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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4261/2021

JTAPI/953/2022 du 14.09.2022 ( DSES ) , REJETE

ADMIS par ATA/526/2023

Descripteurs : AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);EXPULSION(DROIT PÉNAL);CRIME;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LEI.62.al1.leta; LEI.62.al1.letb; LEI.63.al1.leta; LEI.63.al3; LEI.96; CP.66a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4261/2021

JTAPI/953/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Nicola MEIER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 


EN FAIT

1.             Ressortissant kosovar né le ______ 1990, Monsieur A______ est arrivé à Genève le 19 août 1992 avec ses parents.

2.             Le 7 août 1993, il a obtenu une autorisation de séjour et, le 21 juillet 1999, une autorisation d’établissement.

3.             Il a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales par le Ministère public :

-     le 5 avril 2013, à une peine pécuniaire de trente jours-amende avec sursis pour vol ;

-     le 17 janvier 2014, à une peine pécuniaire de trente jours-amende pour vol ;

-     le 26 mai 2014, à une peine pécuniaire de quarante jours-amende pour dommages à la propriété et vol ;

-     le 23 janvier 2015, à deux cent quarante heures de travail d’intérêt général, ainsi qu’à une amende de CHF 300.- pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

-     le 26 février 2015, à cent vingt heures de travail d’intérêt général pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété et menaces ;

-     le 9 mai 2015, à une peine privative de liberté de six mois pour vol ;

-     le 11 avril 2016, à une peine privative de liberté de cent quatre-vingts jours avec sursis, ainsi qu’à une amende de CHF 700.- pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile et infraction à la LStup ;

-     le 6 juin 2016, pour vol, dommages à la propriété et violation de domicile. Cette ordonnance étant complémentaire à celle du 11 avril précédent, aucune peine n’a été prononcée.

En outre, par arrêt du 1______ 2020 (AARP/_/2020), la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale) – statuant sur un appel interjeté par la partie plaignante à l’encontre d’un jugement du Tribunal correctionnel du 2______ 2019 (JTCO/_/2019) – a condamné M. A______ à une peine privative de liberté d’ensemble de cinquante mois, ainsi qu’à une amende de CHF 400.- pour contrainte sexuelle, lésions corporelles simples aggravées, contrainte, lésions corporelles simples, tentative de menaces, vol, tentative de vol, dommages à la propriété, non-restitution du permis de conduire malgré les sommations de l’autorité, conduite sans autorisation, violation simple des règles de la circulation routière et infraction à la LStup. La peine a été suspendue au profit d’une mesure de traitement institutionnel des addictions.

La chambre pénale a retenu que la contrainte sexuelle exercée par le recourant était incontestablement abjecte. Il n’avait cependant pas usé d'une cruauté allant au-delà de ce qui appartenait déjà à la réalisation de l'infraction de base, de sorte que la circonstance aggravante de l'art. 189 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) n’a pas été retenue (consid. 2.5.3). Sa faute, s’agissant de cette infraction, a été considérée comme très grave (consid. 3.4.1).

Par arrêt du 3______ 2020 (6B_/2020), le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par M. A______ à l’encontre de cet arrêt.

4.             Par pli du 11 février 2016, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a adressé une mise en garde formelle à M. A______, compte tenu de l’ensemble des faits qui lui avaient été reprochés et a attiré son attention sur le fait qu’en cas de nouvelle infraction, son autorisation d’établissement pourrait être révoquée.

5.             Par jugement du 4______ 2021 (PM/_/2021), le Tribunal d’application des peines et mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la poursuite du traitement institutionnel des addictions de M. A______, la mesure valant jusqu’au 16 janvier 2023.

6.             Le 14 juin 2021, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de proposer au département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : DSPS ou le département) la révocation de son autorisation d’établissement, au vu de ses condamnations pénales et de sa situation personnelle.

Un délai lui a été accordé pour lui permettre d’exercer son droit d’être entendu.

7.             L’intéressé s’est déterminé par lettre du 15 septembre 2021.

La chambre pénale d’appel avait implicitement renoncé à prononcer une mesure d’expulsion à son endroit. Le département ne pouvait, dès lors, révoquer son autorisation d’établissement en se fondant uniquement sur la condamnation pénale figurant dans cet arrêt.

En outre, la révocation de son autorisation d’établissement entraînerait des conséquences irrémédiables et dramatiques sur ses liens avec ses proches. Il vivait une relation de couple stable depuis plusieurs mois malgré son incarcération. Il ne disposait plus d’aucun lien avec le Kosovo, où il ne s’était plus rendu depuis dix ans. Ses seuls proches appartenaient à la famille de son père, avec lequel il avait coupé tout contact en raison des violences physiques et psychiques qu’il lui avait fait subir.

À l’aune de la durée de son séjour en Suisse, de sa situation familiale, de son âge, de la prise de conscience de ses actes et de l’absence de récidive, son intérêt privé à demeurer en Suisse auprès de sa compagne et de sa famille primait l’intérêt public à son éloignement.

8.             Par décision du 15 novembre 2021, le département a révoqué l’autorisation d’établissement de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

La chambre pénale l’avait condamné à une peine privative de liberté de cinquante mois. L’essentiel des infractions avait toutefois été commises après le 1er octobre 2016 et cette juridiction n’avait pas abordé la problématique de l’expulsion. Par conséquent, l’art. 63 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) empêchait l’application des art. 63 al. 1 let. a LEI cum art. 62 al. 1 let. b LEI à l’encontre de M. A______.

Cependant, son autorisation d’établissement pouvait être révoquée au motif qu’il avait attenté de manière très grave à la sécurité et à l’ordre publics. En effet, ses condamnations avaient été prononcées au cours d’un intervalle très restreint et elles visaient toutes des crimes. Elles totalisaient dans l’ensemble une peine privative de liberté de soixante-deux mois.

Par ailleurs, cette mesure respectait le principe de la proportionnalité. Il résidait certes en Suisse depuis trente et un ans, ce qui constituait assurément une très longue durée. Ses parents, ainsi que ses sœurs et son frère vivaient en Suisse, mais il n’avait pas d’enfant. De plus, son intégration devait être considérée comme mauvaise. En effet, il ne disposait d’aucune formation, n’avait jamais exercé d’activité lucrative stable et continue et ne jouissait d’aucune intégration sociale satisfaisante. Il avait commis de nombreuses infractions graves de manière répétée, sans que les diverses peines ne lui aient permis de se remettre en question. Son traitement et son suivi en institution ne se passait pas bien. L’évolution de son comportement était évoquée de manière négative par le TAPEM. Enfin, il faisait l’objet de poursuites pour dettes et d’actes de défaut de biens pour un montant total de quelque CHF 55'000.-.

En conséquence, l’intérêt public à la révocation de l’autorisation d’établissement de M. A______ l’emportait largement sur son intérêt privé à séjourner en Suisse.

9.             Par acte du 16 décembre 2021, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement, à la suspension de la procédure de recours jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/_/2021, principalement, à l’annulation de la décision du 15 novembre précédent, ainsi qu’au renouvellement de son autorisation d’établissement, le tout, sous suite de frais et dépens. Il a repris, en les développant, les arguments exposés dans sa lettre du 15 septembre 2021.

À l’issue de l’instruction de la procédure pénale P/_/2021, le Ministère public avait rendu un acte d’accusation et annoncé oralement son intention de solliciter son expulsion du territoire suisse. En vertu du principe d’économie de la procédure, il convenait de suspendre la procédure administrative jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

La décision attaquée devait être annulée pour constatation inexacte des faits. Le département avait omis de tenir compte des violences physiques et psychologiques que lui avait fait subir son père, de sa dépendance aux drogues, à l’origine de ses comportements délictueux, ainsi que de la présence de sa famille nucléaire en Suisse, dont il était très proche. En outre, le TAPEM avait maintenu son traitement institutionnel en relevant qu’il était bien intégré.

Le département admettait que l’art. 63 al. 3 LEI empêchait l’application des art. 63 al. 1 let. a LEI cum 62 let. b LEI à son endroit en raison du fait que l’essentiel des infractions retenues par la chambre pénale avaient été commises après le 1er octobre 2016 et que cette juridiction avait tacitement renoncé à son expulsion. L’autorité intimée ne pouvait dès lors pas retenir qu’il avait attenté de manière très grave à la sécurité et à l’ordre public.

La pesée des intérêts effectuée par le département contrevenait au principe de la proportionnalité.

Ses condamnations étaient liées à son addiction aux stupéfiants, dans la consommation desquels il s’était réfugié à la suite des nombreuses violences infligées par son père. Il tentait d’affronter les traumatismes liés à son enfance lors de ses séances avec sa psychologue, Madame B______. Ses attaches avec la Suisse étaient extrêmement fortes. Il y avait vécu l’intégralité de sa vie et y avait effectué toute sa scolarité. Sa durée de présence était largement nécessaire à celle requise pour se prévaloir de l’art. 8 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Il formait un couple stable avec sa compagne depuis plusieurs mois. En conséquence, son intégration faisait obstacle à son renvoi.

Par ailleurs, il ne disposait plus d’aucun lien avec le Kosovo et avait coupé tout contact avec les membres de sa famille paternelles. S’il y était expulsé, il se retrouverait seul, forcé de vivre à la rue et loin de ses proches. Il entreprenait des démarches en vue de se former et trouver un emploi à sa sortie de détention. Il projetait d’aller vivre en Valais avec sa compagne, Madame C______, dont il produisait un témoignage en annexe. Il aimerait exercer le travail de menuisier, afin de mettre à profit son expérience dans le bâtiment et la construction. Sa famille et sa compagne lui apportaient le soutien nécessaire pour aller de l’avant. Dans la mesure où un risque de récidive ne pourrait être retenu qu’en lien avec sa consommation de stupéfiants, l’évolution positive constatée quant à son comportement et à sa prise de conscience était de nature à y pallier.

Le tribunal devait tenir compte des changements récents constatés dans le rapport de Mme B______ du 1er décembre 2021 annexé, dans l’examen de la révocation de son autorisation d’établissement.

Alors que l’intérêt public à son éloignement de Suisse était abstrait et insuffisant, ses intérêts privés à y séjourner étaient nombreux et importants. La décision attaquée consacrait une violation des art. 8 CEDH, ainsi que 63 al. 1 let. b et 96 LEI.

Enfin, l’exécution de son renvoi n’était pas possible, puisqu’il était incarcéré auprès de l’établissement de la Brenaz. Il ne pouvait quitter la Suisse avant la fin de sa peine.

10.         Le 10 janvier 2022, le département a informé le tribunal qu’il s’opposait à la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit jugé dans la cause P/_/2021.

11.         Dans ses observations du 10 février 2022, le département a conclu au rejet du recours.

La chambre pénale n’avait pas examiné la question de l’expulsion pénale du recourant, y renonçant explicitement. Seule la contrainte sexuelle constituait une infraction pouvant déboucher sur une expulsion pénale obligatoire. Elle avait toutefois été commise avant le 31 juillet 2016, soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’expulsion pénale, le 1er octobre 2016. Les autres infractions, commises après cette dernière date ne pouvaient donner lieu qu’à une expulsion non obligatoire. L’autorisation d’établissement du recourant pouvait être révoquée pour un autre motif que la condamnation à une peine privative de liberté de longue durée, en l’occurrence sur la base de l’ensemble de son parcours criminel.

Le département a produit son dossier.

12.         Le 8 mars 2022, le recourant a informé le tribunal qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

13.         Par jugement du 5______ 2022 (cause P/_/2021), le tribunal de police a condamné le recourant à une peine privative de liberté de dix-huit mois, ainsi qu’à une peine pécuniaire de dix jours-amende pour vol, tentative de vol, dommages à la propriété, violation de domicile, tentative de violation de domicile et empêchement d’accomplir un acte officiel. Il a également ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans et dit que l’exécution de sa peine primait l’expulsion.

Ce jugement fait actuellement l’objet d’un appel.

14.         Le détail des pièces du dossier sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions du département de la sécurité, de la population et de la santé relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

6.             Le recourant sollicite la suspension de la procédure administrative jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale P/_/2021, ce à quoi le département s’oppose.

7.             Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur cette question.

L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). La suspension de la procédure ne peut pas être ordonnée chaque fois que la connaissance du jugement ou de la décision d'une autre autorité serait utile à l'autorité saisie, mais seulement lorsque cette connaissance est nécessaire parce que le sort de la procédure en dépend (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c). Une procédure ne saurait dès lors être suspendue sans que l'autorité saisie n'ait examiné les moyens de droit qui justifieraient une solution du litige sans attendre la fin d'une autre procédure. Il serait en effet contraire à la plus élémentaire économie de procédure et à l'interdiction du déni de justice formel fondé sur l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) d'attendre la décision d'une autre autorité, même si celle-ci est susceptible de fournir une solution au litige, si ledit litige peut être tranché sans délai sur la base d'autres motifs (ATA/206/2015 du 24 février 2015 consid. 2c).

8.             En l'espèce, le sort du présent litige ne dépend pas de l'issue de la procédure pénale P/_/2021, les conditions de la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant étant réalisées en l'état, comme cela ressort des considérants qui suivent. Dès lors que le tribunal dispose de tous les éléments nécessaires pour trancher le litige, il n'y a pas lieu de suspendre la présente cause jusqu'à droit connu sur la procédure pénale précitée.

9.             Le recourant se plaint d’une constatation inexacte des faits par le département.

10.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Selon ce dernier, le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées : ce n'est ainsi ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant mais leur force de persuasion.

11.         En l’occurrence, l’intéressé fait grief à l’autorité intimée de ne pas avoir tenu compte des violences physiques et psychologiques que lui a fait subir son père, de sa dépendance aux drogues, à l’origine, selon lui, de ses comportements délictueux, ainsi que de la présence de sa famille en Suisse et dont il est très proche. En outre, le TAPEM a maintenu son traitement institutionnel en relevant qu’il était bien intégré.

12.         En l’espèce, l’intéressé ne peut être suivi. En effet, contrairement à ce qu’il soutient, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la révocation de son autorisation d’établissement, l’autorité intimée a tenu compte la présence de sa famille en Suisse. Elle n’a certes pas spécifiquement pris en considération sa toxicomanie, mais il n’a de ce fait pas subi de réel préjudice car, ainsi qu’il sera exposé ci-dessous, selon la chambre pénale, sa consommation de stupéfiants n’a pas eu d’effet sur sa faute, hormis une légère diminution de responsabilité. En outre, le département n’a pas fait état des violences commises par son père, mais il n’est pas non plus démontré que celles-ci auraient conduit à une diminution de la faute de l’intéressé ou seraient à l’origine de son comportement délictueux.

Enfin, c’est à tort que le recourant reproche une constatation inexacte des faits, s’agissant du jugement du TAPEM du 4______ 2021 précité. En effet, il en découle que la direction de E______, institution qu’il avait intégrée le 19 octobre 2020, a certes relevé qu’il s’y était bien intégré. Toutefois, le TAPEM a également noté qu’il avait fugué à deux reprises en raison d’une forte envie de consommer des stupéfiants. Il a été mise en garde s’agissant de mettre fin au placement en cas de troisième fugue. Le TAPEM a en outre retenu que son comportement avait, dernièrement, évolué de manière négative vis-à-vis des autres résidents et de l’équipe éducative, de sorte qu’une rencontre avec les intervenants devrait prochainement avoir lieu afin d’évaluer sa motivation et sa progression.

13.         Le recourant soutient que la révocation de son autorisation d’établissement doit être annulée, au motif qu’elle enfreint l’art. 63 al. 3 LEI.

14.         Selon les art. 62 al. 1 let. b cum art. 63 al. 1 let. a LEI, une révocation de l’autorisation d’établissement est possible notamment lorsque l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP.

Est cependant illicite toute révocation fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion (art. 63 al. 3 LEI). Cette disposition est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.

15.         Lorsque la condamnation repose sur des infractions commises avant le 1er octobre 2016, ni l'autorité administrative, ni le juge administratif ne sont liés par le fait que l'autorité pénale n’a pas prononcé l'expulsion de l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2021 du 7 octobre 2021 consid. 5). 

16.         Dans l’arrêt 2C_1154/2018 du 18 novembre 2019, publié aux ATF 146 II 1, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 66a al. 1 CP, entré en vigueur à la même date que l’art. 63 al. 3 LEI, fixe un catalogue d'infractions (al. 1 let. a à o) qui oblige le juge pénal à expulser, pour une durée de cinq à quinze ans, l'étranger qui est condamné pour l'une d'elles, quelle que soit la quotité de la peine prononcée. Néanmoins, selon l'art. 66a al. 2 CP, ledit juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse ; à cet égard, le juge tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. Cette situation est qualifiée de cas de rigueur (consid. 2.1.2).

Selon la jurisprudence, cette disposition ne s’applique qu’aux infractions commises après cette date. Si le juge pénal renonce à expulser l’étranger qui a commis des infractions après le 1er octobre 2016, l'autorité administrative respectivement l'autorité judiciaire administrative, n’est plus compétente pour révoquer l'autorisation d'établissement le juge pénal devait prendre en considération dans son examen du cas de rigueur (ibid.).

17.         Dans un arrêt subséquent (2C_744/2019 du 20 août 2020, publié aux ATF 146 II 321), le Tribunal fédéral a confirmé un jugement vaudois annulant la révocation d’une autorisation d’établissement prononcée par l’autorité administrative, dont la décision se fondait sur un jugement pénal.

Le Tribunal fédéral a précisé que l’art. 63 al. 3 LEI peut couvrir les cas d’une renonciation implicite – c’est-à-dire volontaire, mais non motivée – à l’expulsion pénale (consid. 4.5).

Un juge renonce toujours à prononcer une expulsion pénale au sens l'art. 62 al. 2 et 63 al. 3 LEI même lorsqu'il omet de traiter cette problématique dans son arrêt, de sorte que l'autorité administrative ne peut pas se fonder uniquement sur les infractions ainsi jugées pour révoquer l'autorisation de séjour ou d'établissement de l'étranger condamné. Il importe le cas échéant peu que cette renonciation implicite à l'expulsion résulte d'une négligence du juge pénal, ni que celle-ci viole les règles sur l'expulsion des criminels étrangers. De manière générale, il n'appartient pas aux autorités administratives de corriger les erreurs des autorités pénales suisses en révoquant les autorisations de séjour et d'établissement d'étrangers condamnés qui n'auraient pas été expulsés du territoire (consid. 4.7).

18.         Dans ce même arrêt, le Tribunal fédéral a retenu que les art. 62 al. 2 et 63 al. 3 LEI n'empêchent pas les autorités administratives de révoquer une autorisation de séjour ou d'établissement sur la base d'infractions exclusivement commises avant le 1er octobre 2016. Lorsque des infractions ont été commises à la fois avant et après le 1er octobre 2016 et que les autorités pénales, jugeant les dernières infractions, ont renoncé à prononcer une expulsion pénale, les autorités administratives ne peuvent plus révoquer une autorisation de séjourner en Suisse en raison d'infractions commises avant le 1er octobre 2016, lorsque le juge pénal a entre-temps renoncé à prononcer une expulsion du territoire en lien avec d'autres infractions commises après cette date, dans la mesure où il a tenu compte de l'ensemble du parcours criminel de l'étranger intéressé. En revanche, les autorités de droit des étrangers conservent le droit de révoquer une telle autorisation – respectivement celui de ne pas la renouveler – en raison de crimes et délits perpétrés avant le 1er octobre 2016, chaque fois que la renonciation du juge pénal à prononcer une expulsion pénale en lien avec des infractions commises après cette date n'est assortie d'aucune motivation spécifique, notamment lorsque son jugement est rendu sans motivation écrite ou sous forme simplifiée et qu'aucune explication particulière ne découle de l'acte d'accusation. Dans une telle situation, les raisons pour lesquelles le juge pénal a renoncé à prononcer une expulsion de l'étranger condamné ne ressortent en effet pas du jugement, de sorte qu'il s'avère impossible de déterminer si cette décision tient compte des antécédents criminels antérieurs de l'intéressé (consid. 5.1, avec renvoi à l’ATF 146 II 49).

Dans l’affaire en cause, le Tribunal fédéral a retenu que si l'autorité administrative voulait révoquer valablement l'autorisation d'établissement de l’intéressé sans violer l'art. 63 al. 3 LEI, elle aurait dû justifier son intervention par un autre motif que sa condamnation pénale, par exemple en raison de la potentielle dépendance à l'aide sociale de l'intéressé (consid. 6 non publié aux ATF).

19.         Une révocation de l’autorisation d’établissement est également possible lorsque l'étranger attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 63 al. 1 let. b LEI).

L’art. 77a al. 1 OASA précise qu’il y a notamment non-respect de la sécurité et de l’ordre publics lorsque la personne concernée :

a.    viole des prescriptions légales ou des décisions d’une autorité ;

b.    s’abstient volontairement d’accomplir des obligations de droit public ou privé ;

c.    fait l’apologie publique d’un crime contre la paix publique, d’un génocide, d’un crime contre l’humanité ou d’un crime de guerre, ou incite d’autres personnes à commettre de tels crimes.

La sécurité et l’ordre publics sont mis en danger lorsque des éléments concrets indiquent que le séjour de la personne concernée en Suisse conduira selon toute vraisemblance au non-respect de la sécurité et de l’ordre publics (art. 77a al. 2 OASA).

20.         Selon la jurisprudence, attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics l'étranger dont les actes lèsent ou compromettent des biens juridiques particulièrement importants, notamment l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'une personne. Le critère de la gravité qualifiée de l'atteinte peut également être réalisé par des actes contrevenant à des prescriptions légales ou à des décisions de l'autorité qui présentent un degré de gravité comparativement moins élevé, mais qui, par leur répétition malgré des avertissements et des condamnations successives, démontrent que l'étranger ne se laisse pas impressionner par les mesures de droit pénal et qu'il ne possède ni la volonté, ni la capacité de respecter à l'avenir l'ordre juridique suisse. En d'autres termes, des infractions qui, prises isolément, ne suffisent pas à justifier la révocation, peuvent, lorsqu'elles sont additionnées, satisfaire aux conditions de l'art. 63 al. 1 let. b LEI. La question de savoir si l'étranger en cause est disposé ou apte à se conformer à l'ordre juridique suisse ne peut être résolue qu'en procédant à une appréciation globale de son comportement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1072/2019 du 25 mars 2020 consid. 7.3.1).

Même l'existence de dettes de droit privé peut, le cas échéant, constituer une atteinte grave à la sécurité et à l'ordre publics, si l'endettement est délibéré (arrêt du Tribunal fédéral 2C_588/2019 du 30 janvier 2020 consid. 3.5).

Les motifs de révocation des art. 63 al. 1 let. a et let. b LEI s’appliquent également lorsque l’étranger séjourne depuis plus de quinze ans en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_125/2020 du 21 juillet 2020 consid. 3.1).

21.         En l’occurrence, les parties s’accordent sur le fait que l’art. 63 al. 3 LEI fait en l’espèce obstacle à la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant fondée sur le motif prévu à l’art. 62 al. 1 let. b LEI, applicable par renvoi de l’art. 63 al. 1 let. a LEI, en d’autre termes, la condamnation par l’intéressé à une peine privative de liberté de longue durée, en tous cas s’agissant des infractions commises après le 1er octobre 2016. En revanche, leur désaccord porte sur le point de savoir si l’art. 63 al. 3 LEI empêche la révocation du permis C du prénommé, fondée sur l’art. 63 al. 1 let. b LEI, à savoir le fait qu’il attente de manière très grave à la sécurité et l’ordre publics en Suisse. Le département soutient que tel n’est pas le cas. Le recourant ne partage pas son point de vue.

22.         Il résulte de l’arrêt de la chambre pénale que les toutes les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné ont été commises après le 1er octobre 2016, hormis la contrainte sexuelle, la non-restitution de son permis de conduire malgré les sommations de l’autorité et la violation de la LStup, puisqu’il a consommé des stupéfiants en 2016 et en 2017.

Comme relevé, en application de l’art. 63 al. 3 LEI, le département ne peut révoquer l’autorisation d’établissement du recourant en se fondant sur les infractions commises après le 1er octobre 2016. La chambre pénale ne s’est pas du tout prononcée sur l’expulsion du recourant dans son arrêt. Il en résulte que, conformément à la jurisprudence, le département peut se baser, dans le cadre de la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant, sur les infractions susmentionnées commises avant le 1er octobre 2016.

Ainsi, l’intéressé a été reconnu coupable à trois reprises pour violation de la LStup. En outre, il a fait l’objet de non moins de neuf condamnation pénales, dont certaines d’entre elles concernent la commission de crimes (vol et tentative de vol, à sept reprises, ainsi que contrainte sexuelle). Sa condamnation pour cette dernière infraction démontre qu’il a porté atteinte à des intérêts juridiquement protégés d'une extrême importance, à savoir l’intégrité sexuelle d’une femme et cet acte doit manifestement être qualifié de très grave. En effet, la chambre pénale a retenu que la contrainte sexuelle exercée par le recourant était incontestablement abjecte. Il n’a cependant pas usé d'une cruauté allant au-delà de ce qui appartenait déjà à la réalisation de l'infraction de base, de sorte que la circonstance aggravante de l'art. 189 al. 3 CP n’a pas été retenue (consid. 2.5.3). Sa faute, s’agissant de cette infraction, a été considérée comme très grave (consid. 3.4.1).

En définitive, la nature des infractions, ainsi que la réitération de celles-ci, commises par l’intéressé dans un court intervalle, à savoir durant une période de six ans, démontre qu’il ne peut pas ou ne veut pas respecter l’ordre juridique suisse. La condition d’atteinte très grave à la sécurité et l’ordre public, au sens de l’art. 63 al. 1 let. b LEI, est dès lors réalisée. Partant, la révocation de son permis C se justifie pour ce motif.

23.         Au consid. 3.4.3 de son arrêt, la chambre pénale a arrêté à quinze mois la peine privative de liberté réprimant la contrainte sexuelle. Dès lors que cette sanction excède un an, celle-ci doit être qualifiée de peine privative de liberté de longue durée au sens de l’art. 62 al. 1 let. b LEI (ATF 139 I 145 consid. 2.1). Cette juridiction a par ailleurs ordonné que l’intéressé soit soumis à un traitement institutionnel des addictions au sens de l’art. 60 CP.

Le prononcé de cette peine et de cette mesure justifie également la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant (art. 62 al. 1 let. b cum art. 63 al. 1 let. a LEI).

24.         Il découle de ce qui précède que l’autorité intimée n’pas violé le droit fédéral en révoquant l’autorisation d’établissement du recourant.

25.         Reste à examiner si cette mesure respecte le principe de la proportionnalité, ce que l’intéressé conteste. 

26.         La révocation d'une autorisation d'établissement doit être proportionnée (art. 5 al. 2 Cst. ; art. 96 LEI ; art. 8 par. 2 CEDH).

27.         Selon le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1072/2019 du 25 mars 2020 consid. 8.1), la question de la proportionnalité de la révocation d'une autorisation d'établissement doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas d'espèce. Il y a lieu de prendre en considération la gravité de la faute commise, le degré d'intégration, la durée du séjour en Suisse, ainsi que le préjudice que l'intéressé et sa famille auraient à subir du fait de la mesure. Quand la révocation est prononcée en raison de la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute et à procéder à la pesée des intérêts. Lors d'infractions pénales graves, il existe, sous réserve de liens personnels ou familiaux prépondérants, un intérêt public digne de protection à mettre fin au séjour d'un étranger afin de préserver l'ordre public et à prévenir de nouveaux actes délictueux. La durée de séjour en Suisse d'un étranger constitue également un critère important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour mettre fin au séjour en Suisse doivent être appréciées restrictivement. La révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse n'est toutefois pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées, en particulier en cas de violence, de délits sexuels, de graves infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants, et ce même dans le cas d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine.

28.         En l’espèce, le recourant, âgé aujourd’hui de quelque trente-deux ans, est arrivé en Suisse à l’âge de deux ans et a suivi sa scolarité obligatoire à Genève. Il prétend, sans être contredit sur ce point par l’autorité intimée, n’être jamais retourné dans son pays d’origine depuis dix ans. Il soutient également avoir coupé tout lien avec le Kosovo, où ne vivent plus que des membres de sa famille paternelle avec qui il n’a plus aucun contact.

La très longue durée de son séjour du recourant – qui s’est toujours déroulé dans la légalité – doit assurément être pris en considération en faveur de ce dernier. Il convient également de tenir compte du fait qu’il a vécu en Suisse toute son adolescence, période déterminante pour la formation de la personnalité. En outre, une partie de sa famille réside dans notre pays. Il n’a toutefois pas d’enfant. Il prétend vivre une relation de couple stable avec Mme C______. Cependant, non seulement ils ne se sont connus que récemment, puisque selon le témoignage fourni par cette dernière, et daté du 5 août 2021, ils se sont rencontrés en novembre 2020, mais ils n’ont sans doute jamais fait ménage commun, compte tenu de la détention de l’intéressé. Même si elle indique qu’elle lui a proposé « d’envisager son futur en Valais », rien n’indique que leur projet se concrétisera.  

29.         Le recourant soutient par ailleurs que la gravité des infractions qu’il a commises ne justifie pas la révocation de son autorisation d’établissement. Il n’a, en effet, commis presqu’exclusivement commis des vols, une violation de domicile et des dommages à la propriété. Il fait en outre valoir que son comportement délictueux découle de sa consommation de stupéfiants, dans la consommation desquels il s’est réfugié à la suite des violences infligées par son père.

L’intéressé ne peut être suivi. Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la révocation de son permis C se justifie par la réitération d’infractions dans un court intervalle. Il a par ailleurs commis plusieurs crimes dont l’un très grave, à savoir une contrainte sexuelle. En outre, la chambre pénale a retenu que la toxicomanie du recourant n’avait en soi pas d'effet sur sa faute, à l'exception d'une légère diminution de responsabilité (arrêt du 16 janvier 2020 consid. 3.4.1).

Le rapport de Mme B______ indique qu’il a cessé sa consommation de stupéfiants. Toutefois, son abstinence est intervenue alors qu’il était détenu à la Brénaz et qu’il bénéficiait d’un suivi psychologique. Le fait que – selon lui – il ne présente plus de risque, dès lors qu’il ne serait plus toxicomane, peut être retenu en sa faveur, mais cette circonstance ne constitue qu’un facteur parmi d’autres dans la pesée des intérêts (ATF 134 II 10 consid. 4.3).

De 2016 à 2020, il a bénéficié des prestations de l’Hospice général pour un montant total de CHF 10'199.-. Il fait l’objet de cinquante actes de défaut de biens pour un total de CHF 55'064.- et ne démontre pas qu’il a entrepris des démarches en vue de rembourser ses dettes. Il ne peut pas se prévaloir d'une intégration professionnelle réussie. Enfin, bien qu’il indique souhaiter exercer la profession de menuisier à sa libération, il n’allègue pas – et ne démontre encore moins – disposer de perspectives concrètes d’embauche.

30.         Il résulte de ce qui précède que l’intérêt privé du recourant à séjourner en Suisse doit céder le pas à son éloignement. En conséquence, le département n’a violé ni le droit fédéral, ni le droit conventionnel en révoquant son autorisation d’établissement.

31.         Selon l'art. 64 al. 1 LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

32.         Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation ou d'une révocation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10).

33.         En l'espèce, puisque le département a révoqué l’autorisation d’établissement du recourant, il devait prononcer son renvoi, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

34.         Cela étant, l’intéressé soutient que l’exécution de son renvoi est impossible, parce qu’il se trouve encore en détention.

35.         Le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

L’art. 83 al. 2 LEI dispose que l’admission provisoire n’est pas ordonnée notamment lorsque :

a.    l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée en Suisse ou à l’étranger ou a fait l’objet d’une mesure pénale au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP ;

b.    l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

36.         En l’occurrence, le recourant ne peut bénéficier d’une admission provisoire en Suisse, dès lors que les deux conditions alternatives de l’art. 83 al. 2 LEI sont toutes deux réalisées, ainsi qu’il a été exposées ci-dessus. Il pourra être expulsé dès sa sortie de prison.

37.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

38.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

39.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 15 novembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière