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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3553/2021

JTAPI/918/2022 du 05.09.2022 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : EXONÉRATION FISCALE;FONCTIONNAIRE;ORGANISATION INTERNATIONALE;CONVENTION DE DOUBLE IMPOSITION;ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE;TÉLÉTRAVAIL;VACANCES
Normes : LIFD.15; LIFD.16.al1; CDI-F.17
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3553/2021 ICCIFD

JTAPI/918/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, représentés par Me Philippe MANTEL avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 

 

 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne l’impôt cantonal et communal (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2019.

2.             Monsieur A______ (ci-après : le contribuable), né le ______ 1975, de nationalité française est marié à Madame B______ (ci-après : la contribuable) née le ______ 1975 de nationalité Mauricienne. Monsieur A______ réside avec son épouse à Genève depuis février 2016, au 1______ à E______.

Madame B______ est fonctionnaire auprès de l’organisation des Nations-Unies (ci-après : ONU). Monsieur A______ est au bénéfice d’une carte de légitimation D, N°2______ valable du 22 février 2016 au 22 février 2021.

3.             Par courrier du 7 mai 2018, M. A______ s’est adressé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) : il n’exerçait aucune activité indépendante ou salariée en Suisse et souhaitait dès lors la confirmation qu’il bénéficiait d’une exonération fiscale totale, tant qu’il n’avait pas d’activité imposable en Suisse.

4.             Par courrier du 18 juillet 2018, l’AFC-GE lui a confirmé qu’il bénéficiait d’une exonération fiscale tant qu’il n’exerçait pas d’activité indépendante ou salariée en Suisse. Elle lui a rappelé que l’exercice d’une activité lucrative en Suisse, y compris lorsqu’une personne travaillait pour un employeur à l’étranger (par exemple par le biais du télétravail), exigeait comme préalable l’acquisition d’un permis Ci. Enfin, l’exonération ne portait pas sur les impôts, taxes et droits sur les biens immobiliers sis en Suisse.

5.             Le 3 juin 2020, le contribuable a interpelé l’AFC-GE afin de clarifier « le traitement fiscal suisse des 40 jours de travail non imposés en France ». Il indiquait que pour l’année 2019, il s’était déplacé en Allemagne et aux Etats-Unis pour un total de quarante jours et qu’il n’avait effectué aucun jour de télétravail en Suisse. Il était rémunéré par un employeur résident en France et la charge de ses rémunérations n’était pas supportée par un établissement stable que son employeur aurait en Suisse. Il demandait à l’AFC-GE de bien vouloir lui confirmer que « les 40 jours de travail non imposés en France ne créent pas de for d’imposition en Suisse, ni n’entraînent de changement de son statut fiscal ».

6.             Par courrier du 9 juillet 2020, l’AFC-GE a confirmé sa position en indiquant que tous les revenus provenant d’une activité salariée étaient imposables en Suisse dans la mesure où cette imposition n’était pas limitée par une convention de double imposition, la carte de légitimation ne procurant aucun privilège à cet égard. L’art. 17 par. 2 de la convention entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale (CDI-F – RS 0.672.934.91) n’était pas applicable en l’espèce, étant donné qu’il prévoyait qu’une activité salariée exercée physiquement en France était imposable en France. La résidence du contribuable étant en Suisse, les journées d’activité hors de France étaient toutes imposables en Suisse.

Ainsi, il était confirmé que pour l’année 2019, le contribuable serait soumis à l’impôt sur le revenu pour les quarante jours de travail hors de France en lien avec ses déplacements en Allemagne et aux Etats-Unis.

7.             Dans sa déclaration fiscale 2019 du 26 octobre 2020, M. A______ a noté sous les observations, être au bénéfice d’une carte de légitimation D. La société pour laquelle il travaillait était en France et il n’avait fait aucun jour de travail en Suisse, de sorte que seuls étaient imposables en Suisse les quarante jours de travail non imposés en France. La répartition internationale des déductions fiscales devait être faite compte tenu du salaire de son épouse sans que ce salaire soit imposé (exonération totale de son revenu compte tenu de sa fonction).

8.             Dans sa demande de renseignements du 5 février 2021, l’AFC-GE a demandé au contribuable de lui remettre différents documents, notamment :

-          son contrat de travail ;

-          ses fiches de salaires du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 avec le détail de sa rémunération ;

-          un calendrier attesté par l’employeur, mentionnant les pays où il avait été présent.

9.             Par courrier du 25 février 2021, M. A______ a notamment remis à l’AFC-GE :

-          son contrat de travail avec la société C______ du 25 juillet 2027, duquel ressortait à l’art. 3 intitulé «  Lieu de travail » que «  Monsieur A______ exerce ses fonctions au siège social de la société situé au 3______ – D (France) » ;

-          l’avenant relatif au télétravail du 27 mars 2019, duquel il ressortait à son art. 3 intitulé « Lieu de travail » qu’en «  dehors des périodes de télétravail au sein de l’établissement de G______, situé au 3______ – D, dans le cadre du télétravail, Monsieur A______ travaillera à l’adresse suivante : 1______ - E______, en Suisse ». De plus, il ressortait de l’art. 6 intitulé « organisation du travail et plages de contacts » que « Monsieur A______ télétravaille 1 jour par semaine : le jeudi » ;

-          le tableau détaillant les jours travaillés aux Etats-Unis (5 jours), en Allemagne (20 jours), en Suisse (15 jours) et en France (166 jours), le tout sur un total de 251 jours de travail pour l’année 2019 ;

-          l’attestation de son employeur du 30 septembre 2019 indiquant qu’il était autorisé « à effectuer un jour de télétravail par semaine depuis le 31 mars 2019 et sans limitation de durée du fait de la tacite reconduction de l’avenant signé ».

10.         Par bordereau ICC du 20 mai 2021, le couple a été imposé sur un revenu imposable de CHF 21'785.-, au taux de CHF 70'727.-. Il avait été tenu compte d’un salaire brut total du contribuable de CHF 131’589.-, dont une part de CHF 91'051.- était imposable en France et une part de CHF 40'537.- en Suisse. Seul le salaire du contribuable avait été imposé et l’avis de taxation indiquait que la rémunération de la contribuable était exemptée, y compris pour le taux.

11.         Par bordereau IFD du 20 mai 2021, le couple a été imposé sur un revenu de CHF 24'000.- au taux de CHF 86'000.-. Les mêmes principes que pour l’ICC avaient été appliqués.

12.         Par réclamation du 18 juin 2021, le contribuable a, sous la plume de son mandataire, contesté sa taxation du 20 mai 2021. Tout d’abord, la rémunération exonérée de la contribuable n’avait pas été prise en compte pour les fins de la répartition internationale. S’agissant de son activité dépendante, il estimait que l’AFC-GE avait violé le principe de la bonne foi, puisque ce traitement était contraire aux assurances qui lui avaient été données par l’AFC-GE le 18 juillet 2018. Il se référait aux art. 28 et 17 CDI-F et rappelait qu’il n’était pas actif depuis Genève sous forme de télétravail, ou par le biais d’un établissement stable de son employeur et qu’il n’avait ni requis, ni obtenu de permis Ci. Ainsi, la compétence de la Suisse faisait défaut pour taxer les éléments de salaire.

De plus, si par impossible le salaire devait être imposable en Suisse, seuls les quarante jours sur deux cent cinquante et un n’avaient pas été imposés en France, soit un rapport de 15,9%. Ainsi, le salaire imposable en Suisse ne saurait excéder CHF 20'970.-.

Le salaire de la contribuable devait être pris en compte pour déterminer le pourcentage applicable aux charges déductibles. Le fait de ne pas prendre en compte le salaire exonéré pour la fixation de la clé d’allocation des charges avait pour effet d’imposer plus lourdement en Suisse son salaire.

Enfin, aucun impôt sur la fortune ne pouvait être prélevé, car ils avaient déclaré l’avance payée au titre d’une acquisition immobilière. A ce jour, ils n’étaient pas propriétaires immobiliers au Registre foncier.

13.         Par décision sur réclamation du 16 septembre 2021, l’AFC-GE a partiellement revu la taxation. Le salaire imposable du contribuable a été ramené de CHF 40'537.- à CHF 25'551.-. Pour le surplus, la taxation a été maintenue.

Le contribuable était employé par une société française et exerçait son activité lucrative en France, mais également dans d’autre Etats. Il convenait d’appliquer la CDI-FR et plus spécifiquement son art. 17, la carte de légitimation D ne procurant aucun avantage particulier dans ce contexte. Selon l’art. 17 al. 1 CDI-F le contribuable était imposable en France, car un résident Suisse qui travaillait en France était imposable en France sur son revenu d’activité lucrative dépendante. L’art. 17 al. 2 CDI-F prévoyait qu’à titre exceptionnel l’imposition revenait à la Suisse, si trois conditions cumulatives étaient réalisées.

En l’espèce l’imposition qui revenait à la France ne portait que sur la partie du revenu liée aux jours de travail en France, à savoir cent soixante-six jours. Les revenus que le contribuable avait obtenus dans les autres pays en cause, relevaient des conventions de double imposition avec ces pays.

Le nombres de jours que le contribuable avait séjourné dans chaque pays étaient inférieurs à cent quatre-vingt-trois jours, son employeur n’avait pas son siège dans ces différents pays et il n’existait aucune refacturation auprès d’une entité siégeant dans ceux-ci. Ainsi, « la clause du monteur » s’appliquait et le revenu d’activité lucrative dépendante attribuable à l’Allemagne, les Etats-Unis et la Suisse étaient imposable en totalité en Suisse.

Le calendrier de travail du contribuable totalisait ainsi deux-cent-six jours de travail accomplis en 2019, dont cent soixante-six jours en France et quarante jours de travail auprès des Etats tiers.

Il résultait du nouveau calcul opéré par l’AFC-GE, que pour un salaire du contribuable totalisant CHF 131'589.-, la part imposable en France était de CHF 106'038.- (131’589/206 x 166) et en Suisse de CHF 25'551.- (131’589/206 x 40).

Par ailleurs, l’AFC- GE ne pouvait entrer en matière sur sa demande de prendre en compte le salaire de la contribuable pour déterminer la clé de répartition concernant les frais déductibles, car, en tant que fonctionnaire internationale et selon l’accord, les traitements requis ne devaient pas être pris en compte pour le taux d’imposition.

Enfin, concernant leur bien immobilier sis à Satigny, il n’y avait pas lieu de retirer l’estimation fiscale, car au Registre foncier les contribuables étaient inscrits comme propriétaires à partir du 18 juillet 2019.

14.         Par acte du 16 septembre 2021, les contribuables (ci-après : le recourant ou la recourante ou les recourants) ont recouru contre les décisions ICC et IFD du 16 septembre 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Ils ont conclu principalement à l’annulation de la décision sur réclamation et à faire constater que le recourant bénéficiait d’une exonération totale en Suisse, subsidiairement à sa réforme et émettre un bordereau rectificatif sur la base d’un salaire imposable n’excédant pas CHF 20'970.- et tenant compte du salaire exonéré de la recourante.

Ils reprenaient principalement les termes de leur réclamation du 18 juin 2021.

En pratique, est exonéré d’impôt le titulaire d’une carte de légitimation C. Cette pratique tirait son fondement de la Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées du 13 février 1946, et a donc été modifiée en ce qui concernait le salaire non imposé dans l’Etat de source d’un résident genevois titulaire d’une carte de légitimation C, en dépit du fait qu’il ne télétravaillait pas depuis Genève. Ainsi, l’AFC-GE était confrontée à l’opportunité de taxer quarante jours d’un revenu de salaire à l’étranger au risque de violer les accords internationaux en lien avec les privilèges et immunités des fonctionnaires internationaux, elle avait tranchée en faveur de la taxation. Ce choix était insensé et violait tous les engagements internationaux de la Suisse.

Par ailleurs, l’expression « ne que » de l’art. 17 al. 2 CDI-F indiquait une compétence exclusive de la France. La Suisse, en tant qu’Etat de résidence, ne pouvait taxer les jours de travail sans présence physique sur son territoire. Le recourant était rémunéré par un employeur résident en France et la charge de ses rémunérations n’étaient pas supportée par un établissement stable que son employeur aurait en Suisse. Il n’était pas actif depuis Genève sous forme de télétravail ou par le biais d’un établissement stable de son employeur. Ainsi, la compétence de la Suisse faisait défaut pour taxer ses éléments de salaire à l’étranger selon l’art. 17 al. 2 CDI-F.

De plus, si par impossible le salaire devait être imposable en Suisse, seuls les quarante jours sur deux cent cinquante et un n’avaient pas été imposés en France, soit un rapport de 15,9%. Ainsi, le salaire imposable en Suisse ne saurait excéder CHF 20'970.-.

Enfin, le salaire de la recourante devait être pris en compte pour déterminer le pourcentage applicable aux charges déductibles.

15.         Dans sa réponse du 17 février 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le litige comportait deux aspects. Tout d’abord, il convenait de déterminer si le recourant au bénéfice d’une carte de légitimation D et époux d’une personne fonctionnaire à l’ONU pouvait bénéficier d’une exonération sur les revenus de son travail exercé pour un employeur privé. En second lieu, si la réponse à cette première question devait être négative, il convenait de vérifier si la CDI-FR permettait de fonder une exonération en Suisse de ses revenus.

Les conjoints de fonctionnaires onusiens qui n’aveint pas le statut de « hauts fonctionnaires » n’étaient pas mis au bénéfice de l’exonération de leur propre revenu d’activité lucrative et, à l’instar du contribuable, ne bénéficiaient pas de privilèges étendus. Le revenu des conjoints de fonctionnaires internationaux, qui travaillaient dans le secteur privé ne bénéficiaient pas d’exonération. Il en résultait que la situation fiscale du contribuable devait être appréhendée pour elle-même et à l’aune de la CDI-F, compte tenu de son emploi de salarié auprès d’un employeur sis en France.

Selon son courrier du 9 juillet 2020 au contribuable, il était mentionné qu’à raison de l’art. 17 CDI-F les revenus provenant d’une activité salariée exercée physiquement en France étaient imposables en France. Seule restait litigieuse la question des quarante jours de travail hors de France, soit vingt jours en Allemagne, cinq jours aux Etats-Unis et quinze jours en Suisse.

C’était de manière légitime que le salaire afférent aux quarante jours de travail exercés hors de France avait été imposé par l’AFC-GE. Compte tenu de la résidence du contribuable en Suisse et de l’exercice de l’activité lucrative en Allemagne, aux Etats-Unis et en Suisse, c’était les dispositions légales des conventions de double imposition avec ces Etats tiers relatives à la « clause du monteur » qui s’appliquaient. Dans ses pays tiers, les jours d’activités étaient inférieurs à centre quatre-vingt-trois jours, la société C______ n’y avait pas de siège et il y avait une absence de restructuration auprès d’une entité y siégeant. De ce fait, la « clause du monteur » pour ces journées d’activité en Allemagne et aux Etats-Unis s’appliquait et entraînait une imposition en Suisse. Les quinze jours de télétravail en Suisse étaient imposables en Suisse, car le contribuable, contrairement à ce qu’il affirmait dans son recours était actif depuis Genève, selon les éléments qu’il avait transmis à l’AFC-GE.

Elle avait considéré de manière légitime que le salaire total du contribuable avait été obtenu sur deux cent six jours (« worked days » selon le tableau du contribuable), soit les jours de travail qu’il avait réellement effectués : cent soixante-six jours en France et quarante jours hors de France.

Enfin, concernant le montant du salaire imposable et la prise en compte du salaire exonéré pour opérer la répartition des frais déductibles communs, la décision sur réclamation du 16 septembre 2021 s’était prononcée sur ce point. Attendu que le salaire exonéré n’était même pas pris en compte pour le taux, une répartition des charges en tenant compte de ce salaire totalement exonéré n’était pas admissible.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les recourants soutiennent que le salaire du contribuable est exonéré d’impôt en Suisse, en raison du statut de la contribuable, qui est fonctionnaire internationale de la catégorie professionnelle auprès de l’ONU.

4.             Les personnes bénéficiaires d'exemptions fiscales visées à l'art. 2 al. 2 de la loi du 22 juin 2007 sur l'Etat hôte (LEH – RS 0.192.122.23) sont exemptées des impôts dans la mesure où le prévoit le droit fédéral (art. 15 LIFD ; art. 16 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

L'art. 15 LIFD n'a pas de portée propre. Il s'agit d'un simple renvoi au droit fédéral, plus précisément aux conventions et accords internationaux passés par la Suisse (cf. N. URECH, in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2008, n. 4 ad art. 15 LIFD, p. 183).

5.             Se fondant sur l’Arrêté fédéral du 30 septembre 1955 concernant la conclusion ou la modification d’accords avec des organisations internationales en vue de déterminer leur statut juridique en Suisse, puis sur l’art.26 LEH, le Conseil fédéral a passé de nombreux accords de siège comprenant des exonérations fiscales pour les organisations internationales et leurs membres dont le siège se trouve en Suisse, notamment l’AELE, le BIT, le CERN, la IATA, l’OIT, l’OMPI, l’OMS, l’ONU, l’IUT, l’OMM, l’UPI et l’OMC (Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 5e éd., 2022, p. 35). Une liste complète des accords passés par la Suisse est publiée par l’Administration fédérale des contributions (AFC, Droit fiscal international de la Suisse, vol.V, IIIepartie B) (Commentaire Romand LIFD, 2e éd, art. 15, ch. 22).

Le régime des privilèges, des immunités et des facilités repose en Suisse, notamment sur : la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, appliquées aux missions permanentes (Convention de Vienne – RS 0.191.01) ; les accords en matières de privilèges, les immunités et les facilités conclus avec les organisations internationales (RS 0.192) (Privilèges & immunités : questions fréquemment posées (FAQ), Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, Août 2020, p. 1).

Les accords de siège et les accords de nature fiscale ne présentent pas d’uniformité dans les clauses d’exonération et il y lieu de se référer à chaque accord respectif. Selon les cas, seuls les fonctionnaires internationaux étrangers et les personnes accompagnantes bénéficient d’une exonération objective, voire subjective pour les hauts fonctionnaires (Menétrey, RDAF 1973, 225, 234 et 236 et art.10 et 11 OLEH) (Commentaire Romand LIFD, 2e éd, art. 15, ch. 23).

6.             La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946 (Convention ONU- RS 0.192.110.02) prévoit à son art. V, section 18 let. b, que les fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies seront exonérés de tout impôt sur les traitements et émoluments versés par l’Organisation des Nations Unies. La section 19 du même article, précise qu’outre les privilèges et immunités prévus à la section 18, le Secrétaire général et tous les Sous-Secrétaires généraux, tant en ce qui les concerne qu’en ce qui concerne leurs conjoints et enfants mineurs, jouiront des privilèges, immunités, exemptions et facilités accordés, conformément au droit international, aux envoyés diplomatiques.

7.             Le personnel de l’ONU est réparti en diverses catégories et chaque catégorie comporte différentes classes. Les différentes catégories de personnel de l’ONU sont les administrateurs et fonctionnaires de rang supérieur (P et D) ; catégorie de services généraux et catégories apparentées (G, TC, S, PIA, LT) ; administrateurs recrutés sur le plan national (NO) ; service mobile (FS) et les hauts fonctionnaires (SG, VSG, SSA, et SSG). Les postes de hauts-fonctionnaires sont entre autres les suivants : Secrétaire général, Vice-Secrétaire général, Secrétaire général adjoint (SSA) et Sous-Secrétaire général (SSG) (https://careers.un.org, Nations Unies carrières, Catégories de personnel, 2022).

8.             Les personnes désignées par l’organisation internationale comme fonctionnaires, personnes appelées en qualité officielle et membre de la famille peuvent être admises en Suisse et se voir délivrer une carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE). La carte de légitimation du DFAE sert de titre de séjour en Suisse et atteste d’éventuels privilèges et immunités dont jouit son titulaire. Chaque personne reçoit le type de carte de légitimation correspondant aux fonctions occupées au sein de l’organisation internationale. Les membres de la famille reçoivent, en principe, le même type de carte de légitimation que le titulaire principal (la personne qui occupe des fonctions officielles), notamment le conjoint marié du titulaire principal. Ainsi, les hauts fonctionnaires bénéficient d’une carte de légitimation de type « C » et les fonctionnaires de la catégorie professionnelle d’une carte de légitimation de type « D » (LIGNES DIRECTRICES sur la délivrance des cartes de légitimation du DFAE aux fonctionnaires des organisations internationales, entrée en vigueur le 15 juillet 2015, modifiées le 7 février 2022, de la Mission permanente de la Suisse auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, février 2022, p. 2-3).

9.             En l’espèce, la recourante a le statut de fonctionnaire professionnel sein de l’ONU, et dispose de ce fait, d’une carte de légitimation de la catégorie D. Le recourant, conjoint de la recourante, est lui aussi au bénéfice d’une carte de légitimation D car il est reconnu comme membre de la famille.

La Convention ONU s’applique, car la recourante y travaille. L’art. V section 18 de la Convention ONU ne traite que de la question des privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires et ne parle pas des membres de la famille. Ainsi, le recourant ne peut sur cette base se prévaloir d’une exonération de son revenu propre. La recourante a le statut de fonctionnaire professionnel au sein de l’ONU et non celui de haut fonctionnaire. Dès lors, le recourant, ne peut se prévaloir de la section 19 pour bénéficier d’une exonération d’impôts de son propre revenu.

C’est donc à juste titre que l’AFC-GE a retenu que la situation du recourant devait être appréhendée pour elle-même indépendamment du statut de son épouse.

10.         Le recourant conteste le droit de l’AFC-GE de lui réclamer des impôts pour l’année fiscale 2019, concernant les quarante jours de travail qu’il a effectués hors de France.

11.         Les conventions internationales en matière de double imposition (ci-après : CDI) ne contiennent que des règles visant à limiter les pouvoirs d’imposition des États, mais ne fondent pas l’imposition elle-même (effet négatif des conventions de double imposition). Par conséquent, il convient d’abord de s’assurer de l’existence d’un droit (interne) d’imposition puis, le cas échéant, de vérifier que ce droit d’imposition n’est pas limité par une disposition conventionnelle visant à restreindre ou éliminer une éventuelle double imposition internationale (ATF 143 II 257 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_510/2018 du 6 février 2020 consid. 2 ; ATA/1399/2021 du 21 décembre 2021 consid. 7a).

12.         Les personnes physiques sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse, respectivement à Genève au sens des art. 3 al. 1 LIFD et 2 al. 1 d LIPP.

L’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger, respectivement hors du canton (art. 6 al. 1 LIFD ; art. 5 al. 1 LIPP).

Les personnes physiques domiciliées en Suisse sont en principe imposables sur tous leurs revenus de source étrangère, dès l’instant où elles sont domiciliées (ou en séjour) en Suisse. En conséquence, en absence d’une CDI, les revenus de l’activité dépendante exercée à l’étranger sont pleinement imposables en Suisse (Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 2014, N 310 et 313, p. 97 et 98).

13.         En l’espèce, le recourant était domicilié en Suisse en 2019, il y était imposable sur l’ensemble de ses revenus, sous réserve d’une éventuelle limite découlant de la CDI-F.

14.         Selon l’art. 1 CDI-F, celle-ci s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un État contractant ou de chacun des deux États. Elle vise à régler le droit de chacun des États contractants, de ses subdivisions politiques et de ses collectivités locales, de percevoir les impôts sur le revenu et la fortune, quel que soit le système de perception (art. 2 par. 1 CDI-F).

15.         D’après l’art. 4 par. 1 CDI-F, l'expression « résident d'un État contractant », désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

L’art. 4 par. 2 CDI-F prévoit que, lorsque, selon la disposition de l’alinéa 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, le cas est résolu d'après les règles mentionnées aux lettres a à d.

16.         Selon l’art. 17 par. 1 CDI-F, sous réserve des dispositions des art. 18 à 21 qui ne concernent pas la présente cause, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

Une exception à l’art. 17 par. 1 CDI-F (surnommée « clause du monteur ») est prévue à l’art. 17 par. 2 CDI-CH-F lorsque trois conditions suivantes sont réalisées :

- le bénéficiaire séjourne dans l'autre État pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total cent quatre-vingt-trois jours au cours de l'année fiscale considérée (let. a) ;

- les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas résident de l'autre État (let. b) ;

- la charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre État (let. c).

17.         L'art. 17 par. 1 et 2 CDI-F a en grande partie la même teneur que l'art. 15 par. 1 et 2 du Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après: MC OCDE). Il est en conséquence possible de se référer aux commentaires du MC OCDE pour interpréter cette disposition (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_888/2014 du 7 juin 2015 consid. 5.3), sous réserve de divergences entre ces textes.

18.         En règle générale, le droit d’imposition appartient à l’Etat d’exercice de l’activité dépendante. Ce lieu, au sens de l’art. 15 par. 1 du MC OCDE, correspond à l’endroit où le salarié est physiquement présent lorsqu’il exerce ses activités (Commentaire OCDE 2014, art. 15, N 57, p. 524). Ce qui est décisif, c’est la présence personnelle du travailleur sur un territoire donné, et non pas son lieu de domicile, ni celui où les résultats du travail sont exploités (Xavier OBERSON, Précis de droit fiscal international, 2022, 5éd., N 650, p.235).

19.         Les trois conditions énoncées à l'art. 17 par. 2 CDI-F / art. 15 par. 2 MC OCDE sont cumulatives. Si elles sont réalisées, l'État de résidence du travailleur possède le droit [exhaustif] d'imposer des rémunérations réalisées à titre de revenus de l'emploi dans l'autre État. A l'inverse, si une de ces conditions fait défaut, l'État d'activité peut imposer la totalité des rémunérations réalisées sur son territoire, dès le premier jour d'activité. L’idée de base de cette clause était de permettre à des entreprises de l’Etat de résidence d’envoyer des équipes dans l’autre Etat pour une durée limitée, afin, par exemple de travailler sur un chantier en montage situé dans l’autre Etat (Xavier OBERSON, 5e éd., N 653, p. 236).

Le critère des cent quatre-vingt-trois jours énoncé dans la première condition de l'art. 17 par. 2 let. a CDI-F se réfère au nombre de jours de présence physique sur le sol de l'État d'activité, étant précisé que les fractions de journée, jour d'arrivée, jour de départ et tous les autres jours passés à l'intérieur de l'État où l'activité est exercée sont inclus dans le calcul (arrêt précité du Tribunal fédéral 2C_436/2016 du 21 décembre 2016 consid. 6.4 et 6.5). Chaque jours d’absence, même pour une courte période, doit être retranché. En d’autres termes, ce n’est pas la durée de rapports de travail qui est déterminante, mais le nombre effectif des jours de séjour (Xavier OBERSON, 5e éd., N 655, p. 237).

La notion de résidence des art. 17 par. 2 let. b CDI-F et 15 par. 2 let. b MC OCDE est celle que retient le MC OCDE aux art. 1 et 4. Elle suit les critères et tests respectifs selon que l’employeur est une personne physique ou morale (au plan international il s’agira le plus souvent d’une personne morale). Il y aura donc résidence dans l’Etat d’activité, et donc basculement au droit de taxer en faveur de ce dernier, lorsque l’employeur personne morale y aura son siège statutaire ou sa direction effective au sens de l’art. 4 par. 3 MC OCDE (Commentaire OCDE 2014, art. 15, N 145, p. 543).

Enfin selon l’art. 17 par. 2 let. c CDI-F / art. 15 par. 2 let. c MC OCDE, même si l’employeur ne réside pas dans l’Etat d’activité (absence juridique dans cet Etat), encore doit-il ne pas faire supporter la rémunération litigieuse par un établissement stable qu’il y entretiendrait (Commentaire OCDE 2014, art. 15, N 171 ss, p. 550).

20.         En l’espèce, il n’est pas contesté que durant l’année 2019 le recourant était domicilié en Suisse et qu’il était employé par une société française ayant son siège en France.

L’imposition en France des cent soixante-six jours de travail en France n’est pas non plus contestée en raison de l’application de l’art. 17 par. 1 CDI-F. Le recourant a son domicile en Suisse et exerce physiquement son activité lucrative dépendante en France, comme cela est mentionné à l’art. 3 de son contrat de travail du 25 juillet 2017. Dès lors, les revenus de son activité dépendante exercée en France, sont imposables en France.

Il s’agit de déterminer si l’AFC-GE a correctement imposé les quarante jours de travail hors de France, en Suisse. L’analyse doit se faire en deux temps, tout d’abord déterminer si, pour les jours de travail aux Etats-Unis et en Allemagne, l’art. 17 par. 2 CDI-F trouve à s’appliquer et permet une imposition en Suisse pour les salaires afférents à ces jours de travail. Ensuite, il s’agira de savoir si le télétravail en Suisse pour une période de quinze jours était imposable en Suisse.

21.         S’agissant des cinq jours de travail aux Etats Unis et les vingt jours de travail en Allemagne, il convient de consulter les CDI entre la Suisse et ces deux pays.

L’art. 15 par. 2 de la Convention entre la Confédération suisse et les Etats-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu du 2 octobre 1996 (CDI-EU - RS 0.672.933.61), intitulé « Professions dépendantes » prévoit ce qui suit :

« Nonobstant les dispositions du par. 1, les rémunérations qu’un résident d’un État contractant reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si:

a) le bénéficiaire séjourne dans l’autre État pendant une période ou des périodes n’excédant pas au total 183 jours durant toute période de douze mois commençant ou finissant durant l’année fiscale considérée, et

b) les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d’un employeur qui n’est pas un résident de l’autre État, et

c) la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l’employeur a dans l’autre État ».

L’art. 15 par. 2 de la Convention entre la Confédération suisse et la République fédérale d’Allemagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 11 août 1971 (CDI-D - RS 0-672.913.62), a la teneur suivante :

« Nonobstant les dispositions du par. 1, les rémunérations qu’un résident d’un Etat contractant reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans le premier Etat si:

a. Le bénéficiaire séjourne dans l’autre Etat pendant une période ou des périodes n’excédant pas au total 183 jours au cours de l’année civile considérée;

b. Les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d’un employeur qui n’est pas résident de l’autre Etat; et

c. La charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l’employeur a dans l’autre Etat ».

On arrive à la conclusion que la « clause du monteur » des art. 17 par. 2 CDI-F, 15 par. 2 CDI-EU et 15 par. 2 CDI-D est la même et suppose la réalisation de trois conditions cumulatives qui ont la même teneur que celles de l’art. 15 par. 2 MC OCDE.

22.         Le recourant a travaillé au cours de l’année civile 2019 cinq jours aux Etats-Unis et vingt jours en Allemagne, il n’a pas séjourné pendant une période excédant cent quatre-vingt-trois jours au cours de l’année 2019 dans ses deux pays. Partant, la première condition cumulative est donnée. Les rémunérations que le recourant a obtenues ont été payées par son employeur français qui n’est pas résident aux Etats-Unis ou en Allemagne mais en France : la deuxième condition cumulative est également remplie. Enfin, la charge des rémunérations du recourant n’est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que son employeur français aurait en Allemagne ou aux Etats-Unis. Il ressort de toutes ses fiches de salaire de janvier à décembre 2019, que c’est toujours son employeur la C______ ayant son siège à D______, qui est débiteur de son salaire.

Partant, les trois conditions cumulatives de la « clause du monteur » des CDI de pays dans lesquels le recourant a travaillé en 2019 sont remplies. C’est donc à juste titre que l’AFC-GE a imposé ces vingt-cinq jours de travail hors de France en Suisse, Etat de la résidence du recourant.

23.         En ce qui concerne les quinze jours de télétravail en Suisse, le recourant fait valoir dans son recours qu’il n’était « pas actif depuis Genève sous forme de télétravail ».

Toutefois, le tableau qu’il a remis à l’AFC-GE et détaillant les jours travaillés au cours de l’année 2019, indique quinze jours de travail en Suisse. De plus, l’article 3 de son avenant relatif au télétravail mentionne qu’en dehors des jours de télétravail en France à D______, il travaillera à l’adresse de son domicile en Suisse, et cela à raison d’un jour par semaine « le jeudi », tel que cela ressort de l’article 6. Dès lors, il sera retenu que le recourant a bel et bien télétravaillé en Suisse.

Au sein des pays de l’OCDE, le télétravail s’est essentiellement développé de manière informelle, sans élaboration de conventions ou d’accords collectifs, ni aucun avenant au contrat de travail, en cas d’acceptation du télétravail (SCAILLEREZ/TRMBLAY, Le télétravail comme nouveau mode de régularisation de la flexibilisation et de l’organisation du travail, ROR, 2016, N°1, p. 23). De plus, la CDI-F dans sa version actuelle ne traite pas de manière spécifique la notion de télétravail ; dès lors, il convient de se référer à l’art. 17 CDI-F.

Le recourant est domicilié en Suisse et les jours où il a télétravaillé depuis son domicile à Vernier, il était physiquement présent en Suisse. De ce fait, il convient d’appliquer l’art. 17 par. 1 CDI-F pour imposer le recourant en Suisse pour ces quinze jours. Ainsi, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu’un résident Suisse (Etat contractant) reçoit au titre d’un emploi salarié en France (autre Etat contractant) ne sont imposables qu’en France, à moins que l’emploi ne soit exercé en Suisse. Si l’emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables en Suisse. Ainsi, le salaire afférent à ses quinze jours de télétravail en Suisse est imposable en Suisse.

24.         Les recourants considèrent que le salaire total imposable en Suisse pour les quarante jours de travail hors de France, devait être calculé sur deux cent cinquante et un jour de travail et non sur deux cent six jours de travail comme l’avait retenu l’AFC-GE.

Le tableau récapitulatif du recourant différencie « of working days » qui comprend tous les jours de travail effectif et les jours de vacances, des « of worked days » qui comprend seulement les jours de travail effectif. Il s’agit de déterminer si c’est à juste titre que l’AFC-GE n’a pas tenu compte des jours de vacance du recourant dans le calcul du salaire imposable en Suisse.

Par salaires, traitements et autres rémunérations similaires de l’art. 15 MC OCDE, on vise en principes toutes les prestations (périodiques ou non) fournies en raison d’une activité salariée. Le texte du Modèle OCDE ne contient pas de définition de la notion de revenu d’emploi. Il en découle que les termes de « salaires, traitements et autres rémunérations similaires » seront interprétés à la lumière du droit interne (OBERSON, 5e éd., N 644, p. 233).

Le contrat de travail du recourant est régi par le droit français. Selon l’art. 121 al. 1 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP-RS 291), le contrat de travail est régi par le droit de l’Etat dans lequel le travailleur accomplit habituellement son travail. De plus, tel que cela ressort de la lecture du contrat de travail du recourant du 25 juillet 2017, à son article 8 concernant les congés payés, un renvoi au Code du travail français est effectué. L’art. L3141-1 du Code du travail français, stipule que tout « salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de son employeur », par quoi il faut comprendre que les vacances font partie intégrante du salaire. On peut notamment lire sur certaines fiches de salaire du recourant pour l’année 2019, une rubrique mentionnant « ABS CONGES PAYES ».

Donc, c’est à tort que l’AFC-GE n’a pas tenu compte des jours de vacances dans la détermination du salaire imposable en Suisse. Les congés payés font partie intégrante du salaire perçu par le recourant à la charge de son employeur français. Le salaire total imposable en Suisse pour les quarante jours de travail hors de France, devra être calculé sur deux cent cinquante et un jour de travail comme l’a retenu le recourant.

25.         Enfin, le recourant estime que l’AFC-GE devait tenir compte du salaire exonéré de la recourante pour opérer la répartition internationale des déductions (assurance-maladie, charge de famille et frais de garde), pour ainsi déterminer le montant de son salaire imposable en Suisse.

Comme exposé précédemment, le salaire de la recourante fonctionnaire à l’ONU, est exonéré de tout impôt en vertu de l’art. V, section 18 let. b Convention ONU. Ainsi, c’est à juste titre que l’AFC-GE n’a pas tenu compte du salaire exonéré de la recourante pour déterminer la clé de répartition des charges, celui-ci n’étant pas non plus pris en compte pour la détermination du taux.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement et la décision sur réclamation du 16 septembre 2021 confirmée.

26.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 100.- leur sera restitué.

27.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2021 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 16 septembre 2021 ;

2.             l’admet partiellement  ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 100.- ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Jean-Marie HAINAUT et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière