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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1336/2022

JTAPI/514/2022 du 17.05.2022 ( OCPM ) , IRRECEVABLE

ADMIS par ATA/999/2022

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);FÉRIES JUDICIAIRES;CALCUL DU DÉLAI
Normes : LEI.64.al3; LPA.63
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1336/2022

JTAPI/514/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 mai 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Par décision du 13 avril 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a imparti à Monsieur A______, ressortissant kosovar, un délai au 29 avril suivant pour quitter la Suisse, notamment au motif qu’il ne disposait d’aucun titre de séjour valable.

Il était indiqué que cette décision était exécutoire nonobstant recours, conformément à l’art. 64 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et qu’un recours pouvait être déposé dans les cinq jours ouvrables devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

2.             Par acte du 29 avril 2022, M. A______ a interjeté recours devant le tribunal à l’encontre de cette décision en concluant à l’annulation de la décision du 13 avril précédent, à ce qu’il soit autorisé à séjourner en Suisse jusqu’à droit connu sur sa requête d’autorisation de séjour et à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans cette cause, le tout sous suite de frais et dépens.

Conformément à la jurisprudence, son recours avait été déposé en temps utile, compte tenu de la suspension des délais de Pâques, prévue par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Dans ses observations sur effet suspensif du 9 mai 2022, l’OCPM a proposé la suspension de la procédure afin qu’il puisse examiner la demande d’autorisation de séjour en vue de mariage déposée par le recourant.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Le recours a été interjeté dans les formes prescrites et devant la juridiction compétente au sens des art. 60, 64 et 65 LPA. Sous cet angle, il doit être déclaré recevable. Reste à déterminer s’il a été déposé en temps utile.

3.             À teneur de l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre :

a.    d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu ;

b.    d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (art. 5) ;

c.    d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

L’art. 64 al. 3 LEI prévoit que la décision visée à l’al. 1, let. a et b, peut faire l’objet d’un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification. Le recours n’a pas d’effet suspensif. L’autorité de recours statue dans les dix jours sur la restitution de l’effet suspensif.

4.             L’art. 64 al. 1 let. a LEI a concerne les personnes qui séjournent illégalement en Suisse et sont ainsi obligées de par la loi de quitter le pays. Tel est notamment le cas de celles qui séjournent plus de trois mois en Suisse ou y exercent une activité lucrative, du moins tant qu’elles n’ont pas requis l’autorisation nécessaire. Dès qu’elles ont formellement déposé une demande d’autorisation, elles ne tombent plus sous le coup de la lettre a, mais de la lettre c. L’art. 64 al. 1 let. b LEI b s’applique aux personnes qui ne sont pas tenues à autorisation, mais dont les conditions d’entrée en Suisse selon l’art. 5 LEI ne sont pas ou plus remplies (notamment posséder une pièce de légitimation reconnue, si nécessaire munie d’un visa [non échu], disposer des moyens financiers nécessaires au séjour, ne représenter aucune menace pour la sécurité et l’ordre publics, ne faire l’objet d’aucune mesure d’éloignement [non suspendue] et, si un séjour temporaire est prévu, apporter la garantie qu’elles quitteront la Suisse), (Danièle REVEY, Code annoté de droit des migrations II, art. 64, § 8-9, p. 612-613)

La brièveté du délai de recours de l’art. 64 al. 3 LEI a pour but, en accélérant la procédure de renvoi, d’éloigner le plus rapidement de Suisse les étrangers qui y séjournent illégalement (Danièle REVEY, op. cit., § 17, p. 616).

5.             En droit cantonal, l’art. 62 al. 1 LPA dispose que le délai de recours est de :

a.    30 jours s’il s’agit d’une décision finale ou d’une décision en matière de compétence ;

b.    10 jours s’il s’agit d’une autre décision ;

c.    6 jours en matière de votations et d’élections ;

d.   30 jours s’il s’agit d’une loi constitutionnelle, d’une loi ou d’un règlement du Conseil d’État.

6.             L’art. 63 LPA règle la suspension des délais. Selon l’al. 1 de cette disposition légale, les délais en jours fixés par la loi ou par l’autorité ne courent pas :

a.    du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement ;

b.    du 15 juillet au 15 août inclusivement ;

c.    du 18 décembre au 2 janvier inclusivement.

L’art. 63 al. 2 LPA dispose que cette règle ne s’applique pas dans :

a.    les procédures en matière de votations et d’élections ;

b.    les procédures en matière de marchés publics ;

c.    les procédures de mises en détention, d’assignations territoriales, d’interdictions territoriales et de mises en rétention prévues par la LaLEtr ;

d.   les procédures en matière de violences domestiques ;

e.    les procédures soumises aux règles de la loi de procédure fiscale, du 4 octobre 2001.

7.             Il sied de déterminer si l’art. 63 al. 1 LPA s’applique dans le cas d’un recours contre une décision de renvoi fondée sur l’art. 64 al. 1 let. a et b LEI.

8.             En effet, si l’art. 63 al. 1 LPA s’applique, le présent recours a été déposé en temps utile. En effet, le délai de cinq jours ouvrables contre la décision du 13 avril 2022 n’aurait commencé à courir que le 25 avril suivant en raison des féries de Pâques et il serait parvenu à échéance le 29 avril, date à laquelle le recourant a saisi le tribunal. En revanche, si l’art. 63 al. 1 LPA ne s’applique pas, le recours aurait été formé tardivement, car dans ce cas, le dernier jour du délai tomberait le 20 avril.

9.             Dans un arrêt du 10 décembre 2019 (ATA/1789/2019), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a pris en compte la suspension des délais de fin d’année dans le calcul du délai de recours de cinq jours ouvrables selon l’art. 64 al. 3 LEI.

10.         Selon la jurisprudence zurichoise, en cas de renvoi conformément aux art. 64 al. 1 let. a et b LEI, les dispositions de droit cantonal sur la suspension des délais ne s’appliquent pas (arrêts du Tribunal administratif du canton de Zurich VB.2019.00854 du 1er avril 2020 consid. 1.3.1 ; VB.2011.00506 du 14 décembre 2011 consid. 1.4).

11.         Dans l’arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2017 du 3 octobre 2017 cité par M. A______, la recourante en cause, qui faisait l’objet d’un renvoi de Suisse prononcé par l’office des migrations de Zurich en application de l’art. 64 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (ci-après : LEtr, actuellement : LEI), avait vainement sollicité la restitution de l’effet suspensif auprès de la direction de la sécurité de ce canton. Son recours interjeté contre cette décision, auprès du Tribunal administratif avait été déclaré irrecevable pour cause de tardiveté. Le Tribunal administratif avait en effet considéré que le délai de recours contre une décision incidente était le même que celui déposé contre une décision au fond, soit cinq jours ouvrables, les dispositions sur la suspension des délais ne s’appliquant pas.

Le Tribunal fédéral a relevé que la décision de la direction de la sécurité ne mentionnait ni le délai de recours, ni n’indiquait que la suspension des délais ne s’appliquait pas, mais ne faisait qu’indiquer qu’un recours pouvait être déposé conformément aux dispositions de la loi zurichoise sur la procédure administrative (ci-après : LPA-ZH) et de la LEtr. Il a estimé qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur l’arrêt VB.2011.00506 susmentionné. Toutefois, il a retenu que l’indication succincte des voies de recours dans la décision incidente de la direction de la sécurité avec un simple renvoi à la LPA-ZH et à la LEtr n’était pas suffisante. Pour le mandataire de la recourante, il n’était reconnaissable, ni à partir de l’indication des voies de recours ni en consultant les dispositions de procédure pertinentes, que le délai de cinq jours s’applique pour recourir contre la décision incidente auprès du tribunal administratif et que ce délai n’était pas suspendu pendant les féries. La recourante ne devait pas subir de préjudice du fait de l’insuffisance d’indication des voies de recours. Et le Tribunal fédéral de conclure qu’elle pouvait s’attendre à ce que le délai de recours usuel de trente jours s’applique, conformément au principe de la confiance, qui devait être protégée conformément aux art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

12.         En matière fiscale, le Tribunal fédéral a retenu, dans un arrêt genevois, que l’art. 133 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) était exhaustif et qu'il n'y avait pas de place pour l'application des féries judiciaires de droit cantonal, que ce soit pour la procédure de réclamation ou pour celle de recours (arrêts 2C_948/2013 du 25 octobre 2013 consid. 2 ; 2C_331/2008 du 27 juin 2008 consid. 1).

13.         En l’occurrence, le recourant, se prévalant de l’arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2017 susmentionné, soutient que son recours a été déposé en temps utile.

Quoi qu’en pense l’intéressé, le Tribunal fédéral n’a pas jugé que les règles sur la suspension des délais s’appliquaient, en cas de recours interjeté contre une décision rendue en application de l’art. 64 al. 1 let. a et b LEI. En effet, il n’a au contraire pas invalidé la jurisprudence cantonale, selon laquelle aucune suspension des délais ne s’appliquait dans un tel type de renvois. Toutefois, compte tenu de l’indication insuffisante des voies de recours figurant dans la décision de la direction de la sécurité, dont la recourante ne devait pas pâtir, il a jugé qu’elle pouvait s’attendre à ce qu’un délai ordinaire de trente jours s’applique, conformément au principe de la bonne foi, constitutionnellement protégé.

Dans son ATA/1789/2019 précité, la chambre administrative n’explique pas pour quelle raison elle considère que les dispositions sur la suspension des délais s’appliquent en cas de recours dans le cadre de l’art. 64 al. 3 LEI.

La jurisprudence zurichoise citée ci-dessus prévoit une solution contraire, que le Tribunal fédéral n’a pas invalidée.

Contrairement à la décision de la direction de la sécurité zurichoise, la décision de l’OCPM du 13 avril 2022, attaquée devant le tribunal de céans, mentionne expressément le délai de recours pertinent, qui est de cinq jours ouvrables et elle cite par ailleurs l’art. 64 al. 3 LEI. En revanche, elle n’opère aucun renvoi au droit cantonal de procédure, dont le recourant pourrait, de bonne fois, inférer que les dispositions de l’art. 63 al. 1 LPA sur la suspension des délais trouvent application.

Si en cas de renvoi prononcé en application de l’art. 64 al. 1 let. a ou b LEI, le délai de recours pouvait être suspendu, il pourrait alors être porté de cinq jours ouvrables à quelque trente-cinq jours, puisque les délais sont suspendus durant trente jours, du 15 juillet au 15 août. Dans ce cas, l’art. 64 al. 3 LEI serait détourné de son but, lequel consiste à instaurer une procédure rapide pour éloigner les étrangers qui séjournent illégalement en Suisse.

Enfin, étant donné que l’art. 64 al. 3 LEI règle exhaustivement la question du délai de recours, comme en droit de l’impôt fédéral direct, il n’y a plus de place pour une suspension des délais prévue par les dispositions de droit cantonal de procédure. L’art. 63 LPA ne s’applique dès lors pas en l’espèce.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté.

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 350.-.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

16.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 29 avril 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 13 avril 2022 ;

2.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 350.- ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière