interprétation littérale du texte clair desdites dispositions, qu'elles aient été éludées, au surplus, avec conscience et volonté (arrêt du Tribunal fédéral 2A.485/1999 précité consid. 2b).

Une fois reconnue, l'élusion des règles suisses de compétence au sens de l'art. 45 al. 1 OAC est un vice qui affecte la validité même du permis de conduire, raison pour laquelle l'autorité doit prononcer l'interdiction de conduire et ne dispose pas de marge d'appréciation sur ce point (arrêt du Tribunal fédéral 1C_30/2014 du 7 mars 2014, consid. 3.4).

Aucune exception n'est prévue à l'obligation qui est celle du conducteur titulaire d'un permis étranger d'obtenir un permis suisse, dès lors qu'il a son domicile dans ce pays (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_372/2011 précité consid. 2.4).

16.         La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office; cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2020 du 15 octobre 2020 consid. 9.2.2). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (arrêts du Tribunal fédéral9C_619/2021 du 12 septembre 2022 consid. 5.1.2 ; 9C_476/2021 du 30 juin 2022 consid. 5.2.1 et les références citées). La jurisprudence considère que ce devoir de collaboration est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque (cf. ATF 133 III 507 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2020 consid. 3.1 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

17.         Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

18.         En l’espèce, il ressort de la base de données de l’OCPM que le recourant est arrivé à Genève le 30 juin 2017 et qu’il est au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis le 12 juillet 2017, laquelle a été renouvelée le 15 juin 2021, jusqu’au 29 juin 2023. En outre, il était domicilié au ______, chemin E______, à F______ jusqu’au 1er juillet 2019. Depuis cette date, il est domicilié au______, chemin des D______, à Genève. Il s’agit d’ailleurs de l’adresse qu’il a lui-même communiquée le 13 juillet 2021 à la police genevoise par le biais de divers formulaires. Il n’a à aucun moment annoncé son départ aux autorités helvétiques. Ce n’est qu’après le prononcé de la décision litigieuse qu’il a allégué qu’il vivait depuis février 2019 en Turquie, où il avait notamment suivi ses études au collège et à l’université et où il jouait également au basket.

Malgré le courrier de l’autorité intimée du 22 février 2022 et la prolongation de délai accordé, et bien qu’il ait eu l’occasion de verser toutes preuves utiles, à tous les stades de la procédure, y compris devant le tribunal de céans, le recourant n’a pas été en mesure de démontrer qu’il était domicilié en Turquie depuis février 2019, alors qu’il s’agit d’un fait tout à fait aisé à démontrer, par exemple au moyen de justificatifs cités dans le considérant 9 ci-dessus. C’est le lieu de relever que les pièces versées à la procédure le 8 juillet 2022, qui ne font visiblement état que d’entrées et de sorties de Turquie entre mai et juillet 2021, n’ont aucune valeur probante à cet égard.

Pourtant, le recourant, qui est assisté par un mandataire professionnel, devait être en mesure de comprendre l'importance qu'il y avait à collaborer à l'établissement des faits pertinents et plus particulièrement à la détermination de son domicile. Dans ces circonstances, faute pour le recourant d’avoir démontré qu’il était domicilié en Turquie depuis février 2019, c’est à bon droit que l’autorité intimée, se fondant sur les éléments au dossier, a retenu qu’il était domicilié en Suisse depuis le 30 juin 2017. Il appartient en effet au recourant de supporter les conséquences de l'absence d'éléments attestant de la véracité de ses allégations, s’agissant de son lieu de domicile.

Force est ainsi de retenir que le recourant résidait en Suisse depuis plus de douze mois lorsqu’il a obtenu son permis de conduire en Turquie le 8 octobre 2020 et qu’il n’a pas démontré avoir séjourné plus de trois mois consécutifs dans son pays d’origine au sens de l’art. 42 al. 3bis let. a OAC.

Partant, le recourant a objectivement éludé les règles suisses de compétence en se faisant délivrer un permis de conduire en Turquie, alors qu’il aurait dû l’obtenir en Suisse (art. 42 al. 3bis let. a OAC), et qu’il a également violé l’art. 42 al. 4 OAC en conduisant sur le sol helvétique avec le permis de conduire turc.

C’est ainsi à bon droit que l’autorité intimée - qui n’avait d’autre choix que de prononcer cette mesure en application de l’art. 45 al. 1 OAC - a interdit l’usage du permis de conduire étranger du recourant pour une durée indéterminée. C’est également à bon droit qu’il a refusé d’échanger son permis de conduire contre un permis de conduire suisse, étant rappelé qu’un tel échange présuppose que le permis de conduire étranger puisse être valablement utilisé en Suisse (art. 44 al. 1 OAC), ce qui n’est pas le cas des permis de conduire obtenus, comme en l’espèce, en éludant les règles suisses de compétence.

19.         Il convient enfin de relever que le recourant tente de jouer sur deux tableaux, ce qui pourrait mettre très sérieusement en péril son autorisation de séjour en Suisse. En effet, celle-ci devient caduque, sans que l'autorité compétente ne dispose d'aucun pouvoir d'appréciation, en cas d'absence de Suisse durant plus de six mois (art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20). Ainsi, le recourant n'a aucun intérêt à maintenir sa version selon laquelle il s'est absenté de Suisse depuis 2019, ne revenant dans ce pays que pour quelques courtes visites, sauf à ce que sa situation ne soit portée par l'autorité intimée à la connaissance de l'OCPM.

20.         Pour finir, le tribunal relève que la question du dépassement de la vitesse maximale autorisée commis par le recourant n'est pas discutée par ce dernier, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer à ce sujet.

21.         Le présent jugement rend sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

22.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision attaquée confirmée.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 21 avril 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière